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Projet de loi de crédits no 1 pour 2022-2023

Troisième lecture

31 mars 2022


L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Chers collègues, hier, lorsque nous nous sommes quittés, j’étais sur le point de conclure mon discours. Il ne me restait qu’à vous rappeler, une fois de plus, que l’outil numérique InfoBase du GC est à votre disposition si vous voulez le consulter. Il permet aux parlementaires, aux Canadiennes et aux Canadiens d’accéder aux renseignements reliés aux budgets des dépenses et à d’autres données sur les finances, ainsi qu’aux résultats du gouvernement.

Je vous remercie de votre attention. Merci, meegwetch.

L’honorable Leo Housakos (leader suppléant de l’opposition) [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour dire quelques mots sur le projet de loi C-16, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2023.

Ce projet de loi prévoit le financement de ce que l’on appelle les « crédits provisoires » qui donnent au gouvernement le pouvoir de dépenser avant l’approbation du Budget principal des dépenses.

L’ouvrage de Marleau et Montpetit intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes explique l’octroi de crédits provisoires comme ceci :

Comme l’exercice financier commence le 1er avril et que le cycle normal des subsides prévoit que la Chambre ne se prononcera sur le Budget principal des dépenses qu’en juin, le gouvernement devrait en théorie se retrouver sans fonds pendant cet intervalle de trois mois. La Chambre autorise donc une avance sur les fonds demandés dans le Budget principal des dépenses afin de combler les besoins des services publics du début du nouvel exercice jusqu’à la date d’adoption du projet de loi portant affectation de crédits fondé sur le Budget principal des dépenses de l’exercice.

Chers collègues, comme je suis arrivé au Sénat fort d’une assez vaste expérience dans le secteur privé, je vous assure que ce processus soulève chez moi de sérieuses questions, comme ce devrait être le cas pour vous.

On nous demande d’approuver environ le quart des dépenses votées prévues par le gouvernement avant même que nous ayons pu faire un examen approfondi de ces dépenses et que le Budget principal des dépenses ne soit approuvé, ce qui ne se fera pas avant juin.

Par surcroît, il est important de comprendre que, quelle que soit la décision du Parlement en juin en ce qui concerne le Budget principal des dépenses, toute approbation de dépenses accordée dans le cadre de ce projet de loi de crédits provisoires ne peut être retirée par la suite.

Ainsi, tel qu’indiqué dans La procédure et les usages de la Chambre des communes :

[...] pendant l’étude du Budget principal des dépenses, ni la Chambre ni ses comités ne peuvent réduire un crédit à un montant moindre que celui qui a déjà été accordé dans les crédits provisoires.

Cette règle s’applique également au Sénat. Même si le Comité sénatorial des finances nationales n’a pas encore examiné une seule page du Budget principal des dépenses, le Sénat est tenu d’approuver 75 milliards de dollars de crédits provisoires sans avoir la possibilité de retirer son approbation une fois qu’elle a été accordée.

Si les travaux des subsides fonctionnaient correctement, ce processus serait acceptable. Des freins et des contrepoids seraient en place pour garantir une reddition de comptes et une surveillance adéquates. Ce n’est toutefois pas le cas. En ce qui concerne les travaux des subsides, les parlementaires obtiennent des informations inadéquates et en retard et ne reçoivent pas de plan pour remédier au problème.

Nous nous en plaignons toujours, mais c’est toujours le même cycle malheureux. Soyons clairs, chers collègues. Ce n’est pas un problème nouveau. Il est survenu à maintes reprises. Nous déchirons nos chemises avec indignation lorsqu’il survient.

Le directeur parlementaire du budget a soulevé ce problème dans son rapport paru en novembre, qui s’intitule Points à considérer par le Parlement sur la réforme des travaux des subsides. Il a remarqué chez de nombreux parlementaires, et je cite : « [...] des doutes grandissants quant à leur capacité de consentir de façon éclairée aux plans financiers du gouvernement ».

On peut également lire ce qui suit dans ce texte, et je cite :

L’illustration la plus tangible en est tous ces rapports où, depuis le milieu des années 1990, les comités permanents du Parlement recommandent d’améliorer les mesures de contrôle qui s’inscrivent dans les travaux des subsides.

On parle du milieu des années 1990. C’était il y a 30 ans et le problème persiste, chers collègues.

Chers collègues, je pense pouvoir parler au nom de la plupart d’entre nous lorsque je dis que nous jetons un coup d’œil au Budget principal des dépenses lorsque nous le recevons et que nous nous sentons presque immédiatement dépassés et épuisés, comme l’ont dit beaucoup de nos collègues. Il y a sans doute quelques exceptions, peut-être les sénateurs Marshall et Loffreda, mais je suis convaincu que pour un grand nombre d’entre nous, parcourir le Budget principal des dépenses est un peu comme boire à même un tuyau d’incendie. Il est tout simplement impossible de pouvoir examiner et assimiler adéquatement autant d’information financière dans le délai prévu.

Au bout du compte, je me demande combien d’entre nous ferment le Budget des dépenses et sont plus reconnaissants que jamais aux sénateurs Marshall et Loffreda et aux autres sénateurs qui passent en revue plus facilement toutes ces informations et sont en mesure de les analyser en profondeur, car, chers collègues, cela représente énormément de dépenses qui sont approuvées très rapidement.

Cependant, la vérité, c’est qu’aucun parlementaire ne peut examiner minutieusement le Plan des dépenses du gouvernement et le Budget principal des dépenses parce que les informations nécessaires pour le faire ne sont pas facilement accessibles. De plus, je ne sonne pas l’alarme à ce sujet à de simples fins partisanes; il s’agit d’un problème largement reconnu qui est négligé depuis longtemps.

Dans son rapport de 2016 — publié il y a six ans —, le directeur parlementaire du budget a souligné trois problèmes fondamentaux à propos des travaux des subsides : premièrement, dans le budget, on présente les nouvelles initiatives, alors que dans le Budget des dépenses, on présente les rajustements fonctionnels aux affectations. Pourquoi est-ce important? Eh bien, c’est parce que, comme l’indique le rapport du directeur parlementaire du budget :

Le Parlement ne peut contrôler les nouvelles initiatives; des fonds peuvent donc être transférés d’une initiative à l’autre sans approbation parlementaire.

Le deuxième problème est que les nouvelles mesures budgétaires sont absentes du Budget principal des dépenses :

Le Parlement consacre du temps à l’examen d’un plan de dépenses — le budget principal des dépenses — qui ne reflète pas la réalité actuelle présentée dans le budget.

Troisièmement, le budget et le Budget principal des dépenses ne partagent ni la même portée ni la même méthode de comptabilité. Comme le souligne le directeur parlementaire du budget, cela signifie que :

Le Parlement est appelé à voter sur un plan de dépenses — le budget principal des dépenses — qu’il est difficile de rapprocher des dépenses d’ensemble.

Chers collègues, je mentionne ces trois points pour insister sur le fait que les problèmes qui ont une incidence sur la capacité des parlementaires de remplir adéquatement leur fonction de surveillance des dépenses publiques sont bien connus. Il n’y a aucun mystère à cet effet.

En fait, le rapport du directeur parlementaire du budget de 2016 résumait les conclusions d’un rapport d’un comité de la Chambre des communes publié en 2012, qui s’intitulait Renforcer l’examen parlementaire des prévisions budgétaires et des crédits.

Ce rapport, qui a obtenu l’appui de tous les partis, avait relevé l’existence de certains problèmes à l’époque, et il avait également proposé des mesures pratiques et importantes visant à les résoudre.

C’était il y a 10 ans, et les parlementaires attendent toujours la mise en œuvre des solutions qui avaient été mises de l’avant.

Il faut reconnaître que le gouvernement n’a pas simplement ignoré les propositions. Il a admis que le système était brisé et qu’il devait être réparé.

En novembre 2016 — encore une fois, il y a six ans —, le gouvernement a publié un document intitulé Outiller les parlementaires avec de la meilleure information qui correspond à sa vision de la réforme des budgets des dépenses. Le tout premier paragraphe du document, accessible en ligne, se lit comme suit :

L’incapacité du Parlement à jouer un rôle significatif dans l’examen des plans de dépenses du gouvernement du Canada est une source fréquente de frustration. Cela est attribuable à l’incohérence d’un processus budgétaire où les initiatives du Budget ne sont pas incluses au budget principal des dépenses, où les plans de dépenses sont difficiles à comprendre et à rapprocher, et où les rapports ne sont ni pertinents ni instructifs.

Honorables sénateurs, ce sont les paroles du gouvernement en 2016. Cette déclaration a été faite dans un document publié par le président du Conseil du Trésor à l’époque, nul autre que l’honorable Scott Brison.

Maintenant, d’une part, peut-être pouvons-nous trouver du réconfort dans le fait que le gouvernement a reconnu qu’il y a un problème et que ce problème doit être résolu. D’autre part, cette reconnaissance a été faite il y a cinq ans et demi, et rien, absolument rien n’a changé de façon substantielle depuis.

Dans le rapport sur le Budget principal des dépenses qui est paru cette année, le directeur parlementaire du budget a tiré de nouveau la sonnette d’alarme. Il a écrit ce qui suit, et je cite :

Comme le DPB l’a mentionné dans des rapports antérieurs, le Budget principal des dépenses doit être déposé à une date établie (au plus tard le 1er mars), mais les autres renseignements connexes (notamment, les plans ministériels et les rapports sur les résultats ministériels) ne sont pas assujettis à une telle condition. Ce pouvoir discrétionnaire donne une marge de manœuvre importante au gouvernement; il crée toutefois un risque de décalage entre les sommes que l’on demande aux parlementaires d’approuver et le moment où les détails sur les dépenses prévues (et réelles) sont présentés. Cette situation nuit à la capacité des parlementaires de mener un examen approfondi utile des dépenses proposées.

L’honorable Elizabeth Marshall [ + ]

Merci de vos observations, sénateur Housakos.

Avant de commencer mon discours, je veux dire quelques mots au sujet du Budget provisoire des dépenses et revenir sur quelques points que vous avez soulevés. Nous passons beaucoup de temps au Comité des finances nationales — et je passe beaucoup de temps — à lire les documents financiers du gouvernement. Bien sûr, la plupart d’entre eux font des centaines de pages, mais, même moi, je trouve qu’il est difficile de comprendre ce qui se passe. Je dois dire qu’essayer de faire correspondre les documents des budgets des dépenses avec le budget est un processus absolument impossible.

L’autre chose que je veux mentionner relativement à certaines de vos observations est que le Comité des finances nationales consacre beaucoup de temps aux documents des budgets des dépenses et aux documents des budgets supplémentaires des dépenses. Nous nous concentrons sur les projets de loi de crédits, mais, si on lit les comptes publics de l’année dernière, on constate que 166 milliards de dollars ont été approuvés par l’intermédiaire de projets de loi de crédits, alors que 308 milliards de dollars ont été approuvés par l’intermédiaire d’autres lois. Nous nous penchons rarement sur cet argent. Nous ne nous penchons que sur le tiers des dépenses gouvernementales, et j’ai toujours trouvé cela préoccupant.

Je vais parler plus particulièrement du projet de loi de crédits provisoires. La sénatrice Gagné en a déjà parlé en grande partie, et le sénateur Housakos y a fait allusion, mais parfois, il faut répéter quelque chose huit fois avant que les gens comprennent. Je vais donc parler brièvement du projet de loi de crédits provisoires.

Il s’agit là du premier projet de loi de crédits pour l’exercice 2022-2023. Comme je l’ai dit auparavant, l’exercice commence le 1er avril et se termine le 31 mars, ce qui veut dire que l’exercice en cours prendra fin aujourd’hui. C’est un grand jour. C’est la fin d’un exercice financier, et un nouvel exercice commencera demain. Le Sénat vient d’approuver le dernier projet de loi de crédits pour l’exercice qui se termine, soit le projet de loi C-15.

Nous étudions maintenant le projet de loi C-16, qui vise à approuver des fonds pour le nouvel exercice. C’est ce qu’on appelle le projet de loi de crédits provisoires. C’est pour l’exercice qui commencera demain. Étant donné que le Budget principal des dépenses n’a pas encore été approuvé par la Chambre des communes et par le Sénat, le gouvernement a besoin d’argent pour maintenir ses activités. On demande donc au Parlement d’approuver l’avance de fonds demandée dans le Budget principal des dépenses. C’est ce que vise à faire le projet de loi C-16, qui indique en détail les sommes dont le gouvernement a besoin pour maintenir ses activités jusqu’au 30 juin, date à laquelle on s’attend à ce que le Budget principal des dépenses soit approuvé.

Si on prend le projet de loi comme tel, on voit que le financement demandé dans le projet de loi de crédits est exprimé en douzièmes du montant à voter dans le Budget principal des dépenses. Il y a aussi une annexe, mais elle commence par dire que tout le monde recevra trois douzièmes du financement qui lui est accordé dans le Budget provisoire des dépenses, à l’exception de ce qui suit. Il y a également une annexe qui mentionne que ce sera quatre douzièmes pour certains ministères et certains crédits, et il y en a beaucoup qui recevront cinq douzièmes. Il en va ainsi jusqu’à douze douzièmes. En moyenne, si on prend l’ensemble des montants, on constate que le gouvernement demande en fait environ cinq douzièmes de toutes les sommes demandées.

Ce qui me frappe dans ce projet de loi, c’est que les 190 milliards de dollars demandés dans le Budget principal des dépenses constituent un montant beaucoup plus élevé que celui du Budget principal des dépenses de l’année dernière, qui était de 142 milliards de dollars. À 190 milliards de dollars cette année, on parle d’une augmentation d’environ 33 % ou 34 %.

Le projet de loi de crédits provisoire a donc, lui aussi, augmenté et il est passé de 59 milliards de dollars à 75 milliards de dollars. Nous n’en sommes encore qu’au tout début, il se peut donc que ces montants augmentent encore beaucoup.

Nous n’avons pas encore fait l’étude du projet de loi. Habituellement, nous le parcourons pour voir si certains éléments attirent notre attention. Nous en avons relevé quelques-uns. Par exemple, quatre organismes demandent une augmentation importante de leur financement. L’Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario demande une augmentation substantielle. Il en est de même pour Emploi et Développement social Canada et Femmes et Égalité des genres Canada. Nous devrions entendre ces trois organismes en comité. Le quatrième organisme, Services aux Autochtones Canada, pose, selon moi, un problème a priori. Ses représentants ont témoigné devant le comité sénatorial chargé d’étudier le Budget supplémentaire des dépenses (C), et nous avons constaté que leur Rapport sur les résultats ministériels comportait beaucoup de lacunes. Sur les 79 indicateurs de rendement, 14 ont été atteints. Il y en a donc 63 qui n’ont ni été atteints ni ne sont en voie de l’être, ou pour lesquels aucune donnée n’a été fournie. Voilà un problème qui doit être signalé.

Voilà donc mes observations sur le projet de loi de crédits provisoires. J’ai hâte de lire le Budget principal des dépenses, car nous pourrons alors étudier tous les détails du projet de loi.

Son Honneur le Président [ + ]

Sénatrice Marshall, vous avez encore du temps. Une sénatrice souhaiterait poser une question. Accepteriez-vous d’y répondre?

La sénatrice Marshall [ + ]

Oui, bien entendu.

Merci, sénatrice Marshall. Vous avez dit que vous deviez répéter la même chose plusieurs fois pour être entendue. Je voudrais vous dire que je vous ai entendue et que je suis inquiète, tout comme vous, de ne voir que le tiers de l’ensemble des dépenses.

Étant donné que vous siégez au Comité des finances nationales depuis beaucoup plus longtemps que moi, voudriez-vous me dire si les choses se faisaient ainsi il y a quelques années? Est-il normal de ne voir que le tiers des dépenses ou est-ce une conséquence de la COVID? Merci.

La sénatrice Marshall [ + ]

Non, la COVID n’explique pas cette situation. La pandémie l’a peut-être aggravée parce qu’une partie des dépenses liées à la COVID étaient législatives. Cela dit, le problème a toujours existé. Je pense en avoir parlé au Sénat à maintes reprises. En fait, j’ai rédigé une lettre — elle n’est pas tout à fait prête à être envoyée comme j’attends la traduction — qui demande que le Comité des finances nationales fasse l’examen de l’utilisation de ces 308 milliards de dollars. Je crains que les membres du Comité des finances pensent que toutes les dépenses se trouvent dans le Budget principal des dépenses et les budgets supplémentaires des dépenses alors que ce n’est pas le cas. Il y a beaucoup d’autres sommes qui sont dépensées à l’extérieur du processus, et les membres du comité devraient en être informés. Nous devrions suivre ces fonds, assurer une surveillance et en faire rapport à nos collègues du Sénat.

Son Honneur le Président [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur le Président [ + ]

L’honorable sénatrice Gagné, avec l’appui de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois. Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Son Honneur le Président [ + ]

J’ai entendu un non. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Son Honneur le Président [ + ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Son Honneur le Président [ + ]

À mon avis, les oui l’emportent.

Son Honneur le Président [ + ]

Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

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