Projet de loi sur la Journée nationale de Thanadelthur
Deuxième lecture
7 novembre 2024
Votre Honneur, je vous remercie de commencer la période des questions une minute plus tôt que prévu. Je pensais devoir retenir mon souffle pendant une minute avant de commencer à parler, mais je n’ai pas eu à le faire.
Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-274, Loi instituant la Journée nationale de — j’espère ne pas bousiller ce mot trop souvent, sénatrice McCallum — Thanadelthur. Il s’agit d’un projet de loi présenté par la sénatrice McCallum.
Avant toute chose, chers collègues, je dois remettre les pendules à l’heure, comme je l’ai déjà fait par le passé. Ma mise au point concerne des propos tenus par la sénatrice McCallum pendant son intervention après l’ajournement, et des insinuations faites par d’autres personnes après l’ajournement du débat il y a environ une semaine. Selon ces insinuations, les conservateurs auraient retardé l’adoption du projet de loi en demandant l’ajournement ce jour-là.
Très franchement, c’est loin d’être le cas. En fait, lorsque la sénatrice McCallum a présenté son discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-274 le 21 septembre 2023, l’ajournement a été demandé au nom de la sénatrice McPhedran. Celle-ci a ensuite conservé l’ajournement à son nom pendant plus d’un an; elle a même remis l’horloge à zéro en avril dernier. Elle a finalement pris la parole le 15e jour, mardi dernier, plus d’un an plus tard.
Chers collègues, l’ajournement n’a jamais été inscrit à notre nom. Je ne vois donc pas comment nous aurions pu retarder l’avancement du projet de loi S-274.
Les seules personnes qui ont retardé l’adoption de votre projet de loi, sénatrice McCallum, sont en fait la sénatrice McPhedran et les gens du bureau du représentant du gouvernement au Sénat. Il incombe au bureau du représentant du gouvernement au Sénat, par l’entremise de la sénatrice LaBoucane-Benson, comme nous l’avons dit par le passé — et peu importe à quel point ils semblent dépourvus, encore une fois —, d’offrir une représentation adéquate aux sénateurs non affiliés.
De toute évidence, ils vous ont laissés tomber, vous et d’autres sénateurs non affiliés, sénatrice McCallum. Ce ne sont ni les conservateurs, ni le Groupe des sénateurs indépendants, ni le Groupe des sénateurs canadiens, ni le Groupe progressiste du Sénat. C’est le gouvernement qui vous a laissés tomber.
Nous savons tous qu’avec un bon gouvernement au Sénat, votre projet de loi, sénatrice McCallum, aurait été mieux représenté. Au lieu de cela, le représentant du gouvernement au Sénat affirme que le gouvernement n’interviendra pas dans les projets de loi d’initiative parlementaire. Ensuite, ce même gouvernement choisit de voter en faveur de l’ajournement du débat sur un projet de loi d’initiative parlementaire et de voter contre l’ajournement sur un autre projet de loi d’initiative parlementaire.
Nous savons tous que les porte-parole, qu’ils soient favorables ou non, sont généralement les dernières personnes à prendre la parole au sujet d’un projet de loi. Ce n’est pas une règle, mais c’est une convention. On offre aux porte-parole la possibilité d’être les derniers à prendre la parole.
Le débat sur votre projet de loi avait été ajourné au nom de la sénatrice McPhedran. Me voici, une semaine plus tard, en train de parler.
À cet égard, je voudrais aborder brièvement le projet de loi C-355. Nous avons été accusés — et moi plus particulièrement — par le sénateur Dalphond, Animal Justice et toutes sortes d’autres intervenants de bloquer le projet de loi C-355. Beaucoup d’entre vous ne savent probablement même pas ce qu’est le projet de loi C-355, mais on m’accuse d’être responsable de son blocage. Animal Justice envoie des lettres à ses membres pour leur dire que les conservateurs bloquent ce projet de loi et que des chevaux sont abattus à cause des conservateurs.
Je suis le porte-parole de ce projet de loi et j’ai l’intention d’être la dernière personne à prendre la parole à propos du projet de loi avant de le renvoyer au comité. Aujourd’hui, le plumitif indique que quatre personnes doivent prendre la parole sur le projet de loi C-355. Leur nom est inscrit sur le plumitif pour aujourd’hui, mais c’est moi et les conservateurs qu’on accuse de bloquer cette mesure législative. Au moins deux autres sénateurs de deux caucus différents m’ont dit qu’ils voulaient également prendre la parole au sujet du projet de loi C-355. Ils ne savent pas quand, mais ils veulent parler du projet de loi C-355. Pourtant, la collecte de fonds se poursuit et la lutte contre les conservateurs continue.
Tout cela est vrai.
Peu importe ce que vous dites, sénateur Gold, c’est la vérité. Vous êtes l’un de ceux qui veulent prendre la parole à ce sujet. Le leader du gouvernement veut parler du projet de loi C-355 aujourd’hui, mais le sénateur Dalphond dit que c’est moi qui en retarde l’adoption.
Encore une fois, ce sont les conservateurs, la sénatrice McCallum et nos collègues, qui vont faire leur travail et vous aider à faire avancer votre bon projet de loi.
Comme je l’ai dit à maintes reprises, je crois fermement au droit de chaque sénateur de prendre la parole. J’ai toujours eu le plus grand respect pour votre réelle et grande indépendance, sénatrice McCallum.
Je soulève ces points parce que les insinuations soulevées à l’encontre du caucus conservateur sont injustes et sans fondement. Vous pouvez donc sûrement comprendre la surprise et la déception de mes collègues lorsqu’on a formulé ces insinuations il y a une semaine.
Même si je n’interviens pas très souvent sur ce genre de projets de loi où nous promulguons un mois ou une semaine de sensibilisation — je ne suis pas le plus grand partisan des journées, des semaines et des mois de sensibilisation à quelque chose —, selon moi, le projet de loi S-274, présenté par la sénatrice McCallum, est différent. C’est une exception parce que, à mon avis, il s’agit d’une occasion pour le pays, et surtout pour les enfants, d’en apprendre un peu sur notre histoire.
Née à la fin des années 1690, Thanadelthur a été une négociatrice pour la paix, une guide, une enseignante et une interprète dans le Nord du Manitoba. Elle a négocié la paix entre sa tribu — les Dénésulines — et les Cris, et elle a joué un rôle clé dans la création de liens entre sa tribu et la Compagnie de la Baie d’Hudson pendant la période du commerce des fourrures.
Après avoir échappé à ses ravisseurs en 1714, Thanadelthur est retournée à York Factory, un poste de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Le gouverneur James Knight voulait étendre le commerce au nord du fleuve Churchill, mais il avait besoin que les Dénésulines et les Cris fassent la paix. Avec un groupe de 150 Cris, Thanadelthur s’est lancée dans une mission de paix entre les deux nations.
Même si la majorité des membres de son groupe n’a pas survécu à l’hiver ou aux maladies, Thanadelthur, accompagnée d’environ une dizaine de ses compagnons, était déterminée à poursuivre. Alors que l’échec semblait inévitable, ils sont tombés sur les cadavres de neuf Dénésulines. Craignant des représailles, les membres cris de son groupe n’ont pas voulu continuer.
Déterminée, Thanadelthur les a convaincus de rester là où ils étaient et leur a promis de revenir dans 10 jours. Après avoir trouvé un groupe de Dénésulines, elle les a persuadés que ses intentions étaient pacifiques et, comme promis, a rejoint son groupe 10 jours plus tard.
Près d’un an après le départ de l’expédition de York Factory, Thanadelthur revint avec un accord de paix. Le nouvel accord de paix autorisait la Compagnie de la Baie d’Hudson à s’étendre au nord du fleuve Churchill, où elle allait fonder l’actuelle ville de Churchill. Encouragé par cette expansion, le gouverneur Knight organisa une deuxième expansion, ce que Thanadelthur accepta. Malheureusement, elle ne vit jamais ce projet se réaliser puisqu’elle mourut de maladie le 5 février 1717.
Après sa mort, le gouverneur Knight écrivit ce qui suit dans son journal :
Elle possédait un grand esprit et la résolution la plus ferme que j’aie jamais vue chez une personne de toute ma vie, et faisait preuve d’un immense courage.
Selon le Churchill Northern Studies Centre, Thanadelthur est célébrée pour plusieurs raisons :
Premièrement, elle est célébrée pour sa diplomatie, qui s’est manifestée par une négociation réussie entre les Cris et les Dénésulinés, et qui est un excellent exemple de diplomatie efficace et de résolution de conflits.
Deuxièmement, elle est célébrée pour sa bravoure; son voyage, sa survie et sa volonté d’être une artisane de la paix en période de violence mettent en évidence son courage extraordinaire.
Troisièmement, elle a eu une influence considérable sur le commerce. Les accords de paix qu’elle a négociés ont permis à la Compagnie de la Baie d’Hudson de faire du commerce dans le Nord du Manitoba jusqu’à l’actuelle ville de Churchill.
Enfin, Thanadelthur est célébrée pour son rôle d’ambassadrice culturelle, grâce à ses efforts de pacification entre les différentes cultures autochtones ainsi qu’entre les peuples autochtones et les Européens. Elle a convaincu trois groupes de passer outre leurs différences culturelles pour trouver ensemble un terrain d’entente, ce qui est un véritable exploit.
Thanadelthur, qui est largement reconnue comme une ambassadrice de la paix, a eu une grande importance dans l’histoire du Manitoba et des Autochtones. Les défis qu’elle a dû relever pour survivre aux hivers rigoureux du Manitoba font d’elle un symbole de force, de leadership et de courage. Et croyez-moi, chers collègues — comme la sénatrice McCallum le sait très bien, j’ai passé une grande partie de mon existence dans les mêmes régions qu’elle —, vous n’avez pas connu l’hiver tant que vous n’avez pas traversé un hiver manitobain. L’héritage que Thanadelthur nous a légué, à savoir l’aplanissement des divergences culturelles, demeure pertinent aujourd’hui et pourrait être source d’enseignements pour tous nos jeunes.
Pourtant, malgré le rôle déterminant qu’elle a joué dans l’histoire du Manitoba, sa contribution n’a pas été reconnue à sa juste valeur. Nous connaissons l’incidence qu’ont eu d’autres grandes figures au pays et dans différentes provinces, mais nous avons également besoin que des histoires comme celle de Thanadelthur soient mises en lumière. Dans un pays au passé aussi riche que le nôtre, trop de personnages importants sont relégués aux marges de l’histoire.
Le Manitoba a en effet une riche histoire à raconter au reste du pays et du monde. De Louis Riel et John Norquay, qui ont façonné notre province et notre pays, à Margaret Laurence et Gabrielle Roy, qui ont fait briller la riche culture manitobaine, le Manitoba s’enorgueillit d’un nombre impressionnant de personnages importants. Si ces noms sont bien connus aux quatre coins du pays, d’autres, comme celui de Thanadelthur, demeurent obscurs. L’instauration d’une journée de reconnaissance de sa vie permettrait de mieux mettre en lumière sa vie remarquable et son legs afin d’inspirer les générations futures.
Comme je l’ai dit précédemment et comme beaucoup d’entre vous le savent déjà, je ne suis pas très friand de ces journées, semaines et mois de reconnaissance spéciale qui sont adoptés dans cette enceinte. Je pense tout simplement qu’il y en a trop. Cependant, s’il y a une journée qui mérite ce type de reconnaissance, c’est bien celle-là.
Chers collègues, j’encourage tous les sénateurs à soutenir le projet de loi S-274 à l’étape de la deuxième lecture, afin qu’il soit étudié en comité et que celui-ci détermine s’il s’agit du meilleur moyen de reconnaître Thanadelthur, car il ne fait aucun doute que cette reconnaissance est méritée.
En conclusion, sénatrice McCallum, je tiens à vous remercier d’avoir mis en avant l’histoire et le legs d’un personnage important de notre histoire. Je vous remercie de votre patience. Il y a toujours de quoi se réjouir quand nous pouvons en apprendre davantage sur notre histoire commune, et grâce à votre initiative, sénatrice McCallum, l’histoire de Thanadelthur a atteint un public plus large.
Merci, chers collègues.
Honorables sénateurs, j’aimerais prendre quelques instants pour participer à ce débat important et je commencerai par remercier la sénatrice McCallum d’avoir présenté ce projet de loi.
Sénateur Plett, je vous remercie pour votre discours et vos observations.
Je tiens tout d’abord à faire quelques observations. Je n’en dirai pas beaucoup plus, si ce n’est pour préciser que, au bureau du représentant du gouvernement au Sénat, nous faisons tout ce que nous pouvons pour représenter les sénateurs non affiliés. Je peux m’occuper de ce qui se dit tous les jours à mon sujet au Sénat, dans la presse et sur les médias sociaux, mais, régulièrement, la sénatrice LaBoucane-Benson défend, avec diligence et de façon responsable, les intérêts des sénateurs non affiliés et elle les représente lors de la réunion préparatoire tous les jours. Je tiens à préciser que ce qui a été dit à cet égard n’est tout simplement pas vrai.
Je dois dire également que, au bureau du représentant du gouvernement au Sénat, nous avons dit très clairement qu’il faut réexaminer le rôle des sénateurs non affiliés sous le régime du Règlement actuel. Nous avons insisté là-dessus et nous sommes très heureux que le Comité du Règlement ait décidé d’étudier cette question. J’espère que l’étude se déroule de façon efficace et efficiente, et que nous pourrons moderniser le Règlement pour tenir compte de cette importante question.
En ce qui concerne le débat sur votre projet de loi, sénatrice, nous appuyons le renvoi du projet de loi S-274 au comité, et nous estimons que, comme tout projet de loi, quelle que soit la… J’ai également l’habitude d’être interrompu. Je vais donc poursuivre et m’efforcer de ne pas tenir compte des interruptions.
Nous appuyons le renvoi du projet de loi S-274 au comité afin que, comme tout projet de loi, quelle que soit la personne qui l’a présenté, il puisse franchir les étapes de manière à être adéquatement étudié par le Sénat. Il faut cependant que ce soit la volonté collective des sénateurs. Par conséquent, chers collègues, je demande le vote.
Merci, sénatrice McCallum, d’avoir présenté ce projet de loi. J’exhorte tous les sénateurs à appuyer le renvoi immédiat de cette mesure au comité.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)