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Le Code criminel—Le Code canadien du travail

Rejet de la motion d'amendement

17 décembre 2021


L’honorable Vernon White [ - ]

Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-3 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 2, à la page 1, par substitution, à la ligne 12, de ce qui suit :

« 423.2 (1) Commet une infraction quiconque, à tout endroit, agit de ».

Son Honneur le Président [ - ]

Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur White?

Le sénateur White [ - ]

Absolument.

L’honorable Paula Simons [ - ]

Sénateur White, c’est moi qui ai abordé avec le ministre le sujet de l’intimidation qui pourrait se produire au domicile des travailleurs de la santé. Cet aspect me fait tiquer moi aussi, mais j’ai cru comprendre à vous entendre aujourd’hui — et je crois que c’est aussi ce que disaient certains membres du comité — que nous n’avons pas vraiment besoin de ce projet de loi, puisque ces méfaits sont déjà sanctionnés par le Code criminel.

Vous qui avez déjà été policier, et qui plus est chef de police, croyez-vous que votre amendement est vraiment nécessaire ou les travailleurs de la santé sont-ils déjà suffisamment protégés par les dispositions actuelles du Code criminel?

Le sénateur White [ - ]

Merci de la question, sénatrice. De mon point de vue, je ne crois pas nécessairement que le projet de loi va améliorer les outils dont les services de police ont besoin, mais si on considère que le rôle des travailleurs de la santé et des responsables de la santé publique est si important que nous devrions mieux nous occuper d’eux et le faire différemment, alors nous devrions les protéger contre l’intimidation dont ils ont été victimes chez eux.

Au bout du compte, je ne suis pas sûr que cela va améliorer les choses, mais si nous croyons que cela peut aider, alors nous devrions en faire le plus possible.

La sénatrice Simons [ - ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur White [ - ]

Toujours.

La sénatrice Simons [ - ]

C’est un aspect déterminant pour la façon dont je voterai sur cet amendement. Je viens de l’Alberta, où des travailleurs de la santé ont bel et bien été victimes d’intimidation chez eux, où ils ont reçu des menaces de mort, où des agressions troublantes et terrifiantes ont eu lieu, et cela a eu des répercussions non seulement sur les travailleurs de la santé, mais sur le tissu social. Malgré cela, nombre de mes collègues spécialistes des questions juridiques et policières me disent que ce changement n’est pas du tout nécessaire.

Si ces mesures sont superflues, alors pourquoi devrions-nous appuyer cet amendement, puisque vous ne croyez pas que ces mesures serviront à quoi que ce soit?

Le sénateur White [ - ]

Merci, madame la sénatrice. En fait, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a déjà soulevé la question du chevauchement des infractions criminelles. Il a fait valoir que nous devons cesser de modifier le Code criminel existant et plutôt rédiger un nouveau code criminel.

Je reviens toujours au même point : si nous pensons que ces dispositions seront utiles et si nous avons l’intention de voter pour ce projet de loi, l’amendement que je propose l’améliorera.

Je vais voter en faveur de ce projet de loi, même si je m’inquiète du peu de temps — si on considère qu’il y en a eu — que nous avons consacré à l’améliorer, notamment au moyen de mesures immédiates. À mon avis, si nous trouvons la situation assez préoccupante pour nous faire dire que le projet de loi est important, l’amendement améliorera la mesure législative et protégera les travailleurs de la santé. Il enverra un message à ces personnes — et c’est ce que le ministre tente de faire, à mon avis — selon lequel elles ne doivent pas se rendre au domicile de quelqu’un, qu’elles se feront arrêter parce qu’il s’agit d’une infraction grave.

Je reviens toujours au même point. J’ai l’impression que la discussion sur la nécessité d’un tel amendement aurait dû avoir lieu au comité, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Elle a plutôt lieu ici, à l’étape de la troisième lecture.

Son Honneur le Président [ - ]

Sénateur White, d’autres sénateurs souhaitent vous poser des questions, mais votre temps de parole est presque écoulé. Accepteriez-vous de répondre à quelques questions supplémentaires?

Le sénateur White [ - ]

Volontiers.

Son Honneur le Président [ - ]

Je prierais les sénateurs qui posent des questions d’être brefs. Nous manquons de temps.

L’honorable Frances Lankin [ - ]

Merci, sénateur White, de votre contribution et de l’amendement que vous proposez.

Je suis d’accord avec vous et je partage vos préoccupations. Je ne veux plus parler de cela. Nous avons passé plus de temps aujourd’hui à parler de ce problème que du projet de loi que nous déplorons ne pas avoir le temps de débattre.

Pour revenir au projet de loi et à votre amendement en particulier, comme vous l’avez indiqué, beaucoup de gens pensent que les dispositions visant à modifier le Code criminel permettent d’attirer l’attention sur la situation, de montrer qu’on se soucie de la sécurité des travailleurs de la santé et d’exprimer notre soutien, mais que la version actuelle du Code criminel permet de prendre les mesures nécessaires. Et voilà que vous proposez cet amendement. Je comprends votre raisonnement : si ça l’améliore, pourquoi pas?

La plupart des mesures d’application de la loi dont il est question relèvent des provinces. Celles-ci ont les outils pour procéder. Je pense notamment à l’époque où j’étais ministre de la Santé de l’Ontario et Marion Boyd, procureure générale. Nous avons fait prononcer une injonction de la procureure générale en réponse à l’attentat à la bombe contre la clinique Morgentaler et aux menaces dont les médecins faisaient l’objet chez eux.

Quelles recherches avez-vous effectuées pour voir ce que les autres provinces ont fait concernant l’application de la loi et la nécessité de cette mesure? Compte tenu de toutes les discussions que nous avons eues sur la possibilité de trouver une façon de corriger le processus, mais que ce n’est pas le bon projet de loi pour une confrontation — un argument qui, je le sais, revient souvent —, pourquoi, d’après vous, ce projet de loi devrait être celui que nous renvoyons à la Chambre des communes, au risque de repousser davantage son adoption et la mise en œuvre des mesures qu’il contient et qui visent seulement à venir en aide aux Canadiens dans le besoin? Merci.

Le sénateur White [ - ]

Nous ne sommes pas la veille de Noël. La vérité, c’est qu’amender le projet de loi ne signifierait pas qu’il ne serait pas traité. Nous le savons, tout peut se faire à distance. L’adoption du projet de loi pourrait se faire plus tard aujourd’hui, lundi ou mardi. À part le fait qu’on nous a dit qu’il était urgent d’adopter le projet de loi, rien ne justifie que nous l’adoptions de toute urgence. D’ailleurs, la semaine dernière, le ministre a affirmé qu’il était ouvert à d’éventuels amendements proposés par la Chambre ou par le Sénat si de tels amendements s’avéraient nécessaires à l’adoption du projet de loi. À mon avis, si le projet de loi est nécessaire, cet amendement est important.

Au sujet du premier point, je n’ai pas vérifié ce que d’autres provinces ont fait, mais si cela concerne le Code criminel, contrairement à d’autres pays comme l’Australie, cela relève exclusivement du fédéral. S’il est question d’infractions inscrites au Code criminel, il n’y a qu’un endroit pour en traiter et c’est ici. Merci.

Son Honneur le Président [ - ]

Nous débattons de l’amendement. Le sénateur Tannas a la parole.

L’honorable Scott Tannas [ - ]

Merci, Votre Honneur. J’ai écouté les questions et les discussions. Puisque tout ce que je voulais dire a déjà été dit, pour gagner du temps, je vais laisser la parole aux autres sénateurs. Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole pour discuter brièvement de l’amendement proposé par le sénateur White au projet de loi C-3, auquel le gouvernement s’oppose.

Je tiens à préciser que le gouvernement avait envisagé attentivement cette question lors de l’étude préalable du Sénat, alors qu’il cherchait une réponse proactive aux préoccupations soulevées par le Sénat. Par contre, des raisons de politique font en sorte que le gouvernement ne peut pas appuyer cette proposition.

Je suis certainement d’accord avec le sénateur White pour dire que nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger les travailleurs de la santé. Ils n’ont été rien de moins que des héros tout au long de cette pandémie, et s’ils ont obtenu le respect et la gratitude de la plupart des Canadiens, ils ont malheureusement aussi été victimes d’intimidation et d’abus.

En fait, il s’agit d’un problème qui existe depuis longtemps et qui a été exacerbé et mis en évidence par la pandémie. C’est pourquoi le gouvernement s’est engagé, au cours de la récente campagne électorale, à faire de ce projet de loi une priorité — et c’est effectivement le cas — comme en témoigne le fait qu’il soit devant nous en ce moment.

Chers collègues, il convient de souligner que les travailleurs de la santé appuient fortement le projet de loi. Selon la représentante de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada qui a comparu devant le Comité des affaires sociales, le projet de loi C-3 aiderait à protéger les travailleurs de la santé contre les menaces et le harcèlement, en plus de favoriser le maintien en poste des infirmières.

Dans un mémoire, l’Association médicale canadienne dit qu’elle :

[…] applaudit le gouvernement fédéral d’avoir pris l’initiative de présenter rapidement un projet de loi pour protéger les travailleurs de la santé contre les menaces, l’intimidation et la violence […] et exhorte respectueusement le Parlement à appuyer son adoption.

Il est clair que les gens que le projet de loi est censé protéger pensent qu’il vise juste.

Comme nous l’avons entendu, le projet de loi C-3 créerait deux nouvelles infractions criminelles. La première, l’intimidation, englobe toute tentative de provoquer la peur en vue d’empêcher l’offre ou l’obtention de soins médicaux. Cette infraction ne serait pas spécifique à un lieu ni à un moment. Si quelqu’un aborde un travailleur de la santé et lui dit : « Arrêtez de vacciner les gens, sinon je vais vous battre », il est coupable de cette infraction, peu importe s’il a prononcé ces mots dans un hôpital, dans une résidence privée, à l’épicerie ou ailleurs. Fait important, le projet de loi vise aussi l’intimidation qui se fait en ligne.

La deuxième infraction englobe le fait de gêner l’accès légitime par autrui à un endroit où des services de santé sont offerts par un professionnel de la santé. Cela ne s’applique pas seulement aux hôpitaux et aux cliniques. Cela pourrait aussi s’appliquer à une résidence privée si des soins de santé y sont prodigués ou même à un gymnase d’école si on y tient une clinique de vaccination. Ce n’est pas l’endroit qui compte, mais la prestation de services de santé.

Je signale également que la loi prévoit une protection considérable pour les résidences privées, souvent davantage que pour les espaces publics. Par conséquent, en fonction des actes commis, les personnes se livrant à des actes d’intimidation à la résidence d’un médecin, par exemple, pourraient être reconnues coupables de crimes contre les biens aux termes des lois provinciales ou territoriales, ou d’autres infractions telles que l’intrusion ou le méfait. Comme je l’ai dit, cela dépend des circonstances.

Pour ces raisons, même si je reconnais — et que je salue — l’objectif du sénateur White lorsqu’il a proposé cet amendement, je ne pense pas que ce dernier est nécessaire.

Honorables sénateurs, c’est là la position du gouvernement, et je voulais vous en faire part.

Cependant, j’aimerais aussi prendre un instant pour exprimer mon point de vue sur la collaboration ayant sous-tendu le parcours du projet de loi C-3 au Parlement.

Le projet de loi C-3 a entamé son parcours législatif en tant que projet de loi d’initiative ministérielle, mais aujourd’hui, il est le fruit du travail de tous les partis de la Chambre des communes. Je voudrais en particulier saluer la contribution du député Tom Kmiec, à l’origine du projet de loi C-211 qui a été transposé dans une large mesure dans le projet de loi maintenant à l’étude. Ces nouvelles dispositions traitent du congé de décès pour les parents ayant perdu un enfant, une question personnelle pour M. Kmiec qui a malheureusement perdu sa petite fille il y a quelques années. Je suis heureux que nous puissions aujourd’hui présenter ce projet de loi.

Sénateurs, moi aussi j’aurais voulu disposer de plus de temps pour étudier ce texte de loi. Je comprends vos préoccupations. Je les partage. Pourtant, je suis convaincu que le projet de loi C-3 est aussi en grande partie le fruit du travail du Sénat, car notre étude préliminaire a largement influencé les amendements qui ont été soigneusement négociés et adoptés dans l’autre endroit. Ce résultat, chers collègues, est précisément un des objectifs de l’étude préliminaire du Sénat. Elle permet au Sénat de transmettre au plus tôt ses préoccupations, dans le cas précis par l’intermédiaire de mon bureau et grâce au formidable travail du parrain auprès du ministre et d’autres collègues du gouvernement qui ont attentivement écouté nos préoccupations et qui ont travaillé dur pour y répondre. Tout ceci dans un gouvernement minoritaire où il ne suffisait pas à celui-ci de répondre par oui ou par non, mais où il a fallu négocier avec les députés des autres partis de la Chambre. Ce type de négociations, comme nous le savons bien ici, ont toujours un prix et ne se font pas du jour au lendemain.

Je tiens à remercier les présidentes des deux comités : la sénatrice Jaffer et la sénatrice Omidvar. Le travail que vous avez facilité grâce à votre leadership nous a donné, à moi et au gouvernement, les outils nécessaires pour mieux comprendre les préoccupations du Sénat et chercher à y répondre, en collaboration avec toutes les parties de l’autre endroit.

Je tiens également à remercier le sénateur Yussuff de tout le travail accompli pour défendre les travailleurs de la santé et les travailleurs en général pendant notre étude du projet de loi C-3 et, franchement, pendant de nombreuses années auparavant. Il a fait un excellent travail en s’engageant auprès des sénateurs, en écoutant et en communiquant les préoccupations des sénateurs, et les amendements substantiels qui ont été apportés au projet de loi témoignent de ces efforts.

Honorables sénateurs, l’un des objectifs prioritaires déclarés publiquement par le gouvernement en ce début de 44e législature consiste à obtenir la sanction royale pour le projet de loi C-3 avant la pause de Noël. Les travailleurs de la santé pourront ainsi se sentir plus en sécurité tandis que la pandémie se poursuit, et une politique moderne de congés de maladie payés sera enfin inscrite dans une loi fédérale.

Alors qu’une autre vague de COVID-19 s’amorce et que le variant Omicron se propage au pays, cet objectif est plus important que jamais.

Pour y parvenir, le gouvernement a misé sur l’établissement d’un consensus et l’écoute active, tendant la main à l’opposition à l’autre endroit et ici même au Sénat. Résultat : bien que nous ayons reçu le projet de loi C-3 à une date beaucoup trop tardive, il porte nettement les empreintes du Sénat.

Je sais que les contraintes de temps qui nous sont imposées en offusquent plusieurs. Croyez-moi, je vous comprends. Toutefois, honorables sénateurs, à quelle fréquence voit-on un projet de loi proposant une politique sociale considérable ainsi que des modifications au Code criminel adopté avec l’appui de tous les partis et même de tous les députés à l’autre endroit? Non seulement cela, mais à quelle fréquence un tel projet de loi nous parvient-il avec des amendements adoptés à l’unanimité par l’autre endroit reflétant, de toute évidence, le travail d’étude préalable réalisé par le Sénat ainsi que les interventions et communications continues effectuées en coulisses auprès du gouvernement afin de transmettre les préoccupations des sénateurs?

À titre de représentant de gouvernement, je veux que vous sachiez que je suis très fier de présenter ce projet de loi au Sénat. Pour toutes ces raisons, j’estime que le projet de loi C-3, qui a été adopté par l’autre endroit et dont nous sommes maintenant saisis, mérite amplement notre appui. Ultimement, je suis sûr que nous voulons tous protéger autant que possible les travailleurs de la santé. Le projet de loi représente un progrès important à ce chapitre. Les médecins et le personnel infirmier appuient le projet de loi dans sa forme actuelle et ils nous ont demandé de l’adopter ainsi. J’encourage les honorables sénateurs à suivre leur conseil.

C’est pourquoi le gouvernement ne peut pas appuyer l’amendement présenté par l’honorable sénateur White, et je vous invite aussi à le rejeter. Merci, chers collègues.

L’honorable Larry W. Campbell [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l’amendement au projet de loi C-3.

Le projet de loi C-3 est en réalité deux projets de loi. À n’importe quel autre moment, nous parlerions d’un projet de loi omnibus, où deux éléments différents sont inclus dans le même projet de loi. En fait, pendant plusieurs années, sous le gouvernement précédent, nous nous plaignions toujours des projets de loi omnibus, qui portaient sur plusieurs questions différentes. Une partie du projet de loi modifie le Code canadien du travail pour offrir des prestations aux travailleurs, tandis que l’autre partie modifie le Code criminel. J’appuie sans réserve les modifications apportées au Code canadien du travail.

Ce qui me pose problème, ce sont les modifications apportées au Code criminel. Il existe déjà des dispositions dans le Code criminel pour les infractions prévues dans le projet de loi C-3, et je n’arrive pas à comprendre comment les changements au Code criminel amélioreront la sécurité des travailleurs de la santé. La police et la Couronne devraient se fonder sur les lois actuelles au lieu de créer de nouvelles infractions.

Pensez-vous réellement qu’un tribunal va condamner quelqu’un à 10 ans de prison pour cette nouvelle infraction? Je ne crois pas. Cela dit, j’appuie l’amendement du sénateur White, car il permettra au moins de réellement protéger les travailleurs de la santé peu importe où ils se trouvent.

J’ai une autre préoccupation au sujet des manifestations, qui font partie intégrante de notre démocratie. Je songe notamment aux syndicats et aux divers groupes qui souhaitent exprimer leurs opinions. Chaque fois que nous limitons cela, nous réduisons nos libertés. Je condamne totalement les gestes d’une minorité de Canadiens qui tentent de harceler et d’intimider les travailleurs de la santé. Ces gens sont des poltrons et ils devraient être punis, mais il ne faudrait pas se servir de la COVID pour restreindre les droits des gens.

Tout aussi important peut-être est la façon dont le projet de loi a été reçu. Peu importe le gouvernement au pouvoir — libéral ou conservateur —, trois fois par année nous recevons à la dernière minute des projets de loi pour qu’on les examine : avant Noël, avant Pâques et avant la relâche estivale. Cela fait plus de 16 ans que je suis au Sénat, et nous n’avons jamais cessé d’espérer que l’autre endroit respecte le rôle du Sénat et qu’il nous renvoie les projets de loi en temps opportun afin que nous puissions vraiment faire notre travail. Mais chaque année, que ce soit avant Noël, avant Pâques ou avant la pause estivale, la même chose se reproduit encore et encore.

Est-ce cela la démocratie? Est-ce ainsi que le gouvernement du Canada est censé gouverner? Nous parlons d’indépendance et de la fierté que nous éprouvons à l’égard du fait que nos actions ne sont pas dictées par l’autre endroit et que nous pouvons effectuer notre travail sans avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Pendant l’intersession, j’espère que tous les sénateurs se pencheront sur ce problème. J’ai hâte d’entendre ce que le sénateur Tannas a à dire sur la façon d’atteindre cet objectif.

J’espère que nous pourrons revenir avec des mesures pour mettre fin à ce processus antidémocratique de la part du gouvernement. Je souhaite aux sénateurs et au personnel de joyeuses Fêtes. Soyez prudents. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Avez-vous une question, sénateur Kutcher?

Oui. Le sénateur Campbell accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Campbell [ - ]

Absolument.

Je vous remercie de votre intervention, sénateur Campbell. Les travailleurs de la santé ont été débordés et surchargés de travail pendant la pandémie et ils ont été victimes de harcèlement sur leur lieu de travail et leur domicile. On les qualifie souvent de héros, mais c’est une maigre consolation. Je pense qu’ils veulent des mesures concrètes.

Mettez-vous à la place d’un travailleur de la santé qui fait de son mieux, qui est au bord de l’épuisement professionnel et qui travaille d’arrache-pied pendant la pandémie. Vous sentiriez-vous mieux et plutôt soulagé si le gouvernement disait aux gens qu’ils ne peuvent pas aller chez vous et faire du piquetage, menacer vos enfants à la maison et vous invectiver et crier après vous?

Le sénateur Campbell [ - ]

Merci de votre question. Honnêtement, je ne pourrais pas faire ce que font les travailleurs de la santé. Je ne pense pas que j’y arriverais.

Cela dit, le gouvernement a tous les outils à portée de main et il devrait dire aux travailleurs de la santé qu’il va les implanter. La police et la Couronne doivent agir en invoquant les différents articles du Code criminel. Je crois que le gouvernement a envoyé le mauvais message en ne demandant pas à ce que des accusations soient portées chaque fois que cela s’est produit — pour chacun des gestes rapportés. Ces gestes surviennent en public. On ne peut pas dire que les gens s’en cachent, et la situation perdure. Si j’étais un travailleur de la santé en ce moment, je serais complètement démoralisé. Je ne sais pas où ils trouvent la force d’accomplir leur travail. Cela me dépasse.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénateur Kutcher, avez-vous d’autres questions à poser?

Non, Votre Honneur. Le sénateur Campbell souhaitait exprimer ses inquiétudes, et j’ai simplement voulu lui donner une avenue pour le faire.

L’honorable Percy E. Downe [ - ]

Honorables sénateurs, je remercie le sénateur White d’avoir présenté cet amendement important, car il permettrait de mieux prévenir les actes de harcèlement qui sont susceptibles, comme le dit le projet de loi, de provoquer la peur chez les professionnels de la santé et, par extension, chez leurs proches. Ces gens travaillent extrêmement dur et ils ont fait d’énormes sacrifices pour nous depuis le début de cette pandémie qui n’en finit plus de finir.

Nous avons eu un exemple de ce type de comportement déplorable la semaine dernière, lorsque le domicile de la directrice de la santé publique de l’Île-du-Prince-Édouard a été la cible de manifestants. La Dre Heather Morrison, qui est native de l’île, est boursière de la fondation Rhodes; nous avons donc de la chance de pouvoir compter sur son expertise dans la lutte contre la COVID. Grâce à son travail et aux efforts de nombreux autres habitants de la province, l’Île-du-Prince-Édouard est la seule province à ne dénombrer pour le moment aucun décès attribuable au coronavirus.

La Dre Morrison et son personnel ont profité du fait que nous habitons sur une île pour faire subir un premier test à chaque personne qui pénétrait sur le territoire de la province, puis un second quatre jours plus tard. Pour avoir le droit d’entrer sur l’île, on doit se munir au préalable d’un laissez-passer sur lequel est indiqué son statut vaccinal. Je ne vous apprendrai rien en disant que bon nombre de ces mesures ont été très mal accueillies par les personnes récalcitrantes depuis le début. Les antivaccins déplorent que personne ne les écoute, alors qu’en réalité, c’est plutôt le contraire. Les professionnels de la santé ont écouté tous leurs arguments et les ont rejetés un à un, car ils défiaient le bon sens médical et scientifique.

Les manifestants qui se sont présentés à la résidence de la Dre Morrison ont vraiment dépassé les bornes. C’est pourquoi j’appuie fermement l’amendement au projet de loi C-3 que propose le sénateur White. Ainsi, une personne qui tenterait de nouveau une pareille manœuvre s’exposerait à des sanctions sévères.

Honorables sénateurs, entre rejeter un projet de loi et l’adopter à la hâte, il y a une ligne de démarcation très ténue dont je souhaite parler brièvement. À ce stade-ci, même les sénateurs qui se sont joints au Sénat depuis peu ont pu constater que le gouvernement souhaite voir ses projets de loi être adoptés rapidement. Bien que ce souhait soit tout à fait légitime, il n’en demeure pas moins que le Sénat a le droit et la responsabilité d’examiner les projets de loi pour déceler, selon le cas, des erreurs, des conséquences imprévues ou des amendements nécessaires, comme celui du sénateur White, qui améliorerait le projet de loi à l’étude.

Au fil des ans, les membres de gouvernements successifs ont poussé, exhorté ou encouragé les sénateurs à adopter des projets de loi aussi vite que possible. C’est compréhensible, comme je l’ai dit. Cela dit, je crois que nous devrions prendre le temps dont nous avons besoin, à la fois par principe et à cause des conséquences qui peuvent survenir quand nous ne le faisons pas, comme nous l’avons découvert en 2007.

Le rapport de 2019 du directeur parlementaire du budget sur les modifications apportées aux prestations d’invalidité pour les anciens combattants au titre de la Nouvelle Charte des anciens combattants nous a permis de tirer des leçons utiles sur les effets négatifs à long terme qui peuvent survenir quand on adopte des mesures législatives à la hâte. Le gouvernement du Canada, avec l’entière collaboration de tous les partis de l’opposition à la Chambre des communes, a décidé d’adopter la Nouvelle Charte des anciens combattants le plus rapidement possible. À cet égard, on peut dire qu’ils ont eu du succès. Trois jours se sont écoulés entre le premier discours sur le projet de loi et l’obtention de la sanction royale. Les délibérations à la Chambre et au comité ont duré moins de cinq heures. Seulement deux minutes de ces cinq heures de délibérations ont eu lieu à la Chambre des communes. Le reste du débat s’est tenu au Sénat.

Soyons clairs, tout le monde a agi avec de bonnes intentions, mais nous savons tous quelle route en est pavée. Or, la route qui a mené à l’adoption de la Nouvelle Charte des anciens combattants a surtout été pavée par le Sénat. En un mot, honorables collègues, le Sénat a manqué à ses obligations. Nous n’avons pas étudié attentivement ce projet de loi. Nous n’avons pas corrigé ses lacunes. Nous avons fait notre travail avec empressement. Parfois, et même souvent, notre travail est justement de ne pas précipiter les choses.

Nous ne pouvons pas dire que nous n’avons pas été prévenus. En effet, lors d’une réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales — car le Sénat était tellement pressé qu’il a envoyé le projet de loi à ce comité plutôt qu’au Comité des anciens combattants ou au Comité de la défense nationale —, Sean Bruyea, un capitaine des Forces canadiennes à la retraite qui milite depuis longtemps pour les anciens combattants, a témoigné devant le comité. Il a dit ceci :

Nous savons tous que le gouvernement veut paraître honorer les anciens combattants, mais cela ne veut pas forcément dire que sa charte des anciens combattants est exempte d’erreurs [...] Nous croyons que les anciens combattants handicapés et les FC préféreraient que la charte soit bonne, plutôt qu’imparfaite et injuste comme elle l’est maintenant.

Malheureusement, nous n’avons pas suivi ses conseils.

Le rapport de 2019 du directeur parlementaire du budget indique que ce manquement du Sénat à ses obligations a coûté aux anciens combattants handicapés et à leur famille des millions de dollars en prestations perdues. Pensez-y bien, chers sénateurs. Nous avons tenté d’aider les anciens combattants et leur famille. Ces personnes ont été blessées pendant qu’elles servaient le Canada et, alors qu’elles étaient handicapées et qu’elles avaient besoin d’aide, nous avons permis l’adoption d’un projet de loi qui leur a coûté des millions de dollars. Parmi les changements majeurs qui figurent dans la Nouvelle Charte des anciens combattants, on retrouve le remplacement d’une prestation mensuelle de retraite de longue date par un paiement forfaitaire. Comme l’a indiqué le directeur parlementaire du budget, ce changement a entraîné des conséquences financières négatives pour les anciens combattants et leur famille. C’est notre faute. C’est la faute du Sénat.

Ce projet de loi a été adopté à l’unanimité à la Chambre des communes. Aujourd’hui, certaines personnes ont déclaré : « Si cela fait l’unanimité à la Chambre des communes, alors nous avons les mains liées. » Encore cette fois-ci, la Chambre des communes a adopté le projet de loi en quelques minutes seulement. Comme je l’ai déjà dit, il ne s’agit pas de remettre en question les intentions des députés. Ils croyaient bien faire, mais ils n’ont pas remarqué que le projet de loi contenait des erreurs. En s’empressant de faire ce qu’il croyait devoir faire, le Sénat n’a fait qu’aggraver les choses. Voilà pourquoi le Sénat doit prendre le temps de bien faire les choses.

Honorables sénateurs, au fil des ans, nous avons vu beaucoup de ministres faire pression sur le Sénat. Je vais vous donner un petit exemple. En 2016, la ministre Freeland, qui était alors ministre du Commerce international, a comparu au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international pour discuter de la ratification de l’Accord sur la facilitation des échanges de l’Organisation mondiale du commerce. Le Canada avait signé l’accord, mais ne l’avait pas encore ratifié. La ministre a fait savoir à quel point ce serait gênant si le Canada ne ratifiait pas l’accord, car ce dernier nécessitait l’approbation de 110 pays membres de l’Organisation mondiale du commerce pour entrer en vigueur. Quand la ministre a comparu au comité, 96 pays avaient ratifié l’accord. La ministre a affirmé qu’il était important que le Canada soit perçu comme un participant efficace et dynamique au sein de la communauté du commerce multilatéral. C’est à ce moment qu’elle a dit au comité qu’il fallait passer à l’action.

Chers collègues, il convient de noter qu’à ce moment-là, le projet de loi était au Sénat depuis cinq semaines. Il avait fallu 27 semaines pour qu’il soit adopté à la Chambre des communes. J’ajouterai qu’il a été appuyé par tous les grands partis à la Chambre. On a mis du temps à participer de façon dynamique à ce processus.

À la réunion du Comité des affaires étrangères, plusieurs questions ont été posées : « Quelle est l’urgence? » « Pourquoi le délai est-il aussi serré? » « Si le Canada ratifie l’accord après que les 110 pays membres l’ont ratifié, il ne perd pas son adhésion à l’accord. Où est l’urgence? »

La ministre a balayé ces questions du revers de la main et dit qu’il fallait ratifier l’accord maintenant parce que l’on s’attendait à ce que 14 pays le ratifient au cours de la semaine suivante.

Lorsque nous l’avons interrogée sur ce point, elle a répondu : « Absolument ». Quand d’autres membres du comité sont intervenus pour exprimer eux aussi leur doute, elle a affirmé : « Tout le monde est en train d’agir dans ce dossier. » Autrement dit, chers collègues, il n’y avait pas de temps à perdre et nous devions agir rapidement. Le comité a mis de côté ses préoccupations en raison du sentiment d’urgence exprimé par la ministre. Le comité a tenu une autre réunion et a déposé son rapport au Sénat le jeudi 24 novembre. Deux jours de séance plus tard, soit le 30 novembre, le rapport était adopté. Le Sénat a donc pris un total de six semaines pour mener son étude, ce qui est moins du quart du temps qu’a pris la Chambre.

Quand l’Organisation mondiale du commerce a-t-elle reçu les 110 ratifications? Le 22 février 2017, soit trois mois après que la ministre s’est dite absolument certaine que l’OMS les recevrait en une semaine.

Je ne vous raconte pas cette petite histoire pour remettre en question le jugement de la ministre ou ses pouvoirs de prédiction. Elle ne faisait que ce que tous les ministres font : elle a tout mis en œuvre pour faire adopter son projet de loi. Tous les ministres veulent voir leur projet de loi adopté. Ils sont convaincus que leur projet de loi est parfait tel qu’il est et que, de toute manière, les problèmes peuvent être réglés après l’adoption. Les nouveaux sénateurs n’ont peut-être pas encore entendu cet argument concernant les règlements ou les ajustements promis, mais rarement concrétisés, mais je suis certain qu’ils l’entendront.

Il nous arrive aussi de bien faire notre devoir, par exemple, en décembre 2015, lorsqu’est arrivé au Sénat le projet de loi C-3, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2016. Encore une fois, la Chambre des communes a agi avec une célérité impressionnante. Les étapes de la première lecture, de la deuxième lecture, du comité plénier et de la troisième lecture ont été expédiées en 17 minutes. Bien entendu, une telle rapidité s’avère possible quand on n’examine pas vraiment le projet de loi. Ce n’est qu’une fois que le projet de loi C-3 est arrivé au Sénat que le sénateur Day a souligné qu’il en manquait une partie. Une annexe à laquelle le projet de loi faisait référence en était absente. Prétextant une erreur administrative, la Chambre des communes a fait parvenir la version corrigée le lendemain. Il va sans dire qu’aucun commentaire n’a été émis à l’autre endroit à savoir que c’est au Sénat que l’on s’est aperçu de cette erreur pour la faire corriger.

Chers collègues, je ne cesse d’entendre parler du nouveau Sénat, du fait qu’il est non partisan, qu’il jouit d’un processus de nomination fondé sur le mérite et qu’il est indépendant. Or, hier soir, on se serait cru à l’époque de l’ancien Sénat. Les menaces fusaient et la pression se faisait sentir pour passer outre à toute discussion ou tout examen par rapport au projet de loi. « La Chambre des communes a adopté le projet de loi à l’unanimité, nous devons l’adopter aussi. » « Rentrons à la maison et profitons du temps des Fêtes. » Le sénateur Tannas et le sénateur White ont subi la plus grande partie des pressions, mais c’est le Groupe des sénateurs canadiens qui a décidé de défendre une motion présentée au Sénat à au moins deux occasions parce que nous voulons au moins cinq jours de débat sur chaque projet de loi pour ne pas être bousculés.

Chers collègues, si la Chambre des communes comprend qu’aucun projet de loi ne sera adopté sans cinq jours de débat, nous savons ce qui arrivera. Les projets de loi nous seront renvoyés cinq jours plus tôt parce qu’ils veulent qu’ils soient adoptés.

En conclusion, je voudrais citer encore une fois l’un des fondateurs du Sénat, sir John A. Macdonald :

Une Chambre haute ne serait d’aucune utilité si elle n’exerçait pas, quand elle le juge opportun, le droit de s’opposer à un projet de loi de la Chambre basse, de l’amender ou de le retarder. Elle ne serait d’aucune utilité si elle se bornait à sanctionner les décrets de la Chambre basse.

Honorables collègue, si notre travail se limite à approuver, alors notre approbation est futile. Ne l’oublions pas à l’avenir. Je vous remercie, honorables sénateurs.

L’honorable Diane Bellemare [ - ]

L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Downe [ - ]

Oui.

La sénatrice Bellemare [ - ]

Merci. Je vous ai entendu et mon réflexe spontané a été de dire qu’effectivement, le sénateur White pourrait présenter un projet de loi au retour de la pause des Fêtes pour modifier le Code criminel, afin de bonifier ce projet de loi et de le rendre plus beau, plus parfait. C’est une réalité, ce serait possible de le faire.

Je comprends vos frustrations, sénateur Downe, et je crois que nous les partageons tous. Cela dit, ma question est la suivante : ne trouvez-vous pas qu’il serait plus légitime de procéder comme l’a suggéré le sénateur Tannas, en révisant de manière plus complète les relations entre le Sénat et la Chambre des communes? Cela éviterait de prendre ce projet de loi en otage pour le rendre plus parfait, comme le disait le sénateur White. En tout état de cause, ce dernier nous a bel et bien dit qu’il va voter en faveur de ce projet de loi. C’est un prix à payer. J’opte pour la solution suivante, qui serait d’amorcer un dialogue un peu plus organisé avec la Chambre des communes au sujet de nos frustrations. N’êtes-vous pas d’accord?

Le sénateur Downe [ - ]

Juste pour que ce soit bien clair, le sénateur Tannas n’a pas dit qu’il allait voter contre les amendements. Le sénateur Tannas veut la même chose que nous, c’est-à-dire améliorer le projet de loi. En un mot, pourquoi reporter ces améliorations si on peut les faire maintenant?

Ce n’est pas notre problème si la Chambre des communes est ajournée. Si la Chambre des communes respectait le Sénat, elle aurait attendu — même après avoir été ajournée — que nous ayons pu étudier ces projets de loi. C’est chose facile, en particulier avec les séances hybrides, de rappeler la Chambre des communes pour qu’elle prenne une heure afin d’étudier l’amendement. Si la Chambre acceptait l’amendement, ce projet de loi serait meilleur. Si elle le refusait, nous reconnaîtrions, comme nous le faisons toujours, la sagesse des députés élus.

Par contre, il est totalement inacceptable que la Chambre des communes déclare : « Allez, la session est ajournée. Tous en vacances. Le Sénat n’aura qu’à accepter ». Le Sénat peut modifier tout projet de loi, et dans le cas présent, il proposerait une amélioration. Si la Chambre des communes prend ce projet de loi au sérieux, on peut lui demander de revenir pour une heure, comme l’a expliqué le sénateur Tannas. En outre, en séance hybride, c’est même moins coûteux.

Le sénateur Gold [ - ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Downe [ - ]

Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénateur Downe, demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à une question?

Le sénateur Downe [ - ]

Oui. Je ne veux pas retarder la procédure mais, avec le consentement des sénateurs, j’aimerais avoir cinq minutes de plus.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Le consentement est-il accordé?

Le sénateur Gold [ - ]

Merci, sénateur Downe. Je pose cette question pour tenter de revenir au projet de loi dont nous sommes saisis ou du moins à l’amendement qui y est proposé.

Quand le représentant du gouvernement au Sénat prend la parole dans cette enceinte pour dire que le gouvernement du Canada estime que cet amendement est couvert par le libellé actuel du projet de loi C-3, en gardant à l’esprit les remarques de notre ancien collègue le sénateur Baker, qui avait affirmé que les tribunaux prennent au sérieux les déclarations que nous faisons dans cette enceinte et dans les comités, ne convenez-vous pas que la position gouvernementale à l’égard de cet amendement, qui a été énoncée par le représentant du gouvernement, sera prise en considération comme il se doit, non seulement par les tribunaux, mais aussi par les sénateurs?

Le sénateur Downe [ - ]

Merci de votre question. Évidemment, ce qui pose problème, c’est qu’au fil des ans, nous avons entendu toutes sortes de choses de la part de divers gouvernements dans de nombreux projets de loi. Sénateur Gold, comme je l’ai mentionné dans mon discours, nous avons entendu beaucoup de promesses et d’engagements concernant l’objet de projets de loi qui ont été présentés à la Chambre des communes.

Permettez-moi de parler brièvement de la Charte des anciens combattants. On nous a assuré que la nouvelle Charte des anciens combattants bonifierait les prestations versées aux anciens combattants et à leur famille. Non seulement l’ensemble des partis de l’opposition ont appuyé la Charte sans réserve, mais la plupart des groupes d’anciens combattants de l’époque l’ont également appuyée. Certains anciens combattants s’y opposaient, et ils étaient nombreux à dire qu’ils croyaient que le but était de réduire les coûts. Nous avons découvert par la suite qu’ils avaient raison. D’anciens combattants se sont vu refuser des prestations; des gens qui ont perdu un membre lorsqu’ils ont servi le Canada à l’étranger. Des millions de dollars ont été perdus. C’est ce que le directeur parlementaire du budget a recensé dans le document que nous lui avons demandé de préparer. Le gouvernement a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’une mesure d’économie. Les anciens combattants ont dit que le directeur parlementaire du budget avait vérifié, et il a découvert qu’il s’agissait effectivement d’une mesure d’économie.

Revenons au point que vous avez soulevé concernant le projet de loi. Ce qui est dit au sujet de l’amendement du sénateur White et comment il est interprété ne sera pas matière à discussion si l’amendement est adopté. L’amendement permet de dissiper quelques incertitudes au sujet d’une situation qui me préoccupe particulièrement, à savoir la manifestation qui s’est déroulée samedi dernier devant la résidence de la médecin hygiéniste en chef de l’Île-du-Prince-Édouard. Il y avait des manifestants devant maison de la Dre Morrison, où elle habite avec sa famille et ses enfants. L’amendement du sénateur White réglera sans doute ce genre de problèmes, et c’est pour cette raison que je l’appuie.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ - ]

Sénatrice Batters, avez-vous une question?

L’honorable Denise Batters [ - ]

J’aimerais poser une brève question au sénateur Downe.

Le sénateur Downe [ - ]

J’accepte d’y répondre.

La sénatrice Batters [ - ]

Merci. À la lumière de ce qu’a dit le sénateur Gold concernant le poids des observations du représentant du gouvernement à ce sujet, ne seriez-vous pas d’accord pour dire qu’il est donc important de souligner qu’aujourd’hui, le leader du gouvernement a dit qu’il s’était reporté à l’étude préalable et que cette question avait été adéquatement examinée lors de l’étude préalable du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles? Cela dit, n’est-il pas important de mentionner que l’étude préalable s’est résumée à seulement une heure de comparution du ministre de la Justice et des fonctionnaires qui l’accompagnaient? Il ne s’agissait pas d’une étude exhaustive ayant duré toute une semaine ni même une journée entière, loin de là. Est-il nécessaire de tenir compte de ce fait par rapport à cette observation?

Le sénateur Downe [ - ]

Merci, sénatrice Batters. Premièrement, le projet de loi qui nous a été transmis par la Chambre des communes est très différent de celui que le comité sénatorial a étudié. Le sénateur Tannas en a parlé en détail, alors je ne répéterai pas ce qu’il a dit.

Deuxièmement, malgré tout le respect que j’ai pour le sénateur Gold, que j’aime beaucoup personnellement, il n’est pas membre du Cabinet. S’il l’était, ses paroles auraient plus de poids que celles d’un représentant du gouvernement au Sénat. Il faut également tenir compte de la division du pouvoir et des responsabilités.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat sur l’amendement. Je comprends que certains se disent insatisfaits du processus, mais je n’ai pas l’intention de parler du processus. Je souhaite uniquement parler de l’amendement et je peux assurer aux honorables sénateurs qu’il ne me faudra pas 15 minutes.

J’inviterais les honorables sénateurs à prendre un exemplaire du projet de loi C-3. Si vous l’avez à portée de main, prenez-le parce que je vais en lire des extraits et c’est plutôt ennuyant, alors, avec le texte, ce sera peut-être plus facile à suivre. Il est question de détails.

Il n’y a pas beaucoup de modifications au Code criminel qui sont proposées. Il n’y en a que deux importantes, à l’article 2 du projet de loi. Le projet de loi modifie le Code criminel en y ajoutant une infraction d’intimidation. Cela signifie menacer quelqu’un ou provoquer la peur chez lui.

La deuxième infraction créée est le fait d’empêcher ou de gêner l’accès. Cela signifie empêcher l’accès, par exemple lorsque des personnes manifestent devant une clinique et empêchent les gens d’y entrer; ce pourrait être une clinique, le cabinet d’un médecin ou tout établissement où des soins de santés sont prodigués.

Il ne faut pas confondre les deux infractions. Elles sont complètement distinctes.

Commençons par la première infraction, celle que le sénateur White propose d’amender. Je vais vous lire ce qu’on entend par intimidation dans le projet de loi.

Commet une infraction quiconque agit de quelque manière que ce soit dans l’intention de provoquer la peur...

 — il y a ensuite une liste de personnes, essentiellement des travailleurs de la santé.

L’infraction consiste donc à agir de quelque manière que ce soit dans l’intention de provoquer la peur. La sénatrice Simons a posé la question suivante :

Qu’en est-il d’une personne dans sa maison? Nous avons entendu des travailleurs de la santé dire qu’on les menaçait en ligne, que des manifestants se présentaient chez eux, mais surtout, que des gens publiaient leur photo, par exemple.

Voici ce que le ministre Lametti a répondu :

La loi s’applique à ce qui se passe en ligne, sans aucun doute : c’est son objectif.

Donc, cette infraction peut prendre diverses formes, que ce soit du piquetage devant une maison, des lettres de menaces, des appels téléphoniques, des courriels ou d’autres actes commis en ligne.

L’amendement proposé ferait en sorte que l’article se lirait comme suit :

Commet une infraction quiconque, à tout endroit, agit de quelque manière que ce soit dans l’intention de provoquer la peur...

On ajoute ainsi un élément à l’infraction proposée. Cela doit se passer à tout endroit. En toute honnêteté, on pourrait considérer que cet amendement restreint la portée plutôt vaste qui est prévue en ajoutant une sorte d’élément matériel. Il faut que ce soit « à tout endroit ». Par conséquent, les actes en ligne pourraient ne plus être considérés comme faisant partie des éléments visés par l’infraction.

Je sais que c’est très technique et je m’en excuse si cela vous rebute. Voyez-vous, dans mon ancienne carrière, j’ai consacré 20 années à lire et à décortiquer le sens des mots. Je vous assure que nous devrions porter une attention particulière à l’ajout de ces mots, car je pense qu’ils pourraient restreindre les comportements que le Parlement souhaite désigner comme une infraction.

Je ne fais pas référence au processus. Je parle de l’amendement, point final. J’aurais préféré que le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles puisse débattre de cet amendement. Nous aurions aussi pu en débattre dans cette enceinte, mais il n’est jamais trop tard. Nous en avons l’occasion maintenant et je tiens à vous assurer que je ne suis pas contre l’intention de mieux protéger nos travailleurs de la santé. Je suis par contre convaincu que cet amendement n’a pas sa place parmi ces mesures législatives. Si nous insistons pour l’inclure, cela augmentera le risque que les avocats de la défense plaident devant les tribunaux qu’un élément de l’actus reus, l’aspect matériel de l’infraction, doit répondre au critère « à tout endroit ».

J’ai bien peur que cela rende le processus encore plus compliqué que ce qui est souhaité. Par conséquent, je suis contre l’amendement proposé. Merci.

La sénatrice Lankin [ - ]

Honorables sénateurs, je serai brève. J’approuve la proposition que vient de faire le sénateur Dalphond. Je pense que la raison que le sénateur White a donnée pour appuyer l’amendement était la suivante : selon sa description, l’amendement s’applique à la deuxième disposition des modifications au Code criminel prévues dans le projet de loi, c’est-à-dire celle qui n’interdit pas l’accès aux services de santé juridiques. D’ailleurs, comme le sénateur Dalphond vient de le souligner, l’acte d’intimidation fait l’objet d’une autre disposition du projet de loi. C’est celle qui accorde actuellement une protection aux gens si le crime est commis à leur domicile. S’il se trouve qu’ils fournissent des services de santé médicaux à partir d’un bureau à domicile, l’autre disposition s’applique également.

Non seulement la disposition est possiblement redondante par rapport aux mesures de protection et aux dispositions déjà prévues dans le Code criminel, mais elle ne s’applique également pas à la même disposition que celle décrite par le sénateur White dans son scénario. Je pense qu’elle ferait l’objet des mêmes objections et préoccupations qui sont soulevées lorsque nous faisons avancer à toute vitesse le processus que nous entamons.

Pendant une grande partie du débat d’aujourd’hui, des sénateurs ont évacué leurs frustrations à l’égard du gouvernement, qui ne respecte pas le processus nécessaire pour qu’ils accomplissent bien leur travail. Selon moi, c’est tout ce que le Sénat demande. Tout le monde veut que les Canadiens obtiennent ces prestations aussitôt que possible, et tout le monde reconnaît l’urgence d’agir. On pourrait en dire autant d’autres circonstances invoquées par certains sénateurs, où une telle chose s’est déjà produite.

Toutefois, selon ce que plusieurs sénateurs ont déjà indiqué, je crois que nous aurions tort de retarder l’adoption de ce projet de loi pour en faire un exemple de cas où nous établissons notre limite. J’ai hâte de collaborer avec le sénateur Tannas et d’autres sénateurs pour trouver une façon stratégique d’aller de l’avant pour discuter de cette question avec le gouvernement, mais je voterai contre l’amendement qui a été présenté, même si je comprends le point qui a été soulevé. Merci beaucoup.

L’honorable Brent Cotter [ - ]

Honorables sénateurs, je tenterai d’être bref et j’essayerai, dans une certaine mesure, de faire suite aux observations formulées par le sénateur Dalphond.

Au Comité des affaires juridiques, certaines personnes ont laissé entendre que la mesure législative était plutôt symbolique et qu’elle n’était pas absolument nécessaire. J’appuie la mesure et le message qu’elle transmet. J’accepte l’idée voulant que l’amendement du sénateur White vise à renforcer le projet de loi, mais en toute honnêteté, je pense que même si le sénateur Dalphond avait tort, cela ne changerait pas grand-chose. Je pense qu’il a raison en ce qui concerne les préoccupations liées à la réduction accidentelle de la portée d’une infraction.

Mon argument est un peu différent. Prenons quatre dispositions différentes dans le Code criminel : proférer des menaces, méfait, harcèlement criminel et intimidation. Selon moi, chacune de ces dispositions est directement liée au problème que le sénateur White veut corriger dans la disposition. À mon avis, ce qui importe, ce n’est pas de modifier légèrement la mesure législative, mais bien d’accorder aux forces de l’ordre et aux procureurs les outils dont ils ont besoin pour réagir de manière proactive — lorsque les circonstances le justifient — aux situations qui ont été abordées avec tant de conviction par le sénateur Downe, entre autres.

Je pense qu’il vaut mieux s’opposer à l’amendement et avoir confiance que le Code criminel fait ce qu’il doit faire et que la disposition en question aidera un peu à cet égard. C’est ce que je pense. Merci.

L’honorable Hassan Yussuff [ - ]

Honorables sénateurs, j’aimerais m’exprimer au sujet de l’amendement proposé par mon collègue, le sénateur White. Je le remercie de m’accorder son amitié et de partager son point de vue avec moi.

Je comprends qu’il souhaite faire en sorte que le projet de loi couvre toutes les possibilités afin de protéger de l’intimidation les travailleurs de la santé. Je crois qu’aucun sénateur n’est en désaccord avec lui. Toutefois, j’estime que les modifications proposées dans le projet de loi, ainsi que d’autres articles du Code criminel, répondent aux préoccupations de mon collègue concernant les infractions d’intimidation. Par conséquent, l’amendement n’est pas nécessaire et je ne l’appuierai pas.

La nouvelle infraction d’intimidation créée par le projet de loi C-3 vise les circonstances où des travailleurs de la santé ou des personnes cherchant à obtenir des services de santé font l’objet d’intimidation, ce qui peut comprendre des menaces ou d’autres formes de violence qui ont pour but d’inciter la peur, de déranger un travailleur de la santé dans l’exercice de son devoir ou d’empêcher une personne de recevoir des services de santé. Bien que l’acte d’intimidation vise à apeurer les travailleurs de la santé au point de les empêcher d’exécuter leur tâche, l’acte d’intimidation n’a pas à avoir lieu pendant que la personne est en train d’exécuter sa tâche.

Les gestes qui visent à provoquer la peur peuvent être faits n’importe où et n’importe quand, que ce soit en personne ou en ligne, quel que soit le moyen utilisé. Par conséquent, l’endroit où se trouve le professionnel de la santé lorsqu’il subit de l’intimidation n’a aucune importance légale. L’amendement proposé, qui préciserait « à tout endroit » à propos de la nouvelle infraction concernant l’intimidation, serait donc inutile. Nous ne devrions pas l’appuyer selon moi. Merci.

Son Honneur le Président [ - ]

Sénatrice Dupuis, voulez-vous poser une question ou prendre la parole?

L’honorable Renée Dupuis [ - ]

Je vais prendre la parole, monsieur le Président.

L’amendement proposé par le sénateur White pose un problème, comme à peu près tous les amendements qui sont proposés lorsqu’on n’a pas eu l’occasion d’en analyser les conséquences. On se plaint d’un projet de loi qui est arrivé trop rapidement et dont l’étude a été bousculée. Cet amendement veut répondre, en partie, à la préoccupation soulignée par plusieurs membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à savoir que certaines dispositions du Code criminel ne seraient pas appliquées à l’heure actuelle dans les cas de manifestations de violence contre des travailleurs de la santé ou contre des citoyens qui essaient d’accéder à des établissements de santé.

Je pense que le problème posé par la non-application de la loi ou sa mauvaise application, ou l’application insuffisante des dispositions du Code criminel jusqu’ici dans le cadre de la COVID, est un problème différent qui ne peut pas être réglé. Si l’amendement du sénateur White est adopté, rien n’en garantit l’application. Je pense que c’est un argument qui est inutile. Il vient introduire un élément offrant la possibilité d’une interprétation plus restrictive, qui serait faite par les tribunaux et qui, même s’il était adopté, ne remédierait pas à l’absence d’application de la loi, telle qu’elle existe ou telle qu’elle sera modifiée si le projet de loi est adopté.

Son Honneur le Président [ - ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur le Président [ - ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Son Honneur le Président [ - ]

J’ai entendu un non. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Son Honneur le Président [ - ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Son Honneur le Président [ - ]

À mon avis, les non l’emportent.

Son Honneur le Président [ - ]

Je vois deux sénateurs se lever. Y a‑t-il entente au sujet de la sonnerie? Le vote aura lieu à 14 heures. Convoquez les sénateurs.

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