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Projet de loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé

Projet de loi modificatif--Message des Communes--Motion d’adoption des amendements des Communes--Suite du débat

6 juin 2023


Honorables sénateurs, je prends la parole pour répondre au message de l’autre endroit concernant le projet de loi S-5, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé.

Un an après notre étude approfondie du projet de loi visant à réformer la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, ou LCPE, nous sommes enfin sur le point de moderniser le cadre législatif du Canada en matière de substances toxiques. Inutile de vous rappeler que la LCPE a été adoptée en 1999 et qu’elle n’a pas été mise à jour depuis. Avoir attendu 24 ans avant de moderniser l’outil le plus important pour la protection de l’environnement et de notre santé, alors que la science a progressé à un rythme sans précédent et qu’elle nous a mis en garde, c’est inadmissible.

Face à l’omniprésence de la pollution par les plastiques, à la présence de microplastiques dans les organes humains, aux déversements incontrôlés de produits toxiques, aux terrifiants feux de forêt, aux inondations et autres phénomènes météorologiques extrêmes causés par les gaz polluants qui réchauffent l’atmosphère, je ne peux m’empêcher de me poser cette question : nous serions-nous retrouvés dans cette terrible impasse si nous avions révisé la LCPE il y a 15 ans?

Le projet de loi S-5 revient au Sénat avec une série d’amendements modifiant 38 articles. Les amendements de la Chambre des communes s’appuient généralement sur le travail du Sénat, et nous lui en sommes reconnaissants. La Chambre des communes a conservé intacts 21 de nos amendements, validant ainsi le bon travail que nous avons entrepris en comité. Je remercie de tout mon cœur chacun des membres du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Les autres amendements du Sénat ont été, pour la plupart, clarifiés ou reformulés, et seuls quelques-uns ont été rejetés par les Communes.

Dans mon discours, j’aborderai quelques amendements particuliers qui, selon moi, ont été renforcés à la Chambre, ainsi que quelques lacunes et faiblesses restantes.

L’inclusion du concept de droit à un environnement sain constitue une des principales caractéristiques du projet de loi S-5. Au cours de notre étude, la plupart des témoins ont bien accueilli le concept, mais ils ont reproché au projet de loi de se contenter de charger le ministre de l’Environnement et du Changement climatique d’élaborer et de mettre en œuvre un plan plutôt que de consacrer le droit réel.

La Chambre a proposé quelques amendements, mais l’objectif reste le même. Elle a ajouté une définition d’un environnement sain, en disant qu’il s’agit d’un « environnement qui est propre, sain et durable ». Elle a restructuré l’amendement du Sénat qui exigeait que le cadre de mise en œuvre précise les limites raisonnables auxquelles ce droit est soumis, tout en conservant l’intention du Sénat.

Elle a également clarifié le principe de l’équité intergénérationnelle en affirmant :

[...] il importe de répondre aux besoins de la génération actuelle sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs [...]

Selon la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, le gouvernement doit évaluer les substances et les catégoriser en fonction de leur toxicité. Chaque année, le gouvernement du Canada évalue environ 600 nouvelles substances sur le marché canadien. Toutefois, il ne s’est pas donné les ressources suffisantes pour évaluer toutes les substances actuellement sur le marché canadien. Pour cette raison, j’ai tenté d’amender le projet de loi en imposant un délai fixe au ministre pour l’achèvement d’une évaluation et la publication de ses résultats. À l’époque, le comité avait décidé de ne pas imposer de délai puisque les délais d’évaluation dépendraient de la quantité de ressources gouvernementales consacrées à cette tâche.

Pour remédier à la situation, la Chambre des communes a proposé ce qui, à mon avis, représente un compromis raisonnable. Si l’évaluation d’une substance n’est pas terminée après deux ans, le ministre doit publier une déclaration qui précise les raisons d’un tel délai ainsi que l’échéancier envisagé pour la publication de la décision finale.

C’est une question de responsabilité ministérielle. Il incombe donc au ministre de justifier tout délai susceptible de nuire à notre santé.

Le point suivant que j’aimerais aborder est celui de la confidentialité. Actuellement, lorsqu’une société fournit des renseignements sur une substance à la demande du ministre, elle peut demander, par écrit, que ces renseignements demeurent confidentiels. Dans le cadre du régime actuel de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, ces demandes sont automatiquement approuvées, sans que le ministre ait à intervenir. Cela témoigne d’un manque de transparence. Bien entendu, la nécessité de traiter ces renseignements de façon confidentielle peut être justifiée par de nombreux motifs légitimes, tels que le secret commercial, la préservation de l’intégrité d’un contrat, ou la protection contre les pertes financières. Cependant, la société qui en fait la demande devrait être tenue de démontrer en quoi cette confidentialité est nécessaire, et il devrait incomber au ministre de donner ou non son accord. C’est un aspect que la sénatrice Miville-Dechêne et moi-même avons fait valoir dans le cadre de l’étude du comité auquel nous siégeons. Malheureusement, celui-ci a choisi de rejeter notre proposition.

Heureusement, la Chambre des communes s’est saisie de cette importante question de transparence et a trouvé un compromis. L’amendement proposé obligerait le ministre à examiner un échantillon statistiquement représentatif des demandes de confidentialité approuvées et à déterminer si la demande est justifiée en fonction de quatre critères. Les demandes qui ne satisfont pas à ces critères sont alors refusées, et le ministre doit produire chaque année un rapport sur les demandes de confidentialité.

Je pense qu’il s’agit là d’un bon équilibre. Lorsque des renseignements n’ont pas besoin de demeurer confidentiels, les Canadiens ont le droit d’en prendre connaissance, surtout lorsqu’il s’agit de leur santé et de la protection de l’environnement.

En général, je pense que l’autre endroit a renforcé le travail du Sénat sur ce projet de loi. Je ne suis toutefois pas en train de dire qu’il n’y a plus de lacunes ou de questions non résolues par rapport à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.

Les experts en politiques environnementales sont mécontents de la suppression du titre de l’annexe 1. Cette liste existe parce que ces substances ont été jugées toxiques selon des contextes, des quantités ou des voies d’exposition déterminés. L’industrie s’est plainte en disant qu’une partie de ces substances se trouvent dans des produits de tous les jours. Que le titre de cette liste inclue ou non les mots « substances toxiques », les exigences juridiques de ces entreprises ne changent pas — c’est simplement une question de terminologie. Par souci de transparence, et dans l’intérêt du Canadien moyen, la nomenclature est importante. Cacher le fait que des données scientifiques ont permis de juger ces substances comme étant toxiques dans certains contextes est un manque de transparence envers les Canadiens.

La capacité du gouvernement à évaluer les substances constitue un autre problème majeur. Le gouvernement dépend trop de l’industrie pour fournir la base scientifique des évaluations et se contente souvent d’un examen de la documentation au lieu de mener des tests scientifiques sur les substances elles-mêmes. Il s’agit d’un problème, car nous dépendons de l’industrie pour des décisions qui relèvent de la responsabilité du ministre. Par exemple, selon un article de CBC qui a été publié la semaine dernière, l’industrie est au courant des risques posés par les substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques, aussi appelées SPFA ou produits chimiques éternels, depuis des décennies et elle les a dissimulés. Les principaux intervenants de l’industrie savaient que ces substances étaient toxiques; pourtant, elles sont présentes dans tous les produits, allant des ustensiles de cuisine au maquillage. Ces produits chimiques sont connus pour causer des problèmes hépatiques, des problèmes de grossesse et des cancers. Pire encore, l’industrie a employé des tactiques semblables à celles des industries du tabac et des combustibles fossiles pour brouiller les pistes quant à la toxicité des produits chimiques éternels et pour empêcher les chercheurs de se pencher davantage sur la question.

C’est tout à fait inacceptable et il est de notre devoir, en tant que législateurs, d’adopter un cadre législatif qui réglemente mieux l’industrie. Nous ne pouvons pas jouer avec la santé et la sécurité des Canadiens. Nous ne pouvons pas nous fier à des expériences qui sont surtout conçues, réalisées, analysées et divulguées par l’industrie en vue de réaliser des ventes et des profits plutôt que dans l’intérêt des Canadiens. Nous devons doter le gouvernement des ressources appropriées pour qu’il effectue ses propres évaluations scientifiques rigoureuses et transparentes.

Chers collègues, le projet de loi S-5 est une modernisation indispensable de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Il n’est pas parfait et il reste encore beaucoup à faire pour avoir une loi sur la protection de l’environnement qui se concentre vraiment sur la prévention de la pollution, et non sur sa gestion et son contrôle.

L’actuel ministre de l’Environnement et du Changement climatique a promis que d’autres révisions de la loi sont à venir, et j’attends ces propositions avec impatience. Nous ne devrions plus jamais attendre 24 ans pour moderniser un texte législatif si essentiel à la protection de notre santé et celle de l’environnement.

Je vous encourage donc à appuyer le projet de loi tout en continuant à revendiquer d’autres améliorations dans un avenir rapproché.

Merci. Meegwetch.

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