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Le Code criminel—Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif--Troisième lecture

17 décembre 2021


Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail. Je vais aborder la partie de cet important et urgent projet de loi, qui porte sur le Code du travail.

Au départ, lors de l’étude du projet de loi C-3 par le Comité des affaires sociales, mon intention était de proposer un amendement au projet de loi. Or, comme il nous a été renvoyé à la dernière minute assorti d’amendements adoptés par la Chambre et compte tenu de l’importance d’accorder des congés de maladie payés aux travailleurs sous réglementation fédérale avec l’arrivée du variant Omicron, je suis prêt à accepter le projet de loi dans sa forme actuelle, mais avec de nombreuses réserves.

Je vais aborder les principales inquiétudes que j’ai au sujet de l’article 7, en particulier en ce qui a trait au paragraphe 239(1.6) concernant l’exigence d’un certificat délivré par un professionnel de la santé. Je comprends que ce qui est écrit dans l’article est « peut » et non « doit », mais, à mon avis, et de celui de nombreux professionnels de la santé, il n’y a aucun avantage à exiger des employés un tel certificat lorsqu’ils déclarent être malades. En fait, le risque sanitaire pour le public et pour les professionnels de la santé serait accru par une telle pratique.

De plus, cette exigence irait à l’encontre des conseils de santé publique que nous devons absolument respecter à l’heure actuelle, surtout avec l’apparition du variant Omicron, qui est très contagieux. Si on est malade, on reste à la maison. Il faut surtout éviter que les travailleurs malades se déplacent pour obtenir un billet médical et qu’ils transmettent la maladie aux autres en cours de route. Il faut également éviter que les travailleurs malades se présentent dans des établissements de santé parce qu’ils ont besoin d’un billet médical et qu’ils infectent des patients, et il faut éviter que les travailleurs malades se rendent au travail parce qu’ils préfèrent travailler plutôt que d’aller chercher un billet médical.

J’aimerais souligner ce dernier point. En 2018, un sondage Ipsos indiquait que 82 % des travailleurs canadiens préféraient se rendre au travail lorsqu’ils étaient malades plutôt que de faire les démarches pour obtenir un billet médical faisant état de leur maladie. Les données révèlent que lorsqu’ils sont malades, les travailleurs sont moins productifs, se blessent plus facilement et sont plus à risque de contaminer les autres. Nous avons là tous les éléments nécessaires à une tempête parfaite.

Qui plus est, on a collé une affiche sur la porte du bureau de mon médecin et de mon dentiste pour avertir les gens qui sont malades qu’ils ne peuvent pas entrer. J’imagine qu’une affiche de la sorte est apposée sur la majorité des portes des fournisseurs de soins de santé au Canada. Il faut être chanceux pour réussir à obtenir un billet médical par téléphone.

C’est sans parler des centaines de milliers de personnes au Canada qui n’ont même pas de médecin de famille. Plus de 80 000 habitants de ma province, la Nouvelle-Écosse, n’ont pas de médecin de famille.

Les cliniques sans rendez-vous n’offrent pas non plus une solution simple à ce problème. Que voit-on quand on se rend dans une de ces cliniques? Vous l’avez deviné : une affiche apposée sur la porte avertissant les gens de ne pas entrer s’ils présentent certains symptômes. Or, les gens ont besoin d’un billet pour confirmer qu’ils présentent ces symptômes.

En outre, le fardeau de demander un billet repose surtout sur les épaules des gens qui peuvent le moins se le permettre. Certains doivent parcourir de grandes distances juste pour obtenir un billet. Certains ont de jeunes enfants à domicile. D’autres n’ont pas les moyens de payer les frais supplémentaires souvent imposés parce qu’une telle visite n’est pas couverte par les régimes provinciaux ou territoriaux d’assurance-maladie.

Parlant de soins de santé, nous ne voulons pas que les gens soient forcés d’utiliser des ressources en santé déjà mises à rude épreuve uniquement pour obtenir un billet médical.

Il me semble totalement insensé que le gouvernement du Canada, qui a admirablement montré sa volonté d’améliorer les mesures de soutien offertes aux employés dans le cadre de cette pandémie, donne force de loi à une pratique aussi anachronique et problématique.

Pour rendre la situation encore plus complexe, le projet de loi permet à l’employeur de demander un billet du médecin dans les 15 jours suivant le retour de l’employé. C’est une autre disposition qui n’a aucun sens. Les médecins ne peuvent pas fournir un certificat médical, d’un point de vue éthique, s’ils n’ont pas vu le patient. Un employé qui n’a pas vu son médecin lorsqu’il était malade ne peut pas demander un billet 10 ou 15 jours après son retour au travail.

Enfin, le projet de loi tel qu’il a été amendé à l’autre endroit établit le seuil à partir duquel un billet est nécessaire : cinq jours. Pourquoi a-t-on choisi cinq jours? Pourquoi pas quatre jours et demi ou six jours? C’est un nombre complètement arbitraire. Quel est l’objectif? Quels sont les résultats? Malheureusement, je pense que c’est une autre modification qui n’a pas été mûrement réfléchie.

En tant que médecin, je suis bien au fait des nombreux problèmes liés à la délivrance de certificats médicaux. J’ai parlé de cette question à de nombreux collègues : aucun d’entre eux n’appuie cette disposition, et c’est aussi mon cas.

En conclusion, j’ai demandé à nos collègues sénateurs qui sont médecins de me permettre de vous transmettre ce qu’ils pensent de cette question. Ils m’ont gentiment donné l’autorisation de le faire dans ce discours.

La sénatrice Mégie qui est médecin a dit :

Malheureusement, [cette mesure] ne tient pas compte des obligations éthiques des médecins, ce qui rend la disposition des « 15 jours » impossible à appliquer.

En pratique, un professionnel de la santé doit consigner la situation d’un patient dans son dossier et fonder diligemment son opinion médicale sur l’évaluation médicale. Ainsi, un médecin qui évalue un patient ou un employé le 9e ou le 14e jour suivant son retour au travail pourrait ne pas être en mesure d’évaluer la situation de cette personne de la même manière qu’il aurait été possible de le faire au cours des premiers jours de sa maladie. Par conséquent, le médecin pourrait refuser de donner au patient la note requise par son employeur, puisqu’un certificat médical rétroactif pourrait exposer le médecin à des sanctions disciplinaires.

La sénatrice Moodie a dit :

Nous savons qu’il est très difficile pour les employés d’obtenir un rendez-vous avec leur médecin, un hôpital, une clinique ou même un fournisseur de services de télésanté afin de recevoir un certificat médical. Cet obstacle touche de manière disproportionnée les communautés marginalisées et celles qui manquent de médecins […] Les médecins ont déjà déploré le fardeau administratif que cela leur impose […] Les données à ce sujet sont éloquentes. Les certificats médicaux n’aident pas les médecins à fournir de meilleurs soins. Ainsi, il faut que les employeurs cessent de les exiger pour justifier un congé de maladie de courte durée afin de mieux soutenir le secteur de la santé et les travailleurs canadiens.

Le sénateur Ravalia a dit :

Quand j’exerçais la médecine, je me rappelle le lourd fardeau que la demande d’un billet médical nous imposait, à moi et à mes collègues. Au moment où des milliers de Canadiens n’avaient même pas accès aux soins primaires, d’autres se voyaient placés devant le défi énorme d’obtenir un tel billet médical. En outre, dans de nombreuses régions, ce service n’est pas couvert par l’assurance-maladie, ce qui ne fait qu’augmenter le stress financier.

Honorables sénateurs, l’octroi de congés de maladie payés à tous les Canadiens constitue une importante mesure de santé publique. Toutefois, il est contre-productif d’incorporer des obstacles aux mesures utiles, et il est probable que cela alourdisse inutilement la charge de tous.

J’appuierai ce projet de loi pour les motifs que j’ai déjà énoncés, mais je continuerai à exprimer mes préoccupations à l’égard des pratiques superflues en matière de ressources humaines qu’il serait possible de corriger par d’autres moyens. Je continuerai aussi à demander au gouvernement fédéral de ne pas alourdir le fardeau du système de santé, déjà débordé, ni celui de ces employés qui sont déjà les plus vulnérables.

Merci. Wela’lioq.

L’honorable Frances Lankin [ - ]

Honorables sénateurs, je commencerai par remercier le sénateur Yussuff d’avoir parrainé ce projet de loi, de l’avoir piloté jusqu’à cette étape et d’avoir répondu à nos questions. Je le remercie également pour sa transparence et ses échanges. Il a fait un travail remarquable. Je le félicite aussi pour son premier discours, qu’il a prononcé dans cette auguste enceinte cet après-midi.

Je voudrais remercier les membres du Comité des affaires sociales dont j’ai l’honneur de faire partie. Avec le peu de temps qui lui était imparti, le comité a réalisé un formidable travail dans le cadre de son étude des mesures proposées dans le projet de loi au regard du Code du travail. Les modifications au Code criminel ont été étudiées de plus près par le Comité des affaires juridiques, même si nous avons participé en posant des questions sur la constitutionnalité des dispositions et sur leur conformité à la Charte.

Quant à ma contribution à ce débat sur la troisième lecture, j’aimerais aborder trois points. Tout d’abord, j’appuie le projet de loi et j’expliquerai rapidement pourquoi. Je pense que ce projet de loi est bon, même s’il n’est pas parfait, et j’exposerai brièvement mon point de vue et les modifications qui auraient pu l’améliorer. Pour finir, je préciserai pourquoi je ne vais pas proposer d’amendement et pourquoi je vais appuyer ce projet de loi tel qu’il nous a été présenté par la Chambre des communes.

Tout d’abord, mon soutien à l’égard du projet de loi. D’autres sénateurs ont déjà parlé de l’importance de ce projet de loi. Même lorsque nous discutions de la façon dont ce projet de loi nous est parvenu, il était question de l’importance de cette mesure et de l’incidence qu’elle aura dans la vie des travailleurs, en particulier ceux qui occupent un emploi précaire ou à faible salaire, et dont bon nombre se trouvent dans des secteurs essentiels, comme on a pu le constater pendant la pandémie.

Il est urgent d’adopter ce projet de loi. Compte tenu de la vitesse de propagation actuelle du variant Omicron, je n’en aurais peut-être pas parlé si j’avais prononcé ce discours il y a deux semaines à peine. Les événements se bousculent à une vitesse phénoménale. Avec ce qu’on sait en ce moment, la vitesse à laquelle cette mutation du virus se propage est incroyablement troublante et terrifiante. Maintenant, encore plus qu’au début de la pandémie, il faut que les travailleurs de la santé bénéficient de mesures permettant à la fois de protéger leur santé et la santé publique et communautaire en général. L’adoption de ce projet est donc importante et urgente, en plus d’être une question d’équité et de gros bon sens.

J’ai dit — et je le pense encore — que le projet de loi est bon, sans être excellent. Nous avons entendu les arguments des sénateurs qui siègent au Comité des affaires juridiques et des commentaires sur les dispositions du Code criminel. Des doutes ont été exprimés sur la nécessité d’inclure ces dispositions, mais le ministre a répondu qu’il s’agit de lancer un message clair, c’est-à-dire que les Canadiens sont solidaires des travailleurs de la santé et qu’ils les appuient de même que les patients qui essaient d’obtenir des soins légaux et qu’ils seront protégés du harcèlement et des actes violents, comme on a pu en voir lors de protestations devant certains hôpitaux.

Je pense qu’il aurait été préférable de discuter davantage de ces dispositions législatives. Par contre, selon ce que je comprends des interventions dans cette enceinte et de mes entretiens avec d’autres collègues du Sénat, cela ne nuit pas au projet de loi. Il est important de diffuser ce message, tout comme d’utiliser cette occasion pour éduquer le public et les employeurs des secteurs sous l’autorité fédérale à propos de ces nouvelles mesures législatives et de leur portée.

Je suis plus préoccupée par les parties du projet de loi qui ont été examinées par le Comité des affaires sociales. Le sénateur Kutcher vient d’expliquer admirablement les préoccupations que je partage avec lui et d’autres sénateurs concernant l’exigence d’un certificat du médecin. Appelons un chat un chat : je pense que le préjugé selon lequel les travailleurs sont enclins à abuser des congés maladie est au cœur de la décision politique qui a été prise. Sinon, pourquoi exiger un certificat? Étant donné que les députés et nous avons fait pression à cet égard, des changements ont été apportés à la Chambre des communes afin qu’il ne soit maintenant question que d’une absence de plus de cinq jours. Si vous êtes absent pendant plus de cinq jours, vous êtes probablement plus susceptible d’être malade que si vous étiez absent une seule journée. Il est impossible de savoir la vérité dans ces circonstances. C’est absurde et cela n’aide pas à promouvoir les objectifs stratégiques déclarés du projet de loi.

Le point que je souhaitais traiter dans un amendement portait sur le rythme d’accumulation des jours de congé de maladie que la loi prévoit pour les travailleurs. Beaucoup d’entre nous étaient d’avis que ces congés devaient être disponibles dès la première journée. Croire qu’il devrait en être autrement, c’est se laisser influencer par la vieille croyance selon laquelle les travailleurs ont tendance à faire un usage abusif des congés de maladie, une croyance qui a été réfutée. L’amendement que j’envisageais aurait rendu les travailleurs admissibles dès leur première journée de travail. Après en avoir discuté avec le gouvernement et avec des sénateurs, nous avons toutefois décidé que l’admissibilité devrait commencer le 30e jour, donc après une brève période probatoire ou une brève période d’attente.

Il y a peu de justifications stratégiques en faveur d’une admissibilité au 30e plutôt qu’au premier jour, si ce n’est qu’après 30 jours les travailleurs ont déjà apporté une certaine contribution et « mérité » le congé. Je ne donnerai pas suite à cet amendement puisque, comme vous le savez, la Chambre des communes a modifié le rythme d’accumulation des congés et l’a quelque peu amélioré. Cela dit, l’amendement adopté par la Chambre des communes ne soutient pas aussi bien l’objectif du projet de loi que ne l’aurait fait l’amendement qu’aurait pu envisager le Sénat.

Pourquoi ne pas pousser la chose plus loin, alors? Parce que, même si je ne suis pas la première à le signaler, je rappelle que la Chambre des communes a non seulement donné son consentement unanime, mais en plus elle l’a fait dans un contexte minoritaire, à la suite de négociations et de tractations portant sur toutes sortes de choses, pas seulement ce projet de loi. Cela ne lie aucunement le Sénat, si ce n’est que celui-ci doit déférence à la Chambre élue, les Communes, dont les élus rendent des comptes aux citoyens. Or, les députés voient au-delà de ce seul projet de loi. Voilà pourquoi j’estime avoir la responsabilité, lorsque je constate qu’un texte pourrait enfreindre la Charte ou se répercuter négativement sur les régions ou les minorités, d’en tenir compte dans ma réflexion. Ce n’est pas parce que je ne partage pas le point de vue du gouvernement et qu’en ce qui me concerne, j’irais plus loin que lui, que je dois voter contre cette mesure législative, qui été étudiée par l’autre endroit, et qui, à l’issue de négociations entre les partis, a été adoptée à l’unanimité, malgré un contexte minoritaire.

Je vous remercie.

L’honorable Dennis Glen Patterson [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-3, Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail.

Je tiens d’abord à dire que, en tant que porte-parole responsable du projet de loi, je suis heureux d’avoir eu l’occasion d’établir ce que je considère comme une très bonne relation de travail avec le parrain du projet de loi et l’un de nos nouveaux collègues, soit le sénateur Yussuff, au cours de l’étude très condensée du projet de loi.

Je tiens à préciser que j’appuie le fait de protéger les travailleurs de première ligne contre la violence et le harcèlement, ainsi que le droit à des congés de maladie payés. Je suis tout à fait conscient que la partie du projet de loi modifiant le Code canadien du travail a une importance capitale pour les travailleurs sous réglementation fédérale. Le gouvernement fédéral prévoit aussi de discuter avec les provinces et les territoires pour utiliser le projet de loi comme un minimum pour améliorer les prestations de maladie des travailleurs partout au Canada.

Dans tout le contexte de la pandémie de COVID-19, il s’agit d’une mesure importante.

Cependant, honorables sénateurs, je voudrais aussi d’abord exprimer ma consternation devant la façon dont l’étude de ce projet de loi a été menée, et je ne suis évidemment pas le seul à formuler cette critique.

Le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a tenu une réunion d’organisation le mardi 7 décembre 2021. Lors de cette réunion, non seulement avons-nous élu la présidente et la vice-présidente et adopté les motions habituelles, mais les membres du comité ont aussi reçu à la dernière minute une liste de témoins possibles pour une étude préalable du projet de loi C-3 et ont été informés qu’ils pouvaient seulement accueillir quatre groupes de témoins, dont un serait formé du ministre et de fonctionnaires.

Ensuite, je suis allé directement à une réunion du comité directeur, où nous devions immédiatement réduire le nombre de témoins pour respecter le très court échéancier. Les convocations ont été envoyées le jour même, et nous avons entendu les premiers groupes de témoins le mercredi 8 décembre. Plusieurs convocations ont été refusées; il n’est pas clair si c’était en raison d’un manque d’intérêt à participer, d’un manque de disponibilité ou de l’incapacité de préparer une présentation avec un échéancier si serré.

Cela a donné lieu à un déséquilibre dans la composition de la liste des témoins, puisque les employeurs étaient sous-représentés. À mon avis, c’était une grave lacune, puisque ce sont les employeurs, et non le gouvernement, qui seront obligés de payer pour les mesures proposées dans le projet de loi. Si certains employeurs ne sont pas capables de payer pour les mesures, ce sont leurs entreprises qui seront à risque, et ce sont leurs travailleurs qui perdront leur emploi.

Le ministre a comparu à notre réunion suivante, le lundi 13 décembre, à 18 h 30, puis nous avons entendu les trois derniers témoins. Nous avions une ébauche de rapport en main avant la réunion du comité directeur qui s’est tenue le lendemain, soit le mardi 14 décembre, à 9 heures. Nous avons ensuite tenu une réunion pendant la séance du Sénat le même jour afin que tout le comité puisse étudier très rapidement le rapport non pas ligne par ligne, mais paragraphe par paragraphe. Le rapport a été présenté au Sénat le mercredi 15 décembre.

Je me permets d’ajouter que l’étude préalable — qui ne mérite pas d’être appelée ainsi, à mon avis — sur les mesures de ce projet de loi qui portent sur le harcèlement des travailleurs de la santé a aussi été effectuée à la hâte par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui n’a entendu qu’un seul témoin, soit le ministre de la Justice, ainsi que des fonctionnaires, pendant une heure seulement.

Si la période semble bien courte pour assimiler toute l’information et suivre tous les processus, c’est parce que c’était le cas. Tout devait se faire en vitesse, y compris les réunions de comité. C’était un véritable tourbillon. Une mesure législative d’une telle importance pour beaucoup de travailleurs et d’entreprises ne devrait pas être étudiée de cette façon.

Entretemps, à l’autre endroit, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées a entendu le ministre le mardi 14 décembre. Plus tard le même jour, il a effectué l’étude article par article. Il a renvoyé le projet de loi avec deux amendements le jour où le comité sénatorial a présenté son rapport. Il y a ensuite eu consentement unanime à la Chambre des communes pour renvoyer le projet de loi amendé au Sénat.

Ainsi, chers collègues, le rapport d’étude préalable du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie n’a eu aucune incidence sur les délibérations à l’autre endroit. Nous n’avons donc eu aucune influence sur l’élaboration du projet de loi ou la rédaction d’amendements pour combler des lacunes potentielles.

Étant donné que la Chambre des communes a déjà ajourné ses travaux pour la pause hivernale, et que le Sénat s’apprête à faire de même, nous devons maintenant déterminer si nous sommes prêts à défendre nos principes en rappelant la Chambre des communes si nécessaire pour adopter des amendements ou si nous allons, encore une fois, céder à la volonté de la Chambre élue en tenant un débat réduit au minimum.

Je suis tout à fait d’accord avec les commentaires formulés par le sénateur Tannas pendant le débat à l’étape de la deuxième lecture. En effet, il a très clairement dénoncé ce mépris lamentable pour le Sénat et la tradition établie depuis longtemps voulant que nous fassions un second examen objectif. Le sénateur Downe a aussi exprimé les mêmes doléances lorsqu’il s’est exprimé au sujet de l’amendement du sénateur White, et d’autres ont fait aussi.

J’ai bien peur que nous soyons passés de la Chambre de second examen objectif à la Chambre des formalités.

Jeudi dernier, j’ai été nommé porte-parole de l’opposition officielle. Mon bureau a immédiatement demandé la tenue de l’habituelle séance d’information pour le porte-parole avant la comparution du ministre au comité le lundi suivant. Le vendredi, le bureau du ministre nous a dit que ce n’était pas possible, car les fonctionnaires devaient préparer deux réunions de comité. Nous nous sommes donc contentés d’obtenir des réponses écrites. Ces réponses nous sont uniquement parvenues après la comparution du ministre devant le comité.

Honorables sénateurs, je sais que bon nombre d’entre vous n’ont peut-être jamais été porte-parole d’un projet de loi, et que certains n’ont même jamais été parrain. Selon moi, le rôle du porte-parole est extrêmement important. Ce dernier doit poser les questions difficiles. Quand un porte-parole fait bien son travail, le travail de second examen objectif peut prendre tout son sens. Quand il ne peut pas bien faire son travail, le second examen objectif n’est qu’un slogan.

Même le ministre O’Regan, devant le comité, n’a pas été en mesure d’expliquer la différence entre les séances d’information technique s’adressant aux parlementaires en général et les séances d’information s’adressant aux porte-paroles.

Permettez-moi d’expliquer les différences entre une séance d’information technique et une séance d’information s’adressant aux porte-paroles. La séance d’information s’adressant aux porte-paroles comporte un élément technique, mais c’est aussi l’occasion de communiquer toute préoccupation directement au cabinet du ministre et aux fonctionnaires. Il s’agit d’un moyen profitable à tous pour éviter les retards, puisqu’on peut régler facilement les problèmes en produisant des informations supplémentaires et laisser le comité s’occuper des problèmes plus importants comme ceux qui sont soulevés par les intervenants ou ceux qui ont trait aux divergences idéologiques. C’est également le premier point de contact entre le porte-parole, le ministre et les hauts fonctionnaires au sujet d’un projet de loi donné et cela permet d’ouvrir les voies de communication qui favorisent l’adoption d’un projet de loi sans heurts.

Dans le cas présent, on m’a finalement offert une séance d’information le jour suivant le témoignage du ministre et nous avons demandé que cette séance ait plutôt lieu hier afin que je puisse comprendre le raisonnement derrière la décision d’accepter certains amendements et de refuser les autres. J’ai également pu poser d’autres questions que je me suis posées à la lecture des réponses écrites du cabinet du ministre.

Comme je l’ai dit, j’ai fini par avoir ma séance d’information en tant que porte-parole hier. J’ai pu demander que le ministre envoie une lettre au sénateur Gold pour expliquer les amendements de dernière minute relatifs à la méthode de la comptabilité d’exercice et l’ajout d’un congé de deuil, ainsi que pour apporter d’importantes précisions concernant des questions qui ont été soulevées au cours de notre brève étude de ce projet de loi. La lettre nous a été transmise par courriel par le sénateur Gold hier soir. Franchement, j’aurais espéré que le sénateur Gold la dépose au Sénat. Mon bureau l’a également fait circuler au cas où un sénateur n’aurait pas vu le courriel envoyé par le sénateur Gold en fin de journée hier.

J’ai passé beaucoup de temps à parler du processus qui a mené ce projet de loi à cette étape-ci, car, nous devons nous rendre à l’évidence : trop souvent, on nous demande d’accélérer l’étude des projets de loi considérés comme prioritaires. Or, s’il est vrai que ce projet de loi est une priorité, pourquoi le gouvernement ne l’a-t-il pas présenté avant? Chandra Pasma, agente principale de recherche pour le Syndicat canadien de la fonction publique, a déclaré ceci au comité :

[...] [I]l est décevant que ce projet de loi n’ait pas été présenté en avril 2020. Le moment aurait été mieux choisi, mais comme on ne l’a pas fait, le meilleur moment, c’est maintenant. Il faut instaurer ces congés sans tarder.

Les ministres pourraient prétendre que la question devait être étudiée attentivement et qu’il fallait d’abord évaluer ses diverses répercussions. Toutefois, deux faits sont incontestables. Le premier, c’est que, lors de la deuxième session de la dernière législature, au cours de la pandémie actuelle, le gouvernement a accordé la priorité à 36 autres projets de loi qu’il jugeait plus importants que celui dont nous sommes saisis aujourd’hui. Le deuxième, c’est que le gouvernement a ensuite déclenché des élections fédérales au beau milieu d’une pandémie, puis il a laissé le Parlement à l’arrêt jusqu’au mois dernier. Les élections ont coûté plus de 600 millions de dollars aux Canadiens.

Je crois que nous devons réfléchir aux problèmes graves auxquels nous aurions pu nous attaquer à l’aide de ces 600 millions de dollars s’ils n’avaient pas été gaspillés pour des élections inutiles.

Entretemps, les travailleurs n’ont pas reçu toute l’aide dont ils avaient besoin. Voici ce que Deena Ladd, directrice générale du Workers Action Centre, a déclaré au comité :

Je crois vraiment qu’il faut agir rapidement dans le dossier des jours de congé de maladie payé. Les travailleurs en ont désespérément besoin, et il ne faut pas que des travailleurs se sentent obligés de se rendre au travail alors qu’ils sont malades, comme c’est le cas en ce moment.

Pourtant, même si l’on nous pousse à franchir rapidement et, à mon avis, imprudemment toutes les étapes du processus législatif, les travailleurs ne jouiront pas de 10 jours de congé de maladie payé avant près d’un an. Le gouvernement a bien précisé qu’il était arrivé au chiffre 10 en raison des exigences d’isolement liées à la COVID. Cependant, le projet de loi utilise une méthode d’accumulation et, dans sa forme modifiée, ne permettrait à un employé d’accumuler que 3 jours de congé de maladie payé après les 30 premiers jours de travail sans interruption. Il commencerait ensuite à accumuler 7 jours de congé de maladie supplémentaire à raison d’un jour de plus par 30 jours de travail, jusqu’à concurrence de 10 jours.

Il ne s’agit pas d’un droit rétroactif, et les jours de congé de maladie payé ne commenceront à s’accumuler qu’à la date d’entrée en vigueur du projet de loi, qui sera fixée par le gouverneur en conseil. Combien de temps faudra-t-il pour que le projet de loi entre en vigueur? Selon les réponses écrites du cabinet du ministre qui ont été déposées au comité :

La nouvelle proposition de droit à 10 jours de congé de maladie payé représente un important changement au Code canadien du travail. Il est proposé que ces modifications entrent en vigueur à la date fixée par décret afin de permettre des consultations avec les parties prenantes, la formation des inspecteurs, la tenue d’activités d’éducation et de sensibilisation pour les employeurs et les employés, ainsi que l’élaboration de règlements, au besoin.

Donc, à la question « Quand ce projet de loi entrera-t-il en vigueur? », je suppose que la réponse est : « Qui sait? ». Si des règlements s’avèrent nécessaires — et je crois que ce sera le cas —, cela pourrait vouloir dire des mois avec le processus de publication dans la Gazette, même si j’admets que le ministre, dans sa lettre au Sénat, a indiqué que son ministère allait « accélérer le processus tout en veillant à bien faire les choses pour les employeurs et les employés. »

Disons deux mois, pour être optimistes. Selon le régime proposé, les employés ne pourraient pas bénéficier de 10 jours complets de congé de maladie payé avant octobre prochain.

La majorité des témoins qui ont comparu au sujet de ce projet de loi représentaient des syndicats et des groupes de défense des droits des travailleurs. Tous ces témoins ont demandé une banque de congés et veulent que les travailleurs aient accès à la totalité des congés après un certain temps. Certains ont parlé de deux semaines, d’autres d’un mois. Un représentant des employeurs nous a dit qu’en général il faut attendre trois mois avant d’avoir droit à ces avantages.

Selon des réponses écrites du ministre :

Octroyer, dès le départ, 10 jours de congé payé pour raisons médicales pourrait entraîner des coûts pour les employeurs œuvrant dans des industries à fort roulement de personnel, comme le transport routier, un secteur où les employés changent fréquemment d’employeur. Si l’accumulation des congés payés est étalée tout au long de l’année, les nouveaux employés et ceux qui partent se verront octroyer des jours de congé payé pour raisons médicales pour les mois où ils travaillaient pour un employeur particulier, ce qui restreindra les coûts que doivent assumer les employeurs dans les industries où le roulement de personnel est élevé.

Je peux comprendre qu’octroyer 10 jours dès le début pourrait imposer un fardeau à certains employeurs. Je me réjouis donc que l’autre endroit ait adopté à l’unanimité, hier, un compromis raisonnable : les employés auront ainsi accès à 3 jours de congé payé pour raisons médicales après 30 jours d’emploi continu. Ces congés pourront être combinés aux autres jours de congé personnel déjà prévus par le Code canadien du travail et permettre aux employés d’avoir, au moins, accès à six jours de congé payé pour raisons médicales peu après l’entrée en vigueur du projet de loi.

Je suis heureux que le ministre nous ait fourni des précisions importantes dans sa lettre d’hier. Il a notamment précisé que le projet de loi établissait un seuil, c’est-à-dire des droits minimums, et qu’il ne donnait pas de droits supplémentaires aux travailleurs qui ont déjà droit à des congés égaux ou supérieurs grâce à leur employeur ou à leur convention collective.

Quand Derrick Hynes, président et chef de la direction de l’Association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale, a témoigné devant notre comité, il nous a signalé un problème :

[...] qui d’après nous constitue une sérieuse lacune dans le libellé du projet de loi. Nous croyons que cela peut être interprété comme un congé qui peut être ajouté à d’autres congés, ce qui conduira malheureusement et inévitablement à des conflits en milieu de travail.

Je suis content de savoir que ses inquiétudes et les inquiétudes des autres intervenants ont été prises au sérieux et que des ajustements ont été faits en conséquence.

J’ai aussi demandé si ces congés pourraient être pris par les personnes qui en ont besoin pour des raisons de santé mentale ou pour suivre un traitement, par exemple pour traiter une dépendance à une drogue. Au comité, on m’a répondu que oui, ces congés peuvent être pris pour des raisons de santé mentale, mais en ce qui concerne les absences pour le traitement d’une dépendance, Mme Hassan, la représentante ministérielle, a précisé, qu’à l’heure actuelle, elle n’était pas en mesure de répondre à cette excellente question.

Voilà pourquoi nous avons été ravis de recevoir, par l’intermédiaire du sénateur Gold, la réponse du ministre dont une copie conforme a été acheminée à la sénatrice Omidvar, présidente du Comité des affaires sociales, et moi-même, en ma qualité de porte-parole. Dans cette lettre, on pouvait lire ce qui suit :

Les employés seraient admissibles à utiliser un congé de maladie payé pour une maladie, une blessure, un don d’organe ou de tissu, ou pour se rendre à un rendez-vous médical durant les heures de travail. Cela pourrait inclure une absence pour des raisons de santé mentale ou afin de suivre un traitement pour une dépendance à une drogue.

J’ai aussi demandé des précisions pendant l’étude préalable en comité pour savoir si cette mesure s’appliquerait aux employés à temps partiel et à court terme ainsi qu’à ceux envoyés dans des ministères fédéraux ou des sociétés d’État par des agences de placement. Il faut savoir qu’en ce moment, ces employés n’ont pas les mêmes avantages que les employés à temps plein nommés pour une période déterminée ou indéterminée. La réponse était de moins bon augure. Mme Sandra Hassan, la sous-ministre du Travail, nous a dit que cette mesure s’appliquerait bel et bien aux employés à temps partiel et à ceux nommés à court terme. Elle a poursuivi en disant :

En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, c’est-à-dire les agences de placement, il sera important de prendre en compte le statut de l’employé. Le projet de loi s’applique aux employés sous le régime de réglementation fédéral. Une personne embauchée par l’entremise d’une agence de placement pourrait potentiellement être couverte par la loi provinciale.

Il faudra donc évaluer chaque cas pour voir si le poste de la personne est sous réglementation fédérale ou provinciale...

Autrement dit, le personnel d’agence pourrait être abandonné à son sort même si ce projet de loi était adopté.

Il s’agit d’un problème important, chers collègues, et nous devons en tenir compte dans notre étude.

Plusieurs témoins entendus par le comité du Sénat ont dit qu’ils n’avaient pas été consultés. Bien honnêtement, le gouvernement aurait pu profiter de l’été pour mener des consultations, mais il a préféré plonger le pays en campagne électorale, et c’est donc sans avoir consulté qui que ce soit qu’il a présenté son projet de loi quelques jours avant Noël, en mode panique, comme d’habitude.

L’absence de consultations aura très certainement des répercussions sur les PME. J’ai été étonné, pour ne pas dire alarmé, de lire dans la lettre du ministre que « les chefs de petite entreprise [...] représentent environ 96 % des employeurs du secteur sous réglementation fédérale et de secteurs industriels ciblés ».

Le vice-président aux affaires nationales de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Jasmin Guénette, a prévenu ainsi le Comité sénatorial des affaires sociales :

Si le projet de loi C-3 est adopté, de nombreuses entreprises pourraient être forcées de couper du personnel pour absorber les coûts supplémentaires qui leur seront imposés — si tant est qu’elles survivent à la pandémie.

Il a clairement dit que les PME sont en mauvaise posture :

L’optimisme des chefs de petite entreprise est à un creux quasi absolu. L’inflation, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les pénuries de main-d’œuvre leur font très mal, sans parler de la COVID-19 et de toutes les restrictions qui leur sont imposées par ricochet.

Il a ajouté ceci :

La dernière chose que je vais mentionner est l’actuelle pénurie de main-d’œuvre. Elle est extrêmement pénible pour les petites entreprises, qui peinent à trouver et à garder des employés. Tout projet de loi qui rendra la gestion de la feuille de paie plus difficile et plus coûteuse pour les propriétaires d’entreprise causera des dommages énormes.

Nous ne pouvons pas ignorer le fait que le projet de loi à l’étude aura une incidence considérable sur les PME sous réglementation fédérale. Nous ne pouvons pas ignorer le fait que la ministre a clairement affirmé que le projet de loi et ses dispositions servira de norme lorsque :

[...] le gouvernement du Canada [convoquera] les provinces et les territoires au début de 2022 pour discuter d’un plan pour légiférer sur les jours de congé de maladie payé dans tous les secteurs de compétence provinciale et territoriale au pays.

Il faut écouter les PME et leurs représentants, comme M. Guénette, qui donne le conseil suivant :

Si le projet de loi C-3 est adopté, le gouvernement doit trouver des moyens de diminuer les coûts pour les propriétaires d’entreprise, comme geler l’augmentation du taux de cotisation au RPC. Le gouvernement pourrait aussi diminuer la cotisation de l’employeur à l’assurance-emploi et offrir à plus d’entreprises l’accès aux programmes de soutien liés à la COVID.

Autrement dit, avant d’entamer des discussions avec les provinces et les territoires, le gouvernement doit faire ce qu’il n’a pas fait jusqu’à présent. Il doit élaborer une stratégie coordonnée, tenir compte des coûts pour les entreprises et envisager des compromis. Pour s’y prendre efficacement, le gouvernement doit consulter activement les intervenants concernés.

Si le ministre avait mené des consultations avant de présenter ce projet de loi, on aurait pu prendre en considération certaines préoccupations auxquelles nous voulions désespérément que l’on réponde, et les sénateurs, tout comme les travailleurs et les employeurs, n’auraient pas eu à attendre avec impatience ces réponses importantes qui sont arrivées à la dernière minute.

Par ailleurs, même si nous avons entendu l’avis de plusieurs organismes nationaux qui représentent des travailleurs, ces organismes ne représentent pas les travailleurs assujettis à la réglementation fédérale aussi bien qu’une organisation régionale. Par souci d’équité, j’aurais aimé que nous puissions entendre l’avis d’un plus grand nombre d’associations d’entreprises nationales et régionales qui auraient pu enrichir les données dont nous disposons.

Honorables sénateurs, je tiens par ailleurs à saluer le fait d’avoir inclus dans ce projet de loi les dispositions du projet de loi d’initiative parlementaire C-211, du député Tom Kmiec. Augmenter le nombre de jours de congés de deuil jusqu’à huit semaines est extrêmement important pour les personnes qui ont dû vivre une expérience horrible comme la mort d’un enfant.

Ce qui est dommage, c’est que, comme d’habitude, on s’est empressé d’inclure ces dispositions à la dernière minute. Si on avait pu consulter les députés et étudier les questions importantes pour les parlementaires, le processus législatif aurait être mieux coordonné dès le départ. Après tout, M. Kmiec se penche sur la question des congés de deuil depuis au moins 2018.

En plus de permettre de mieux refléter les idées des députés, la consultation aide à bâtir une bonne volonté à l’égard des projets de loi. Bien entendu, je suis reconnaissant que ces dispositions aient été intégrées au projet de loi. J’aurais simplement souhaité que le processus commence beaucoup plus tôt, au lieu qu’il se tienne à la dernière et qu’il fasse l’objet d’une pression extrême pour que le projet de loi soit adopté.

Honorables sénateurs, il faut également se rappeler que ce projet de loi comporte deux parties : une qui concerne les journées de congé de maladie payé, et une autre qui vise à protéger les travailleurs de première ligne.

Je crois que tous les sénateurs conviendraient qu’il faut protéger les travailleurs de la santé. Ces héros canadiens nous permettent de résister à la pandémie. Il faut le reconnaître.

L’avocat en moi m’incite toutefois à remettre en question l’à‑propos de ces dispositions. Le Code criminel contient déjà des dispositions sur le harcèlement et les agressions, et les policiers et les procureurs ont déjà le pouvoir d’intervenir en cas de manifestation illégale ou non pacifique visant à intimider ou à gêner l’accès à ceux qui cherchent à se rendre au travail, y compris dans le cas d’un hôpital.

Voici ce que le ministre O’Regan a déclaré au Comité sénatorial des affaires sociales :

La première fois que j’ai présenté ce projet de loi au ministre Lametti, certains m’ont dit : « Vous savez, bon nombre de ces pouvoirs existent déjà, et ce n’est qu’une question de politique. » Pour être précis, les amendes et les peines augmenteront manifestement. Pour le reste, la politique n’est pas toujours une si mauvaise chose.

Je comparerai cette déclaration avec le rapport déposé par le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, dans lequel on peut lire ceci :

Bien que le comité reconnaisse l’importance de protéger les professionnels de la santé et l’accès aux services de santé, les membres du comité ont soulevé plusieurs questions sur la nécessité d’introduire de nouvelles infractions proposées par le projet de loi C-3, étant donné que le Code criminel contient déjà les infractions d’intimidation (article 423) et de méfait (article 430). Ces infractions peuvent être utilisées par la police en réponse à des situations où des personnes sont intimidées, entravées ou empêchées d’accéder à des services de santé ou de les fournir. […] Le comité s’est déjà dit préoccupé de la façon dont le Code criminel a fait l’objet d’une multitude de modifications ponctuelles et est devenu un document lourd et très complexe.

Alors, honorables collègues, on nous pousse à adopter un projet de loi que nous n’avons pas pu étudier à fond. On nous a imposé des délais si serrés que nous n’avons pas pu entendre toutes les personnes touchées. Je remercie le sénateur White d’avoir vaillamment tenté de faire son travail en améliorant le projet de loi. Malheureusement, toute tentative par le Sénat d’améliorer cette mesure législative a été contrecarrée avant même qu’elle nous soit renvoyée. Nous avons déposé un rapport d’étude préalable au moment même où le projet de loi amendé était renvoyé à l’autre Chambre et, étant donné que le Parlement devrait s’ajourner pour six semaines, les probabilités de faire adopter des amendements à cette étape auraient été pratiquement nulles.

Nous devons protéger les travailleurs de première ligne et nous devons soutenir les travailleurs en général. J’aurais voulu que le gouvernement renforce davantage les dispositions actuelles du Code criminel, en proposant des peines plus sévères et certaines sanctions. J’aurais voulu que nous disposions de plus de temps pour consulter les PME, qui seront démesurément touchées dans les secteurs sous réglementation fédérale, et encore plus lorsque des dispositions similaires seront adoptées dans les provinces et les territoires.

Malgré ces frustrations, je ne veux pas faire obstacle à ces initiatives permettant d’améliorer la situation des travailleurs de première ligne, qui sont bien malmenés. Je soutiens aussi le fait de pouvoir offrir des jours de congé de maladie payé aux employés.

Je vais appuyer ce projet de loi, mais je le fais en indiquant qu’il va rapidement falloir fixer des limites, comme il a été dit dans ce débat. Nous ne pouvons pas continuer à approuver aveuglément des projets de loi imparfaits et précipités. Celui-ci a des conséquences à long terme. Il serait préjudiciable pour le Canada et déloyal pour le Sénat de continuer ainsi à approuver les yeux fermés des initiatives peu réfléchies.

Honorables sénateurs, je vous remercie. Qujannamiik.Taima.

Son Honneur le Président [ - ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur le Président [ - ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

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