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Projet de loi sur l’instrument multilatéral relatif aux conventions

Deuxième lecture--Ajournement du débat

9 mai 2019


L’honorable Mary Coyle [ + ]

Propose que le projet de loi C-82, Loi mettant en œuvre une convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, soit lu pour la deuxième fois.

—Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous présenter le projet de loi C-82, Loi mettant en œuvre une convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, également appelé l’instrument multilatéral.

Un historien de l’Université Harvard, Albert Bushnell Hart, a dit ceci :

Les impôts sont le prix que paient les communautés civilisées pour avoir la possibilité de rester civilisées.

Avant d’entrer dans le vif du sujet à l’égard de cet important projet de loi, je tiens d’abord à avouer que je ne suis ni avocate fiscaliste ni comptable fiscaliste. Cependant, comme tous les sénateurs, j’ai payé des impôts à trois ordres de gouvernement pendant la majeure partie de ma vie.

Je suis d’accord avec M. Bushnell Hart que les impôts sont nécessaires pour notre civilisation, car c’est grâce à eux que nous construisons et entretenons les infrastructures essentielles, que nous assurons la santé, le bien-être, la sécurité et la scolarisation de notre population, que nous appuyons les arts et la culture, que nous protégeons l’environnement, que nous établissons des communautés fortes, que nous favorisons l’économie et que nous nouons de bonnes relations avec nos voisins à l’étranger.

Effectivement, les imôts sont essentiels. Je suis certaine que tous les sénateurs et tous les Canadiens veulent qu’ils soient aussi équitables.

Un pays dispose de divers moyens essentiels pour augmenter ses recettes fiscales et mieux servir sa population. Il peut augmenter les impôts. Il peut prendre des mesures pour renforcer l’économie et, ainsi, élargir son assiette fiscale. Il peut enfin annuler certaines échappatoires fiscales pour récupérer les recettes qui lui sont dues.

Le projet de loi C-82 permet au Canada de mettre en œuvre un instrument important pour annuler certaines échappatoires fiscales. L’équité fiscale est une priorité absolue pour les Canadiens. Elle est cruciale pour bâtir une économie et une société qui fonctionnent pour tous.

L’équité fiscale est fondamentale à notre démocratie.

Le projet de loi C-82 représente un grand progrès dans la lutte contre les stratagèmes d’évitement fiscal abusifs. Garantir l’équité fiscale est un processus complexe qui suppose l’engagement permanent d’une large gamme de partenaires, au Canada et à l’étranger.

Le projet de loi C-82 s’appuie sur les partenariats internationaux en mettant en œuvre une convention fiscale multilatérale qui permettra au Canada, ainsi qu’à nombre de ses partenaires internationaux qui adhèrent au traité, de mettre en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour lutter contre les stratégies d’évitement fiscal.

Êtes-vous captivés? Ces stratégies d’évitement fiscal permettent à des entreprises et à de riches particuliers d’exploiter les lacunes et les incohérences dans la réglementation en transférant abusivement des bénéfices dans des pays à taux d’imposition faible ou inexistant. Voilà pourquoi le titre du projet de loi comprend la mention « prévenir [...] le transfert de bénéfices ».

Ces stratégies de transfert des bénéfices peuvent réduire la base d’imposition de pays comme le Canada tout en permettant à des entreprises et à de riches particuliers d’éviter de payer intégralement leur juste part des impôts — d’où, encore une fois, la mention « prévenir l’érosion de la base d’imposition » dans le titre du projet de loi.

Toby Sanger, qui fait partie du groupe de surveillance Canadiens pour une fiscalité équitable, affirme :

En transférant des fonds dans des pays à faible taux d’imposition, les sociétés et les investisseurs fortunés continuent de profiter de tous les avantages de la vie au Canada, sans contribuer pleinement aux services et programmes qu’ils utilisent.

Bien que certaines de ces tactiques d’évitement fiscal soient illégales, plusieurs sont encore légales en raison de la formulation des traités. En cette ère où le capital et les entreprises s’internationalisent et leurs interrelations se multiplient, aucun pays ne peut, à lui seul, régler la question de l’évitement fiscal.

Exprimant une idée qui fait de plus en plus consensus, Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international, a dit récemment que « l’architecture actuelle de la fiscalité internationale des entreprises est fondamentalement dépassée ».

On estime que le genre de transfert de bénéfices que le projet de loi C-82 vise à éviter coûte aux États de 100 à 240 milliards de dollars américains par année, ce qui représente de 4 à 10 p. 100 des recettes provenant de l’impôt sur le revenu des sociétés, à l’échelle mondiale. Il s’agit donc de sommes considérables.

Autre fait préoccupant, le système actuel permet à certaines entreprises de profiter d’échappatoires et d’obtenir, du même coup, un avantage concurrentiel sur d’autres entreprises.

Une véritable réforme requiert de la coopération à l’échelle internationale. C’est particulièrement vrai pour le Canada, qui maintient l’un des plus grands réseaux de conventions fiscales.

À l’heure actuelle, le Canada est signataire de 93 conventions fiscales internationales en vigueur et il continue de travailler sur des ententes semblables avec d’autres pays.

En 2013, le G20, dont le Canada fait partie, a commencé à collaborer avec l’Organisation de coopération et développement économiques — l’OCDE — pour répondre à ces graves inquiétudes concernant l’évitement fiscal et pour chercher des solutions qui pourraient être mises en œuvre partout dans le monde.

En conséquence, l’OCDE a élaboré des mesures que les pays peuvent intégrer à leurs conventions fiscales afin de répondre à leurs préoccupations. Honorables sénateurs, le défi, c’est que, comme il existe de nombreuses conventions fiscales, il faudrait énormément de temps pour renégocier chacune d’entre elles séparément.

Une nouvelle approche a été mise au point pour que ces changements puissent être adoptés plus rapidement et de manière plus efficiente. Êtes-vous prêts à apprendre en quoi consiste cette nouvelle approche? Il s’agit de l’instrument multilatéral, qui se situe au cœur même du projet de loi C-82.

Le projet de prévention de l’érosion de la base d’imposition et du transfert de bénéfices mené par l’OCDE et le G20 a donné lieu à 15 plans d’action. Ces plans d’action constituent la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, que l’on appelle aussi tout simplement l’instrument multilatéral. Son titre est long, mais la convention est très importante. Il s’agit d’un projet de loi très important.

L’instrument multilatéral découle de cette initiative internationale à laquelle ont participé plus de 100 pays et administrations, dont le Canada. Il s’agit de la toute première convention multilatérale du genre.

La convention multilatérale a été signée par le Canada à Paris, le 7 juin 2017. Son objectif est de permettre aux administrations participantes d’adopter les mesures de l’OCDE et du G20 qui visent à lutter contre les stratégies d’évitement fiscal sans avoir à renégocier de manière bilatérale chacune des conventions fiscales séparément.

Les pays sont ainsi en mesure de collaborer plus efficacement et plus rapidement dans la lutte contre l’évitement fiscal international agressif.

De plus, l’application de l’instrument multilatéral démontrerait la volonté du Canada à collaborer avec les partenaires signataires de la convention et à prendre des mesures coordonnées pour combattre l’évasion fiscale à l’international.

Par ailleurs, l’instrument multilatéral apporterait une certitude aux contribuables — et on sait que c’est important. Il comprendrait des mesures visant à améliorer le règlement des différends dans le cadre de conventions fiscales.

L’adoption d’un nouveau préambule dans chaque traité permet de prévenir l’utilisation abusive des conventions fiscales. Selon ce préambule :

L’intention des conventions n’est pas de créer des possibilités de non-imposition ou d’imposition réduite via des pratiques d’évasion ou de fraude fiscale/évitement fiscal, résultant notamment de la mise en place de stratégies de chalandage fiscal.

Les stratégies de chalandage fiscal sont très courantes.

Le projet de loi C-82 a été présenté à l’autre endroit le 20 juin 2018. L’instrument multilatéral compte actuellement 87 signataires, ce qui permettra de modifier quelque 1 400 conventions fiscales dans le monde. Cet instrument est entrée en vigueur le 1er juillet 2018, et depuis, 25 pays s’y conforment.

Honorables sénateurs, l’instrument multilatéral est un outil important pour lutter contre l’évitement fiscal international agressif. Cet outil profitera au Canada et à ses partenaires internationaux. Voilà pourquoi j’appuie le projet de loi C-82.

Le projet de loi C-82 répond au besoin de mesures de protection supplémentaires visant le régime fiscal actuel. Les mesures importantes proposées dans le projet de loi visent à lutter contre l’évitement fiscal international. Elles ne régleront pas tous les problèmes du régime fiscal qui causent l’érosion de l’assiette fiscale, mais elles constituent un pas en avant essentiel.

Le projet de loi C-82 s’ajoute à d’autres efforts du gouvernement pour que le régime fiscal du Canada soit équitable pour tous.

Je vais rappeler les principaux éléments de ces autres efforts afin de mettre tout cela en contexte.

À la fin de l’exercice 2017-2018, l’Agence du revenu du Canada avait 50 enquêtes en cours concernant des transferts de fonds vers des pays où l’imposition est faible, voire inexistante. Le gouvernement cible également ceux qui font la promotion de stratagèmes d’évitement fiscal et, à ce jour, il a imposé 44 millions de dollars en sanctions à ces personnes.

Grâce aux nouvelles données disponibles et aux investissements ciblés du gouvernement, l’Agence du revenu du Canada dispose maintenant de meilleurs outils et de meilleures approches qui mèneront à une plus grande intégrité et à plus d’équité au sein du régime fiscal canadien.

Ces outils aident l’ARC à recueillir d’importants renseignements et permettent à ses agents de travailler de façon plus efficace et intelligente pour s’assurer que tous les Canadiens apportent leur juste contribution.

Le budget de 2019 est allé encore plus loin avec l’ajout d’un investissement de 150,8 millions de dollars sur cinq ans visant à permettre à l’agence de financer de nouvelles initiatives et de prolonger les programmes actuels.

Il est notamment question d’embaucher davantage de vérificateurs et d’accroître l’expertise technique pour cibler la délinquance associée aux transactions en cryptomonnaies et à l’économie numérique, de mettre sur pied une nouvelle équipe d’examen de la qualité des données, qui sera chargée de veiller à la retenue, au versement et à la déclaration appropriée des revenus gagnés par des non-résidants et d’élargir les programmes de lutte contre la non-conformité à l’étranger.

En retour, on s’attend à ce que ces initiatives sur la conformité permettent de récupérer près de 370 millions de dollars sur cinq ans. Cela s’ajoute aux gains réalisés par les provinces et les territoires grâce à ces mesures.

Honorables collègues, en conclusion, comme je l’ai noté, le Canada a déjà accompli de grands progrès en matière d’équité fiscale. Nous savons qu’il reste beaucoup à faire. Je sais que nous voulons tous que le régime fiscal canadien soit équitable et efficace. Parce qu’ils assureront l’intégrité du régime fiscal canadien et le protégeront contre l’utilisation abusive des conventions fiscales, le projet de loi C-82 et la mise en œuvre de l’instrument multilatéral représentent la prochaine étape logique de nos efforts.

Une fois que le projet de loi aura reçu la sanction royale, le Canada pourra déposer son instrument de ratification de l’instrument multilatéral, et la convention pourra ensuite entrer pleinement en vigueur trois mois plus tard. Pour que l’instrument multilatéral entre en vigueur d’ici janvier 2020, le Canada devrait déposer son instrument de ratification au plus tard le 30 septembre de l’année en cours.

Pour cette raison, l’examen et l’adoption rapides de cette mesure législative sont d’une importance cruciale. J’encourage donc mes estimés collègues à appuyer le renvoi du projet de loi au comité pour que celui-ci l’étudie de manière approfondie. Il y a un certain nombre d’aspects techniques importants qui sont liés à la mise en œuvre de l’instrument multilatéral par le Canada et que le comité sénatorial devra examiner en profondeur.

Chers collègues, Benjamin Franklin a dit un jour :

En ce monde rien n’est certain, à part la mort et les impôts.

Eh bien, honorables sénateurs, cette triste réalité devrait nous inciter à travailler ensemble pour veiller à ce que les Canadiens aient moins d’incertitudes en ce qui concerne notre régime fiscal et une plus grande confiance dans ce dernier. Assurons l’équité fiscale pour tous les Canadiens. Allons de l’avant avec ce projet de loi.

Wela’lioq. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénatrice Coyle, accepteriez-vous de répondre à une question?

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) [ + ]

Je vous félicite de votre intéressant discours, madame la sénatrice. Ce sujet n’est pas toujours passionnant, mais vous l’avez rendu avec beaucoup de verve et d’humour. Je vous en remercie.

J’ai feuilleté le projet de loi rapidement — le document en format PDF contient tout de même 56 pages, donc c’est assez substantiel. Pour bien comprendre la tâche qui nous attend, une fois que ce projet de loi sera adopté à l’étape de la deuxième lecture, nous devrons étudier le dossier afin de déterminer si cet outil visant la conclusion d’ententes multilatérales peut entraver l’évasion fiscale.

Dans le projet de loi, nous retrouvons quelques articles, ainsi qu’une annexe volumineuse qui constitue l’outil, si je comprends bien. Dans le cadre de leur étude de ce projet de loi, les membres du comité devront-ils déterminer dans quelle mesure cet outil est adapté à la structure fiscale canadienne? Devront-ils amender cet outil, ou s’agit-il simplement de voir dans quelle mesure il peut fonctionner au sein de la structure fiscale canadienne?

La sénatrice Coyle [ + ]

Je ferai de mon mieux. Comme je l’ai admis, je ne suis ni comptable fiscaliste ni avocate fiscaliste. J’ai toutefois étudié le projet de loi, comme vous pouvez le constater.

À ce stade-ci, nous nous penchons sur le principe du projet de loi, qui, comme j’espère que vous l’avez compris si vous écoutiez, consiste à mettre en œuvre la nouvelle convention, c’est-à-dire l’instrument multilatéral, et à faire en sorte que le Canada y adhère. Au lieu de négocier chaque convention fiscale de façon individuelle et bilatérale afin de rendre nos relations avec d’autres signataires de conventions fiscales plus équitables, si le Canada et les autres pays signent la nouvelle convention — il faut être jumelé —, aucune renégociation n’est nécessaire.

Pour revenir à votre question, chaque pays qui devient un signataire doit signer les accords de base que tous les pays devront respecter. Ensuite, il y a des options. Après sa première signature, le Canada a indiqué avoir changé d’idée et a choisi d’ajouter un certain nombre des options spéciales dont vous avez parlé.

Le comité étudiera la décision du Canada, ainsi que la convention dans son ensemble. Merci.

Chers collègues, j’ai quelques observations à faire à mon tour.

Le projet de loi C-82, comme bien d’autres, ne suscite pas de critiques en lui-même. Ce qui me fait sourciller, par contre, c’est d’entendre des déclarations à saveur politique à la conclusion du discours de notre collègue à propos de l’excellent travail de l’Agence du revenu du Canada. Je pense qu’il est important, relativement à ce projet de loi, de comparer certains faits à la version des choses que nous présente l’Agence du revenu du Canada. C’est ce que je vais faire.

Nous savons, par exemple, que les Panama Papers identifient 894 Canadiens — des particuliers, des fiducies et des sociétés. Nous savons que, trois ans après la divulgation des Panama Papers, un montant de 1,2 milliard de dollars a pu être récupéré dans le monde. Les Canadiens qui suivent ce dossier de près n’ont pas été étonnés, mais ils ont été déçus, de voir que l’Agence du revenu du Canada n’avait pas perçu un sou.

Vous avez parlé de l’enquête criminelle en cours. Vous avez indiqué que certaines personnes avaient été ciblées. Vous avez mentionné le caractère équitable du système fiscal.

Malheureusement, outre de belles paroles, il n’y a aucune preuve que l’Agence du revenu du Canada fait quelque chose. Selon moi, ce projet de loi est utile, mais c’est son application qui fait défaut. C’est pourquoi je m’oppose à la conclusion du discours de l’honorable sénatrice, où elle a visiblement résumé l’excellent travail accompli par l’agence.

En fait, en ce qui concerne le ciblage actuel, il y a huit ou neuf ans — quand l’affaire de la banque au Liechtenstein avait éclaté, où des employés avaient volé la liste de tous les clients puis l’avaient divulguée au monde entier —, nous avons découvert que 102 Canadiens avaient un compte dans cette banque. Comme nous le savons, il n’est pas illégal de posséder un compte dans une banque étrangère. Toutefois, il est illégal de ne pas déclarer à l’Agence du revenu du Canada les recettes provenant de ce compte.

Des années plus tard, nous avons découvert que l’agence avait justifié le fait de n’accuser personne d’évasion fiscale, même si elle avait déterminé qu’on devait des millions de dollars au Trésor canadien. Sa justification se fondait sur l’argument voulant qu’elle utilisait l’information pour comprendre le fonctionnement de l’évasion fiscale. C’est la raison que l’agence a donnée au vérificateur général dans son rapport. Autrement dit, l’agence acquérait des connaissances.

Force est de se demander — et j’en reviens à mon commentaire précédent — pourquoi personne n’a été accusé dans l’affaire des Panama Papers. Quels renseignements l’agence a-t-elle rassemblés il y a huit ans qu’elle n’a pas pu utiliser au cours des trois dernières années pour accuser quelqu’un, alors que 1,2 milliard de dollars ont été perçus dans le monde? On n’a rien perçu au Canada, pas 5 $, pas un seul huard.

Là encore, nous entendons le même argument de l’Agence du revenu du Canada, à savoir qu’elle y travaille. Elle a trouvé des sommes qui étaient dues. Elle n’a rien perçu. On nous dit que c’est compliqué. Eh bien, c’est compliqué pour tout le monde. On nous dit que c’est difficile. Eh bien, c’est difficile pour l’Australie. Des centaines de millions de dollars ont été perçus. Même l’Islande a perçu 25 millions de dollars, qui étaient dus selon les Panama Papers. L’Islande est un pays beaucoup plus petit que le Canada. L’Australie a perçu 92 millions de dollars. La liste continue et le total se chiffre à 1,2 milliard de dollars.

Notre problème, c’est que l’Agence du revenu du Canada ne cesse de répéter qu’elle applique des mesures musclées et que si quelqu’un fraude le fisc et tente de dissimuler de l’argent à l’étranger, elle va le trouver et le traquer. Rien de cela n’est vrai. Personne n’a été accusé dans l’affaire du Liechtenstein huit ans plus tard.

Deux ans après l’incident du Liechtenstein, un employé d’une banque suisse a vu ce qui était arrivé à l’employé qui avait subtilisé des données sur les comptes du Liechtenstein : il a été rémunéré pour les renseignements qu’il a fournis. Il a volé les dossiers d’une seule banque du Liechtenstein, et 1 785 Canadiens y avaient un compte. Pensez-y un instant : 1 785 Canadiens, une banque en Suisse. De combien d’argent parle-t-on? L’Agence du revenu refuse de nous le dire, car quelques personnes ont fait du tapage à propos du Liechtenstein, où 102 Canadiens détenaient plus de 100 millions de dollars.

C’est un énorme problème.

Par ailleurs, il y a été question de blanchiment d’argent cette semaine, un sujet connexe.

J’ai apprécié le discours de la sénatrice. J’appuie le projet de loi, mais je suis déçu que l’Agence du revenu continue de faire des promesses sans passer à l’action.

Si cet élément n’avait pas figuré dans le discours, je ne serais pas intervenu. J’appuie le projet de loi C-82 parce qu’il sera utile s’il est bien appliqué.

Je vous remercie, chers collègues.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Avez-vous une question?

La sénatrice Coyle [ + ]

Sénateur Downe, merci beaucoup pour ce rappel. Vous avez déjà parlé plus longuement de cet enjeu extrêmement important dans d’autres contextes. Je ne pense pas que personne au Sénat ne vous contredirait à ce sujet. Pour être absolument claire, lorsque j’ai dit dans mon discours que nous savons qu’il reste du travail à faire, c’était parce que je suis entièrement d’accord avec le sénateur sur ce point.

Sénateur Downe, vous avez affirmé que vous appuyez la mesure législative. Diriez-vous que le projet de loi C-82 et la mise en œuvre de l’instrument multilatéral seraient un pas dans la bonne direction vers l’atteinte de l’équité fiscale pour les Canadiens?

Merci. En fait, non. Le Canada ne prend aucune mesure. D’autres pays qui ont signé cette convention passeront à l’action et obtiendront des résultats. Le Canada, si on se fie aux 12 dernières années, se contentera de belles paroles. Je vous exhorte, honorable sénatrice, dans trois ou quatre ans, à soumettre des questions écrites et à poser des questions pour y donner suite. Vous serez certainement déçue des mesures qui auront été prises.

La sénatrice Coyle [ + ]

Sénateur Downe, compte tenu de votre expérience et de votre déception en ce qui concerne le manque de mesures concrètes par rapport aux discours, auriez-vous des conseils pour le comité qui étudiera le projet de loi? Avez-vous relevé des aspects qui devraient faire partie de l’étude du projet de loi C-82?

Merci. Le gouvernement devrait tenir parole. Il a annoncé un investissement de près de 1 milliard de dollars dans l’Agence du revenu du Canada. Or, en décembre 2017, il n’avait dépensé que 110 millions de dollars. Dans les derniers mois, la ministre du Revenu national a parlé des nombreux vérificateurs supplémentaires que l’on a embauchés à l’Agence du revenu du Canada. Cependant, selon un reportage d’enquête du Journal de Montréal, un grand nombre de vérificateurs vont prendre leur retraite. Par ailleurs, on a embauché non pas 3 000, mais 192 vérificateurs.

Il faut arrêter d’induire les gens en erreur. Il y a quelques années, le vérificateur général du Canada a fait rapport sur les centres d’appels. L’ARC disait que son centre d’appels pouvait traiter les appels d’un grand nombre de Canadiens. Or, lorsque le vérificateur général s’est penché là-dessus, il a constaté que l’ARC comptait dans ses données positives les appels pendant lesquels l’ARC avait simplement raccroché la ligne au nez de l’appelant au bout de quelques minutes. C’est dans un rapport du vérificateur général du Canada.

L’ARC se fait constamment prendre en défaut.

Bon nombre d’entre nous ont entendu des témoignages de représentants de Diabète Canada, qui ont dit que la moitié des diabétiques qui bénéficiaient auparavant d’un crédit d’impôt de l’Agence du revenu du Canada avaient soudainement arrêté d’en recevoir. L’agence a affirmé que la politique n’avait pas changé, mais en fin de compte, nous avons appris qu’il y avait eu des changements dans l’interprétation. C’est pourquoi ces personnes ont cessé de toucher le crédit d’impôt. L’agence a changé d’avis.

Par conséquent, quand le gouvernement se fait prendre, il admet la vérité, mais il continue ensuite à induire les Canadiens en erreur.

Le gouvernement devrait faire tout ce qu’il a dit qu’il ferait. Il devrait imprimer le milliard de dollars tout de suite. Il devrait aussi embaucher des vérificateurs supplémentaires parce que toutes sortes de données suggèrent que pour chaque vérificateur embauché, les avantages pour les Canadiens équivalent à six ou sept fois le salaire des vérificateurs.

Par exemple, lorsque l’Australie a eu la liste des personnes au pays qui avaient des comptes au Liechtenstein, elle a immédiatement formé un groupe de travail, ce qui lui a permis d’inculper et de condamner des gens et de récupérer beaucoup d’argent. Les Australiens nous disent qu’ils ont aussi constaté que les gens qui transféraient de l’argent à l’étranger ont soudainement arrêté de le faire lorsqu’ils ont vu des amis et des voisins être condamnés et aller en prison.

Leur enthousiasme pour le transfert de l’argent à l’étranger a rapidement décliné. Honorables sénateurs, allez sur le site web de l’Agence du revenu du Canada. Vous verrez toutes sortes de personnes accusées d’évasion fiscale au Canada. L’agence fait de l’excellent travail en matière de lutte contre l’évasion fiscale au pays. Je l’ai toujours dit. Si vous mentez dans votre déclaration, vous risquez fort de vous faire prendre et, dans bien des cas, d’être condamné et envoyé en prison. Le site web est rempli d’exemples. Toutefois, cherchez des condamnations et des peines de prison pour évasion fiscale à l’étranger; il n’y en a pas. C’est un grave problème.

Le deuxième et dernier problème, c’est que, malgré l’adoption du projet de loi au Sénat, le gouvernement refuse toujours de coopérer avec le directeur parlementaire du budget pour mesurer l’écart fiscal, c’est-à-dire la différence entre ce que l’Agence du revenu du Canada devrait percevoir et ce qu’elle perçoit. Le directeur parlementaire du budget travaille à ce dossier depuis des années.

Le nouveau directeur parlementaire du budget a annoncé il y a quelques semaines qu’il éprouve toujours des difficultés à obtenir de l’Agence du revenu du Canada les renseignements dont il a besoin pour déterminer l’écart fiscal. D’autres pays mesurent cet écart, notamment le Royaume-Uni et même l’État de Californie. Cela montre son importance. Non seulement l’écart fiscal indique la taille du problème, il indique l’efficacité de l’agence du revenu.

L’écart fiscal serait le premier problème à résoudre. Investissons ce milliard de dollars, embauchons le personnel nécessaire et faisons le travail. Si certaines personnes sont condamnées, je soupçonne que nous connaîtrons les mêmes résultats que l’Australie. Nous aurons ainsi plus d’argent à investir dans ce qui est prioritaire pour les Canadiens, que ce soit une réduction de l’impôt ou le financement de programmes. Enfin, nous n’aurons plus deux poids, deux mesures dans notre régime fiscal.

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