La Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière
Projet de loi modificatif--Troisième lecture
16 février 2021
Propose que le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui pour présenter quelques dernières observations sur le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière. Je tiens d’abord à remercier le sénateur Massicotte et les membres du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles de leur examen minutieux et de leurs observations, de même que les témoins pour leur témoignage convaincant.
Je remercie aussi le sénateur Wells pour sa contribution inestimable au présent projet de loi. En tant que parrain de la version initiale de la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière en 2014, ainsi qu’ancien PDG adjoint et membre du conseil d’administration de l’Office Canada—Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, personne n’était mieux placé que lui pour nous aider à examiner le projet de loi.
Permettez-moi de rappeler brièvement le contexte dans lequel s’inscrit le projet de loi. La version initiale de la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière a modifié deux lois de mise en œuvre d’accords provinciaux et a établi un nouveau régime de santé et de sécurité au travail dans les zones extracôtières de l’Atlantique canadien. La loi a également mis en place de nouvelles mesures pour prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi dans le secteur de l’exploitation pétrolière extracôtière.
Par exemple, la loi a précisé le rôle des gouvernements provinciaux et fédéral ainsi que des organismes de réglementation en matière de prévention des accidents et des blessures; a énoncé le rôle de chacun en matière de sécurité, depuis les propriétaires jusqu’aux exploitants en passant par les employeurs, les superviseurs, les employés et les fournisseurs; et a ajouté un nouveau processus d’appel lorsqu’une personne est accusée d’avoir enfreint les règles. Elle a également établi et clarifié les droits des employés, notamment le droit de refuser un travail dangereux sans risque de représailles.
Bien que la Loi de 2014 sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière était complexe et avait une large portée, le projet de loi à l’étude aujourd’hui est simple. Dans sa version initiale, le projet de loi S-3 propose de prolonger pour deux autres années, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2022, la période d’application des règlements transitoires, qui s’est terminée à la fin de l’année dernière.
Cette prolongation vise à procurer aux gouvernements de Terre-Neuve-et-Labrador, de la Nouvelle-Écosse et du Canada suffisamment de temps pour mettre la touche finale aux règlements globaux permanents actuellement en cours d’élaboration. Ces règlements transitoires seront remplacés, à terme, par un seul règlement exhaustif sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière adapté à des conditions de travail uniques en leur genre et souvent dangereuses.
Vu que les règlements actuels ont expiré, l’article 3 de ce projet de loi prévoit que la prolongation des règlements transitoires s’appliquera rétroactivement au 1er janvier 2021. Par ailleurs, même si le projet de loi S-3 relève de la compétence fédérale, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse ont toujours des réglementations provinciales similaires en place afin que nos travailleurs dans la zone extracôtière soient toujours protégés.
J’ai bien compris que le gouvernement a eu cinq ans, plus une prolongation supplémentaire d’un an, pour mener à bien cette tâche. Comme nous l’avons entendu au comité, l’élaboration de ces règlements a été un processus incroyablement difficile.
Ces règlements sont très complexes : ils couvrent près de 300 pages et plus de 100 normes nationales et internationales en matière de santé et de sécurité incorporées par renvoi. Ces règlements doivent être examinés et approuvés par trois gouvernements distincts, de nombreux ministères et deux organismes de réglementation gérés conjointement, ce qui veut dire, comme vous pouvez l’imaginer, que tout cela prend énormément de temps. Il y a aussi plusieurs autres facteurs, comme des consultations étendues et des échanges multiples avec les parties prenantes ainsi que des priorités concurrentes en matière de rédaction et, plus récemment, l’apparition de nouvelles difficultés liées à la COVID-19.
Je comprends et je peux apprécier à sa juste mesure la déception liée au fait de devoir avoir cette prolongation. Comme cela a été souligné au comité, il est nécessaire que le gouvernement donne la priorité à cette mesure législative et, en fait, donne la priorité à la santé et à la sécurité de nos travailleurs dans la zone extracôtière et de leurs proches.
Comme le ministre O’Regan et les hauts fonctionnaires de son ministère l’ont indiqué en comité, un calendrier de mise en œuvre détaillé est en place pour veiller à ce que le ministère de la Justice et ses partenaires provinciaux respectent l’échéance fixée au 31 décembre 2022. Ce plan a été communiqué aux membres du comité.
Le projet de loi dont nous sommes saisis contient des amendements proposés par le sénateur Wells visant à prolonger les règlements provisoires jusqu’au 31 décembre 2021. D’un point de vue pratique, j’espère que ce délai très serré ne nuira pas à l’adoption du nouveau projet de loi.
Comme l’a fait valoir le ministre, il reste encore plusieurs étapes à franchir avant de finaliser la réglementation actuelle, notamment l’achèvement de l’élaboration des règlements provisoires, la communication de ces règlements aux partenaires provinciaux et aux offices extracôtiers, la réalisation d’un examen interne par le ministère de la Justice pour garantir la cohérence des règlements et des cadres juridiques, la publication préalable dans la Partie I de la Gazette du Canada et la dernière étape de publication dans la Partie II de la Gazette du Canada.
Honorables sénateurs, c’est une priorité pour le gouvernement de faire adopter ce projet de loi au Sénat, mais la mesure législative doit d’abord franchir toutes les étapes dans l’autre endroit et ensuite recevoir la sanction royale. Le compte à rebours est déjà commencé. Cela dit, je suis convaincu que Ressources naturelles Canada, ainsi que le ministre, le gouvernement et toutes les parties concernées sont fermement résolus à surveiller de très près le processus d’élaboration de la réglementation et s’adapteront en fonction des besoins pour faire en sorte que toutes les étapes sont achevées avant la fin de la prolongation accordée.
Le projet de loi S-3 est bien plus qu’un projet de loi; il s’agit de protéger la santé et la sécurité de nos travailleurs dans la zone extracôtière. Adopter ce projet de loi permettra de faire un pas dans la bonne direction pour accomplir l’objectif crucial de renforcer les lois canadiennes en matière de santé et de sécurité en zone extracôtière. Nous le devons aux hommes et aux femmes qui font preuve de courage en gagnant leur vie dans des conditions dangereuses et imprévisibles. Merci. Meegwetch.
Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner la chance de prendre la parole au sujet de l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-3. J’aimerais commencer par remercier le président, le sénateur Massicotte, mais aussi tous les membres du comité pour leurs délibérations réfléchies lors des réunions et leurs commentaires lors des débats à l’étape de la deuxième lecture au Sénat. Je veux aussi remercier le sénateur Ravalia d’avoir piloté ce projet de loi, qui est très important, comme vous le savez. Je me suis exprimé de nombreuses fois sur ce projet de loi, autant en cette enceinte qu’à l’extérieur.
La version de 2014 du projet de loi était seulement une loi habilitante pour que la réglementation puisse être rédigée. Nous ne rédigeons pas les règlements au Sénat. L’autre endroit ne rédige pas les règlements. Nous ne faisons que donner l’autorisation aux responsables et au gouvernement de rédiger les règlements, et cela se fait par un processus de consultations et de publications dans la Gazette. Je vais y revenir dans un instant.
Dans la version originale du projet de loi, vous vous souviendrez sans doute, chers collègues, qu’un délai de cinq ans avait été octroyé. Cette période a été prolongée d’une autre année dans la Loi no 2 d’exécution du budget de 2018. Le projet de loi S-3 vise à ajouter deux années supplémentaires au programme, pour nous amener au 31 décembre 2022.
Le hasard veut que nous nous penchions maintenant sur ce sujet alors que, hier, toute la province de Terre-Neuve-et-Labrador a souligné publiquement le 39e anniversaire du naufrage de l’Ocean Ranger, qui a fait 84 morts. De plus, très bientôt, au début mars, nous nous souviendrons de la tragédie du vol Cougar 491, où 17 personnes ont perdu la vie. Ces commémorations sont importantes non seulement pour Terre-Neuve-et-Labrador et les travailleurs du secteur extracôtier, mais également pour tout le Canada. Elles doivent être soulignées dans cette optique.
Au comité, nous avons entendu des exploitants. Il s’agit de grandes sociétés qui ont des activités dans le secteur extracôtier, des entreprises comme ExxonMobil, Husky, Suncor et Chevron, de grands exploitants qui sont représentés par l’Association canadienne des producteurs pétroliers. Chers collègues, nous avons aussi entendu le témoignage de la Noia, l’association du secteur pétrolier et gazier qui est située à St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador, mais qui a des filiales dans tout le Canada. C’est la plus grande association de l’industrie pétrolière et gazière du Canada. Nous avons aussi entendu Unifor, le syndicat qui représente un bon nombre des travailleurs du secteur extracôtier. Des entreprises qui s’occupent de questions de sécurité au quotidien sont venues témoigner. De son côté, Cougar Helicopters a fait un excellent exposé sur l’importance des règlements permanents pour le secteur des hélicoptères qui mène des activités extracôtières.
Nous savons, chers collègues, qu’il est possible d’y arriver en moins d’un an. Savons-nous pourquoi? Parce que les responsables et le ministre nous l’ont confirmé. En effet, le ministre a dit précisément à la réunion du 9 février du comité, dont je cite ici un extrait :
[...] nous devions commencer les séances de rédaction en personne pendant une journée entière au cours de la semaine du 23 mars l’an dernier. La pandémie nous a alors frappés de plein fouet.
Nous savons donc que le ministère disposait d’au moins neuf mois pour y parvenir, soit jusqu’au 31 décembre. Nous disposons maintenant de ces neuf mois plus cinq semaines, puisque nous sommes maintenant à la mi-février.
Le ministre a également affirmé qu’une des raisons qui motivent ce délai, hormis la COVID-19, qui, bien entendu, a eu des répercussions et a causé un retard en 2020, mais qui ne peut pas être invoquée pour expliquer les retards subis entre 2014 et le début de 2020.
Nous savons également, chers collègues, que la rédaction a été complétée. Voici ce qu’a déclaré M. Gardiner, de Ressources naturelles Canada, lors de son témoignage au comité mardi dernier, le 9 février :
[...] je peux vous confirmer que nous avons une ébauche complète des règlements. Il ne s’agit pas de la première consultation. Comme l’ont souligné le ministre et M. Hargrove, il y a eu de vastes consultations sur les objectifs de la politique qui se sont déroulées en cinq étapes différentes entre 2016 et 2018.
Ainsi, chers collègues, nous savons qu’il est possible d’y arriver dans le délai imparti.
J’aimerais citer ce que le sénateur Patterson a dit au comité. Il a cité une excellente observation de Cyril Northcote Parkinson : « La charge de travail augmente jusqu’à occuper entièrement le temps qui lui est consacré. »
Je crois que c’est ce qui s’est passé dans ce cas-ci. En ce qui concerne le projet de loi de 2014, je constate que nous y avons consacré cinq ans. Je crois que, quand on se donne cinq ans pour faire quelque chose, on a tendance à ne pas commencer avant la quatrième année, et j’ai bien peur que ce ne soit ce qui s’est produit dans ce cas-ci.
Ce qui pourrait entraîner d’autres retards — mais on m’a assuré que cela n’arrivera pas —, ce sont le processus de consultation et la publication dans la Gazette. Un des représentants nous a dit que le cadre de réglementation a déjà été conçu. Selon ce qui était prévu dans le projet de loi de 2014, la période de publication dans la Gazette par défaut serait de 30 jours; l’industrie aurait donc 30 jours pour donner son avis sur le cadre de réglementation proposé par le ministère.
Nous le savons parce que, lors de leur témoignage, l’Association canadienne des producteurs pétroliers, le Dr LeDez, la Newfoundland and Labrador Oil and Gas Industries Association et Unifor ont dit qu’ils peuvent soumettre leurs observations dans le délai de 30 jours prévu par le processus de publication dans la Gazette.
La seule chose qui nécessite davantage de consultation aux fins de la publication dans la Gazette est la période de 75 jours prévue pour les accords commerciaux internationaux ou un éventuel décret du président du Conseil du Trésor. La période par défaut est donc de 30 jours, et toutes les parties ont convenu que c’est le temps que prendra ce processus. Honorables collègues, c’est le processus habituel. Les représentants nous ont dit que le processus de rédaction est terminé.
Comme je l’ai déjà mentionné, le ministre O’Regan a affirmé que le retard était causé par la prise de décisions consensuelles et le fédéralisme canadien. Or, ce n’est pas une question de fédéralisme canadien, mais de sécurité en milieu de travail. Il s’agit d’un dossier facile.
Je me souviens d’une remarque de la sénatrice Simons en comité : le mieux est l’ennemi du bien. La sénatrice Simons, étant journaliste et écrivaine, sait que l’on peut polir un texte indéfiniment pour tenter de le rendre parfait, mais qu’il est crucial de le livrer.
Autre chose concernant la loi et le règlement contenus dans le projet de loi de 2014 : nous ne rédigeons pas les règlements. Nous adoptons la loi habilitante. Une modification pourra être apportée au Règlement n’importe quand. Elle fera l’objet de consultations et d’une annonce dans la Gazette du Canada. C’est là une considération importante. Il ne s’agit pas de la fin, mais du début.
J’aimerais prendre un instant sur les observations faites en comité. Il y a eu trois amendements, réunis en un seul amendement global visant à réduire l’échéancier en le faisant passer de deux ans à un an, ou, en fait, à prolonger d’un an, en le faisant passer de six à sept ans, l’échéancier des règlements transitoires en place, qui se terminerait à la fin de l’année courante, donc le 31 décembre 2021.
Chers collègues, j’aimerais parler des observations formulées. Je tiens tout particulièrement à remercier les sénatrices McCallum et Galvez de m’avoir aidé à les rassembler, car elles étaient pertinentes. On nous a chargés de le faire et de les présenter au comité directeur, ce que nous avons fait.
Honorables sénateurs, la première observation est que le comité craint que le report de l’adoption de règlements permanents sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière n’ait pour effet de retarder l’adoption de changements nécessaires. Le comité est d’avis que le projet de loi S-3 devrait représenter le dernier report de l’échéance pour adopter les règlements sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière du Canada.
De plus, Ressources naturelles Canada doit soumettre un rapport de progrès sur la mise en œuvre au Sénat d’ici le 15 juin 2021. Le rapport doit comprendre l’échéancier de la mise en œuvre jusqu’à l’expiration des règlements transitoires.
Chers collègues, cette observation est évidente. Elle vise à garantir une surveillance des travaux qui doivent être accomplis. Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles peut assurer cette surveillance, ou le Sénat dans son ensemble pourra s’en charger.
La deuxième observation porte sur une mesure lancée par la sénatrice McCallum. Je lui en suis reconnaissant. Le comité est d’avis que les règlements devraient assurer le respect et le maintien des mesures de protection et des pratiques exemplaires par toutes les parties concernées, conformément aux règlements sur la santé et la sécurité et indépendamment de l’âge, de la race, de la religion, du genre, de l’orientation sexuelle et ainsi de suite.
Honorables sénateurs, je crois que ces observations complètent à merveille le travail du comité. Si le projet de loi modifié est adopté en troisième lecture, comme le recommande le comité, nous surveillerons l’autre endroit avec beaucoup d'intérêt pour voir s’il considère, lui aussi, qu’il faut agir dès que possible.
Chers collègues, j’ai mentionné quelques-uns des témoignages présentés au comité et je souhaite en mentionner un dernier. La semaine dernière — le lendemain de la séance du 9 février et la veille de notre séance du 11 février —, un mémoire de Robert Decker a été envoyé aux membres du comité, en français et en anglais. Vous vous souviendrez peut-être que, comme je l’ai mentionné dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, Robert Decker était le seul survivant du vol Cougar 491 qui s’est abîmé dans l’océan Atlantique en mars 2009.
Je souhaite lire une ligne de ce mémoire. Comme vous le savez peut-être, je connais M. Decker. Il ne parle pas de ces événements en public, mais il tenait à le faire dans ce cas-ci. Je vous lis simplement une partie de son mémoire :
Je souhaite ajouter ma voix et dire, en tant que victime d’un manque de sécurité dans la zone extracôtière, que les cinq ans prévus dans le projet de loi initial de 2014 me paraissaient très longs, puisque tout le monde approuvait ce qui était proposé. Le report d’un an accordé en 2018 est passé inaperçu, mais il a été accepté parce que les choses semblaient avancer.
Un autre report de la mise en œuvre des règlements en matière de santé et de sécurité jusqu’en janvier 2023 indique clairement que les responsables de la surveillance de la sécurité en mer n’ont rien appris et que cela leur importe peu. Sénateurs, je vous invite à exhorter le gouvernement à faire ce qui a été promis et à ne pas vous contenter des excuses d’Ottawa, qui compromettent davantage la sécurité en milieu de travail.
Honorables sénateurs, inutile d’en dire plus. Faisons le nécessaire. Je vous remercie.
Honorables sénateurs, je tiens à remercier le parrain du projet de loi, le porte-parole de l’opposition et les membres du comité de leur travail acharné. Nous pensons qu’il est important que le projet de loi soit renvoyé à l’autre endroit. La santé et la sécurité de nos précieux travailleurs sont en jeu.
Je prends simplement acte des réserves du gouvernement concernant le délai réduit qu’entraîne la modification. Nous voterons en faveur du projet de loi, mais nous espérons que les consultations de toutes les parties prenantes et que l’élaboration des règlements ne seront pas bâclées. Sur ce, nous sommes prêts pour le vote.
La sénatrice Galvez a la parole.
Honorables sénateurs, je souhaite aujourd’hui parler du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière, qui vise à prolonger la validité des règlements transitoires le temps qu’une version définitive soit rédigée. Le texte d’origine, qui date de 2014, précisait que les règlements en question devaient être prêts d’ici cinq ans, mais une prolongation d’un an, soit jusqu’en 2020, a été accordée en 2018.
Il y a présentement un vide dans la réglementation fédérale sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière, et c’est ce vide que le projet de loi S-3 vise à combler.
Chers collègues, la production de pétrole et de gaz n’est pas sans dangers. Le nombre d’accidents de travail est d’ailleurs beaucoup plus élevé dans les provinces productrices qu’ailleurs. C’est par exemple à Terre-Neuve que la mortalité professionnelle est la plus élevée du Canada. Selon les autorités des États-Unis, les travailleurs des plateformes de forage sont sept fois plus susceptibles de perdre la vie pendant leur travail que le travailleur américain moyen.
Comme le disait Husky Energy en 2012 :
Les Grands Bancs constituent un milieu hostile [...]
[...] les icebergs y sont très fréquents [...] On en a même déjà observé qui faisaient environ 5,9 millions de tonnes [...]
Je poursuis :
Les tempêtes sont beaucoup plus intenses et plus fréquentes l’hiver que l’été. Les vents peuvent atteindre des vélocités terribles plusieurs fois par année, parfois même comparables à celles d’un ouragan.
Dès qu’une tempête d’envergure est annoncée, les responsables ferment le puits et les employés sont évacués par hélicoptère — c’est du moins la grâce qu’on leur souhaite. Comme d’autres l’ont rappelé avant moi, quand la plateforme de forage Ocean Ranger a chaviré, en 1982 au large de Terre-Neuve, les 84 travailleurs qui étaient alors à bord ont trouvé la mort. En 2009, un hélicoptère transportant des travailleurs jusqu’à une plateforme pétrolière s’est abîmé dans l’océan Atlantique, faisant 17 morts.
Les choses n’iront certainement pas en s’améliorant avec les changements climatiques. En raison du réchauffement climatique, on peut s’attendre à ce qu’il y ait davantage d’icebergs et à ce que les travailleurs soient davantage exposés à des phénomènes météorologiques extrêmes. Les vents forts et les ouragans plus fréquents peuvent affecter l’intégrité structurale des plateformes, et l’acidification de l’océan affaiblit les infrastructures d’acier et de béton. L’élévation du niveau de la mer, les ondes de tempête et les grosses vagues peuvent inonder les ponts et endommager le matériel d’arrimage. L’élévation du niveau de la mer, les vents forts et les vagues peuvent entraîner le chavirement ou la défaillance complète des structures et des plateformes extracôtières.
Les ouragans Katrina et Rita qui ont dévasté le golfe du Mexique en 2005 ont détruit 116 plateformes et 150 autres structures ont dû être retirées au cours de l’année et demie qui a suivi.
Nous ne pouvons ni ne devons oublier le désastre de Deepwater Horizon en 2010, soit le plus grand déversement de pétrole de l’histoire des États-Unis, qui a causé la mort de 11 personnes, a fait 17 blessés et a entraîné des dommages de l’ordre de 17,8 milliards de dollars américains. Un juge a conclu plus tard que BP avait agi avec négligence grave. BP a plaidé coupable en 2013 pour homicide involontaire et payé des amendes criminelles de 4 milliards de dollars.
Or, BP a un intérêt dans neuf licences d’exploration dans la région pétrolière extracôtière de Terre-Neuve.
En avril 2015, à la suite de la tragédie de Deepwater Horizon, le Bureau of Safety and Environmental Enforcement du département américain de l’Intérieur a proposé un ensemble de règlements complexes et très techniques, qui imposent de nouvelles exigences accrues aux forages pétroliers et gaziers extracôtiers. Les nouvelles exigences nécessitent des changements considérables aux règlements qui régissent les exploitants pétroliers et gaziers et feront augmenter les coûts d’une façon qui aura de graves répercussions sur les économies de la côte du golfe du Mexique. J’ai proposé d’entendre des experts en santé et en sécurité de la zone extracôtière des États-Unis pour comparer les règlements provisoires actuels sur la sécurité extracôtière du Canada. Malheureusement, aucun d’entre eux n’a témoigné devant le Comité de l’énergie.
Mon équipe et moi avons eu aussi beaucoup de mal à trouver de l’information sur les coûts liés au respect de normes de santé et de sécurité aussi rigoureuses que ces dernières. Selon une rare étude menée par Wood Mackenzie, qui a été mentionnée dans un article de 2016 sur la modification des règles de sécurité, en supposant que le cours du pétrole est de 80 $ le baril, les règlements modifiés feraient diminuer jusqu’à 55 % le nombre de forages d’exploration.
À ma grande surprise et contrairement à l’industrie pétrolière américaine, les représentants de l’industrie pétrolière canadienne semblaient tout à fait indifférents aux coûts — ce qui pourrait être une bonne nouvelle —, malgré le fait que le prix du pétrole est beaucoup plus bas ces jours-ci. L’Association canadienne des producteurs pétroliers ne s’attend pas à voir des changements importants dans les règlements permanents ou à assumer des coûts supplémentaires. Son porte-parole a dit ceci au Comité de l’énergie : « en ce qui concerne les coûts, le sujet n’a pas été abordé dans nos discussions ». Il a ajouté : « en ce qui concerne les considérations de coût, ce n’est pas vraiment un facteur dont on tient compte dans nos discussions ou dans notre examen des nouveaux règlements » et « les coûts n’entrent pas en ligne de compte ».
Mme Johnson de la Newfoundland & Labrador Oil & Gas Industries Association a fait écho à ces paroles en disant : « la question des coûts n’a pas été soulevée une seule fois avec nos membres. Je suis la PDG de Noia depuis trois ans [...] » et « les coûts n’ont jamais représenté un problème ».
Cependant, comme vous le savez tous, le secteur pétrolier et gazier n’hésite pas à accepter des subventions gouvernementales. En septembre dernier, le gouvernement fédéral a versé 320 millions de dollars au gouvernement de Terre-Neuve pour l’industrie extracôtière, avec la seule réserve qu’ils servent à soutenir les travailleurs et à réduire les émissions de carbone. À l’époque, Mme Johnson a déclaré : « je peux dire que nous sommes heureux de voir les centaines de millions de dollars versés sans presque aucune condition, c’est une bonne nouvelle ». Elle a ajouté : « il a toujours été question de faire en sorte que notre industrie soit compétitive à l’échelle mondiale ».
Aucune justification acceptable n’a été fournie au Comité de l’énergie pour expliquer pourquoi, après six ans d’élaboration, les règlements permanents ne sont toujours pas prêts. Comme on l’a dit, le retard aurait été causé par « la prise de décisions consensuelles et le fédéralisme canadien », ce qui n’a pas empêché le gouvernement fédéral d’élaborer à toute vitesse une réglementation favorisant l’industrie pétrolière extracôtière. En fait, alors que le Sénat était encore en train d’étudier le projet de loi C-69, le gouvernement a proposé que les forages d’exploration en mer soient dispensés d’examen après une évaluation régionale hâtive et a terminé l’ensemble du processus de réglementation en seulement un peu plus d’un an. Alors que l’évaluation commençait, le ministre O’Regan a rassuré l’industrie sur ses conséquences en lui disant : « Les forages d’exploration seraient soustraits de la liste des projets une fois qu’une évaluation régionale aura été menée, un point c’est tout! » Toutefois, le rapport d’évaluation régionale mentionne que le « court laps de temps » réservé à l’étude présente un défi majeur et conclut en ces termes :
Le comité ne disposait pas du temps et des ressources nécessaires pour évaluer les risques. Cependant, une telle évaluation demeure une exigence fondamentale pour guider les décisions futures sur l’utilisation durable des ressources extracôtières.
Le rapport n’a pas évalué les effets cumulatifs sur l’écologie locale ou sur une zone océanique plus vaste que l’Alberta ni sur les changements climatiques. Malgré cela, le gouvernement a annoncé son intention de soustraire l’exploration à l’application de la toute nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact quatre jours après avoir reçu le rapport. Le règlement définitif a été adopté malgré une contestation judiciaire.
Nous connaissons les risques associés au forage en mer. En 2018 a eu lieu le plus important déversement de pétrole dans l’histoire du forage en mer à Terre-Neuve. Il s’agit d’un déversement de 250 000 litres de pétrole brut dans l’océan Atlantique. En 2019, un déversement venant du gisement Hibernia a produit deux nappes de pétrole mesurant chacune 3 km de long. En 2020, deux « déchargements non autorisés » ont eu lieu, ainsi que deux incendies.
J’ai demandé au ministre O’Regan pourquoi il ne faut qu’un an au gouvernement pour effectuer tout le cycle aboutissant à la prise de règlements sur des questions complexes lorsque ces règlements sont favorables à l’industrie pétrolière, mais qu’inversement, il a besoin de plus de six ans pour élaborer la réglementation visant à protéger les intérêts des travailleurs de cette même industrie. Le ministre m’a répondu que l’exemption accordée aux forages d’exploitation constituait la priorité numéro un et que le temps, c’est de l’argent.
Les retards liés à la COVID-19 étaient l’autre raison citée, mais encore, la COVID-19 n’a pas empêché, il y a un mois, l’approbation de trois nouveaux projets d’exploration sur la côte de Terre-Neuve.
Au bout du compte, notre comité n’a pas reçu de justification claire ni acceptable pour le long délai lié aux mesures visant à assurer la santé et la sécurité des travailleurs de la zone extracôtière. Ainsi, le comité a amendé le projet de loi S-3 afin d’accorder une prolongation jusqu’à la fin de 2021, soit un an plus tôt que ce qu’a demandé le gouvernement. Nous croyons également qu’il devrait s’agir de la dernière prolongation accordée pour l’adoption des règlements permanents sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière, et nous demandons au ministère des Ressources naturelles qu’il soumette un rapport des progrès au Sénat.
Chers collègues, au vu de l’argumentaire que j’ai avancé, je vous invite à adopter le projet de loi S-3 tel qu’il a été amendé à l’unanimité par le comité. Nous devons en effet accorder aux travailleurs extracôtiers les mesures de protection permanentes qu’ils méritent et qui se font attendre depuis déjà trop longtemps.
Je vous remercie. Meegwetch.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)