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La Loi sur les océans—La Loi fédérale sur les hydrocarbures

Projet de loi modificatif--Message des Communes--Motion d’adoption de l'amendement des Communes--Ajournement du débat

15 mai 2019


L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat)

Propose :

Que le Sénat agrée l’amendement que la Chambre des communes a apporté à l’amendement 1 du Sénat au projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

 — Honorables collègues, j’interviens aujourd’hui au sujet du message reçu de l’autre endroit concernant les modifications que le Sénat a apportées au projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures.

Avant de commencer, j’aimerais remercier les membres du Comité des pêches, qui ont accompli un travail remarquable sur le projet de loi, ainsi que tous les sénateurs qui ont participé aux débats dans cette enceinte. Je remercie tout particulièrement la sénatrice Bovey pour l’excellent travail qu’elle a fait à titre de marraine du projet de loi. C’est grâce à son dévouement pour la protection et la conservation des océans que nous avons pu faire progresser le projet de loi jusqu’à ce point et que nous pouvons espérer en être rendus à une décision définitive à son sujet.

Le message dont nous sommes saisis rejette deux amendements proposés par le Comité sénatorial des pêches. Toutefois, l’autre endroit a accepté l’intention de l’un des amendements en proposant un nouvel amendement qui porte sur les changements souhaités par le sénateur McInnis. L’amendement proposé garantit que le gouvernement procédera aux consultations déjà prévues dans la Loi sur les océans en exigeant qu’elles soient publiées lors de la prise d’un arrêté visant à assurer une protection provisoire. De plus, l’amendement prévoirait que l’emplacement géographique qu’on envisage de protéger provisoirement ainsi que d’autres renseignements pertinents soient dévoilés au moment de la prise de l’arrêté.

Vous vous rappellerez d’ailleurs qu’au stade de la troisième lecture, certains sénateurs se sont demandé si les amendements proposés par le Comité des pêches ne faisaient pas double emploi. Je pense néanmoins que nous conviendrons tous qu’ils ont été proposés dans une bonne intention et en pensant à l’intérêt des Canadiens. Pendant l’examen du projet de loi au comité, des représentants du ministère ont indiqué que les directives du Cabinet et les lois en vigueur exigent déjà les mesures visées par les amendements des sénateurs McInnis et Patterson. Autrement dit, tous les mécanismes juridiques nécessaires sont déjà en place pour respecter le but des amendements.

L’amendement du sénateur McInnis aurait exigé la publication de l’emplacement géographique approximatif de la zone de protection marine proposée et d’une évaluation préliminaire des habitats et des espèces dans cette zone ayant besoin de protection. Or, cette information est déjà exigée par la Directive du Cabinet sur la réglementation, qui prévoit que les processus doivent être ouverts et transparents.

La sénatrice Bovey en a donné un très bon exemple pratique dans son discours à l’étape de la troisième lecture. Elle a indiqué qu’il était déjà possible de voir sur Internet tout site d’intérêt avant la désignation officielle de zone de protection marine, ainsi que toute l’information pertinente.

Au comité, le sénateur McInnis a fait une observation qui a été mentionnée par le sénateur Christmas à la troisième lecture :

Les ouï-dire et les déclarations non fondées peuvent bouleverser la vie des intervenants. […] Nous ne pouvons pas continuer à créer un voile d’incertitude quant au sort que la [zone de protection marine] ou la [zone de protection marine] provisoire réserve aux collectivités de ces régions. [...] Les rumeurs qui courent sur les régions géographiques qui seront couvertes causent des problèmes.

Je tiens à ajouter que ce type de déclarations sur la nécessité d’assurer la disponibilité de l’information sèment l’émoi et la méfiance au sein de la population. Il existe déjà de l’information sur les sites d’intérêt. Alors, pourquoi le Sénat met-il en doute l’existence de ces renseignements?

Je tiens à confirmer aujourd’hui qu’il existe des renseignements sur les zones de protection marine proposées. De plus, des renseignements sur l’emplacement géographique des sites d’intérêt sont actuellement disponibles en ligne.

En ce qui concerne l’amendement proposé par le sénateur Patterson, on nous a dit à maintes reprises que les articles 29 à 33 de la Loi sur les océans, qui décrivent explicitement les exigences de consultation à respecter lors de l’adoption de toute mesure relative à la désignation d’une zone de protection marine ou à la mise en place de protections provisoires, répondent déjà au besoin qui y est énoncé. Le but de cet amendement est aussi couvert par la Directive du Cabinet sur la réglementation, qui exige que le gouvernement fasse preuve d’ouverture et de transparence.

Dans son discours à l’étape de la troisième lecture, le sénateur Patterson a affirmé que l’arrêté de protection provisoire n’aurait pas à franchir l’étape de la publication dans la Gazette. C’est inexact. Aux termes de la Loi sur les textes réglementaires, tous les règlements proposés doivent être publiés dans la Gazette. On suivra le même processus pour que l’arrêté de protection provisoire soit assorti de mesures réglementaires applicables aux activités permises dans le cadre du concept de gel de l’empreinte. Un tel arrêté sera aussi assorti d’autres mesures réglementaires concernant le secteur géographique et les objectifs en matière de conservation. Il faudra donc que l’arrêté de protection provisoire soit assujetti au processus de la Gazette.

Le message de l’autre endroit ne fait pas qu’affirmer que les amendements sont redondants. Il fait aussi ressortir l’objet du projet de loi C-55, qui est de protéger plus rapidement les aires marines.

Il faut évidemment souligner que les océans connaissent un grave déclin. La catastrophe environnementale en cours dans le monde constitue une menace urgente et croissante pour de nombreuses économies et cultures régionales du Canada, ainsi que pour les espèces marines que nous avons l’obligation de protéger.

J’aimerais aussi parler des consultations, un sujet important. Beaucoup de choses ont été dites sur la nécessité de tenir de vastes consultations, qui respectent les droits des partenaires autochtones. Soyons clairs : la norme devrait toujours être de mener des consultations sérieuses, et les sénateurs ont raison d’insister sur ce principe. Toutefois, je crois que la lettre de l’Association inuite du Qikiqtani portant sur les consultations prévues dans le projet de loi C-55 dit tout :

Pour l’Association, il ne s’agit pas d’une question théorique. Depuis trois ans, nous travaillons en collaboration — main dans la main — avec le gouvernement fédéral pour négocier les modalités finales relatives à la création d’aires marines de conservation [...] L’Association est également résolue à examiner la protection d’une zone [...] que les Inuits appellent « Tuvaijiuttuq » [...]

Par ailleurs, le gouvernement du Canada, l’Association inuite du Qikiqtani et le gouvernement du Nunavut ont signé un protocole d’entente pour collaborer afin de trouver une façon de créer une aire marine protégée dans Tuvaijiuttuq, aussi appelé le bassin de l’Extrême-Arctique.

À mon avis, il s’agit d’un excellent exemple du type de véritable partenariat que l’on établit de plus en plus sur le terrain pour protéger les aires marines et côtières et pour collaborer avec des partenaires autochtones dans le but de protéger les océans.

Pour ma part, c’est ce que m’ont dit les dirigeants des Premières Nations côtières du Nord-Ouest du Pacifique au sujet d’une autre question dont le Sénat est saisi.

Nous savons également que le bassin de l’Extrême-Arctique figure au budget de 2019 et que des fonds sont consacrés à son éventuelle désignation. Je dis éventuelle, car même si l’on concluait un accord en vertu du protocole d’entente demain, il ne pourrait pas être désigné avant la fin de l’année, voire l’an prochain, conformément à la Loi sur les océans.

Cependant, en adoptant le message à l’étude et le projet de loi C-55, nous pouvons accélérer ce processus et veiller à ce que cette aire jouisse de la protection provisoire voulue pendant que les consultations se poursuivent en vue d’éclairer la décision, qui sera prise d’ici cinq ans.

J’ajouterais également que la proposition initiale de l’Association inuite du Qikiqtani prévoit l’investissement de 260 millions de dollars répartis sur sept ans pour les infrastructures marines et communautaires, les initiatives d’intendance, le développement communautaire et la gouvernance relativement à l’aire désignée du bassin de l’Extrême-Arctique.

Honorables sénateurs, les océans du monde, leur température, leur composition chimique, leurs courants et la vie qu’ils abritent façonnent les systèmes mondiaux qui rendent la planète habitable pour l’être humain. La pluie, l’eau potable, le temps qu’il fait, le climat, les littoraux, une bonne partie de notre nourriture et même l’oxygène dans l’air que nous respirons nous les devons, en fin de compte, à la mer.

Une gestion minutieuse de cet habitat planétaire fragile est un aspect clé d’un avenir durable. Toutefois, le temps presse, et vu l’extinction massive des espèces qui est en cours, il faut agir rapidement.

J’espère que nous appuierons tous le message de sorte que les aires marines et côtières du Canada, telles que le bassin de l’Extrême-Arctique, jouissent de la protection dont elles ont besoin et qu’elles méritent. Merci.

L’honorable Patricia Bovey [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du message que nous avons reçu de l’autre endroit relativement aux amendements du Sénat au projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures.

Si je peux me le permettre, j’aimerais offrir mes meilleurs souhaits au ministre des Affaires intergouvernementales et du Nord et du Commerce intérieur pour un prompt et complet rétablissement. J’espère qu’il retrouvera la santé bientôt. Nous sommes de tout cœur avec lui.

Je tiens aussi à remercier le ministre actuel des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne et les membres de son personnel pour tout leur soutien.

Comme vous le savez tous, selon moi, les deux amendements que nous avons envoyés à l’autre endroit étaient redondants, mais j’étais favorable au projet de loi modifié. Cela dit, en tant que marraine du projet de loi, je suis heureuse de voir que le gouvernement fait preuve d’ouverture à l’égard des sénateurs et qu’il a tenu compte des préoccupations concernant le projet de loi C-55 qui ont été soulevées dans cette enceinte. Le message qui est à l’étude aujourd’hui vise à accroître le niveau de transparence du processus de désignation d’une zone de protection marine provisoire proposé dans le projet de loi C-55.

Selon la proposition à l’étude, le ministre publiera un rapport contenant des renseignements sur la zone géographique, un résumé des consultations préalables et un résumé des renseignements dont le ministre a tenu compte pour prendre l’arrêté. Je crois, comme le sénateur Harder, que cela irait dans le même sens que l’amendement proposé par le sénateur McInnis, puisque le gouvernement serait tenu de mener les consultations que prévoit déjà la Loi sur les océans. Il serait tenu, en effet, de communiquer le résumé de ces consultations de même que la description de la zone géographique avant la prise de l’arrêté de protection provisoire.

Je tiens à répéter que j’ai des réticences au sujet de l’amendement proposé par le sénateur Patterson, qui n’a pas été accepté à la lumière de l’analyse juridique proposée par M. Bankes, professeur à l’Université de Calgary :

Comme l’amendement proposé ne s’appliquerait qu’à la création d’aires marines protégées par arrêté ministériel et non à la création d’aires marines protégées par décret et prise de règlement, il devrait être plus difficile de recourir au processus de l’arrêté ministériel que de prendre un règlement.

Dans le contexte actuel, nous ne pouvons pas nous permettre de ralentir les efforts qui visent à protéger les océans. Par ailleurs, je suis consciente des attentes des intéressés comme l’Association inuite du Qikiqtani, qui ont négocié nos ententes et attendent l’adoption du projet de loi C-55 pour faire avancer le processus en se fondant sur un arrêté de protection provisoire qui mènera à la détermination d’une aire protégée d’ici cinq ans.

Chers collègues, ce projet de loi vise à donner une option pour protéger provisoirement des zones marines jugées écosensibles. Le projet de loi C-55 permettrait au ministre de geler l’empreinte d’activités en cours après des consultations initiales. Ce gel serait en place pendant une période de cinq ans, pendant laquelle les consultations et les études scientifiques se poursuivraient. À la fin de la période de cinq ans, le ministre soit désignerait la zone comme zone de protection marine permanente, en se basant sur les résultats des consultations et des études, soit abrogerait l’arrêté provisoire.

Il a été démontré que, dans le régime actuel, le processus prend de 7 à 10 ans, ce qui est beaucoup trop long lorsqu’une zone écosensible est en jeu. De plus, aucune protection provisoire ne pourrait être donnée pour ces zones au cours du processus de désignation d’une zone de protection marine. Le projet de loi C-55 met en place un processus plus rapide et des mesures de protection provisoires tout en maintenant les consultations et les études scientifiques sur lesquelles se fonde la désignation des zones de protection marine.

Un rapport de 2012 du commissaire à l’environnement et au développement durable arrivait à la conclusion suivante :

Au cours des 20 années ayant suivi la ratification de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique par le Canada, 10 [aires marines protégées] fédérales ont été créées par Pêches et Océans Canada et par Parcs Canada, dans le cadre de leurs programmes relatifs aux [aires marines protégées]. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, ainsi que les organisations non gouvernementales, protègent collectivement à ce jour environ 1 p. 100 des océans et des Grands Lacs du Canada grâce aux [aires marines protégées]. Au rythme actuel, il faudra plusieurs décennies pour que le Canada établisse un réseau d’aires marines protégées entièrement fonctionnel et atteigne l’objectif de conservation de 10 p. 100 des zones marines, fixé en 2010 aux termes de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique.

En outre, le commissaire indique qu’il a fallu plus de 20 ans à Parcs Canada pour mettre en place la réserve de parc national, la réserve d’aire marine nationale de conservation et le site du patrimoine haïda Gwaii Haanas, et plus de 10 ans à Pêches et Océans Canada pour établir l’aire marine protégée de Tarium Niryutait. Selon moi, c’est beaucoup trop long, étant donné la menace qui plane sur les océans à l’heure actuelle.

Incidemment, les Nations Unies ont publié la semaine dernière le rapport d’évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques, qui traite des changements qui se sont produits sur la planète au cours des cinq dernières décennies. Le rapport, auquel ont contribué quelque 450 experts de 50 pays, augure très mal de notre avenir si nous ne nous attaquons pas aux enjeux qui se posent maintenant.

Selon les auteurs :

La santé des écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que toutes les autres espèces, se dégrade plus vite que jamais. Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier.

En ce qui concerne les océans, le rapport révèle notamment que le tiers des mammifères marins sont menacés, que 66 p. 100 des milieux marins ont été modifiés par l’activité humaine, que 33 p. 100 des stocks de poisson d’eau salée ont été exploités à des niveaux non durables et que la pollution par les plastiques a été multipliée par 10 depuis 1992.

Sénateurs, nous devons agir plus rapidement tout en adoptant des solutions responsables et transparentes pour protéger les écosystèmes marins vulnérables. Le projet de loi à l’étude propose une solution au problème constaté il y a sept ans.

C’est pour cette raison que j’exhorte les sénateurs à approuver ce message afin que nous puissions nous mettre à l’œuvre pour protéger les océans, qui ont plus que jamais besoin de notre protection. Merci.

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