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Projet de loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis

Message des Communes--Adoption de la motion d'adoption de l'amendement des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat

20 juin 2019


L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat)

Propose :

Que, relativement au projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, le Sénat :

a)accepte l’amendement apporté par la Chambre des communes à son amendement 6;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

— Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Au nom du gouvernement, je voudrais tout d’abord remercier la sénatrice LaBoucane-Benson pour son excellent travail et son enthousiasme à titre de marraine du projet de loi.

Je remercie le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones du travail qu’il a accompli au cours des derniers mois pour examiner et améliorer cette mesure législative.

Au moyen du projet de loi C-92, le gouvernement cherche à apporter des améliorations essentielles aux systèmes de services à l’enfance et à la famille qui touchent les enfants et les jeunes autochtones tout en réaffirmant et en respectant les droits et la compétence des Autochtones.

En ce qui concerne le message reçu de l’autre endroit, le gouvernement a accepté quatre amendements. Il en a accepté deux sans y apporter aucun changement, il a apporté une modification à un amendement et il en a accepté un en partie.

Premièrement, le gouvernement a accepté un amendement du Sénat qui renforce le principe du projet de loi énoncé dans le préambule en répétant le libellé ailleurs dans le projet de loi. Plus précisément, cet amendement confirme le fait que le droit des nations autochtones à l’autonomie gouvernementale n’est pas conféré par la loi, mais qu’il est inhérent en fonction des droits fondamentaux des peuples autochtones. Cette compétence inhérente comprend la compétence en matière de services à l’enfance et à la famille.

Deuxièmement, le gouvernement a accepté un amendement du Sénat qui change « favorisent souvent le bien-être de l’enfant » par « favorisent souvent l’intérêt de l’enfant ». Il s’agit d’un terme utilisé de façon plus uniforme dans l’ensemble de la mesure législative et qui reflète le mieux le principe selon lequel l’intérêt de l’enfant doit primer.

Troisièmement, le gouvernement a modifié un amendement du Sénat concernant la prestation de soins préventifs pour soutenir la famille d’un enfant avant que celui-ci ne puisse être retiré de sa famille. Le gouvernement a proposé un libellé qui respecte le principe de l’amendement du Sénat, mais qui est moins prescriptif, puisqu’il exige de démontrer que des efforts raisonnables ont été faits pour que l’enfant continue de résider avec sa famille.

Quatrièmement, le gouvernement a accepté une partie d’un amendement du Sénat au préambule. L’amendement avait été proposé parce que les parents n’étaient pas mentionnés dans le préambule, même s’ils l’étaient dans le reste du projet de loi. Il visait donc à remédier à cet oubli tout en maintenant la cohérence du cadre législatif global proposé dans le projet de loi C-92.

Le gouvernement a décidé de respectueusement refuser certains des amendements du Sénat.

Par exemple, le gouvernement a respectueusement refusé un amendement qui aurait accordé la préséance aux lois du Nunavut en cas de divergence ou d’incompatibilité entre les dispositions de la nouvelle loi et celles de toute loi du Nunavut relative aux services à l’enfance et à la famille, car l’amendement proposé aurait pu créer un conflit entre les lois autochtones et les lois territoriales.

Le gouvernement a respectueusement rejeté l’amendement du Sénat qui proposait de constituer un comité consultatif. À l’entrée en vigueur de la loi, on discutera avec les partenaires autochtones, les provinces et les territoires pour déterminer si un tel comité consultatif est nécessaire et, le cas échéant, quel rôle il devrait jouer. Ces discussions auront lieu après la création de structures de gouvernance provisoires fondées sur les particularités des peuples autochtones, qui pourront faire des recommandations sur la mise en œuvre du projet de loi.

Le gouvernement a aussi respectueusement rejeté un amendement du Sénat qui portait sur l’examen du financement. Encore une fois, le gouvernement est d’avis qu’il faut consulter davantage les groupes autochtones, les provinces et les territoires afin d’évaluer les besoins financiers des communautés et de déterminer les méthodes de financement appropriées. Les exigences varieront d’une communauté à l’autre en fonction du modèle de services à l’enfance et à la famille qu’elles choisiront, sans oublier les besoins et les priorités qui leur sont propres.

De plus, les exigences en matière de rapports de ce genre peuvent être ajoutées par l’entremise des structures de gouvernance provisoires ou des ententes de coordination. Il sera également possible d’examiner le financement au moyen des rapports prévus dans le projet de loi.

Honorables sénateurs, en conclusion, le projet de loi C-92 est une étape cruciale dans la réforme du régime des services à l’enfance et à la famille afin que les Premières Nations, les Inuits et les Métis puissent décider eux-mêmes de la meilleure voie à suivre pour leurs enfants et leurs familles. Le projet de loi C-92 soutient le principe de l’intérêt de l’enfant tout en affirmant la compétence autochtone.

Je remercie encore une fois les honorables sénateurs de leur examen minutieux du projet de loi. Je propose que nous approuvions le message de l’autre endroit pour appliquer ce changement législatif important et attendu depuis longtemps.

L’honorable Dennis Glen Patterson [ + ]

Honorables sénateurs, j’interviens moi aussi au sujet du message que nous avons reçu à propos du projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis. À titre de porte-parole pour ce projet de loi, il est de mon devoir d’exprimer mes préoccupations.

Je suis découragé de devoir, une fois de plus, prendre la parole au Sénat pour dire combien je suis déçu que le gouvernement ait rejeté des amendements réfléchis qui avaient, encore une fois, été adoptés à l’unanimité par le comité et par le Sénat.

Nous pourrions, grâce à ce projet de loi, réduire le nombre d’enfants et de jeunes Autochtones pris en charge par les services sociaux, un enjeu très important. Nous avons aussi l’occasion de donner aux organismes de gouvernance autochtones le pouvoir de décider eux-mêmes comment aborder les enjeux liés aux services à l’enfance et à la famille. Ce projet de loi pourrait non seulement permettre de réduire le nombre d’enfants pris en charge, mais aussi faire en sorte que moins d’enfants soient retirés de leur famille et qu’on ne place plus d’enfants autochtones dans des familles non autochtones, puisqu’ils perdent alors les liens qui les unissent à leur famille, à leur culture et à leur communauté. Nous pourrions affecter des fonds à la prévention et aux services d’aide communautaires.

Je crains fortement, toutefois, que nous rations ces occasions une fois de plus, puisque le gouvernement a refusé des amendements réfléchis qui auraient amélioré considérablement le projet de loi. Ces amendements auraient apporté clarté, certitude, réconfort, transparence et reddition de comptes, comme nous le savons après avoir :

[...] entendu plus de 30 témoins et reçu de nombreux mémoires détaillés sur le projet de loi C-92 [...]

Ce témoignage est tiré du rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

J’estime qu’il est important de noter qu’à la fin de l’étude préliminaire du comité, les auteurs du rapport ont fait le constat suivant :

De nombreux témoins ont signalé que, même s’ils appuient fermement l’idée d’un projet de loi qui reconnaît et affirme les droits inhérents des peuples autochtones et leur compétence en matière de services à l’enfance et à la famille, le projet de loi C-92 comporte d’importantes lacunes, dont l’absence d’un renvoi à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ailleurs que dans le préambule et l’absence de principes de financement, entre autres problèmes présentés ci-dessous. Votre comité prend acte des préoccupations soulevées par les témoins. Il tient également compte du témoignage des organisations et des particuliers autochtones qui s’opposent au projet de loi qui, selon eux, compromet les ententes et les processus qui sont déjà en place ou en voie de l’être, car le projet de loi, dans sa forme actuelle, limite leur capacité à exercer pleinement leur compétence.

Chers collègues, ce ne sont pas là de petits problèmes.

Après un examen très attentif, les amendements qui ont été proposés et acceptés répondaient à bon nombre de ces préoccupations.

Je tiens aussi à signaler que bon nombre des amendements que j’ai choisi de présenter avaient été initialement présentés à la Chambre des communes par l’ancienne ministre des Services aux Autochtones, l’honorable Jane Philpott. Comme je l’ai dit dans cette enceinte lors de l’étape de la troisième lecture, il y a un an j’ai eu l’expérience unique de me joindre à une téléconférence avec tous les membres du comité et la Dre Philpott, qui nous a parlé de sa volonté de présenter et d’adopter cette mesure législative durant la présente session parlementaire. Elle nous a dit à quel point il est important d’écouter les gens de la base et de nous assurer que le gouvernement fait bien les choses. Ayant participé aux séances de consultation qui ont mené à la rédaction du projet de loi et ayant participé à l’élaboration de sa version originale, je pense qu’elle était particulièrement bien placée pour donner des conseils sur la résolution des lacunes de cette mesure législative; du moins, c’est ce que je croyais.

Cependant, après avoir vu le gouvernement rejeter la majeure partie des amendements du Sénat, il me paraît évident que la Chambre des communes ne partage pas cet avis. Le comité sénatorial est parvenu à cette conclusion :

Pratiquement tous les témoins ont dit au comité que le projet de loi doit comprendre un engagement de financement, au-delà de la mention à cet égard dans le préambule et la mention des arrangements fiscaux qui pourraient s’inscrire dans un accord de coordination. Certains témoins ont suggéré d’inclure une disposition relative au financement dans la partie du projet de loi qui porte sur les principes, certains ont proposé d’autres solutions. Nous avons appris qu’en l’absence de financement, les collectivités autochtones n’arriveront pas à exercer pleinement leur compétence et que, par conséquent, rien ne changera pour les enfants et les familles autochtones. Le financement doit être à long terme, prévisible, stable, durable, fondé sur les besoins et conforme au principe de l’égalité réelle.

Toutefois, le gouvernement a jugé bon de rejeter les amendements qui proposaient de faire rapport sur la suffisance des mesures de financement. Sans l’inclusion d’une recommandation royale, seule une somme limitée peut être puisée de fonds existants pour répondre aux enjeux visés par le projet de loi. Cependant, le comité espérait que l’inclusion de cet amendement contribuerait à ce que les niveaux de financement soient ajustés pour répondre aux besoins qui seraient établis en fonction de l’information fournie directement par les peuples autochtones. C’est pour cette raison que l’amendement propose l’établissement d’un organisme consultatif, créé en consultation avec les corps dirigeants autochtones, afin qu’il collabore avec le ministre pour « examin[er] en particulier le caractère adéquat du financement ainsi que les méthodes de financement et vérifi[er] si le financement a été suffisant pour aider à répondre aux besoins des enfants autochtones et de leur famille ».

D’autres amendements, qui ont été rejetés, auraient contribué à ajouter des renvois particuliers à la loi en matière de services de protection de l’enfance, d’adoption, de réunification et de transition après la majorité. Cela aurait élargi et rendu plus inclusif le concept de services à l’enfance et à la famille, assurant ainsi une continuité des soins pour les enfants, les jeunes et les jeunes adultes. Il s’est dit maintes et maintes fois au comité qu’il était important que cette définition soit aussi inclusive que possible.

Je souligne que le sénateur Harder a parlé d’un amendement qui permettait effectivement de régler un problème soulevé par des représentants du Nunavut. Cependant, je me dois aussi de faire remarquer que le gouvernement a rejeté un amendement qui aurait répondu à d’autres préoccupations soulevées par mon territoire d’origine. Cet amendement aurait garanti que :

Les dispositions relatives aux services à l’enfance et à la famille de toute loi du Nunavut qui procurent un niveau de services équivalent ou supérieur à celui que procurent les dispositions de la présente loi l’emportent sur les dispositions incompatibles de la présente loi.

Cet amendement a aussi été rejeté, en dépit de l’observation formulée par votre comité, à savoir que :

Il est entendu que la présente loi ne porte atteinte à l’application des dispositions d’aucune loi provinciale — ni d’aucun règlement pris en vertu d’une telle loi — dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec les dispositions de la présente loi.

Selon le comité, cette disposition pourrait imposer une limite aux provinces ou aux territoires dont les lois prévoient des services de niveau supérieur à ce que prévoit le projet de loi. Le comité s’est particulièrement inquiété du cas du Nunavut. Les responsables du Ministère ont précisé que, si l’on juge que les lois provinciales ou territoriales sur les services à l’enfance et à la famille prévoient un niveau de services supérieur aux normes du projet de loi C-92, ces lois ne seraient pas considérées comme incompatibles avec le projet de loi. Le comité est d’avis que la disposition devrait être modifiée pour préciser cette question.

De plus, certaines communautés autochtones ont dit craindre que, aux termes de l’article 4, les lois provinciales et territoriales l’emportent en matière de services à l’enfance et à la famille. Bien que les responsables du Ministère aient précisé que l’article 4 ne s’applique que si une communauté autochtone n’a pas exercé sa compétence en matière de services à l’enfance et à la famille, le comité est d’avis que la disposition devrait être modifiée pour préciser cette question.

Honorables sénateurs, je dois encore une fois exprimer ma déception devant le refus du gouvernement d’accepter des amendements réfléchis, importants et recommandés à l’unanimité à la fois par le comité et, plus tard, par le Sénat. J’espère seulement que le projet de loi constitue un premier effort pour donner suite aux préoccupations soulevées par les nombreux témoins qui ont comparu. J’offre mes excuses aux témoins que ce résultat décourage. Je veux qu’ils sachent que le Sénat les a entendus et a tenu compte de leur point de vue. Il est dommage que le gouvernement n’en fasse pas autant. Merci.

L’honorable Mary Jane McCallum [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler du message de la Chambre des communes sur le projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Je voudrais tout d’abord exprimer la consternation qui m’a envahie, lorsque j’ai appris — seulement ce matin — que le débat commencerait et se terminerait aujourd’hui sur ce message important. Ce processus est si rapide que la mesure sera vraisemblablement adoptée sans avoir été inscrite au Feuilleton. Ce projet de loi m’a causé beaucoup d’angoisse, et il a aussi créé des divisions parmi les peuples autochtones.

Chers collègues, je ne saurais trop insister sur l’importance de ce projet de loi et sur l’impact qu’il aura sur la vie d’innombrables enfants autochtones et leurs familles. J’aimerais préciser que cet impact ne sera pas nécessairement aussi constructif, utile et positif que certains voudraient vous le faire croire. Comme je ne qualifierais pas nécessairement de complet le débat qui a eu lieu sur ce projet de loi essentiel, j’estime qu’il est important de réitérer les préoccupations que j’ai exprimées à l’étape de la troisième lecture.

En tant que mère et sénatrice autochtone du Manitoba, je désire vivement que les choses soient faites comme il faut. Comme nombre d’entre vous le savent, le Manitoba est un cas particulier en ce qui a trait à la portée et à la profondeur des répercussions de la prise en charge des enfants sur les Premières Nations. Dans ma première intervention, j’ai dit que le Manitoba a le taux le plus élevé d’enfants pris en charge de toutes les provinces canadiennes. Presque 90 p. 100 des enfants pris en charge sont autochtones. Pourtant, seulement 17 p. 100 de la population manitobaine est autochtone. Les statistiques révèlent que 60 p. 100 des enfants pris en charge sont des pupilles permanentes de l’État, ce qui me fait craindre pour l’avenir.

Depuis 10 à 15 ans, le Manitoba procède au transfert de responsabilités aux Premières Nations. Ce transfert s’accomplit conformément aux lois et aux politiques provinciales, mais le taux de prise en charge a tout de même augmenté.

Honorables sénateurs, vous ne serez pas étonnés d’apprendre que les enfants qui grandissent dans des familles d’accueil ont des chances bien moindres de réussir dans la vie à l’âge adulte. Ils doivent composer avec des taux de chômage élevés, des démêlés avec la justice et l’itinérance. Il convient de noter que les mères des enfants subissent elles aussi des répercussions négatives. Il a été démontré que ces femmes voient une détérioration importante de leur état de santé et de leur situation sociale après la prise en charge de leurs enfants. On constate notamment chez elles des taux accrus de dépression, d’anxiété et de toxicomanie.

Honorables sénateurs, il y a quelques semaines, au Manitoba, on a publié un communiqué de presse concernant la violence faite aux enfants pris en charge dans une réserve du Nord de la province. Ces services de garde d’enfants relevaient de la compétence, des politiques et des instruments provinciaux. Il ne s’agissait pas de services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. L’Assemblée des chefs du Manitoba a investi beaucoup de temps et de ressources dans les responsabilités et les lois relatives aux services à l’enfance et à la famille. Elle est largement reconnue comme étant la plus avancée en matière de préparation et de progrès dans ce dossier. On craint que le travail accompli directement grâce au protocole d’entente avec le Canada ne serve à rien.

Je crois qu’il est prudent d’informer les honorables sénateurs que, ce matin, la sénatrice McPhedran, le grand chef Dumas, le ministre O’Regan, le secrétaire parlementaire Dan Vandal, un certain nombre de membres du personnel et moi-même avons tenu une rencontre. Cette rencontre visait uniquement à discuter du projet de loi C-92, de ses répercussions sur le Manitoba et l’Assemblée des chefs du Manitoba et de la voie à suivre.

Au début de la rencontre, le ministre a dit que le protocole d’entente conclu entre le Canada et l’Assemblée des chefs du Manitoba ne serait pas reconnu au titre de l’article 3 de ce projet de loi. Je précise que l’article 3 parle de respecter les accords existants. On avait dit dans cette Chambre que les dispositions du protocole d’entente seraient maintenues et protégées par cet article du projet de loi. Or, le ministre a lui-même confirmé que ce n’est pas le cas, puisque ce protocole d’entente n’a pas « force de loi ». C’est un concept qui s’applique aussi à d’autres accords, comme les accords sur l’autonomie gouvernementale.

C’était une nouvelle très troublante, car on dirait maintenant que l’Assemblée des chefs du Manitoba pourrait avoir accompli son excellent travail en vain dans ce dossier.

Chers collègues, l’ennui, c’est que plusieurs provinces n’ont démontré aucune volonté de travailler avec les communautés des Premières Nations en vue de transférer ce pouvoir. J’y ai fait allusion pendant mon discours à l’étape de la troisième lecture, lorsque j’ai décrit le programme comme une vache à lait, étant donné que les provinces reçoivent de l’argent lorsqu’ils prennent des enfants en charge.

J’ai parlé à la ministre provinciale, mardi dernier, et je peux confirmer que le gouvernement fédéral n’a jamais proposé au gouvernement du Manitoba de conclure un accord de coordination. La ministre m’a aussi avisée qu’elle n’est au fait d’aucun plan de transfert du programme.

Lors de notre rencontre avec le ministre O’Regan aujourd’hui, on nous a dit que l’Assemblée des chefs du Manitoba ne devait pas s’inquiéter. Après 12 mois, sa loi aura préséance sur toutes les autres. Cependant, le ministre et son personnel n’ont pas pu répondre au problème le plus important : qu’arrivera-t-il si la province n’accepte pas de faciliter le transfert des pouvoirs?

Honorables sénateurs, c’est une vérité absolue que ce projet de loi ne pourra être mis en œuvre si la province refuse de communiquer aux communautés autochtones les données qu’elle a en main concernant le nombre d’enfants pris en charge et l’identité de leur famille. Ces données devront être communiquées au moyen des processus de communication des renseignements qui relèvent des lois et des règlements provinciaux. Même si les articles 28 et 30 traitent des accords-cadres et de la communication des renseignements, ce sont les provinces qui décideront si elles veulent coopérer ou non.

Ce matin, le ministre a confirmé que le projet de loi ne pourrait forcer la communication de ces renseignements. En raison des limites de compétence, le projet de loi C-92 ne peut s’ingérer sans la sphère de compétence des provinces pour les contraindre à collaborer. Sans un mécanisme facilitant la communication de ces renseignements, les provinces qui ne veulent pas de ce transfert de pouvoirs disposeront essentiellement d’un atout. Ce matin, on nous a dit que l’Ontario, la Saskatchewan et le Manitoba étaient les provinces qui risquaient d’être récalcitrantes.

Sans ces données, l’idée de ramener les enfants à la maison, « bringing our children home », comme l’assemblée a si justement nommé sa loi, ne pourra être concrétisée.

Chers collègues, il a également été dit, à tort, que les Premières Nations du Manitoba sont divisées à l’égard du projet de loi. Cela est en grande partie attribuable au fait que la Southern Chiefs’ Organization du Manitoba a adopté une résolution interprétée à tort comme appuyant le projet de loi C-92. En réalité, cette résolution déclare simplement que la Southern Chiefs’ Organization du Manitoba collaborerait avec toute Première Nation du Sud du Manitoba qui choisit de faire des démarches en vue d’obtenir un accord en vertu de ce projet de loi. Il ne faut certainement pas confondre cela avec un appui à l’égard du projet de loi en soi.

L’Association des chefs du Manitoba est le porte-parole faisant autorité en ce qui a trait aux Premières Nations du Manitoba, puisqu’elle est le corps politique qui parle au nom des chefs des Premières Nations du Manitoba. Pour leur part, la Southern Chiefs’ Organization et la Manitoba Keewatinowi Okimakanak constituent des corps administratifs créés par l’Association des chefs du Manitoba pour exister dans la sphère politique. Il est important de comprendre la structure et la dynamique.

Chers collègues, à notre réunion d’aujourd’hui, le ministre O’Regan a souligné les six mesures que le gouvernement s’est engagé à prendre dans ce dossier. Parmi ces mesures, le gouvernement s’est donné pour objectif :

[...] [d’]aider les collectivités à acquérir des pouvoirs et [d’]explorer la possibilité d’élaborer conjointement une législation fédérale sur la protection de l’enfance [...].

Honorables sénateurs, pour reprendre les mots du ministre : la meilleure façon de régler un problème local est de trouver une solution locale.

Or, il ne peut y avoir de solution plus locale que la Bringing Our Children Home Act, un projet de loi élaboré par l’Assemblée des chefs du Manitoba pour les Premières Nations de la province. Pourtant, je crois que les lacunes du projet de loi à l’étude empêcheront les Premières Nations du Manitoba de réduire les attributions dans le domaine des services aux enfants et aux familles tant que la province ne sera pas prête à coopérer avec elles.

En terminant, je veux dire que bon nombre de mes questions sont demeurées sans réponse lors de la rencontre de ce matin. J’ai demandé au ministre comment une telle chose avait pu se produire et pourquoi il n’y avait pas eu davantage de discussions sur ce que nous pourrions faire pour trouver une solution viable.

En tant que sénateurs, je crois que nous devons faire en sorte que, à l’avenir, les projets de loi concernant les Premières Nations, les Inuits et les Métis soient plus longuement débattus et étudiés. Nous méritons mieux. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

L’honorable sénateur Harder, avec l’appui de l’honorable sénatrice Dyck, propose que, relativement au projet de loi C-92, Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, ... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

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