La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement
Projet de loi modificatif--Quinzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international--Ajournement du débat
19 novembre 2024
Chers collègues, je sais qu’avant la pause-repas, par respect pour le reste du travail et les autres intervenants, je n’allais pas accepter d’autres questions. Je vais m’en tenir à cela. Toutefois, si vous me le permettez, j’aimerais rectifier les faits, car je me suis mal exprimé à quelques égards.
Tout d’abord, voici un éclaircissement qui montre que ma mémoire peut me faire défaut à deux reprises. Permettez-moi de vous confirmer que j’ai pris la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-291 de la sénatrice Batters, en mai 2023.
Cependant, je n’ai pas pris la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-282, comme je l’ai laissé entendre. En effet, au bureau du représentant du gouvernement, nous attendons souvent les étapes ultérieures pour intervenir. Cela dit, la position du gouvernement n’est pas ambiguë. Les résultats des votes sont éloquents.
Avec votre indulgence, chers collègues, pour un instant...
Sénateur Plett, vous invoquez le Règlement?
Oui. Le sénateur Gold a terminé son discours. Il répondait à des questions. Or, voilà qu’il livre un nouveau discours. Son occasion de participer au débat est passée. S’il veut remettre les pendules à l’heure, il pourra le faire ultérieurement.
En ce qui concerne ce rappel au Règlement, c’est le paragraphe 6-5(3) du Règlement du Sénat qui s’applique :
L’orateur peut céder la parole à un autre sénateur qui désire lui poser une question. Celui-ci conserve son droit de participer au débat s’il ne l’a pas déjà exercé. La durée de la question et de la réponse est incluse dans le temps de parole de l’orateur, qui peut reprendre la parole pour le reste du temps qui lui est attribué.
Sénateur Gold, vous disposez d’un temps de parole illimité. Vous pouvez terminer votre intervention.
Merci, Votre Honneur, de votre intervention.
Chers collègues, comme j’estime avoir la responsabilité d’être clair envers vous, je veux parler franchement d’autres aspects des réponses que j’ai données à certaines questions.
Encore une fois, je ne veux pas faire dire des choses à mes collègues, mais des questions ont été soulevées sur le contexte politique du projet de loi.
Il serait malhonnête de prétendre — et si j’ai donné cette impression, ce n’était pas mon intention — que la fin de l’entente de soutien et de confiance n’a eu aucun effet sur notre comportement collectif dans les deux Chambres du Parlement et au sein de tous les partis. Comme nous le savons, cette entente devait durer jusqu’à tard en 2025, ce qui laissait amplement de temps au projet de loi C-282 pour franchir toutes les étapes du processus.
La stabilité du Parlement a été ébranlée, et il en est de même des attentes par rapport au temps qu’il reste. Le comportement des parlementaires a complètement changé.
Les parlementaires cherchent — pour certains désespérément — à faire aboutir leurs projets et leurs initiatives. C’est vrai pour le gouvernement, mais aussi pour le Bloc québécois. Ce l’est aussi pour les autres partis de l’opposition qui luttent pour faire adopter rapidement leurs projets de loi d’initiative parlementaire au Sénat. C’est également vrai pour le Sénat alors que nous cherchons à mettre en place une série d’initiatives qui nous tiennent à cœur.
Récemment, chers collègues, comme certains d’entre vous le savent peut-être, des collègues du Sénat m’ont pressé — à juste titre — de veiller à ce que la sanction royale puisse être accordée à une poignée de projets de loi d’initiative parlementaire, il y a quelques semaines, parce que l’on craignait que de bonnes initiatives politiques ne tombent aux oubliettes si la session s’achevait plus tôt que prévu.
Dans la mesure où nous tenons à notre travail, il serait négligent de ne pas travailler plus fort et plus vite en raison de la hausse actuelle de la volatilité du Parlement.
Notre travail est indépendant, chers collègues. Je chéris l’indépendance de cette institution, mais elle ne travaille pas en vase clos. Un Sénat indépendant n’est pas un Sénat en exil de l’autre endroit.
Certes, le projet de loi C-282 fait l’objet d’un sentiment d’urgence accru, mais c’est parce que le gouvernement le soutient et veut qu’il soit adopté afin que la gestion de l’offre puisse être protégée au maximum, quelle que soit l’issue des prochaines élections. L’ultimatum du Bloc n’a rien à voir avec cela. Cette date est passée, et l’ultimatum est derrière nous.
Ce qui n’a pas changé, c’est que le gouvernement reste déterminé à faire adopter le projet de loi C-282 avant les prochaines élections, quel que soit le moment où elles auront lieu. Encore une fois, si j’ai donné une impression différente ou une réponse incomplète, je vous remercie de me donner l’occasion de corriger cette impression.
Chers collègues, je ne mâcherai pas mes mots pour dénoncer le contenu de ce rapport, qui modifie de manière inacceptable un projet de loi qui vise à protéger la gestion de l’offre, un élément essentiel dans toute négociation commerciale avec d’autres pays. Notre agriculture mérite que nous la protégions avec conviction et force. L’agriculture est une force vitale de l’économie de notre pays. J’en suis particulièrement fier. Je ne peux donc cautionner aucune action, aucun texte ou aucune loi qui entraînerait un déséquilibre commercial.
Si le projet de loi C-282 était adopté tel qu’il a été amendé aujourd’hui, cela équivaudrait ni plus ni moins à se mettre à genoux devant les États-Unis, et ce, avant même de commencer à négocier. C’est assez peu éloquent comme position politique.
Avec de tels amendements, on introduit des règles de négociation viciées qui vont potentiellement mettre en faillite des producteurs et des transformateurs canadiens qui ont bâti leur entreprise au fil des générations, comme ce fut le cas en Australie en 2000 lorsque le pays a abandonné sa politique de gestion de l’offre.
J’ai beau lire et relire les amendements au projet de loi C-282, je n’arrive pas à comprendre qui nous essayons de protéger. Qui essayons-nous d’avantager, au détriment de nos producteurs laitiers, d’œufs et de volailles? Je cherche une raison commerciale logique pour justifier cette intervention de certains sénateurs, au lieu d’accepter le projet de loi C-282 tel qu’il a été rédigé.
Je crois bien me rappeler que j’ai déjà entendu dire, ici même au Sénat, quand on a mis en veilleuse la partisanerie, que notre rôle comme sénateurs n’était pas d’empêcher un gouvernement de gouverner et que nous ne sommes pas légitimés de modifier la volonté des élus. À l’époque, ce bel énoncé politique m’avait interpellé. On semble vouloir l’oublier.
Ce rapport est pire à mes yeux, parce que le projet de loi C-282, tel qu’il a été adopté à l’autre endroit, représente non seulement la volonté du gouvernement élu, mais aussi la volonté claire de tous les partis politiques de l’autre Chambre. Admettez que c’est bien plus fort que la simple légitimité de gouverner.
J’espère que vous êtes tous en mesure d’apprécier ce que nous sommes en train de vivre. Si vous êtes comme moi, vous risquez de vous questionner encore longtemps sur les raisons qui justifient de charcuter ainsi ce projet de loi et de lui retirer, par un simple texte, la quasi-totalité de son sens et de sa portée.
Tant qu’à adopter le projet de loi C-282 tel qu’il a été amendé, on serait bien mieux sans projet de loi pour protéger la gestion de l’offre. Le projet de loi C-282 tel qu’il a été amendé est bien plus dommageable pour nos producteurs et agriculteurs que ne pas avoir de projet de loi du tout. On leur retire des options de négociation sans qu’elles aient été réclamées. Vous savez quoi? J’espère juste une chose, soit que nous ne sommes pas en train de nous faire manipuler pour des considérations politiques que des députés de l’autre endroit n’auraient pas voulu exprimer publiquement, probablement pour des motifs électoralistes. J’ai appris que l’hypocrisie a souvent sa place en politique, mais je vais mettre de côté ces idées sombres pour continuer de vous donner des arguments pour rejeter ce rapport.
Revenons à ces fameux amendements qui détruisent les intentions derrière le projet de loi C-282. Disons d’abord que cela tombe à un bien mauvais moment. Avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis, il semble clair que le protectionnisme s’invitera à la table en 2026, lorsque viendra le moment de revoir les dispositions de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique. Si certains ont la mémoire un peu courte, je vous rappelle que nos voisins américains ne se sont jamais gênés par le passé, malgré des accords clairs, pour fermer la frontière ou pour taxer les produits canadiens afin de protéger leur industrie et leurs travailleurs.
Le protectionnisme n’est pas exclusif aux Américains : les Japonais, les Chinois, les Français et les Britanniques protègent tous certains secteurs de leur économie. Pourquoi ne pouvons-nous pas leur monter avec force que nous sommes aussi capables de mesures protectionnistes? Ne mettons pas en péril une de nos industries pour satisfaire certaines de leurs promesses politiques. Faire preuve d’un tel courage, cela commence aujourd’hui par le rejet du rapport en question, et surtout par l’acceptation du texte initial du projet de loi C-282.
J’ai négocié beaucoup de contrats dans ma vie, et je ne me suis jamais présenté à la table comme un chien battu. Ceux qui me connaissent un peu plus savent que c’est vrai. Il y a ici deux anciens ministres qui s’en souviendront peut-être. Pour moi, c’est le seul comportement que l’on doit observer quand on veut éviter d’être victime d’abus. C’est pour cela qu’à mes yeux, les amendements proposés au projet de loi C-282 sont, à leur face même, une reconnaissance de notre faiblesse. Je n’accepterai jamais cela.
Je ne m’oppose pas à ces amendements seulement parce que je suis du Québec. Je vous dis cela parce que certains ont tendance à interpréter malicieusement la gestion de l’offre au Canada comme une disposition imposée pour favoriser le Québec. Faisons attention : les producteurs de lait, d’œufs et de volailles ne sont pas exclusifs au Québec. Il y en a en Ontario, dans les Maritimes et en Alberta, et eux aussi tiennent à la gestion de l’offre.
Ce secteur agricole est tout aussi important pour l’économie canadienne que les industries du blé, de l’automobile et de l’aéronautique. La gestion de l’offre, c’est ce qui garantit l’approvisionnement continu et la qualité des produits offerts aux consommateurs. Elle garantit aussi des emplois bien rémunérés dans l’industrie de la transformation. Les changements proposés au projet de loi C-282 sont dangereux, réducteurs et, à mon avis, anticanadiens. Il faut donc les rejeter sans hésitation. Merci.
Votre Honneur, la journée a été longue et pénible. Demain est un autre jour. Encore une fois, nous n’aurons aucune affaire émanant du gouvernement à traiter, alors j’imagine que nous pourrons accomplir une grande partie de ce travail demain, à tête et à corps reposés. Cela dit, et dans l’intérêt de tout le monde ici présent, je propose :
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée avec dissidence.)