Projet de loi de crédits no 5 pour 2020-2021
Troisième lecture
10 décembre 2020
Honorables sénateurs, j’aimerais remercier la sénatrice Gagné de ses commentaires sur le projet de loi C-17. Dans le projet de loi, le gouvernement demande 21 milliards de dollars. Cependant, le Budget supplémentaire des dépenses (B), qui appuie le projet de loi, prévoit également 59 milliards de dollars en dépenses législatives. Les 59 milliards de dollars de dépenses législatives ont déjà été approuvés par la législation existante. Par exemple, 29 milliards de dollars pour la Prestation canadienne d’urgence ont été approuvés par la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national, promulguée en mars dernier. Presque la totalité des 59 milliards de dollars de dépenses législatives se rapporte à la COVID.
Des 21 milliards de dollars demandés dans le projet de loi C-17, 15,5 milliards sont liés à la COVID. L’Agence de la santé publique du Canada demande 9 milliards de ce montant, dont 5,3 milliards sont destinés à la recherche médicale et au développement de vaccins et 2,2 milliards sont destinés à l’équipement de protection et à l’équipement médical. Les 1,4 milliard de dollars restants sont pour diverses choses : 196 millions de dollars pour des mesures frontalières et de voyage ainsi que des sites de confinement, 46 millions de dollars pour la mise au point d’un vaccin contre la COVID-19, 6,4 millions de dollars pour cinq respirateurs et 3,3 millions de dollars pour Jeunesse, J’écoute.
Par ailleurs, 8,7 milliards de dollars ont déjà été approuvés en vertu de la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national. Il est prévu que 3,8 milliards de dollars seront consacrés à la recherche médicale et au développement de vaccins, et 3,3 milliards de dollars à l’équipement de protection et au matériel médical.
Étant donné l’ampleur du financement prévu pour les vaccins dans le cadre du Budget supplémentaire des dépenses (B), des sénateurs ont manifesté beaucoup d’intérêt à l’égard des vaccins contre la COVID-19 lors des réunions du Comité des finances. Des représentants de l’Agence de la santé publique nous ont informés que le gouvernement avait conclu des ententes pour obtenir des doses de vaccin dont le nombre s’élèverait, selon eux, à des dizaines de millions. Au moment où les audiences ont eu lieu, les trois vaccins les plus prometteurs étaient ceux de Pfizer, Moderna et AstraZeneca. Lors de notre étude, les responsables de la santé publique ont également dit que l’agence s’attendait à ce que le Canada reçoive des doses à partir de janvier et février. Cependant, aucun chiffre sur le nombre de doses n’a été fourni au comité.
Les responsables de la santé publique ont également précisé que les contrats pour les vaccins ne contenaient aucune disposition concernant l’ordre de priorité des pays. Le Canada reçoit maintenant un nombre limité de doses de vaccin aux fins de distribution. La disponibilité et la distribution des vaccins demeureront des sujets de discussion.
Par exemple, un des 14 centres de distribution se trouve dans ma province. On s’attend à recevoir 1 950 doses de vaccin aux alentours du 14 décembre. Je m’attends à ce que des fonds supplémentaires pour les vaccins soient inclus dans le Budget supplémentaire des dépenses (C).
Le ministère des Finances demande 3,2 milliards de dollars, y compris 1 milliard de dollars pour le Fonds pour une rentrée scolaire sécuritaire, 1 milliard de dollars pour le fonds à la province de l’Alberta pour nettoyer les puits de pétrole et de gaz inactifs, et 700 millions de dollars pour le Cadre de relance sécuritaire.
Le milliard de dollars demandé pour le Fonds pour une rentrée scolaire sécuritaire fait partie d’un programme de 2 milliards de dollars visant à aider les provinces et les territoires à couvrir les coûts d’adaptation du secteur de l’éducation pour garantir une rentrée scolaire sûre ainsi que les coûts liés à l’utilisation accrue de désinfectant pour les mains, d’articles d’hygiène, d’équipement de protection individuelle et de produits de nettoyage.
Une autre enveloppe de 1 milliard de dollars pour le Fonds pour une rentrée scolaire sécuritaire avait déjà été approuvée en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques. En effet, ce montant est présenté dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) comme une autorisation législative, qui relève de la Loi sur la gestion des finances publiques.
Puisque l’article pertinent de la Loi sur la gestion des finances publiques a été abrogé le 30 septembre, il a fallu demander le deuxième versement de 1 milliard de dollars par l’entremise d’un projet de loi de crédits.
Comme je l’ai indiqué précédemment, le ministère des Finances demande 700 millions de dollars dans le cadre de l’Accord sur la relance sécuritaire. Il s’agit d’un programme de 19 milliards de dollars qui vise à aider l’ensemble des provinces et des territoires à relancer leur économie, notamment en ce qui touche les soins de santé, le dépistage et la recherche de contacts, les services de garde d’enfants, les congés de maladie, l’aide aux municipalités et l’achat d’équipement de protection individuelle.
Même si le ministère des Finances demande 700 millions de dollars dans le projet de loi de crédits à l’étude, il s’est déjà vu octroyer 12,2 milliards de dollars à titre d’autorisation législative en application de la Loi sur la gestion des finances publiques.
Puisque l’article pertinent de la Loi sur la gestion des finances publiques a été abrogé le 30 septembre, tout versement effectué après cette date doit être approuvé dans un projet de loi de crédits.
Le ministère de la Santé demande aussi 315 millions de dollars pour l’Accord sur la relance sécuritaire, alors qu’une somme de 18,5 milliards de dollars a déjà été approuvée au titre de la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national.
Suivre les fonds pour l’Accord sur la relance sécuritaire a posé certaines difficultés parce qu’ils sont inclus dans deux ministères et que chacun d’eux demande des fonds dans le projet de loi de crédits alors que d’autres fonds ont déjà été approuvés au titre de la Loi sur les paiements relatifs aux événements de santé publique d’intérêt national et de la Loi sur la gestion des finances publiques.
Le ministère des Finances demande aussi 461 millions de dollars pour le Fonds de soutien aux travailleurs essentiels. Il s’agit d’un programme de 3 milliards de dollars, dont 2,5 milliards de dollars ont déjà été prélevés par les provinces. Ces 461 millions de dollars représentent le dernier versement.
Le ministère de la Santé demande aussi 737 millions de dollars, dont 319 millions de dollars sont destinés à la recherche médicale liée à la COVID-19, 315 millions de dollars à l’Accord sur la relance sécuritaire et 100 millions de dollars à des médicaments, à des appareils médicaux et à la télésanté.
Fait intéressant, des fonctionnaires nous ont indiqué que, avant la pandémie, 5 % des rencontres avec un médecin ou un autre professionnel de la santé se faisaient en ligne. Les rencontres au téléphone, par vidéoconférence ou par d’autres moyens virtuels avec un professionnel de la santé représentent maintenant plus de 50 % des interactions.
Le ministère des Transports demande 516 millions de dollars dans ce projet de loi de crédits. Le plus grand poste est de 180 millions de dollars, pour l’achat et la rénovation du navire Villa de Teror. Le prix de l’achat est 155 millions de dollars et les coûts liés à la rénovation s’élèveraient à environ 25 millions de dollars.
Le navire en question a été acheté pour fournir un service de traversier aux résidants des Îles-de-la-Madeleine. Il sera rénové et assurera le service durant l’été, de 2021 à 2026.
Les fonctionnaires nous ont assuré que ce sont les coûts finaux associés au Villa de Teror. Certains sénateurs se sont intéressés aux prix d’achat et de rénovation du Villa de Teror parce que certaines administrations sous-estiment de façon importante les coûts liés à la rénovation lorsqu’elles achètent des navires. Ma province n’y a pas échappé. Les coûts associés au Villa de Teror seront vérifiés lors de l’étude de budgets de dépenses ultérieurs.
Honorables sénateurs, comme je l’ai dit plus tôt, 15,5 milliards de dollars des 21 milliards que contient ce projet de loi sont liés à la COVID-19. Presque la totalité des 59 milliards de dollars de dépenses législatives du Budget supplémentaire des dépenses (B) est liée à la COVID-19. J’aurai davantage d’observations concernant les dépenses liées à la COVID-19 quand je prendrai la parole au sujet du projet de loi C-16 plus tard ce soir.
Pour conclure, j’aimerais remercier mes collègues du Comité des finances nationales de leurs questions pertinentes durant les réunions du comité ainsi que notre président, le sénateur Mockler, les vice-présidents, le sénateur Forest et le sénateur Klyne, et, bien sûr, notre quatrième membre du comité directeur, le sénateur Richards.
Je tiens aussi à exprimer ma gratitude aux fonctionnaires et à leur personnel pour leur excellent travail et pour leur soutien au cours des discussions sur ces postes de dépenses. Honorables sénateurs, merci.
Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui dans le débat en troisième lecture du projet de loi C-17, qui vise à affecter des fonds aux ministères pour couvrir leurs dépenses de fonctionnement et de programme. La destination de ces fonds est précisée dans le Budget principal des dépenses de 2020-2021 et le Budget supplémentaire des dépenses (B), qui ont fait l’objet d’un rapport — publié hier — du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
Je tiens tout d’abord à remercier les sénateurs membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales et leurs employés de leur travail consciencieux et rigoureux durant l’étude de ce projet de loi. Je remercie tout particulièrement le sénateur Forest de ses propos; en effet, le sénateur a demandé que le comité ait pour mandat d’étudier une relance économique propre et juste, qui placerait le bien-être de la société canadienne au cœur de ses objectifs.
Par ailleurs, je tiens à remercier le comité de demander au gouvernement d’augmenter sa capacité nationale à développer et à produire des vaccins, des contre-mesures médicales et de l’équipement de protection individuelle.
Le projet de loi C-17 prévoit l’octroi de 1 milliard de dollars au ministère des Finances à titre de dépenses de programme. Cette somme est destinée au gouvernement de l’Alberta « pour fermer les puits de pétrole et de gaz inactifs et pour réhabiliter les sites des puits ».
À la section 7.5 de son rapport, le Comité sénatorial permanent des finances nationales laisse entendre que la question des puits abandonnés et orphelins est extrêmement complexe. L’incertitude plane toujours sur le moment où les sites des puits seront réhabilités, la façon dont ce sera fait et la manière dont cela se traduira par la création d’emplois.
Je souhaite me concentrer sur un aspect particulier du projet de loi C-17 qui, à mon avis, est mal compris, mal expliqué et ambigu.
Il s’agit du dernier versement prévu dans le cadre de l’aide gouvernementale annoncée en avril 2020, soit un transfert de 1,7 milliard de dollars aux gouvernements provinciaux de l’Ouest pour les aider à couvrir les coûts de nettoyage du nombre sans cesse croissant de puits inactifs et orphelins. C’est le plus grand programme d’aide lié à la pandémie de COVID-19 destiné à une industrie précise jusqu’à maintenant.
Bien que je me réjouisse de la priorité que le gouvernement fédéral accorde aux efforts de réhabilitation, j’ai des réserves au sujet de la conception du programme et de l’absence de conditions qui y sont assorties.
Puisque l’argent sert à satisfaire les obligations du secteur des combustibles fossiles en matière de réhabilitation, nous pouvons considérer cette aide comme une autre façon de subventionner cette industrie.
Hier, nous avons entendu les sénateurs Mockler et Pate expliquer, avec passion, que des millions de citoyens vivant sous le seuil de pauvreté ne recevaient pas d’aide financière. Au même moment, l’industrie pétrolière a reçu cette généreuse subvention, ce qui amène de l’eau au moulin de ceux qui affirment que nous vivons dans un régime socialiste pour certaines grandes entreprises et capitaliste pour les pauvres.
Comme vous le savez peut-être, il y a 450 000 puits de pétrole et de gaz en Alberta, dont plus d’un tiers sont abandonnés. Ils sont inactifs, mais ils n’ont pas encore été nettoyés. Un sous-ensemble de tous ces puits appartient à d’anciennes sociétés qui ne sont plus en mesure de réparer les dommages que leurs puits ont causés à l’environnement ou au propriétaire des terres louées où se trouvent les puits. Il s’agit de puits orphelins; il y en a 5 650 dans tout le pays.
Les compagnies pétrolières et gazières sont légalement obligées de nettoyer leurs puits, mais elles ne sont souvent pas tenues de mettre des fonds de côté dès le début de leurs activités pour s’assurer qu’elles seront en mesure de payer pour le nettoyage, comme c’est maintenant le cas pour l’industrie minière dans certaines provinces. Ainsi, les sociétés peuvent se soustraire à leurs obligations de nettoyage en faisant faillite et en se reconstituant sous une nouvelle forme — en abandonnant leurs puits et en mettant en danger la santé et la sécurité des populations et des écosystèmes.
En Alberta, lorsque l’industrie n’est pas en mesure de nettoyer des puits, les frais sont transférés à l’Orphan Well Association.
L’association est financée par les contributions de l’industrie. Toutefois, au rythme actuel des contributions, mon bureau estime qu’il faudrait près de 160 ans pour nettoyer les puits abandonnés existants, qui représenteront bientôt un passif considérable.
Comme c’est le cas avec l’aide fédérale de 1,7 milliard de dollars, il existe un risque réel que les contribuables finissent par assumer cette responsabilité, car seuls 200 millions de dollars transférés à l’Association des puits orphelins sont censés être remboursés.
Lorsque le gouvernement s’impose pour réduire les effets néfastes de l’extraction des ressources, il est vrai qu’il protège nos communautés locales, nos fermes et notre environnement. Toutefois, il ne respecte pas un principe fondamental de justice sociale, soit le principe du pollueur-payeur. L’industrie génère de la pollution et les gouvernements se chargent de subventionner les coûts de nettoyage engendrés par leur insouciance.
Si c’est la première fois que vous en entendez parler, c’est bien parce que ce sujet n’a pas obtenu sa juste part d’intérêt dans nos débats. Pour mettre les choses en perspective, nous avons consacré des heures à analyser et à débattre du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (Subvention d’urgence pour le loyer du Canada et Subvention salariale d’urgence du Canada), en comité et dans cette Chambre, alors que nous avons passé moins de cinq minutes à discuter de la subvention accordée aux puits orphelins, le rapport final du comité n’indiquant aucune observation à ce sujet.
Nous avons essentiellement donné à l’industrie pétrolière et gazière près de 2 milliards de dollars et, ce faisant, nous avons signalé qu’il est normal qu’une industrie ruine l’environnement et la santé des citoyens, pollue les exploitations et les terres agricoles et mette en péril l’avenir de nos enfants parce que le gouvernement interviendra pour y remédier.
Non seulement nous montrons qu’il est acceptable de polluer, mais nous encourageons en fait les activités polluantes parce que les entreprises tirent profit des ressources tout en évitant les coûts externes qui y sont rattachés. Et ces bénéfices ne profitent ni aux Albertains ni aux Canadiens, puisque 70 % de la production de sables bitumineux appartient à des sociétés ou à des actionnaires étrangers.
Les entreprises de combustibles fossiles en difficulté ont déjà laissé un héritage de plusieurs milliards de dollars de dommages sous forme de résidus miniers, de puits orphelins et de pipelines désaffectés. Selon les estimations de l’organisme de réglementation de l’énergie de l’Alberta, le pire des scénarios a chiffré la facture à environ 260 milliards de dollars pour le pétrole et le gaz, rien que dans cette province. Bien qu’elles soient légalement responsables, ces entreprises ont mis de côté une très petite fraction des coûts prévus, et le fardeau complet retombera inévitablement sur les contribuables, exactement comme l’a souligné le vérificateur général de l’Alberta dans son rapport de 2015.
Il serait irresponsable de s’attendre à ce que l’industrie trouve ou puisse rassembler les sommes nécessaires, puisque les dépenses d’investissement dans les sables bitumineux ont diminué de 79 % depuis 2014. On s’attend à ce qu’elles diminuent à nouveau en 2020 pour la sixième année consécutive.
Chers collègues, la pire chose que nous puissions faire, c’est de faire l’autruche. Nous devons nous adresser aux Albertains et les aider de manière équitable et durable. Nous devons aussi promouvoir et soutenir la diversification et la durabilité de leur économie.
Cette aide financière néglige le principe de pollueur-payeur, met en péril les fonds publics et retarde les efforts de réconciliation, en plus de représenter une violation potentielle des droits des peuples autochtones. À ce jour, seulement 0,1 % des terres exploitées par les sables bitumineux sont récupérées et retournées à la province. Les Canadiens — en particulier les citoyens de l’Alberta, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique — méritent d’avoir une reddition de comptes transparente sur ce passif, afin que nous soyons en mesure de responsabiliser l’industrie et d’en arriver à un plan réaliste pour remédier à la situation.
Enfin, et au cas où vous ne l’auriez pas lu, un article récent du Financial Post a révélé qu’Imperial Oil, Suncor et Canadian Natural Resources, ainsi que des entreprises de combustibles fossiles moins connues comme Enerplus, AltaGas et Peyto, qui ont toutes reçu une aide fédérale dans le cadre du programme de Subvention salariale d’urgence du Canada, ont continué à verser des dividendes aux actionnaires pendant la pandémie de COVID-19.
Cette pratique de gestion est-elle acceptable pour les Canadiens?
Chers collègues, je voterai en faveur du projet de loi C-17. Je conclurai mon intervention en soulignant l’inefficacité de cet usage des deniers publics et la méfiance du public qu’il suscite. J’aimerais aussi me reporter à la recommandation du livre blanc publié récemment par mon bureau au sujet du besoin urgent d’une relance propre et solidaire après la pandémie de COVID-19.
Lorsque l’aide financière est versée, cette aide devrait s’accompagner de mesures strictes de reddition de comptes et d’engagements conditionnels et vérifiables à contribuer au bien-être des personnes et des écosystèmes.
Merci beaucoup. Meegwetch.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)