
Projet de loi de crédits no 4 pour 2020-2021
Troisième lecture
10 décembre 2020
Propose que le projet de loi C-16, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2021, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner cette occasion de discuter du Budget principal des dépenses 2020-2021.
Les Canadiens et les parlementaires ont le droit de savoir comment les fonds publics sont dépensés et ils ont le droit de demander des comptes au gouvernement à ce sujet.
Voilà pourquoi le gouvernement est déterminé à fournir des renseignements utiles sur les finances publiques et sur les résultats escomptés des dépenses de l’État.
Avant que j’aborde les points saillants, j’aimerais résumer le calendrier que le cycle budgétaire a suivi cette année.
Si vous vous souvenez bien, le 27 février 2020, le président du Conseil du Trésor a déposé le Budget principal des dépenses de 2020-2021, qui donne de l’information sur des dépenses budgétaires totales de 304,6 milliards de dollars.
En mars, le gouvernement a présenté un premier projet de loi de crédits provisoires, que le Parlement a adopté, afin de fournir des fonds pour que les ministères mènent leurs activités d’avril à juin.
Puis, le 20 avril, pour remédier à la situation provoquée par la pandémie de COVID-19 au Parlement, la Chambre des communes a adopté une motion visant à modifier temporairement l’article 81 du Règlement de la Chambre des communes. Cela a notamment permis de prolonger l’étude du Budget principal des dépenses jusqu’en décembre.
En juin, un second projet de loi de crédits a été déposé et adopté par le Parlement pour couvrir les activités des ministères de juillet à décembre.
En septembre, après la prorogation du Parlement et à la suite de l’ouverture d’une nouvelle session, le Budget principal des dépenses de 2020-2021 a été déposé une deuxième fois à la Chambre des communes.
L’objectif était de permettre au Parlement de continuer d’examiner les dépenses budgétaires prévues pour l’exercice 2020-2021, avant d’approuver un projet de loi de crédits final pour le reste du Budget principal des dépenses en décembre.
Le Budget principal des dépenses qui a été déposé le 30 septembre 2020 est le même que celui qui a été déposé le 27 février 2020. En déposant de nouveau ce Budget principal des dépenses au début de la deuxième session de la législature, le gouvernement a réaffirmé son engagement envers la gestion saine, ouverte et transparente des fonds publics.
Honorables sénateurs, comme je l’ai dit, le Budget principal des dépenses comprend les priorités suivantes : créer des possibilités pour les citoyens d’un océan à l’autre, faire avancer la réconciliation avec les peuples autochtones, lutter contre les changements climatiques et protéger l’environnement, renforcer les infrastructures canadiennes, soutenir les hommes et les femmes des Forces armées canadiennes, et veiller à ce que le Canada continue à jouer un rôle important et constructif sur la scène internationale.
Par l’intermédiaire de ces plans de dépenses, le gouvernement demande au Parlement d’autoriser les dépenses de 122 organismes fédéraux afin de maintenir les programmes et services actuellement fournis par ces ministères et ces organismes pendant le prochain exercice.
J’ajouterais que le Budget principal des dépenses tient compte des plans de dépenses de base du gouvernement.
Les modifications progressives des plans de dépenses, y compris pour réagir à la crise de la COVID-19, ont été signalées dans le Budget supplémentaire des dépenses tout au long de l’exercice et continueront de l’être.
Les détails sur l’utilisation que les ministères et les organismes prévoient faire des sommes qui leur sont allouées ainsi que sur leurs objectifs et les résultats attendus sont disponibles dans les plans ministériels annuels qui ont été déposés au Parlement le 10 mars 2020.
Dans l’ensemble, le Budget principal des dépenses expose en détail les dépenses budgétaires totales prévues de 304,6 milliards de dollars. Cela représente une augmentation de 1,6 % du financement total demandé par rapport au Budget principal des dépenses de 2019-2020. Sur ce total, 125,1 milliards de dollars concernent les dépenses budgétaires votées et 179,5 milliards de dollars les dépenses budgétaires législatives, dont je reparlerai plus tard.
Pour ce qui est des dépenses budgétaires votées, j’aimerais tout d’abord souligner que le niveau des dépenses budgétaires votées est légèrement plus bas — de près d’un demi-milliard de dollars — que celui qui a été présenté dans le Budget principal des dépenses de 2019-2020, l’année dernière.
Parmi les 122 organisations qui présentent des besoins de financement, 6 ont demandé plus de 5 milliards de dollars de fonds budgétaires votés, pour un total de 58,5 milliards de dollars — environ 47 % des dépenses budgétaires votées au total.
Ce montant total comprend les éléments suivants : 21,8 milliards de dollars pour le ministère de la Défense nationale; 12,7 milliards de dollars pour le ministère des Services aux Autochtones; 7,1 milliards de dollars pour le ministère des Affaires étrangères; 6 milliards de dollars pour le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada; 5,7 milliards de dollars pour le Bureau de l’infrastructure du Canada; 5,2 milliards de dollars pour le ministère des Anciens Combattants.
Chers collègues, à mesure que le Parlement continue d’examiner le Budget principal des dépenses et les documents connexes, il deviendra évident que le plan de dépenses du gouvernement est étroitement lié aux priorités exprimées par les Canadiens et les Canadiennes.
Cela suppose, bien entendu, que le Canada doit continuer d’avancer sur la voie de la réconciliation avec les peuples autochtones. Je parle, bien entendu, de l’importance fondamentale de garantir le droit des peuples autochtones d’avoir accès aux mêmes possibilités et aux mêmes services que les Canadiens non autochtones tiennent pour acquis.
Il est essentiel de combler l’écart socioéconomique inacceptable qui existe entre les Autochtones et les non-Autochtones dans ce pays pour parvenir à cette réconciliation. Nos dépenses prévues comprennent donc un total de 5,4 milliards de dollars pour la santé et les services sociaux des Autochtones. Ces dépenses sont essentielles pour bâtir des communautés plus fortes et plus saines. Elles le sont encore plus pour mettre fin à des décennies de discrimination honteuse dans la prestation de ces services primordiaux pour les peuples autochtones.
Un montant supplémentaire de 2,4 milliards de dollars permettra de soutenir la réalisation du droit inhérent des Autochtones à l’autodétermination dans la conception et la prestation de ces services et d’autres.
Tous les enfants de ce pays doivent avoir accès à une éducation de qualité. Le budget des dépenses prévoit des fonds importants pour soutenir les étudiants autochtones à tous les niveaux, accroître l’accès aux possibilités d’apprentissage préscolaire et continuer de favoriser l’autodétermination des Autochtones dans le domaine de l’éducation.
Chers collègues, le Budget principal des dépenses présente les dépenses nécessaires pour maintenir les programmes qui font l’envie de beaucoup de pays. Il prévoit le financement de mesures visant à promouvoir les droits de la personne, à lutter contre les changements climatiques et à diversifier les débouchés du Canada en matière de commerce et d’investissement. Il prévoit notamment 4,8 milliards de dollars pour la programmation en matière de développement international, de paix et de sécurité, et 1,1 milliard de dollars pour appuyer la présence du Canada à l’étranger.
De plus, comme nous l’avons vu au cours de la pandémie de COVID-19, le Canada doit être prêt à aider ses citoyens au pays et à l’étranger. Par conséquent, le Budget principal des dépenses prévoit 52,5 millions de dollars pour aider les Canadiens qui pourraient être en difficulté dans un autre pays. L’aide financière internationale prévue vise aussi à renforcer l’autonomie des femmes et des filles dans le monde entier.
Chers collègues, les Canadiens sont aussi très fiers des forces armées. Par conséquent, le Budget principal des dépenses comprend des plans pour investir des sommes importantes afin que les militaires disposent de l’équipement et du soutien dont ils ont besoin pour répondre efficacement aux urgences au pays et pour se joindre à nos alliés afin de protéger la sécurité mondiale. Ces dépenses comprennent des investissements dans de grands projets d’immobilisations au titre de la politique de défense Protection, Sécurité, Engagement, comme le programme Navire de combat canadien, le Projet de remplacement d’aéronefs de recherche et sauvetage à voilure fixe et le projet des véhicules blindés de soutien au combat.
Par exemple, le Projet de remplacement d’aéronefs de recherche et sauvetage à voilure fixe prévoit l’acquisition de 16 avions CC-295 munis de technologies de pointe et l’ouverture d’un nouveau centre de formation à Comox, en Colombie-Britannique.
Le projet des véhicules blindés de soutien au combat prévoit l’acquisition de 360 véhicules. La livraison des premiers véhicules doit avoir lieu à la fin de 2020, et celle des derniers en 2025. Ces nouveaux véhicules appuieront la conduite d’un éventail d’opérations, entre autres les opérations de secours lors de catastrophes au Canada et les missions de maintien de la paix à l’étranger.
Chers collègues, le gouvernement reconnaît également les sacrifices consentis par les anciens combattants canadiens et les importantes contributions qu’ils ont faites au Canada et au monde.
Les plans de financement prévus dans ce Budget principal des dépenses prévoient un soutien et des services en ligne améliorés pour les anciens combattants et leurs familles, notamment l’indemnisation des coûts associés à la douleur et aux souffrances éprouvées et les prestations de remplacement du revenu.
Le gouvernement continuera de prendre des mesures pour améliorer la santé et le bien-être des anciens combattants du Canada et pour leur offrir les prestations et les services auxquels ils ont droit.
Le gouvernement s’efforce aussi de bâtir un Canada plus fort et plus sécuritaire par d’autres moyens. Le Budget principal des dépenses fait état d’un total de 7,9 milliards de dollars au titre des investissements dans l’infrastructure publique par l’entremise de la Banque de l’infrastructure du Canada ou d’Infrastructure Canada.
Ce montant comprend des fonds destinés à d’autres ordres de gouvernement pour appuyer leurs priorités liées à l’infrastructure économique, environnementale et communautaire, qui vont des projets de réparation et d’amélioration de l’infrastructure municipale de base aux grands projets de transport en commun.
Le gouvernement s’engage à continuer de travailler en collaboration avec tous les ordres de gouvernement et d’autres partenaires pour bâtir le Canada du XXIe siècle.
En soutenant ce type de projets, nous reconnaissons que l’environnement et l’économie vont de pair. Le transport en commun, par exemple, rend nos villes plus efficaces et plus agréables à vivre et il permet également de réduire les émissions. C’est pourquoi ces plans de dépenses comprennent un financement de 845,3 millions de dollars accordé à Environnement et Changement climatique Canada pour prendre des mesures visant à assurer une croissance propre et à lutter contre les changements climatiques. Un montant supplémentaire de 360,4 millions de dollars soutiendra les responsabilités du ministère en matière de prévention et de gestion de la pollution.
Chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur les 2,2 milliards de dollars du Budget principal des dépenses visant à soutenir les activités du Conseil du Trésor en tant qu’employeur de la fonction publique du Canada.
En outre, il y a des crédits centraux essentiels pour aider le gouvernement à régler des problèmes urgents et à accélérer la mise en œuvre responsable de programmes et de services. Cela comprend 750 millions de dollars pour le crédit 5 du Conseil du Trésor, Éventualités du gouvernement. Cette somme couvre différentes dépenses urgentes et imprévues qui n’ont pas été couvertes par l’approbation des crédits des ministères. Les dépenses connexes prévues du Conseil du Trésor comprennent également une contribution de 282 000 $ pour le Partenariat pour le gouvernement ouvert.
Le Canada fait partie du Partenariat pour le gouvernement ouvert depuis 2012 et il en a assuré la présidence en 2018-2019. Composé de 78 pays, ce partenariat international est le principal forum de promotion du gouvernement ouvert et un réseau dynamique qui travaille à rendre les gouvernements plus transparents, plus responsables et plus participatifs.
Honorables sénateurs, nous nous inquiétons tous des menaces émergentes qui pèsent sur la démocratie, de la propagation de la désinformation et de la nécessité de répondre aux attentes croissantes des citoyens quant à l’accès à l’information détenue par leurs gouvernements. Nous sommes tous conscients des impacts négatifs de la multiplication de ce qu’on appelle les fausses nouvelles, des discours haineux et des violations de la vie privée. Les pays membres du Partenariat pour le gouvernement ouvert travaillent à réduire ces impacts négatifs et à trouver de nouvelles façons de se servir de la technologie pour accroître la participation du public et la responsabilité.
Le Canada, bien sûr, appuie ces pays dans la défense de la démocratie à l’échelle mondiale.
Avant de conclure, honorables sénateurs, permettez-moi de mentionner brièvement — et ce, uniquement à titre d’information — les dépenses législatives prévues, qui sont aussi exposées en détail dans le Budget principal des dépenses.
Les dépenses législatives budgétaires s’élèvent à 179,5 milliards de dollars, ce qui représente une augmentation d’environ 5,4 milliards de dollars par rapport au précédent Budget principal des dépenses.
Ce montant comprend les prestations aux aînés, les transferts aux provinces et territoires et le coût du service de la dette publique. Il ne comprend pas les prestations versées à partir du Compte des opérations de l’assurance-emploi ni les dépenses régies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, comme l’Allocation canadienne pour enfants.
Voici quelques-uns des changements importants apportés aux dépenses législatives budgétaires de 2019-2020 : l’augmentation des principaux paiements de transfert — publiés dans la Mise à jour économique et budgétaire de 2019 —, notamment les prestations aux aînés; la péréquation fiscale et le Transfert canadien en matière de santé; l’instauration des paiements d’encouragement à l’action climatique; une diminution liée au transfert supplémentaire ponctuel au Fonds de la taxe sur l’essence fédéral en 2019-2020; et, enfin, une diminution des intérêts sur la dette non échue.
En outre, des dépenses législatives non budgétaires de 3 milliards de dollars sont prévues pour les prêts, les investissements et les avances. Il s’agit d’une augmentation d’environ 750 millions de dollars par rapport à l’année précédente et elle reflète l’augmentation des incitatifs pour la construction de logements locatifs et du programme de l’Incitatif à l’achat d’une première propriété.
Chers collègues, les dépenses inscrites au Budget principal des dépenses reflètent les valeurs des Canadiens — des valeurs progressistes et humaines que nous chérissons tous. Débattre des budgets et les adopter nous permet de maintenir notre contribution à la démocratie ouverte et prospère du Canada. Merci. Meegwetch.
Je vous remercie de vos observations au sujet du projet de loi C-16, sénatrice Gagné.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-16 fournit aux ministères et organismes gouvernementaux le dernier versement des crédits provenant du Budget principal des dépenses pour l’exercice en cours.
Déposé en mars, le Budget principal des dépenses prévoit des crédits votés totalisant 125 milliards de dollars.
Les ministères et organismes ont déjà reçu environ neuf douzièmes des crédits provenant du Budget principal des dépenses grâce aux deux projets de loi de crédits précédents. Il s’agit maintenant du versement final, qui s’élève à 26 milliards de dollars. Les sommes varient selon les entités; elles vont des 263 000 $ destinés à l’Administration du pipe-line du Nord aux 5,4 milliards de dollars prévus pour le ministère de la Défense nationale.
En plus du dernier versement provenant du Budget principal des dépenses et prévu dans le projet de loi C-16, un financement supplémentaire est fourni à certains ministères et organismes au moyen du Budget supplémentaire des dépenses (B), qui fait l’objet du projet de loi C-17 et dont nous avons discuté il y a quelques instants. La somme demandée dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) est de 21 milliards de dollars.
Les deux projets de loi, C-16 et C-17, sont à l’étude au Sénat ce soir.
Cette année, le Comité sénatorial des finances a étudié en même temps le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (B). Les renseignements fournis dans le rapport déposé mardi par le sénateur Mockler nous seront donc utiles à la fois pour le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (B).
Le Comité sénatorial des finances a produit un rapport très détaillé. Je remercie le sénateur Mockler, le sénateur Forest et la sénatrice Pate pour les discours qu’ils ont prononcés hier. Je ne répéterai pas ce que dit le rapport. Je me concentrerai plutôt sur les défis que pose l’examen des plans de dépenses du gouvernement.
Au cours des dernières années, j’ai souligné à quel point il était difficile de relier les nouvelles initiatives de dépenses, comme les initiatives budgétaires, au Budget principal des dépenses et au Budget supplémentaire des dépenses. Afin de s’attaquer à certaines de ces questions, le gouvernement avait lancé un projet de réforme des budgets des dépenses ces dernières années, mais celui-ci a été annulé ou abandonné. Des projets pilotes ont été mis en œuvre au cours de deux exercices financiers, et on a constaté des améliorations notables durant les deux années correspondantes. Cependant, le problème du suivi des nouvelles initiatives de dépenses, comme celles visant à lutter contre la COVID-19, demeure.
De plus, il est encore difficile d’obtenir de l’information sur les programmes des ministères. Par exemple, j’ai souvent parlé du programme de dépenses en immobilisations du ministère de la Défense nationale et de l’impossibilité d’établir la correspondance entre, d’une part, les dépenses inscrites dans le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses et, d’autre part, le plan de dépenses accompagnant la politique de défense Protection, Sécurité, Engagement.
Cette année, de nouveaux défis — peut-être faudrait-il les appeler des problèmes — se sont posés avec le suivi des dépenses du gouvernement pour lutter contre la COVID-19. Certains collègues se souviendront que j’ai fait remarquer à plusieurs reprises que le gouvernement n’avait pas fourni aux parlementaires les renseignements financiers dont ils ont besoin pour assurer une surveillance parlementaire adéquate. En effet, l’information fournie est souvent désuète, décousue, disséminée à divers endroits, ou elle n’est tout simplement pas fournie. Ce problème s’est aggravé depuis la mise en œuvre des programmes de lutte contre la COVID-19.
J’ai fait de nombreuses demandes d’information.
Par exemple, le 29 octobre, dans cette Chambre, j’ai demandé au sénateur Gold pourquoi le gouvernement refusait de fournir les plus récentes données financières aux parlementaires et aux Canadiens en général. J’ai mentionné expressément les rapports sur la COVID-19 que le gouvernement présentait toutes les deux semaines et qu’il a cessé de produire au début du mois d’août.
Le 12 novembre, la ministre des Finances a témoigné devant le Comité des finances nationales pour discuter du projet de loi C-9. Je lui ai alors indiqué que ce projet de loi n’exigeait d’aucune façon que l’on publie des données financières ou de programme au sujet des deux programmes visés par le projet de loi, soit le programme de subvention salariale et le programme de subvention du loyer.
Je lui ai dit également que les rapports sur la COVID-19, qui étaient publiés toutes les deux semaines et qui fournissaient de l’information sur les programmes liés à la COVID-19, n’étaient plus produits depuis le 6 août, et que les données financières et de programme étaient largement insuffisantes; d’ailleurs, je lui ai dit que ce manque d’information était à mon sens le principal problème.
Le président du Conseil du Trésor a aussi témoigné devant le Comité des finances nationales le 1er décembre afin de discuter du Budget principal des dépenses et du Budget supplémentaire des dépenses (B). À ce moment-là, je lui ai demandé pourquoi il ne nous avait pas soumis toute l’information financière dont nous avions besoin pour faire notre travail de parlementaires.
Les documents budgétaires qui faisaient l’objet de ces discussions ne donnent pas d’estimation de toutes les dépenses gouvernementales. De plus, pour faire le suivi des dépenses et s’assurer que ces dernières correspondent aux sommes inscrites dans le budget des dépenses, ou vice versa, nous devons effectuer des recherches dans La revue financière, les interventions des ministres, les sites Web des sociétés d’État, les comptes rendus des séances des comités de la Chambre des communes et les rapports du directeur parlementaire du budget, entre autres. Ni la ministre des Finances ni le président du Conseil du Trésor n’ont répondu de manière satisfaisante à mes questions.
Même si le Budget supplémentaire des dépenses (A) et le Budget supplémentaire des dépenses (B) contiennent tous deux de nombreuses dépenses liées à la COVID-19, ils ne les comptabilisent pas toutes. J’aimerais à cet égard résumer certains des problèmes posés.
Le ministère de l’Emploi et du Développement social demande 28 milliards de dollars pour la Prestation canadienne d’urgence — ou PCU — dans le Budget supplémentaire des dépenses (B). Cela vient s’ajouter aux 60 milliards de dollars approuvés dans le Budget supplémentaire des dépenses (A), pour un coût estimatif total de 88 milliards de dollars.
Toutefois, en septembre, nous sommes passés de la Prestation canadienne d’urgence au programme d’assurance-emploi. Dans la dernière édition de La revue financière, publiée en septembre par le ministère des Finances, on a scindé le coût du programme de la PCU pour que les versements aux particuliers admissibles à l’assurance-emploi, qui étaient déclarés auparavant au titre de la Prestation canadienne d’urgence, le soient désormais au titre des prestations d’assurance-emploi. Même si les budgets supplémentaires des dépenses (A) et (B) nous permettent de faire le suivi du coût estimatif de la Prestation canadienne d’urgence et fournissent des renseignements sur le programme, comme le nombre de demandeurs, entre autres, cette information n’est plus divulguée depuis le 30 septembre.
Nous avons détecté un autre problème le mois dernier quand nous avons adopté le projet de loi C-9, qui autorisait la mise en place de deux programmes liés à la COVID-19 : la Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et la Subvention salariale d’urgence du Canada. Les coûts de ces programmes n’apparaissent pas dans le Budget supplémentaire des dépenses parce qu’ils sont considérés comme des dépenses fiscales. Des renseignements de haut niveau sur le programme de subvention salariale sont divulgués dans La revue financière et sur le site Web de l’Agence du revenu du Canada, mais ces deux sources ne fournissent pas d’information sur le programme de subvention pour le loyer.
J’ai un troisième exemple à ce sujet : l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial, un programme qui était géré par la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Annoncé en avril dernier, il devait au départ coûter 3 milliards de dollars. Toutefois, en juillet, seulement 367 millions de dollars avaient été versés sur les 3 milliards de dollars prévus. Selon le dernier rapport bihebdomadaire sur les dépenses liées à la COVID-19 publié en août, 644 millions de dollars avaient été attribués aux entreprises. Puis, je n’ai vu aucune autre information jusqu’au communiqué de presse du 2 novembre, qui indiquait que 2 milliards de dollars avaient été versés pour aider 138 000 entreprises. Cependant, il n’y avait aucun programme ni aucune information financière qui était disponible régulièrement. On a parlé de ce manque d’information aux représentants de la SCHL lors de leur témoignage sur le projet de loi C-9. Ils ont fait valoir qu’ils avaient respecté leurs obligations en soumettant un rapport quotidien au ministère des Finances et au Bureau du Conseil privé et un rapport hebdomadaire aux provinces et aux territoires. Aucun mécanisme n’est prévu pour fournir l’information aux parlementaires.
Étant donné que la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer sera, elle, gérée par l’Agence du revenu du Canada, ses représentants ont assuré le comité qu’ils nous fourniraient de l’information semblable à celle donnée sur le programme de subvention salariale. Cependant, cette information n’est toujours pas publiée sur leur site Web.
Honorables sénateurs, compte tenu du manque d’information fournie par le gouvernement, de nombreux parlementaires se tournent vers le directeur parlementaire du budget. Le mois dernier, il a publié un rapport sur le budget supplémentaire des dépenses (B). Dans ce rapport, il conclut ce qui suit :
[...] la quantité d’informations mises à la disposition du public aux fins de suivi des dépenses est insuffisante, empêchant ainsi les parlementaires de mener à bien leur rôle essentiel quant à la supervision des dépenses gouvernementales et la reddition de comptes au gouvernement..
Le directeur parlementaire du budget conclut également ceci :
[...] il n’existe actuellement aucun document gouvernemental public publié offrant une liste exhaustive de toutes les mesures annoncées à ce jour, ou des estimations de coûts mises à jour. De plus, ce ne sont pas toujours les mêmes organismes qui font publiquement état de la mise en œuvre de ces mesures.
De plus, le budget supplémentaire des dépenses que le Comité des finances a étudié ne comporte pas les dépenses prévues, puisque le document ne fournit que des détails sur les autorisations des organismes effectuant des paiements depuis le Trésor public.
Parmi les mesures non incluses dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) se trouvent la Subvention salariale d’urgence du Canada, le Programme de crédit aux entreprises, le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, les avantages sociaux améliorés fournis grâce au Compte des opérations de l’assurance-emploi et les nouveaux avantages sociaux adoptés en octobre 2020 par l’entremise de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique.
Dans son rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses (B), le directeur parlementaire du budget fait une observation intéressante. Il révèle :
Même si ce ne sont pas toutes les dépenses liées à la COVID qui sont rendues publiques, les ministères et organismes fédéraux sont contraints d’aviser le [Système central de gestion des rapports financiers] du gouvernement des données réelles sur les dépenses de façon mensuelle.
Autrement dit, les renseignements que je recherche en tant que parlementaire sont disponibles. Le gouvernement refuse simplement de les fournir.
Outre les dépenses directes liées à la COVID-19 reflétées dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) et, maintenant, le Budget supplémentaire des dépenses (B), le gouvernement a également fourni des mesures de soutien à la liquidité s’adressant à des populations ciblées, les sociétés d’État assurant une bonne partie de la prestation de ces mesures.
Ces mesures prennent la forme de prêts, de garanties de crédit ou de paiement d’impôt différé et sont généralement remboursables. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’elles ont une incidence sur l’exposition du gouvernement au risque puisque le gouvernement est le seul actionnaire de chacune de ces sociétés. Ainsi, tout gain ou toute perte dans les programmes de ces sociétés d’État pourrait influer sur le bilan financier du gouvernement fédéral. À l’heure actuelle, cinq sociétés d’État offrent un soutien à la liquidité : la Banque du Canada, Financement agricole Canada, Exportation et développement Canada, la Banque de développement du Canada et la Société canadienne d’hypothèques et de logement.
La Banque du Canada a mis en œuvre des programmes de lutte contre la COVID-19 avec l’objectif premier de fournir des liquidités au gouvernement fédéral, aux provinces, aux institutions financières et aux grandes sociétés. Toutefois, la Banque du Canada a la particularité de publier des rapports hebdomadaires sur les liquidités qu’elle fournit. Ainsi, en consultant le site Web de la Banque du Canada, on peut voir la croissance inscrite chaque semaine dans son bilan, croissance qui découle des programmes liés à la COVID-19. Des personnes-ressources sont disponibles pour répondre aux demandes de renseignements.
L’information sur les programmes de lutte contre la COVID-19 des quatre autres sociétés d’État était fournie dans les rapports bimensuels sur les dépenses liées à la COVID-19. Cependant, comme mentionné plus tôt, le gouvernement a cessé de fournir cette information le 6 août. Nous ne disposons donc plus des données financières et générales sur les programmes de lutte contre la COVID-19 de ces sociétés d’État.
En octobre, le directeur parlementaire du budget a publié un rapport sur les liquidités fournies aux quatre sociétés d’État pour lutter contre la COVID-19. Il précise que cet apport de liquidités a amené plusieurs parlementaires à poser des questions sur les risques budgétaires qui résultent de tels engagements financiers.
Dans son rapport, le directeur parlementaire du budget a indiqué que les liquidités fournies aux sociétés d’État — et je ne parle pas de la Banque du Canada, mais bien des quatre autres sociétés d’État — représentent des augmentations faramineuses de leurs opérations financières, de l’ordre de plusieurs milliards de dollars. Il a conclu en disant que les coûts budgétaires probables et potentiels de ces injections de liquidités n’étaient inscrits dans aucun rapport public.
Il a également déclaré que, dans le portrait de l’économie et des finances publiques présenté en juillet — la mise à jour financière actuelle a été présentée après ce rapport —, le gouvernement a inclus des estimations des gains et les pertes nets en lien avec ces apports de liquidités. Par contre, comme ces estimations ont été combinées à d’autres activités, on ne voit qu’un montant net.
Il a poursuivi en disant qu’à sa demande, le ministère des Finances lui avait fourni le profil quinquennal des gains et pertes globaux des sociétés d’État entreprises, à titre d’information confidentielle. Autrement dit, des renseignements supplémentaires sont disponibles, mais, encore une fois, ils ne sont pas fournis aux parlementaires.
Honorables sénateurs, la fin de semaine dernière, j’ai lu un article concernant une enquête menée par CBC/Radio-Canada — et j’en ai lu plusieurs autres depuis — concernant les milliards de dollars que le gouvernement fédéral a distribués au cours des huit premiers mois de la pandémie. Cette enquête portait également sur le manque de détails concernant les programmes d’aide du gouvernement. L’article indiquait que CBC/Radio-Canada avait compilé ces données à partir des sites Web du gouvernement fédéral, des rapports financiers des entreprises, de l’information fournie par Bureau du directeur parlementaire du budget et de documents obtenus au moyen de demandes d’accès à l’information. Effectivement, je suis en mesure de confirmer que CBC/Radio-Canada n’a pas obtenu ces renseignements en s’adressant au gouvernement du Canada, car celui-ci a tout simplement refusé de le lui fournir.
Kevin Page, l’ancien directeur parlementaire du budget qui dirige actuellement l’Institut des finances publiques et de la démocratie de l’Université d’Ottawa, affirme que les chiffres divulgués dans la mise à jour financière de novembre sont des estimations, et non pas les sommes réelles qui sont en jeu.
Honorables sénateurs, cela fait plusieurs mois que je demande de l’information et des données financières sur les programmes offerts en réponse à la COVID-19. Dans le cadre de son enquête, la CBC a effectué une recherche dans les rapports d’entreprise produits par 2 000 sociétés. J’ai tiré plusieurs conclusions de ces rapports.
L’article de la CBC a également cité les coûts associés aux achats d’équipements de protection individuelle et les coûts par type d’équipement. Il est déplorable que les parlementaires aient à recourir à la CBC pour obtenir des informations sur les dépenses liées à la COVID-19.
Dans son article, la CBC a relaté un exercice intéressant qui m’est familier. Par exemple, dans le cadre de sa recherche d’information sur le paiement unique non imposable destiné aux aînés, la CBC a dit qu’elle a dû suivre un labyrinthe de sites Web du Bureau du directeur parlementaire du budget, de feuilles de calcul et de notes sur l’évaluation du coût de la mesure législative qui donnaient trois totaux différents pour le programme qui allaient de 2 à 2,5 milliards de dollars. C’est le genre d’exercice que je fais lorsque j’essaie de faire le suivi des dépenses.
Cette expérience est conforme à celles que j’ai vécues lorsque je devais glaner des informations sur le site Web du Bureau du directeur parlementaire du budget, le site Web du ministère, les sites Web des sociétés d’État, les notes d’information ministérielles et d’autres sources jugées fiables.
Même l’ancien directeur parlementaire du budget Kevin Page, qui a œuvré au sein de l’appareil gouvernemental pendant de nombreuses années, a du mal à se retrouver dans les 259 pages de l’énoncé économique de l’automne. « C’est incompréhensible, a-t-il déclaré. J’ai fait cela pendant des années et je n’arrive pas à déterminer où va l’argent. » Il va jusqu’à se demander s’il n’y a pas quelqu’un au gouvernement qui essaie de rendre les données nébuleuses. « J’espère ce que n’est pas délibéré », ajoute-t-il.
En terminant, je renvoie mes honorables collègues au rapport du Comité des finances sur le projet de loi C-9, qui a été adopté le mois dernier, et à celui sur le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (B), que le Sénat adopté hier.
Dans le rapport sur le projet de loi C-9, le Comité des finances recommande au gouvernement de recommencer à publier un rapport sur la COVID-19 toutes les deux semaines et de faire le point tous les mois sur l’ensemble des programmes liés à la pandémie. Le comité lui recommande en outre de définir des indicateurs permettant d’évaluer le rendement de ses programmes d’aide financière, au moyen de données utiles, fournies en temps opportun et fondées sur des résultats réels.
Le rapport du Comité des finances sur le Budget principal des dépenses et sur le Budget supplémentaire des dépenses (B), qui a été adopté hier, recommande également au gouvernement fédéral de produire chaque mois un rapport clair et cohérent sur les coûts et le rendement de l’ensemble des programmes liés à la COVID-19.
Honorables sénateurs, il est temps que le gouvernement fédéral donne suite aux recommandations du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Les parlementaires et les Canadiens ne devraient pas avoir à faire des démarches auprès de sources à l’extérieur du gouvernement pour obtenir ces données.
En terminant, je renvoie mes collègues au rapport du Comité des finances sur le projet de loi C-9 ainsi qu’à celui sur le Budget principal des dépenses, que le Sénat a adopté hier.
Honorables sénateurs, il est temps qu’en matière de dépenses, le gouvernement arrête de parler de transparence et commence à faire montre de transparence.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)