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Le Code criminel

Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Débat

17 juin 2021


L’honorable Peter Harder [ - ]

Honorables sénateurs, dans cinq courtes années, les adeptes de soccer de partout dans le monde viendront au Canada et projetteront les espoirs de leur pays sur un événement sportif que seuls les Jeux olympiques dépassent en popularité. La Coupe du monde de soccer de la FIFA, dont le Canada sera l’hôte conjointement avec les États-Unis et le Mexique en 2026, sera un événement phare pour notre pays comme il l’a été pour d’autres pays hôtes. Il a aussi généré des retombées économiques à hauteur de milliards de dollars pour les pays hôtes précédents. Comme nous le savons tous, l’argent peut aussi attirer des acteurs sans scrupules qui exploitent les événements en trichant et, dans le cas des sports, en truquant les matches. Ce serait vraiment dommage si une telle chose venait entacher la Coupe du monde ici, au Canada. Cependant, selon des experts, c’est une possibilité que nous devons nous efforcer d’éviter.

Cela est pertinent au projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui, lequel permettrait aux Canadiens de parier sur des épreuves sportives uniques. D’entrée de jeu, je veux dire que j’appuie l’intention du projet de loi. Je crois que, dans un certain sens, il est inévitable, car l’argent joué par les Canadiens va et ira ailleurs, là où on est plus avancé que nous en matière de paris sur les épreuves sportives.

C’est aussi une mesure qui, une fois mise en œuvre, aiderait probablement de nombreux organismes sportifs partout au pays, qui en ont bien besoin. J’ai cependant des préoccupations, la principale étant la possibilité de trucage des matchs. Dans un livre blanc produit en octobre 2019 par un symposium national sur le sujet, les auteurs préviennent que les changements rapides de technologie et la popularité croissante des plateformes de jeux en ligne posent un risque accru de trucage des matchs au Canada. En outre, les tentatives de corruption d’athlètes augmentent. Ce livre blanc dit : « Cette menace peut potentiellement porter gravement atteinte à l’intégrité des sports les plus populaires au Canada ». Le hockey, la Ligue canadienne de football, ainsi que de nombreux autres sports ont été identifiés comme comportant des risques.

Ce livre blanc poursuit ainsi :

[...] comme le Canada organise la Coupe du monde de la FIFA 2019 avec les États-Unis et le Mexique, il incombe au gouvernement de s’attaquer à ce problème afin d’éviter des dommages à la réputation [...]

L’ampleur de ces dommages pourrait égaler celle de la saga Ben Johnson. De plus :

Alors que le Canada est maintenant considéré comme un chef de file de la lutte contre le dopage [...] il est essentiel d’adopter une position proactive sur la question de la manipulation de matchs.

Vous vous souviendrez peut-être que Ben Johnson est ce sprinter canadien qui s’est fait prendre pour avoir utilisé des substances interdites durant les Jeux olympiques de Séoul en 1988. Il nous a fallu du temps pour nous remettre de ce choc porté à notre réputation de franc-jeu. Comme je l’ai dit, je crois à l’intention de ce projet de loi, mais j’émettrais deux mises en garde.

Premièrement, le projet de loi devrait exiger que des ententes soient conclues entre les sociétés provinciales des jeux de hasard et les diverses organisations sportives pour autoriser l’organisation de paris sur les matchs des organisations.

Deuxièmement, nous devrons tôt ou tard régler le problème du trucage des matchs dont j’ai parlé plus tôt. Les matchs truqués des ligues majeures font souvent les manchettes, mais dans bien des cas, la pratique est plus grave et plus risquée lorsqu’elle touche les ligues mineures et les gens qui sont moins bien payés.

Par exemple, nous avons tous lu des reportages sur des athlètes de niveau collégial, plus particulièrement aux États-Unis, qui sont démunis, qui ne sont pas rémunérés pour leur participation à des compétitions sportives et qui finissent par accepter un pot-de-vin pour fournir des renseignements sur la stratégie de l’équipe ou pour saboter un match. Cette pratique ne touche pas que nos voisins. Cela se passe aussi chez nous.

Par exemple, en 2015, un reportage publié dans un journal britannique a révélé que l’ensemble des 12 équipes d’une ligue de soccer canadienne avaient été impliquées dans une forme de trucage de matchs à au moins trois occasions. Selon un autre reportage de CBC publié en 2012, un joueur de la même ligue a accepté un pot-de-vin pour truquer un match en 2009.

Ce type de conduite provoque un sentiment de trahison chez les partisans. Si on légalise les paris sur une seule épreuve sportive sans corriger le problème de la manipulation des matchs, cela pourrait aussi dissuader les personnes de déposer des paris. À quoi cela sert-il si on ne peut pas avoir la certitude que les dés ne sont pas pipés?

Contrairement aux États-Unis, le Canada autorise uniquement les paris progressifs, qui exigent que les gens parient correctement sur au moins deux épreuves pour gagner quelque chose. Comme leur nom le dit, dans les paris sur une épreuve, le joueur doit seulement parier sur une épreuve, ce qui signifie que les gens qui truquent les matchs n’ont qu’à manipuler les résultats d’une épreuve ou d’une partie d’une épreuve.

Les experts de l’intégrité du sport proposent de nombreuses solutions pour éviter de tels abus, y compris la mise sur pied d’une commission fédérale, une sensibilisation accrue des athlètes, des entraîneurs, des officiels et des organisations sportives, et la création d’une unité indépendante de l’intégrité du sport au Canada.

Une autre recommandation faite au symposium, dont on a parlé plus tôt, est que le Canada devienne un signataire de la Convention sur la manipulation de compétitions sportives du Conseil de l’Europe. Je crois que c’est une recommandation à laquelle nous devrions donner suite.

L’objectif du traité multilatéral est simple. Il vise à prévenir, à repérer et à punir la manipulation de matchs. C’est un outil et un guide essentiel qui fournit une structure qui permet aux signataires de mieux harmoniser leurs efforts et coordonner leurs actions dans la lutte contre la manipulation de matchs. Ces actions comprennent la coordination des activités et des projets internationaux, la prestation d’aide et de conseils aux autorités publiques et la tenue de débats thématiques sur les gouvernements, les responsables des jeux et des loteries, les organismes chargés de l’application de la loi et les organisations sportives, entre autres. Le traité a été signé ou ratifié par 37 pays, mais pas par le Canada.

Compte tenu du besoin de protéger l’intégrité du Canada, en tant que nation sportive, et les citoyens qui prendront part à cette nouvelle activité, je suis tout à fait d’accord avec l’observation formulée par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, à savoir qu’il faut encourager le gouvernement à signer la Convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation de compétitions sportives. Je remercie les sénateurs Klyne et Cotter d’avoir veillé à ce que de telles observations figurent clairement dans le rapport du comité dont le Sénat est saisi. Je prends la parole ce soir pour souligner cette observation dans l’espoir que le gouvernement y donnera suite une fois que le projet de loi aura reçu la sanction royale.

Merci.

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-218, Loi sur le pari sportif sécuritaire et réglementé. C’est un sujet qui me préoccupe depuis qu’un projet de loi similaire a été présenté en 2011. Il y a un mouvement dans cette direction depuis, et même si je sais qu’il y a des défis à relever, je vais vous dire aujourd’hui pourquoi j’appuie le projet de loi.

J’ai suivi de près le projet de loi en comité, j’ai pris note des observations et j’ai entendu un certain nombre d’athlètes, d’organisations sportives et de parties prenantes sur lesquels le projet de loi aurait des répercussions.

Nous avons entendu beaucoup de données aujourd’hui; il s’agit d’une industrie de 14 milliards de dollars au Canada qui n’est ni réglementée ni supervisée par des organisateurs de paris à l’étranger et des gangs criminels. Il n’y a aucune mesure de protection pour le consommateur, aucun soutien pour ceux qui ont une dépendance au jeu et, bien sûr, aucun avantage pour l’économie canadienne.

Un ancien ami et collègue, Paul Melia, a comparu devant le Comité de la justice de l’autre endroit dans le cadre de l’étude du projet de loi. Il est président et directeur général du Centre canadien pour l’éthique dans le sport. Voici ce qu’il avait à dire au sujet du projet de loi :

À mon avis, le projet de loi offre une occasion d’offrir plus de services et de soutien à ceux qui risquent de devenir dépendants au jeu que dans le système actuel, où nous avons un marché non réglementé et où cette situation se présente. Nous ne sommes pas vraiment conscients de l’ampleur de la situation, des personnes qui peuvent être dépendantes et qui peuvent subir des préjudices, alors je pense qu’il y a là une occasion de fournir les services pertinents.

Chers collègues, nous devons aussi reconnaître les changements qu’imposent à l’industrie les téléphones intelligents et l’accès à Internet, qui ne cesse de croître. En 2011, lorsqu’un projet de loi semblable a été présenté, je n’aurais pas pu m’imaginer l’appuyer et, pourtant, 10 ans plus tard, quiconque a accès à un téléphone intelligent et à un réseau cellulaire peut parier sur des événements sportifs de n’importe où, et c’est exactement ce qui se passe.

Tandis que j’étudiais le projet de loi, j’ai pensé au travail que nous avons accompli sur le projet de loi au sujet du cannabis. Le fait est que les gens participent à ce marché, qu’on le veuille ou non. Rien n’allait les arrêter, peu importe le niveau de criminalisation. Nous l’avons donc amené sur la place publique. Des entreprises ont été créées, des innovations ont été mises sur le marché. Fait encore plus important, nous pouvons parler honnêtement de ses méfaits et nous y attaquer ouvertement.

Je ne prends pas à la légère les questions de santé mentale et de toxicomanie. C’est un enjeu de taille que nous devons examiner pour y réagir. Honorables sénateurs, quand il s’agit de ces questions, je crois que c’est le sénateur Plett qui nous disait aujourd’hui que le soleil est le meilleur désinfectant, et qu’en y exposant l’industrie du jeu, on peut ainsi lutter contre les effets néfastes qui y sont associés.

Durant le débat sur ce projet de loi, on m’a aussi rappelé la compétence légale et les structures parallèles qui gouvernent les Canadiens. J’ai écouté des points de vue autochtones, avec leurs préoccupations et leurs souhaits. Grâce à ces discussions, je comprends maintenant beaucoup mieux le rôle important que les provinces et les territoires joueront une fois que cette mesure législative sera adoptée. J’espère que les provinces et les territoires travailleront avec les Premières Nations pour faire en sorte de la mettre en application de façon sûre et équitable.

Le trucage des matchs, parfois appelé la manipulation des compétitions, suscite des préoccupations quant à l’intégrité du sport. Durant les 20 dernières années, j’ai observé directement l’action et l’intention de la manipulation des matchs, ainsi que les paris dans le sport amateur. Or, il arrive que des jeunes soient ciblés, peut-être à leur insu, pour participer à certains aspects de ce phénomène dans le monde entier.

Je n’oublierai jamais la honte, le choc et l’embarras causés par le truquage d’un match dans mon sport lors des Jeux olympiques de 2012. Alors que le monde regardait les jeux en direct à la télévision et en ligne, quatre équipes féminines de jeu en double, soit huit athlètes, ont été disqualifiées des Jeux olympiques de Londres après avoir perdu délibérément un match pour obtenir un avantage dans la future ronde des médailles. Ce fut un très mauvais moment, quoique rare, mais pas si rare, des Jeux olympiques.

Les pays ont différentes lois, ce qui peut donner des conséquences terribles. En passant, les paris existent depuis les très anciens Jeux olympiques en Grèce. Au fil des ans, j’ai élaboré un programme de sensibilisation, qui souligne les règlements portant sur les restrictions entourant les paris et la manipulation des matchs. Informer les athlètes pour qu’ils comprennent la corruption et les infractions de corruption demeure essentiel. Dans le cadre de ce travail, nous avons défini quatre domaines de corruption : premièrement, les meilleurs efforts; deuxièmement, les paris, un terme générique pour la sollicitation, la facilitation et l’offre; troisièmement, l’information privilégiée; et quatrièmement, le signalement.

Le Comité international olympique dispose maintenant de l’Unité du mouvement olympique, qui se consacre à la prévention de la manipulation des compétitions. Peu avant la pandémie, j’ai organisé un championnat mondial à Markham, en Ontario. Des athlètes de 60 pays ont dû participer à un programme sur l’intégrité avant de mettre le pied sur le terrain de jeu. Ils devaient comprendre les problèmes liés au dopage et à la manipulation des matchs avant de commencer la compétition.

Je vous en parle aujourd’hui parce que les paris sur une seule épreuve sportive, ainsi que la manipulation des matchs et des compétitions, ont des ramifications multiples auxquelles il faut d’abord s’attaquer à l’aide des lois et de la réglementation appropriées. Je veux aussi montrer que ce n’est pas juste le milieu sportif professionnel qui désire l’adoption de ce projet de loi, mais également le milieu sportif amateur. C’est dans l’intérêt de tous nos athlètes, même ceux qui sont parfois oubliés.

Chers collègues, j’examine le projet de loi du point de vue des athlètes, des spectateurs, des éducateurs et des bâtisseurs. J’ai pu observer personnellement des paris démesurés et des trucages de matchs à grande échelle qui ont nui aux Canadiens, lors de compétitions à l’autre bout du monde.

Les ligues sportives canadiennes ont été décimées par la pandémie, comme tous les pans de notre société. Les athlètes reprendront du service, mais ils auront besoin de spectateurs et d’attention s’ils osent espérer s’approcher du niveau où ils étaient avant la pandémie. Je crois que le projet de loi les aidera.

En ce qui concerne les parieurs, en retirant une ligne du Code criminel, nous pouvons donner aux provinces et aux territoires le coup de pouce dont ils ont tant besoin pour aller de l’avant et aider bon nombre de personnes auxquelles l’industrie du jeu illicite, qui est extrêmement active, cause beaucoup de torts. Nous accusons un retard par rapport aux autres pays, et il est temps de le rattraper et, même, de prendre une longue d’avance.

Merci. Meegwetch.

Son Honneur le Président [ - ]

La sénatrice McCallum a la parole.

Sénatrice, avant que vous commenciez votre intervention, je dois m’excuser à l’avance parce que je devrai vous interrompre à 21 heures.

L’honorable Mary Jane McCallum [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-218 pour faire part de préoccupations légitimes soulevées par les Mohawks de Kahnawake. Je présenterai notamment un amendement en leur nom, que j’expliquerai dans un instant.

Au cours des 25 dernières années, Kahnawake a bâti une industrie du jeu fructueuse sur son territoire. Les recettes engendrées ont servi à soutenir les services essentiels dans la communauté, dont des organisations ayant pour mandat de soutenir la langue et la culture de Kahnawake.

Les profits issus de Mohawk Online, un service de paris en ligne entièrement détenu par le Conseil mohawk de Kahnawà:ke, ont servi à soutenir Kahnawake pendant la pandémie de COVID-19. Jusqu’à maintenant, Mohawk Online a versé 4 millions de dollars au fonds d’aide économique de Kahnawake.

Les paris ont créé des opportunités à Kahnawake — pas seulement pour les gens de la communauté, mais aussi pour ceux des collectivités environnantes.

L’industrie du jeu à Kahnawake est encadrée par un régime réglementaire robuste qui a été établi par la Kahnawake Gaming Commission et qui est imité partout dans le monde.

Lors d’une réunion tenue en juillet 2020 avec le regretté grand chef Joe Norton, le ministre Lametti a félicité Kahnawake d’avoir créé une « architecture de jeu légitime qui fait de Kahnawà:ke un chef de file mondial [et qui] vaut la peine d’être soutenu[e] ».

Kahnawake a pu faire cela grâce aux compétences qui lui sont accordées, à ses ressources et à son ingéniosité. C’est un exemple parfait de ce que la gouverneure générale avait appelé le « génie autochtone ».

L’industrie du jeu de Kahnawake est un brillant exemple d’une collectivité autochtone qui déploie ses propres efforts pour assurer sa viabilité économique. C’est une chose que le gouvernement du Canada doit encourager et soutenir.

Honorables sénateurs, les Mohawks participent au jeu et aux paris sportifs depuis des temps immémoriaux. Les jeux de hasard et les paris sur des épreuves sportives, telles que la crosse, font partie intégrante de la culture mohawk. Le jeu figure dans les histoires mohawks de la Création et a toujours constitué un élément essentiel de la culture mohawk ainsi que des relations entre les Mohawks et les autres nations.

Depuis 25 ans, les Mohawks de Kahnawake revendiquent le « droit autochtone » — un droit ancestral inhérent conciliable avec le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 — de mener, de faciliter et de réglementer le jeu et des activités liées au jeu au sein du territoire mohawk de Kahnawake et à partir de celui-ci.

Kahnawake a compilé des preuves historiques et des avis juridiques qui appuient pleinement la revendication de ce droit ancestral. En 25 ans, sa position n’a jamais été contestée par un organisme gouvernemental ou par les autorités.

Les modifications au Code criminel actuellement proposées dans le projet de loi C-218 ne reflètent pas le droit des Mohawks de Kahnawake et menace la pérennité de la résilience économique de leur collectivité.

Le projet de loi C-218 modifierait le paragraphe 207(4) afin de supprimer l’interdiction des paris sur une épreuve sportive simple pour les provinces, mais sans reconnaître les gouvernements autochtones qui exploitent le jeu légitime, réglementé et bien établi visant les épreuves sportives, en particulier les gouvernements autochtones qui le font sur le fondement d’un droit ancestral.

Kahnawake ne s’oppose pas à ce que le code soit modifié pour permettre cette nouvelle activité de jeu, mais s’insurge contre l’incapacité du Parlement de modifier le code de façon à tenir compte du droit ancestral détenu par les communautés autochtones.

Kahnawake a tenté de travailler avec la Chambre et le Sénat sur le projet de loi C-218. Les chefs du Conseil des Mohawks de Kahnawake ont donné une présentation au comité permanent de la Chambre et au comité permanent du Sénat et ont proposé un libellé précis pour des amendements supplémentaires. Le comité permanent de la Chambre a ignoré les amendements qu’ils ont proposés, bien que le comité ait accepté d’ajouter un amendement proposé par l’industrie des courses de chevaux. Il est facile de comprendre comment Kahnawake a pu conclure que le comité permanent de la Chambre juge que les chevaux sont plus importants que les peuples autochtones.

Les chefs Gina Deer et Ross Montour ont également présenté au comité sénatorial permanent les amendements proposés par Kahnawake. Leur demande d’amendements au projet de loi C-218 a de nouveau été ignorée.

L’amendement proposé, que je présente maintenant en leur nom, remédiera à l’injustice que le gouvernement du Canada a créée en 1985 lorsqu’il a vendu aux provinces le pouvoir de « mettre sur pied et exploiter » des jeux de hasard sans consulter les peuples autochtones ou tenir compte de leurs intérêts. L’amendement proposé permettrait à Kahnawake et aux autres communautés autochtones de négocier leurs propres ententes directement avec le Canada.

Les ententes actuelles entre les Premières Nations et plusieurs provinces ont été conclues en vertu des dispositions des alinéas 207(1)a) et b) du Code criminel. Ces dispositions demeureraient en place. Les amendements proposés donnent simplement aux communautés autochtones — qui, historiquement, ont été ignorées par l’industrie et exclues de celle-ci à l’échelon provincial — un autre moyen pour négocier une entente relative au jeu ou aux paris.

Les amendements proposés par Kahnawake sont un exemple parfait de réconciliation et d’accommodement. C’est pour le moins paradoxal que ce soit une Première Nation et non le gouvernement du Canada qui ait ébauché ce geste de réconciliation et d’accommodement.

Honorables sénateurs, les tenants du projet de loi C-218 dans sa forme actuelle disent souvent qu’il ne fait qu’« uniformiser les règles du jeu » en donnant aux loteries provinciales accès au marché des paris sur une seule épreuve sportive. Ils laissent entendre que Kahnawake s’oppose au projet de loi parce qu’il veut préserver son « monopole » sur ce marché.

Ces allusions sont fausses. Le projet de loi C-218 changera certainement les règles du jeu, mais il ne les uniformisera pas. Pourquoi?

Les provinces et leurs organismes restreignent toute interprétation juridique des activités de Kahnawake au Code criminel. Ils utilisent le fait que les droits de Kahnawake n’ont jamais été reconnus officiellement pour remettre en cause la légitimité de ses entreprises.

À Kahnawake, on peut citer plusieurs situations survenues dans les 25 dernières années où des sociétés provinciales des jeux de hasard ont délibérément nui à la capacité de la communauté de Kahnawake d’établir des relations commerciales. Si les pouvoirs de la communauté ne sont pas officiellement reconnus dans une loi fédérale, les provinces continueront d’empêcher la communauté de Kahnawake d’accéder à des marchés et à des consommateurs, ce qui va nuire à l’industrie de Kahnawake et la marginaliser.

En résumé, s’il n’y a pas de mesure d’accommodement dans le projet de loi C-218, les règles du jeu ne seront pas équitables. Les sociétés provinciales des jeux de hasard auront le champ libre et pourront exclure la communauté de Kahnawake.

Honorables collègues, certains ont dit que la communauté de Kahnawake n’a qu’à continuer de faire ce qu’elle fait depuis 25 ans. C’est une proposition cynique et malhonnête, car la communauté de Kahnawake a dû composer avec les menaces de ceux qui soutiennent qu’elle n’a pas compétence en matière de jeux de hasard et que ses activités dans ce domaine sont « illégales ».

En quoi est-il logique de dire que la communauté de Kahnawake devrait simplement poursuivre ses activités pendant qu’elle doit faire face à des préjugés aussi cruels et sans fondement? Cette communauté a soumis à la Chambre et au Sénat une proposition qui combattrait les préjugés et permettrait de répondre aux besoins de la communauté dans le cadre d’une entente ou d’un arrangement avec le Canada. N’est-ce pas ce que nous voudrions voir?

Dans les 25 dernières années, la communauté de Kahnawake a bâti une industrie du jeu qui a contribué à sa prospérité socio-économique, et ce, même si elle a dû composer avec la menace qui découle du flou juridique. Imaginez ce qui arriverait si on pouvait éliminer la menace qui pèse sur cette communauté et sur bien d’autres communautés autochtones du pays.

Honorables sénateurs, certains d’entre vous ont dit que le Canada n’a aucun rôle à jouer à l’égard des jeux de hasard, que cela relève des provinces, et que ce n’est donc pas du ressort du gouvernement fédéral. C’est faux.

La Cour suprême du Canada a établi que les jeux de hasard sont couverts par la théorie du double aspect. Par conséquent, ils peuvent être couverts à la fois par des lois fédérales et des lois provinciales. Le Parlement du Canada peut adopter des mesures législatives à l’égard des aspects des jeux de hasard qui relèvent du droit pénal, tandis que les assemblées législatives provinciales peuvent réglementer les aspects qui ont trait aux droits de propriété et aux droits civils.

En fait, jusqu’au moment où il a vendu aux provinces le pouvoir de « mettre sur pied et encadrer » des jeux...

Son Honneur le Président [ - ]

Pardonnez-moi, sénatrice McCallum, je dois vous interrompre.

L’honorable Yuen Pau Woo [ - ]

J’aimerais demander au Sénat de donner à la sénatrice McCallum la permission de finir son discours.

Son Honneur le Président [ - ]

Le sénateur Woo demande que le Sénat permette à la sénatrice McCallum de finir son discours. Que tous ceux qui s’opposent à cette suggestion veuillent bien dire non. Permission accordée.

La sénatrice McCallum [ - ]

Le Canada se montre cynique et hypocrite lorsqu’il dit que, comme nous avons vendu aux provinces le pouvoir relatif aux jeux en 1985, nous ne pouvons rien faire maintenant.

En tant que sénateurs, nous devons reconnaître les erreurs passées et faire notre possible pour les corriger. Comment pouvons-nous envisager d’approuver un projet de loi qui détruira l’économie de l’une des principales Premières Nations du pays alors qu’une solution très simple nous est offerte? Nous avons la possibilité d’inclure dans la loi les communautés autochtones comme celle de Kahnawà:ke. Rejeter l’amendement proposé, ce serait choisir de les écarter et de les forcer à rester dans un flou juridique.

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