Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
Rejet de la motion d'amendement
15 juin 2021
Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que le projet de loi C-15 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :
a)au préambule, à la page 3, par adjonction, après la ligne 14, de ce qui suit :
« que la mise en œuvre de la Déclaration doit se faire dans le respect du partage des compétences législatives entre le gouvernement du Canada et ceux des provinces et territoires; »;
b)à l’article 4, à la page 5, par substitution, aux lignes 4 et 5, de ce qui suit :
« droits de la personne qui trouve application dans les lois fédérales; »;
c)à l’article 6, à la page 5, par adjonction, après la ligne 15, de ce qui suit :
« (1.1) Pour l’élaboration du plan d’action, le ministre consulte également les provinces et leur donne l’occasion de présenter des observations. ».
Sénatrice McCallum, avez-vous une question? Il nous reste deux minutes.
J’ai une question. Sénateur Carignan, comme vous le savez peut-être, l’article 46 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones suscite de graves préoccupations chez beaucoup de membres des Premières Nations du pays. Selon cet article, aucune disposition de la déclaration ne peut :
[...] être considérée comme autorisant ou encourageant aucun acte ayant pour effet de détruire ou d’amoindrir, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique d’un État souverain et indépendant.
Avez-vous des inquiétudes à propos d’une éventuelle participation accrue des provinces, surtout dans un contexte où cet ordre de gouvernement ne devrait pas être considéré pertinent, puisqu’il ne participe pas à la relation fondée sur les traités qui lie directement les Premières Nations et la Couronne?
Je me demande comment, selon vous, votre amendement pourrait miner davantage l’autonomie gouvernementale des peuples Autochtones, un droit protégé par la Constitution qui devrait être à l’abri de l’ingérence provinciale. Merci.
En fait, l’idée est de consulter les provinces et de s’assurer que l’on vise les lois fédérales, et non les lois provinciales. Or, je ne vois absolument rien qui va à l’encontre de l’autonomie autochtone. Il s’agit tout simplement de respecter les champs de compétence des provinces et de s’assurer que ces dernières soient considérées comme des partenaires au même titre que les autres organisations.
Honorables sénatrices et sénateurs, je voudrais vous expliquer pourquoi je propose de rejeter les trois amendements qu’a proposés le sénateur Carignan, en les traitant dans l’ordre dans lequel il les a abordés.
Toutefois, avant de le faire, je voudrais rappeler que le projet de loi C-15 poursuit deux finalités très différentes. Premièrement, il s’agit d’ajouter aux règles d’interprétation du droit canadien les principes énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones; deuxièmement, il s’agit d’imposer un plan d’action au gouvernement en ce qui a trait à la revue des lois fédérales.
Le premier amendement proposé est un ajout au préambule, qui se lit comme suit :
que la mise en œuvre de la Déclaration doit se faire dans le respect du partage des compétences législatives entre le gouvernement du Canada et ceux des provinces et territoires;
Autrement dit, il porte sur le deuxième objectif du projet de loi C-15, c’est-à-dire le plan d’action.
Le projet de loi C-15 impose un plan d’action seulement au gouvernement fédéral. Bien sûr, il ne peut pas imposer légalement un tel plan d’action aux provinces. Le cas des territoires est différent parce que leur pouvoir découle d’une loi fédérale. Bien entendu, pour apporter des changements aux lois territoriales afin qu’elles s’harmonisent mieux avec la déclaration, il faudra consulter les Autochtones et, logiquement, les gouvernements territoriaux.
Pour les provinces, comme l’indique la Loi constitutionnelle de 1867, le projet de loi C-15 doit respecter la division des pouvoirs.
Permettez-moi de lire l’article 91 de cette loi, qui dit ceci :
Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces [...]
Autrement dit, le Parlement ne peut pas adopter de lois portant sur des sujets qui relèvent des provinces.
De manière complémentaire, l’article 92 du même document constitutionnel prévoit que les provinces ont compétence exclusive pour faire des lois relatives à certains sujets :
Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés [...]
Ensuite, il y a la fameuse liste.
En résumé, il est évident que le Parlement ne peut pas promulguer de lois au nom des provinces ou de lois qui portent sur des questions qui relèvent des provinces, et vice-versa. C’est pourquoi l’article 5 du projet de loi précise qu’il faut mettre en œuvre un plan d’action pour que les lois fédérales, et seulement ces lois, soient compatibles avec les principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Autrement dit, le plan d’action est conçu pour s’appliquer seulement aux lois adoptées par le Parlement qui portent sur des questions qui relèvent de cette institution.
Le deuxième amendement proposé par le sénateur Carignan consiste à remplacer « droit canadien » par « lois fédérales », à l’alinéa 4a) du projet de loi C-15. Cet amendement vise à indiquer l’objet premier du projet de loi, qui se trouve à l’alinéa 4a), et qui, comme je l’ai déjà dit, consiste à faire appliquer la jurisprudence actuelle et à confirmer que la Déclaration des Nations unies est un instrument qui peut orienter les tribunaux par rapport à l’interprétation et à l’évolution des lois canadiennes.
Dans une lettre envoyée aujourd’hui à l’ensemble des sénateurs, le ministre de la Justice dit ceci :
[L]e principe juridique bien établi voulant que les instruments internationaux en matière de droits de la personne, dont la Déclaration des Nations unies, puissent servir à faciliter l’interprétation et l’application des lois canadiennes se rapporte à l’interprétation des lois fédérales ainsi qu’à l’interprétation de la Constitution du Canada et des lois provinciales.
En remplaçant les mots « en droit canadien » par les mots « dans les lois fédérales » à l’alinéa 4a), l’amendement du sénateur Carignan rendrait la disposition inexacte et incohérente avec la pratique actuelle de recours aux instruments internationaux, dont la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, pour interpréter le droit canadien, y compris la Constitution du Canada, les lois fédérales, les lois provinciales et la common law, ce qui, soit dit en passant, inclut la common law fédérale.
Comme vous le savez, même au niveau fédéral, une portion considérable du droit canadien n’est pas écrite dans les lois. Elle est fondée, notamment dans le domaine du droit maritime, sur le droit coutumier, lequel est couramment appliqué par la Cour fédérale. L’amendement du sénateur Carignan modifierait l’énoncé qui se trouve à l’alinéa 4a), de sorte que le projet de loi ait pour objet de confirmer que la déclaration constitue un instrument international universel en matière de droits de la personne qui trouve application dans les lois fédérales seulement, alors que, dans les faits, la déclaration est déjà utilisée de façon beaucoup plus vaste pour éclairer les jugements concernant les droits issus des traités protégés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Comme l’a expliqué la Cour suprême du Canada dans l’affaire Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration):
Les valeurs exprimées dans le droit international des droits de la personne peuvent, toutefois, être prises en compte dans l’approche contextuelle de l’interprétation des lois [...]
D’autres pays de common law ont aussi mis en relief le rôle important du droit international des droits de la personne dans l’interprétation du droit interne [...] Il a également une incidence cruciale sur l’interprétation de l’étendue des droits garantis par la Charte.
Le fait de limiter l’application de ce texte aux lois fédérales reviendrait à limiter l’application de ces principes. Plus précisément, en ce qui concerne la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, dans l’affaire Nunatukavut Community Council Inc. c. Canada, la Cour fédérale a conclu que la déclaration pouvait servir à interpréter les lois internes. En voici un extrait :
[…] il est possible d’utiliser l’UNDRIP pour éclairer l’interprétation d’une loi interne. Comme l’a déclaré la juge L’Heureux-Dubé dans l’arrêt Baker, les valeurs exprimées dans des instruments internationaux, même s’ils n’ont pas force de loi, peuvent servir à éclairer l’approche contextuelle suivie à l’égard de l’interprétation des lois et du contrôle judiciaire […]
J’aimerais maintenant aborder le troisième changement proposé par le sénateur Carignan. Il concerne l’article 6, qui est une disposition définissant le plan d’action. Ce changement nécessiterait que le gouvernement fédéral ajoute les provinces au processus de consultation avec les peuples autochtones pour concevoir le plan d’action en vue d’appliquer les principes de la déclaration dans les lois fédérales. Le sénateur Carignan a bien raison de souligner l’importance de la relation existant entre le gouvernement fédéral et les provinces, une relation essentielle au fédéralisme; mais le projet de loi C-15 concerne une autre relation non moins importante, la relation existant entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones.
Le rapport du Comité des peuples autochtones sur le projet de loi C-15 a mis en évidence :
[…] l’absence d’un processus clair, inclusif et défini pour l’élaboration en partenariat d’une loi à l’échelle nationale […]
Pour l’avenir, le comité souligne la nécessité d’établir un processus de consultation clair, substantiel et intelligible. Tous les détenteurs de droits y compris les détenteurs de droits issus de traités et les communautés autochtones intéressées doivent avoir la possibilité de participer au processus dès le début.
Le projet de loi C-15 vise à mettre en place un processus clair, inclusif et défini pour l’élaboration de lois fédérales, auquel participeront le gouvernement fédéral et les peuples autochtones.
Le sénateur Carignan réclame que le gouvernement fédéral fasse aussi participer les provinces aux consultations qu’il mènera sur le plan d’action auprès des Autochtones. En ajoutant une tierce partie, les provinces, on modifiera la relation entre le gouvernement fédéral et les Autochtones que le projet de loi C-15 cherche à rebâtir. Bien sûr, cela compliquera l’exercice de renforcement de la confiance que le projet de loi cherche à réaliser. Cela nous amène aussi à nous demander si les provinces seront tenues d’inviter le gouvernement fédéral à prendre part à leurs consultations auprès des Autochtones si elles décident d’adopter un plan d’action pour intégrer les principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans la loi provinciale.
Comme vous le savez, la Colombie-Britannique a déjà intégré les principes de cette déclaration dans ses lois, et ce sans intervention fédérale. Avec tout le respect que je dois au sénateur Carignan, je ne pense pas que le troisième amendement qu’il propose sera utile. Il ne fera que compliquer le processus que nous tentons de mettre en place. De surcroît, je crois qu’il contredit le premier amendement qu’il propose, qui vise à réaffirmer à quel point la séparation des pouvoirs est importante.
Le plan d’action envisagé dans l’article 6 du projet de loi C-15 n’empêche pas forcément les provinces de participer aux consultations futures qui précéderont la présentation de mesures législatives fédérales, surtout dans des domaines d’intérêt commun. En effet, pour ce qui est des questions législatives qui pourraient toucher les provinces, le gouvernement fédéral continuera à consulter les provinces comme il le fait actuellement, dans un esprit de bon fédéralisme coopératif. Ce processus de consultation n’est pas rejeté par le projet de loi C-15. Plutôt, le processus de consultation dont il est question à l’article 6 servira à établir un cadre plus complexe pour guider la collaboration future entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones afin d’atteindre les objectifs de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Pour résumer, je répète qu’une partie du projet de loi C-15 vise à établir un plan d’action à propos de la relation qu’entretient le gouvernement fédéral avec les peuples autochtones du Canada, ainsi que des devoirs qui lui incombent envers ces peuples. Il ne s’agit pas des devoirs des provinces envers ces mêmes peuples autochtones. Les provinces peuvent décider d’établir un plan similaire en ce qui concerne les lois, les règlements et les services provinciaux dont elles sont responsables. En passant, j’ai bon espoir que l’adoption du projet de loi C-15 par le Parlement fédéral inspirera les provinces à adopter des mesures législatives similaires prochainement afin de démontrer l’engagement de l’ensemble du pays envers la réconciliation.
En conclusion, l’amendement dont nous sommes saisis ne semble pas répondre à de réels problèmes et ne mérite pas d’être adopté. Certains pourraient se demander s’il s’agit d’une stratégie pour retourner le projet de loi à la Chambre des communes et retarder, voire empêcher, comme en 2019, l’incorporation de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le droit canadien. Pour tous ces motifs, je voterai contre l’amendement et je vous invite à faire de même. Merci, meegwetch.
Honorables sénateurs, je prends la parole afin de répondre à l’amendement proposé par le sénateur Carignan et, respectueusement, j’exhorte mes collègues à voter contre cet amendement.
Mes remarques seront peut-être un peu techniques, et je vous remercie à l’avance de votre patience, mais il est important que ces questions soient abordées de manière claire et directe.
Mon argumentaire est simple. Au mieux, l’amendement proposé est, d’une part, déroutant et mal rédigé, et, d’autre part, complètement inutile. Au pire, il modifierait la loi bien établie qui encadre le rôle d’instruments internationaux comme la déclaration dans l’interprétation du droit canadien. Cela constituerait un grand pas en arrière sur la voie de la réconciliation.
Je vais commencer par préparer le terrain dans une optique plus vaste pour expliquer pourquoi je considère que la proposition du sénateur Carignan est irréfléchie, et pourquoi, selon le gouvernement, il n’y a pas d’ambiguïté, de contradiction, de conflit ou de manque de clarté dans le projet de loi C-15. Je vous prie à l’avance de m’excuser, car je suivrai probablement le même argumentaire que le sénateur Dalphond.
Soyons très clairs dès le début : le projet de loi C-15 ne propose pas de transformer la déclaration elle-même en loi canadienne assortie d’applications juridiques. Il procure plutôt un cadre permettant au gouvernement du Canada de mettre en œuvre la déclaration. Si l’on veut, cela représente le bloc de départ, plutôt que le fil d’arrivée.
Comme le sénateur Dalphond l’a bien fait remarquer, l’article 4 du projet de loi C-15 définit les deux objectifs principaux de la mesure législative. Le premier objectif, celui que définit le paragraphe 4a), et qui constitue le cœur de l’amendement du sénateur Carignan, se lit comme suit : « la présente loi a pour objet de confirmer que la Déclaration constitue un instrument international universel en matière de droits de la personne qui trouve application en droit canadien. »
Afin de rendre mon discours plus clair, je vais parler de cet objet comme étant l’objet 4a), l’objet relatif à l’interprétation. Comme je l’expliquerai plus en détail, et comme l’a souligné à juste titre le sénateur Dalphond, l’objet 4a) ne concerne pas la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ni le processus que prévoit le plan d’action. L’objet 4a) est plutôt lié à l’utilisation de la déclaration pour l’interprétation des lois canadiennes. Il s’agit en quelque sorte de reconnaître les lois existantes. D’ailleurs, à ce sujet, le paragraphe 4a) du projet de loi C-15 ne crée aucune nouvelle obligation et ne change pas l’état du droit.
Le deuxième objet du projet de loi C-15, qui est énoncé à l’article 4b), est : « d’encadrer la mise en œuvre de la Déclaration par le gouvernement du Canada ».
Encore une fois, afin de rendre mon discours plus clair, je vais parler de l’objet 4b), l’objet de mise en œuvre. L’objet 4b) est en fait au cœur du projet de loi C-15. C’est lui qui amène la création de nouvelles obligations et la modification de la législation de façon à contraindre le gouvernement fédéral à s’assurer que les lois fédérales soient conformes à la déclaration, ce qui doit se faire au moyen de l’élaboration et de la mise en œuvre du plan d’action.
Chers collègues, il est très important de garder en tête la distinction entre l’objet 4a), l’objet d’interprétation, d’une part, et l’objet 4b), l’objet de mise en œuvre, d’autre part. Cette distinction est essentielle pour comprendre pourquoi des termes différents sont utilisés dans différentes parties du projet de loi C-15.
Honorables sénateurs, il y a d’excellentes raisons du point de vue politique pour expliquer l’emploi de l’expression « droit canadien », et en anglais « Canadian law » au paragraphe 4a), alors qu’on emploie « lois fédérales », et en anglais « laws of Canada », en ce qui a trait à la principale obligation créée par l’objet 4b) et par l’article 5 du projet de loi.
Dans le premier cas, il est question de l’état actuel du droit en ce qui a trait au rôle des instruments internationaux en droit canadien et, dans l’autre, il est question des limites à la compétence législative du Parlement quant à la mise en œuvre d’instruments internationaux, comme la déclaration, dans la loi.
Pour que vous puissiez comprendre pleinement la question, qui peut sembler complexe à première vue, je vais d’abord aborder plus en détail le libellé des articles du projet de loi C-15 qui mettent en œuvre l’objet prévu au paragraphe 4b) afin d’encadrer la mise en œuvre de la déclaration par le gouvernement du Canada. Comme je l’ai déjà indiqué, les articles 5 à 7 établissent des obligations pour le gouvernement qui sont liées à l’objet de mise en œuvre prévu au paragraphe 4b).
Pour mettre en œuvre l’objet prévu au paragraphe 4b), les articles 5 à 7 établissent des obligations précises qui exigent que le gouvernement du Canada prenne toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et élabore et mette en œuvre un plan d’action visant à atteindre les objectifs de la déclaration.
La portée, l’intention et l’effet des obligations découlant du paragraphe 4b) se limitent entièrement aux lois fédérales et, par extension, aux domaines de compétence fédérale. Comme tous les sénateurs le comprendront, c’est l’intention claire du projet de loi, comme l’ont dit le ministre et la marraine du projet de loi au Sénat et comme je le répète au Sénat aujourd’hui, à l’instar du sénateur Dalphond.
Dans le cadre de la discussion sur les modifications proposées par le sénateur Carignan au paragraphe 4a), il est particulièrement intéressant d’examiner le libellé de l’article 5. Il se lit comme suit :
Le gouvernement du Canada, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, prend toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les lois fédérales soient compatibles avec la Déclaration.
Telle qu’elle est utilisée en anglais dans le projet de loi C-15, le gouvernement du Canada sait que l’expression the laws of Canada concerne les lois fédérales adoptées par le Parlement du Canada. C’est l’intention manifeste de la mesure législative. Le gouvernement s’est longtemps demandé s’il devait utiliser l’expression the laws of Canada dans l’article 5. En définitive, l’expression a été retenue parce que, dans ce contexte, surtout quand elle est jumelée à l’expression « les lois fédérales » dans la version française, elle désigne clairement et sans équivoque les lois adoptées par le gouvernement fédéral et seulement elles. Soit dit en passant, il s’agit aussi de la combinaison de libellés qui reflétaient le mieux ce dont on a discuté avec les partenaires autochtones lors des consultations.
En effet, cette terminologie se retrouve déjà dans plusieurs lois fédérales importantes, qui mentionnent « les lois fédérales » comme un concept distinct des lois provinciales. Je pense notamment à la Loi sur l’impôt sur le revenu. Le Code criminel du Canada et la Loi sur la taxe d’accise sont d’autres exemples de mesures législatives où le terme « laws of Canada » est traduit par « lois fédérales ».
Chers collègues, il est vrai que le terme « laws of Canada » n’est pas rendu de manière uniforme dans certaines autres lois fédérales. En effet, il est parfois traduit par « lois du Canada », « lois fédérales » ou encore « législations fédérales ».
Néanmoins, le contexte du projet de loi C-15 indique clairement que la disposition en question renvoie aux lois qui relèvent de la compétence du Parlement. En fait, les textes législatifs fédéraux qui utilisent le terme « lois fédérales » dans leur version française — comme le projet de de loi C-15, à l’article 5 — indiquent sans l’ombre de tout doute que le terme « laws of Canada » fait référence aux lois adoptées par le Parlement du Canada.
Toute personne raisonnable qui lit ces deux versions, ensemble, arrivera nécessairement à la conclusion que le projet de loi C-15 s’applique uniquement aux lois fédérales et non aux lois provinciales, comme il est d’ailleurs énoncé clairement et expressément dans son objet.
Chers collègues, au bout du compte, puisque les versions française et anglaise des textes législatifs ont également force de loi en droit canadien et puisque les principes d’interprétation des lois prévoient de préconiser le sens commun, il n’y a pas d’incohérence entre l’anglais et le français. Par conséquent, l’objectif du projet de loi est limpide.
Imaginons, pour les fins du débat, qu’il existe une certaine ambiguïté ou un certain conflit, alors que le gouvernement soutient qu’il n’y en a pas. Si on applique les principes d’interprétation des lois bilingues, des principes bien établis décrits par la Cour suprême du Canada, on doit inévitablement conclure que les deux versions du projet de loi C-15 font référence à des lois adoptées par le Parlement fédéral et non par les provinces.
Je n’expliquerai pas en détail les règles d’interprétation. Je soulignerai toutefois qu’elles permettent de résoudre les contradictions entre deux formulations, ce qui suppose de trouver le sens commun à ces deux formulations, lequel correspond la plupart du temps à ce que dit celle dont le sens est le plus étroit.
Cela dit, le sénateur Carignan ne propose pas de modifier la formulation de l’article 5 ni celle de l’alinéa 4b) dans la section sur l’objet de la loi. Aucun changement ne vise les termes « laws of Canada », en anglais, et « lois fédérales », en français.
Dans ce contexte, les sénateurs se demanderont peut-être, à juste titre, pourquoi je passe autant de temps sur ce point et comment la portée du projet de loi est clairement limitée aux lois fédérales. De plus, si la formulation utilisée à l’article 5 est sans équivoque, pourquoi n’est-elle pas aussi utilisée à l’alinéa 4a), comme l’amendement du sénateur Carignan le propose?
Honorables sénateurs, si je me suis autant attardé — encore une fois, je vous remercie de votre indulgence —, c’est pour souligner à quel point chaque mot du projet de loi C-15 a été laborieusement choisi. Je m’y prends ainsi afin d’expliquer pourquoi la distinction entre le libellé de l’alinéa 4a), « droit canadien », et celui de l’article 5, « lois fédérales », doit demeurer.
Passons maintenant — « enfin! », direz-vous — à la portée, à l’intention et aux effets de l’alinéa 4a), qui est visé par l’amendement du sénateur Carignan.
Comme vous le savez, il suggère de remplacer les mots « droit canadien » par « lois fédérales ». Il s’agit des mêmes mots que dans l’article 5, dont il vient d’être question.
Chers collègues, peut-être est-ce un oubli de la part du sénateur Carignan, mais à mon humble avis — et je le dis respectueusement —, le sénateur fait preuve d’incohérence en ne proposant pas de modifier les mêmes termes qui sont utilisés dans d’autres dispositions du projet de loi C-15 qui sont directement liées à l’alinéa 4a). Par exemple, l’alinéa 4a) est directement lié au préambule, où on peut lire « qu’il y a lieu de confirmer que la Déclaration est une source d’interprétation du droit canadien [...] ».
L’alinéa 4a) est aussi lié au paragraphe 2(3), qui indique : « La présente loi n’a pas pour effet de retarder l’application de la Déclaration en droit canadien. »
Or, bien que les deux dispositions traitent du même principe que l’alinéa 4a), le sénateur Carignan ne propose pas de restreindre le langage à « laws of Canada » et « lois fédérales ».
Voilà qui rend sa proposition difficile à comprendre. Elle ajoute un autre niveau d’incohérence, parce qu’elle est manifestement mal conçue d’un point de vue rédactionnel. Or, la confusion des définitions dans un projet de loi est à éviter à tout prix.
Cela dit, en tout respect, ce n’est pas le pire aspect de l’amendement proposé. Comme je l’ai dit, l’alinéa 4a) et les autres dispositions qui y sont reliées et qui utilisent le terme « droit canadien » doivent être considérés de façon complètement distincte de l’objet de mise en œuvre prévu à l’alinéa 4b). L’alinéa 4a) ne porte pas sur la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Tout ce que l’alinéa 4a) propose — comme le sénateur Dalphond l’a fait remarquer à juste titre — est de confirmer le principe juridique existant et bien établi selon lequel les instruments internationaux en matière de droits de la personne, comme la déclaration, peuvent être utilisés pour interpréter et appliquer les lois canadiennes. Il ne s’agit pas seulement des lois fédérales, mais également des lois provinciales et de la Constitution. Il est très important de comprendre le vocabulaire utilisé tout au long du projet de loi C-15.
Je récapitule donc : au Canada, il existe un principe juridique — bien établi — selon lequel les instruments internationaux en matière de droits de la personne, comme la déclaration, peuvent être utilisés — et ils le sont — pour interpréter toutes les lois canadiennes, y compris le droit fédéral, le droit constitutionnel et le droit provincial.
Je tiens à être bien clair : cette disposition n’accorde pas à la déclaration un effet juridique direct au-delà de son rôle existant dans l’interprétation du droit canadien. En fait, comme je l’ai mentionné, la déclaration est déjà utilisée de cette façon, indépendamment de l’alinéa 4a) du projet de loi.
Une disposition comme l’alinéa 4a) vise à indiquer l’objet du projet de loi, mais dans ce cas-ci, elle n’établit aucune obligation particulière. Il s’agit simplement de confirmer que la Déclaration est un instrument qui trouve application en droit canadien, donc de confirmer un principe établi en droit — le sénateur Dalphond a mentionné l’arrêt Baker, une importante décision de la Cour suprême — selon lequel « [l]es valeurs exprimées dans le droit international des droits de la personne peuvent [...] être prises en compte dans l’approche contextuelle de l’interprétation des lois [...] ».
De façon similaire, dans l’arrêt Hape, la Cour suprême a déclaré ceci :
Selon un principe d’interprétation législative bien établi, une loi est réputée conforme au droit international [...]
Cette présomption se fonde sur le principe judiciaire selon lequel les tribunaux sont légalement tenus d’éviter une interprétation du droit interne qui emporterait la contravention de l’État à ses obligations internationales, sauf lorsque le libellé de la loi commande clairement un tel résultat [...]
L’alinéa 4a) ne fait ni plus ni moins que souligner cette réalité juridique, et c’est pour cela qu’on a choisi soigneusement les mots « Canadian law » ou « droit canadien » dans cette partie.
Cela a été clairement confirmé par le ministre de la Justice et procureur général durant les audiences du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur le projet de loi C-15 et dans la lettre citée par mon collègue. Permettez-moi de citer un long extrait du témoignage du ministre au comité afin de consigner au compte rendu ses propos. Notre collègue, la sénatrice Coyle, a posé la question suivante au ministre :
Le projet de loi C-15 affirme que la déclaration est une source d’interprétation en droit canadien, mais que ce n’est pas une loi fédérale créée par le Parlement du Canada. Il s’agit d’un changement précis que le Nouveau-Brunswick souhaite voir apporter avant que le projet de loi C-15 ne reçoive la sanction royale.
Il reviendrait peut-être au ministre Lametti de parler des lois en vigueur au Canada par rapport aux lois fédérales et des répercussions que cela représente pour les provinces.
Voici ce qu’a répondu le ministre Lametti :
Merci de votre question, sénatrice Coyle. Elle soulève un point important parce qu’il y a un malentendu fondamental […]
Nous avons agi selon les principes généraux appliqués par le Canada dans la mise en œuvre des traités signés en droit international. Une fois mis en œuvre, ce traité, par l’entremise du plan d’action et de tout changement qui y sera apporté, s’appliquera aux lois du Canada, c’est-à-dire aux lois fédérales, et les provinces devront ensuite mettre en œuvre des mesures dans leurs champs de compétence, comme la Colombie-Britannique l’a déjà fait.
Quand le gouvernement conservateur précédent a adopté la déclaration, celle-ci avait une force interprétative en droit canadien. C’est ce à quoi la ministre du Nouveau-Brunswick fait allusion. La force interprétative existe déjà, parce que le texte a été adopté par le gouvernement, comme tous les autres textes internationaux, notamment ceux des Nations Unies auxquels le Canada adhère. Ils s’accompagnent d’une force interprétative.
Il y a donc déjà une force interprétative dont les tribunaux canadiens doivent tenir compte à tous les échelons de la société et du gouvernement au Canada. C’est déjà le cas.
Cette loi d’exécution permettra de mettre en œuvre les lois fédérales, et nous encouragerons les provinces et les territoires à faire de même dans leurs domaines de compétence.
Honorables sénateurs, bien que cette disposition n’indique pas aux tribunaux de tenir compte de la déclaration ni qu’elle les y oblige, elle correspond au point de vue du gouvernement du Canada voulant que la déclaration puisse servir d’outil d’interprétation. Il s’agit simplement d’une affirmation de l’état actuel de la loi, telle que définie par les tribunaux. Cette affirmation permet aussi de souligner aux ministères et aux fonctionnaires du gouvernement du Canada que la déclaration doit faire partie des éléments sur lesquels le gouvernement se base pour définir ses approches quant aux questions touchant les peuples autochtones et leurs droits. Avec le temps, la déclaration pourrait être utilisée plus souvent aux fins de l’interprétation et de l’application du droit canadien, quoique cela reste à voir avec la magistrature. Cependant, le projet de loi C-15 ne change pas les règles générales d’utilisation des instruments internationaux dans les tribunaux nationaux.
Honorables sénateurs, je vous remercie encore de votre indulgence. J’espère avoir bien expliqué pourquoi les mots « lois fédérales » sont utilisés à l’article 5, tandis que les mots « droit canadien » le sont dans au paragraphe 4(a), ainsi que dans l’article 2.3 et le préambule du projet de loi C-15.
Dans le projet de loi C-15, l’expression « lois fédérales » est utilisée précisément dans le contexte de l’exigence découlant de l’alinéa 4b) d’aligner les lois fédérales adoptées par le Parlement du Canada sur la Déclaration des Nations unies. L’utilisation de l’expression « lois fédérales » est délibérée et diffère de la formulation plus générale de « droit canadien » utilisée à l’alinéa 4a), à l’article 2.3 et dans le préambule.
Je vais vous donner un dernier exemple de la façon dont la déclaration a été utilisée pour aider à interpréter et à appliquer le droit canadien depuis que le Canada en est devenu signataire, en 2016. Permettez-moi donc de citer un cas survenu l’année dernière. La Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, dans l’affaire TA c. Alberta (Children’s Services), a confirmé la valeur interprétative de la déclaration dans une affaire concernant la Child, Youth and Family Enhancement Act de l’Alberta. Réaffirmant le principe énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Baker, que j’ai noté ci-dessus, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a déclaré : « Des documents tels que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones peuvent être utilisés pour interpréter des obligations légales et en vertu de la common law qui existent indépendamment [...] »
Honorables sénateurs, le gouvernement s’inquiète des conséquences imprévues de cet amendement, parce qu’il risque de semer la confusion lors du recours à la déclaration comme outil interprétatif. Cependant, le problème de l’amendement proposé est beaucoup plus profond que la confusion qu’il pourrait créer. S’il est accepté, cet amendement entraînerait un changement important dans l’état du droit canadien et risquerait vraiment de limiter le statut de la déclaration par rapport à ce qu’il était avant le projet de loi C-15.
À première vue, le changement proposé au paragraphe 4a) restreindrait le principe juridique établi selon lequel un instrument international tel que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est pertinent pour l’interprétation de l’ensemble des lois canadiennes. Que ce soit l’intention du sénateur Carignan ou non, son amendement pourrait très bien causer une régression, un recul pour le statut de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones à titre d’outil d’interprétation du droit canadien. Chers collègues, cela entraînerait, par conséquent, une régression dans notre cheminement pénible, mais nécessaire, vers la réconciliation.
Enfin, j’ajouterai que l’expression « en droit canadien » qui se trouve au paragraphe 4a) avait également été employée aux mêmes fins dans le projet de loi C-262. Je dis cela parce que, au fil du temps, ces mots ont été approuvés quatre fois par des comités parlementaires, deux fois à la Chambre des communes et deux fois au Sénat. Alors que nous sommes si près de concrétiser ce pas historique vers la réconciliation, ce n’est pas le moment, à la 11e heure, de mettre en doute quatre études en comité et l’intention nette du projet de loi.
Le sénateur Carignan propose également d’ajouter au préambule du projet de loi C-15 du texte prescrivant précisément : « que la mise en œuvre de la Déclaration doit se faire dans le respect du partage des compétences législatives entre le gouvernement du Canada et ceux des provinces et territoires. »
Merci, sénateur Dalphond, d’avoir mentionné les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Notre description de la Constitution trahit notre âge à tous les deux.
Chers collègues, cet amendement ne fait qu’énoncer une évidence. Comme toute mesure législative, le projet de loi C-15 est assujetti à la Constitution canadienne et notamment à la séparation des pouvoirs que cette dernière prévoit. Ce projet de loi n’autorise pas — en fait, ce serait impossible — le gouvernement fédéral à empiéter sur les compétences des provinces. Par conséquent, cette mention est tout à fait inutile et un amendement injustifié ne devrait pas nuire à l’adoption de ce projet de loi.
Les gouvernements provinciaux et territoriaux et les administrations municipales ont chacun la faculté d’établir leurs propres façons de contribuer à la mise en œuvre de la déclaration en adoptant, à cette fin, diverses mesures relevant de leur compétence. Le gouvernement du Canada est prêt à saisir les occasions de travailler en collaboration avec ces gouvernements et ces administrations, les peuples autochtones et d’autres acteurs de la société pour atteindre les objectifs de la déclaration.
Le sénateur Carignan propose également l’ajout d’une disposition pour que, dans l’élaboration du plan d’action, le ministre consulte les provinces et leur donne l’occasion de présenter des observations. Honorables sénateurs, le projet de loi fait déjà référence à la collaboration avec les provinces, avec les territoires et avec d’autres acteurs de la société pour la mise en œuvre de la déclaration. Le préambule mentionne explicitement que le gouvernement fédéral « [...] est prêt à saisir les occasions de travailler en collaboration avec ces gouvernements ».
Si cette affirmation ne porte pas spécifiquement sur l’élaboration du plan d’action, rien dans le projet de loi n’empêche la tenue de discussions en ce sens et les témoins nous ont dit que des discussions entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux feraient partie des travaux en cours pour la mise en œuvre de la déclaration et l’atteinte de la réconciliation.
Comme le décrit le rapport Ce que nous avons appris, un certain nombre de réunions ont eu lieu entre des fonctionnaires et des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux au cours de l’engagement qui a mené à la présentation du projet de loi. Plusieurs de ces réunions incluaient des dirigeants et des participants autochtones.
Conformément au projet de loi et, de façon plus générale, à la pratique fédérale dans les domaines d’intérêt commun aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, on s’attend à ce que ce type de dialogue et de sensibilisation se poursuive. Dans cet esprit, je peux déclarer officiellement au Sénat que le gouvernement du Canada s’engage à travailler avec les provinces et les territoires sur l’élaboration du plan d’action qui suivra l’adoption du projet de loi C-15.
De plus, chers collègues, je vous soumets respectueusement que le libellé de l’amendement proposé laisse fondamentalement à désirer parce qu’il ne renvoie qu’aux provinces et ne fait aucune mention des territoires et d’autres secteurs éventuellement intéressés de la société, comme ceux qui sont indiqués dans le préambule, dont les administrations municipales.
Honorables sénateurs, permettez-moi de répéter ce qu’ont dit le ministre et la sénatrice LaBoucane-Benson. Le projet de loi C-15 est axé sur les lois et les mesures fédérales et il n’impose aucune obligation aux gouvernements provinciaux et territoriaux. Les articles 3, 5, 6 et 7, ainsi que l’alinéa 4b), traitent précisément des rôles et des responsabilités du gouvernement fédéral et des ministres fédéraux. Le préambule du projet de loi C-15 reconnaît déjà explicitement que les administrations municipales et les gouvernements provinciaux, territoriaux et autochtones continueront à prendre des mesures pouvant contribuer à la mise en œuvre de la déclaration dans leurs propres domaines de compétence.
Il ne s’agit pas de faire obstacle aux bonnes idées et aux mesures locales efficaces, mais de chercher des occasions de collaborer sur des priorités communes de manière complémentaire. Au fil du temps, toute modification qui doit être apportée aux lois fédérales pour mieux les harmoniser à la déclaration sera poursuivie en collaboration et cela se fera par l’intermédiaire des processus politiques, juridiques et parlementaires existants.
Cela signifie que nous devons continuer de travailler ensemble dans des domaines d’intérêt et de préoccupation communs — à la fois avec nos partenaires autochtones et les gouvernements provinciaux et territoriaux, de même qu’avec d’autres intervenants pertinents. Cette approche s’appliquerait à toute loi fédérale élaborée en collaboration avec les provinces ou les territoires.
En bref, cela signifie que nous serons tous de retour dans cette assemblée pour débattre des détails de la mise en œuvre de la déclaration tout au long du processus législatif.
Chers collègues, le projet de loi C-15 en soit ne changera pas les lois fédérales du jour ou lendemain, et il ne vise pas à supplanter les processus et les mécanismes de coopération déjà en place. Ce projet de loi vise à promouvoir le recours à la déclaration pour orienter la manière dont le gouvernement du Canada utilise ces processus et ces mécanismes pour faire progresser la réconciliation. Il vaut la peine de répéter que le projet de loi n’impose pas d’obligations juridiques aux gouvernements provinciaux.
En terminant, honorables sénateurs, certains d’entre vous ont soulevé des questions — le sénateur Carignan y a fait allusion dans son discours — au sujet de la correspondance entre certains premiers ministres provinciaux et le gouvernement fédéral concernant le projet de loi C-15 dans le contexte habituel, tel qu’il était, de la relation axée sur le respect et la collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Je vais vous répondre brièvement. Je vais soulever quelques points fondamentaux qui ont été utilisés pour atténuer les inquiétudes de part et d’autre. Ainsi, vous pourrez constater la position adoptée par le gouvernement tout au long du processus législatif.
Premièrement, le gouvernement a réitéré que le projet de loi C-15 tient compte des discussions qui ont eu lieu lors de rencontres avec les premiers ministres des provinces et des territoires et le gouvernement fédéral. Par exemple, l’ajout de nouveaux paragraphes dans le préambule reconnaît que les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que les administrations municipales ont tous la possibilité d’établir leur propre approche pour contribuer à la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et de profiter de toutes les possibilités de travailler en étroite collaboration pour les prochaines étapes.
Deuxièmement, en ce qui concerne la portée, le gouvernement du Canada a indiqué clairement et à maintes reprises aux premiers ministres provinciaux et territoriaux que les obligations prévues dans la mesure législative portent expressément sur l’harmonisation des lois et des mesures fédérales avec la déclaration. Le gouvernement continuera à saisir les occasions, comme je le fais ici aujourd’hui, pour répéter ce message.
Troisièmement, le gouvernement du Canada a indiqué clairement aux premiers ministres provinciaux et territoriaux qu’il continuait à clarifier le message concernant l’interaction de la déclaration avec les lois et la Constitution du Canada et il a souligné, comme je l’ai fait ici aujourd’hui, que le projet de loi C-15 ne fait pas de la déclaration une loi fédérale et qu’il n’a pas préséance sur les lois actuelles. Il vise plutôt à reconnaître le rôle de la déclaration dans l’interprétation des lois canadiennes, comme l’ont déjà fait les tribunaux, et à fournir la structure de soutien pour les efforts du fédéral visant la mise en œuvre la déclaration.
Quatrièmement, en ce qui concerne le consentement préalable donné librement et en connaissance de cause, le gouvernement a répété clairement aux premiers ministres provinciaux et territoriaux que les décisions concernant les projets d’infrastructure ou d’exploitation des ressources continuent d’être régies par les régimes juridiques et politiques pertinents et que la mesure législative proposée et toute mesure de mise en œuvre faisant partie de l’élaboration du plan d’action s’appliqueraient seulement aux champs de compétence fédéraux.
En conclusion — soupir de soulagement —, l’amendement proposé est à la fois mal rédigé, injustifié, redondant et foncièrement malavisé. Au mieux, il sèmerait la confusion dans le texte de loi, ce qui est inutile et dangereux, mais, au pire, en modifiant la loi existante entourant le rôle des instruments internationaux et l’interprétation du droit canadien, il représente un pas en arrière sur le parcours vers la réconciliation.
Honorables sénateurs, pour toutes les raisons que je viens d’énoncer, je vous presse de voter contre l’amendement, afin que le projet de loi C-15 puisse enfin franchir la ligne d’arrivée. Merci beaucoup de votre indulgence.
Merci, monsieur le leader. Je ne crois pas l’avoir entendu dans votre exposé, mais j’ai une question concernant le paragraphe 4a) — vous avez mentionné qu’il figurait dans le projet de loi C-262 et le projet de loi C-15. Je ne crois pas vous avoir entendu dire que le gouvernement a, dans le projet de loi C-15, déplacé l’expression hors de la partie opérationnelle pour la placer dans la partie « Objet de la loi », où elle se trouvait dans le projet de loi C-262. Selon vous, a-t-il procédé ainsi pour éliminer toute confusion quant à la signification des mots concernés?
Je vous remercie de votre question. Vous avez raison, je n’ai pas abordé ce point précis dans mon discours. Quand le gouvernement a pris la responsabilité de ce dossier et a élaboré un projet de loi ministériel, il a écouté les préoccupations qu’exprimaient des gens de tous les secteurs et de tous les milieux à propos du projet de loi, et il a vraiment fait de son mieux. Je crois qu’il a réussi à indiquer très clairement qu’il existe une réelle différence entre l’aspect « outil d’interprétation » et le processus de mise en œuvre, qui ne touche que les domaines de compétence fédérale.
Je vous remercie de ces précisions. Je me demande si vous êtes d’accord, au risque de pêcher par excès de sensibilité, avec les experts juridiques — soit deux des meilleurs juristes au Canada et un juge de la Cour suprême à la retraite — qui ont dit lorsqu’ils ont témoigné devant le comité que l’emplacement des mots figurant au paragraphe 4(a) du projet de loi C-262 risquait fort de créer un chaos juridique. C’est ce qui a poussé plusieurs d’entre nous à faire ce qui nous semblait nécessaire et à utiliser les outils à la disposition du Sénat pour éviter que nous commettions tous une grave erreur. Je me demande si vous convenez qu’il est peut-être temps d’arrêter de déplorer ce qui est arrivé au projet de loi C-262, dont il a été question aujourd’hui et dont les sénateurs ont souvent parlé, et de nous concentrer sur le projet de loi à l’étude.
Je suis tout à fait d’accord, sénateur. Nous devrions nous concentrer sur le projet de loi dans sa forme actuelle. Je crois que le comité a tenu des audiences exhaustives, équilibrées et fructueuses. Je suis ravi que nous puissions maintenant nous concentrer sur le projet de loi tel qu’il est rédigé et tel qu’il a été soumis au Sénat après avoir été adopté à l’autre endroit, et que nous puissions à tout le moins nous approcher du débat final et du vote.
Le sénateur Gold accepterait-il de répondre à une question? Sénateur Gold, vous avez parlé, dans votre long discours, de consultations avec les provinces. Il y a trois jours, soit le 12 juin dernier, on a pu lire dans le quotidien La Presse que six provinces, soit le Québec, l’Ontario, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et le Nouveau-Brunswick, réclamaient que des changements importants soient apportés à ce projet de loi.
Ils ont écrit au premier ministre — et je vais citer un extrait de la lettre :
À ce jour, votre démarche relativement à l’adoption du projet de loi C-15 est contraire aux principes du fédéralisme coopératif qui exigent une collaboration pertinente et substantielle avec les provinces.
S’il y a bien eu des consultations, êtes-vous en mesure de me dire si la majorité des provinces sont favorables au projet de loi C-15?
Je vous remercie de cette question. La lettre dont vous parlez était adressée au premier ministre. Apparemment, elle a été divulguée et publiée dans le quotidien La Presse. La position du gouvernement est très claire. Premièrement, le projet de loi a un effet juridique uniquement sur les champs de compétence du gouvernement fédéral.
Deuxièmement, comme je l’ai mentionné à la fin de mon discours en soulignant les points que le gouvernement a soulignés en répondant aux préoccupations des six premiers ministres, il y a eu des consultations, des discussions et un engagement auprès des ministres et des responsables fédéraux et provinciaux. Il n’y a pas de consensus et d’unanimité à l’égard d’un tel projet de loi, et c’est normal au Canada. Cependant, le gouvernement du Canada est convaincu d’avoir contribué aux consultations et aux discussions avec les premiers ministres des provinces afin qu’ils comprennent la portée, l’objectif et l’importance de ce projet de loi.
Sénateur Gold, tous les sénateurs parlent au nom de leur province. Si ce projet de loi ne s’adresse qu’aux institutions fédérales, vous voterez en faveur de l’amendement proposé par le sénateur Carignan.
Au contraire, et avec tout le respect que je vous dois, nous sommes ici pour représenter les intérêts de nos régions et de nos provinces au sein d’une institution fédérale, c’est-à-dire pour faire en sorte que les projets de loi dont nous sommes saisis et les politiques publiques prennent en considération de manière équitable non seulement les intérêts d’une province, d’une région ou d’une partie prenante, mais qu’elles reflètent également la diversité et les intérêts de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes.
Comme je l’ai indiqué dans mon discours — qui était peut-être trop long, mais j’ai essayé d’être très clair —, je ne peux pas appuyer cet amendement. Il va à l’encontre de l’objectif même du projet de loi. Cela représenterait un recul pour ce qui est de principes bien établis en droit canadien. Ultimement, cet amendement va à l’encontre des intérêts de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes, autochtones et non autochtones. Nous faisons enfin des progrès en ce qui a trait à une démarche de réconciliation, et cela représente un pas important non seulement pour le bien-être de nous tous, qui sommes dans cette assemblée, mais également pour celui de nos enfants et de nos petits-enfants.
Je répète ma question : si vous dites que ce projet de loi ne s’adresse qu’aux institutions fédérales, mais que six provinces, donc la majorité des provinces, demandent que l’on inscrive cette précision dans le projet de loi, voterez-vous en faveur de l’amendement du sénateur Carignan?
Non.
Vous dites que cela touche seulement les lois fédérales. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones touche la culture, l’éducation et les ressources naturelles. Comment pouvez-vous dire que la déclaration touche seulement les lois fédérales quand elle touche aussi les champs de compétence des provinces et qu’on ne les a pas consultées? Six premiers ministres — à moins qu’ils ne soient des menteurs — ont écrit une lettre qui mentionne qu’ils n’ont pas été consultés. Puisqu’ils n’ont pas été consultés sur le projet de loi C-15, ne croyez-vous pas qu’ils craignent aujourd’hui de ne pas être consultés lorsqu’on touchera à des éléments qui sont liés à leurs champs de compétence?
Je vous remercie de la question, d’avoir présenté l’amendement et d’avoir soulevé cet enjeu, car c’est un enjeu important. Cela me donne l’occasion de préciser que, en ce qui concerne la mise en œuvre de ce projet de loi, c’est-à-dire les obligations du gouvernement fédéral pour faire en sorte qu’il y ait un processus afin de déterminer si les lois fédérales sont conformes à la DNUDPA, on parle d’une obligation qui s’applique uniquement et exclusivement à un champ de compétence fédérale.
Votre amendement, cher collègue, touche la question de l’interprétation d’un instrument international, comme la DNUDPA, mais il y a beaucoup de traités et d’instruments que le Canada a signés. Dans tous ces cas — comme vous le savez, puisque vous êtes juriste —, il est bien établi dans la jurisprudence que, en interprétant et en appliquant des lois provinciales, municipales, fédérales ou constitutionnelles, dans le cas d’un instrument international qui est accepté et que le Canada a ratifié ou adopté, il s’agit d’entrer dans l’interprétation et dans la pensée des juristes qui se penchent sur les lois. Ce n’est pas une obligation de changer les lois provinciales, fédérales ou constitutionnelles; il faut seulement prendre en considération les autres obligations internationales afin de déterminer si nous agissons de façon cohérente avec ces dernières et si nous les respectons, c’est tout. J’ai cité un exemple à partir de la jurisprudence, qui a été très claire là-dessus.
De plus, comme l’a rappelé la Colombie-Britannique — et le gouvernement fédéral souhaite que les autres provinces répondent à l’invitation —, c’est aux provinces de déterminer si elles veulent mettre en place un tel processus — au Québec ou ailleurs — pour examiner leurs textes de loi, afin de vérifier si ces lois pourraient être améliorées afin d’être plus compatibles avec la déclaration.
Les provinces peuvent dire oui, non ou peut-être; c’est à elles de décider. Il y a des premiers ministres qui ont leurs raisons de refuser. Je ne comprends pas leurs motivations, mais je ne fais pas partie des discussions avec le premier ministre — excusez-moi, je voudrais juste conclure —, mais certains ne sont pas d’accord. Bienvenue dans le fédéralisme canadien, c’est tout à fait cela.
Justement, bienvenue dans le fédéralisme canadien à la sauce du gouvernement Trudeau.
Lorsque le gouvernement fédéral développera un plan d’action pour intégrer les éléments de la déclaration à l’intérieur du droit canadien...
Des lois fédérales.
Des lois fédérales qui touchent la culture, l’éducation et les ressources naturelles. Pourquoi ne pas vouloir consulter les provinces? Pourquoi avez-vous peur d’inclure cela dans une disposition législative, de consulter et de donner la chance aux provinces de faire valoir leur point de vue et leurs observations? Pourquoi s’opposer à cela?
Avec tout le respect que je vous dois, cher collègue, j’ai souligné que le gouvernement est ouvert — et c’est déjà le cas — à consulter et à discuter avec les provinces et les territoires dans le processus du développement d’un plan d’action.
Pour ce qui est de votre amendement, sénateur, il n’est pas nécessaire ni souhaitable de faire en sorte que ce projet de loi soit amendé dans cette Chambre. Ce n’est vraiment pas nécessaire et surtout, cela risque de retarder ce projet de loi; ce ne serait pas une bonne chose pour les Canadiens et les Canadiennes. C’est pourquoi je m’oppose bien respectueusement à l’amendement.
Je pense que les premiers ministres ne sont pas d’accord avec vous quand vous dites que ce n’est pas nécessaire, parce qu’avant le projet de loi C-15, ils ont écrit une lettre pour dire qu’ils n’avaient pas été consultés. Croyez-vous qu’ils se sentent rassurés lorsque vous dites qu’un amendement n’est pas nécessaire? Ce n’était pas nécessaire, donc on ne les a pas consultés sur projet de loi C-15. Vous dites maintenant qu’un amendement n’est pas nécessaire et qu’il ne faut pas s’inquiéter, car ils seront consultés en ce qui a trait au plan d’action. Ce n’est pas rassurant.
Je vous remercie pour la question. Je ne crois pas que mon rôle soit de rassurer les premiers ministres ou d’être leur psychologue. Je suis ici, nous sommes ici, pour légiférer dans l’intérêt des Canadiens et des Canadiennes.
En ce qui concerne le projet de loi C-15, le gouvernement est convaincu que ce projet de loi est un bon projet de loi et qu’il représente une réponse importante, et depuis longtemps nécessaire, à l’appel à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Il est temps maintenant de voter sur ce projet de loi, pas de l’amender.
Sénateur Boisvenu, avez-vous une question à poser?
Oui. Sénateur Gold, vous avez affirmé quelque chose qui m’apparaît essentiel. Vous avez dit qu’on ne connaît pas les motivations des provinces qui s’opposent à ce projet de loi sans amendement.
Si vous ne connaissez pas les contraintes ou les critiques des provinces, est-ce parce que vous ne les avez pas consultées?
Ce que je voulais dire et que je n’ai pas dit, c’est que, personnellement, je ne connais pas leurs motivations. La lettre qu’ils ont envoyée au premier ministre a été divulguée à La Presse et c’est comme cela que nous en avons pris connaissance. Ce que les premiers ministres disaient était clair et net. Comme j’ai essayé de le dire à la fin de mon discours, je vous ai donné les grandes lignes de la position du gouvernement face aux objections des premiers ministres.
Donc, à mon avis — et c’est à cette enceinte de décider si le gouvernement a raison ou non —, les réponses du gouvernement montrent qu’il est ouvert à collaborer et qu’il a une position claire et nette sur l’impact et les conséquences de ce projet de loi sur les compétences provinciales.
Je prends la parole aujourd’hui pour appuyer l’amendement proposé par le sénateur Carignan au projet de loi C-15.
Dans un premier temps, j’ose espérer que la partisanerie et l’empressement d’accepter aveuglément les textes de loi de l’autre endroit ne seront pas aujourd’hui un frein à l’amélioration de ce projet de loi, dans l’esprit qui devrait toujours guider un gouvernement fédéral responsable.
J’ajouterais même que, pour que les dispositions du projet de loi C-15 donnent rapidement des résultats sur le territoire canadien, il est primordial de tout faire pour éviter d’interminables procédures juridiques et les guerres politiques que pourraient engendrer les futures dispositions de ce projet de loi. À sa face même, le projet de loi C-15 représente un progrès important pour que nos lois fédérales soient revues et soient conformes à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. J’approuve l’intention du législateur de corriger des « injustices historiques ». J’ai bien dit que « j’approuve l’intention » parce que, à mes yeux, la volonté exprimée à New York ne peut avoir comme résultat de brimer des droits provinciaux et territoriaux au Canada.
Je rappelle au représentant du gouvernement au Sénat que nous vivons au sein d’une fédération. Le Canada est un pays où certains champs de compétences appartiennent aux provinces et aux territoires. Tout gouvernement fédéral responsable a le devoir de les respecter. Il serait donc logique qu’Ottawa s’engage à consulter non seulement les Autochtones, mais aussi tous les premiers ministres provinciaux du pays avant de procéder à des modifications législatives. Or, c’est ce que propose l’amendement du sénateur Carignan. Je ne vois pas pourquoi l’actuel gouvernement aurait aujourd’hui un comportement différent de celui qu’il a déjà adopté dans le cadre d’autres lois.
Le projet de loi C-15 est un processus d’une durée de trois ans. Il est donc souhaitable que le travail se fasse dans un esprit de coopération qui sera de nature à faire progresser le processus de réconciliation des Canadiens avec les peuples autochtones du pays.
En ce sens, les sénateurs ont le devoir d’approuver un amendement qui vise à garantir le bon déroulement des travaux à venir.
Je ne pourrai donc pas voter en faveur du projet de loi C-15 si le respect des compétences des provinces et des territoires n’y est clairement intégré.
Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer l’amendement du sénateur Carignan, mais je tiens simplement à mentionner que j’ai écouté attentivement les discours instructifs sur cet amendement. J’aimerais indiquer respectueusement et gentiment au sénateur Dalphond que, lorsqu’il dit que cet amendement pourrait viser à retarder l’adoption du projet de loi C-15, il contrevient aux règles qui encadrent les débats. Plus précisément, le débat doit porter sur les questions à l’étude, et non sur des questions personnelles. En effet, personne ne peut se livrer à des attaques personnelles et, surtout, on ne peut pas mettre en doute les intentions d’autres intervenants. C’est une règle bien connue qui empêche de prêter des intentions aux autres. Or, c’est ce qu’a fait le sénateur Dalphond en laissant entendre que cet amendement est une manœuvre dilatoire. Je considère que cela n’a pas sa place dans le débat et que c’est probablement contraire au Règlement.
Je vais m’abstenir d’invoquer le Règlement, Votre Honneur, afin de ne pas retarder l’important débat que nous tenons sur cet amendement. Cependant, je tiens à dire que, à mon humble avis, il n’est jamais convenable de tenir de tels propos pendant un débat parlementaire.
Passons maintenant à l’amendement. En ce qui concerne le projet de loi C-15 et la situation au Nunavut, je précise que le Nunavut est visé par une entente sur la revendication territoriale globale protégée par la Constitution. Selon l’article 4 de cette entente, le gouvernement du Canada s’engage à établir un « gouvernement public » qui doit servir tous les résidants du Nunavut, qu’il s’agisse de la majorité inuite ou de la minorité non inuite, qui représente environ 15 % de la population.
Depuis l’adoption par le Canada de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones — et même avant l’adoption du projet de loi C-15 —, il y a eu beaucoup de confusion et de débats sur la question de savoir si le gouvernement fédéral contrevient à son engagement, inscrit dans la législation fédérale, d’établir un gouvernement public. Cette confusion et ces débats s’intensifieront sans aucun doute si l’on ne clarifie pas la question de l’empiétement du gouvernement fédéral sur les champs de compétence des provinces et des territoires.
Je pourrais peut-être fournir un exemple clair. Le gouvernement a versé des fonds considérables directement à un organisme de défense du Sud afin d’éradiquer l’épidémie de tuberculose au Nunavut, et ce, en dépit du fait que les programmes et leur prestation relèvent de la compétence territoriale en matière de santé, comme le prévoit la Loi sur le Nunavut.
Ces genres d’ententes, qui empiètent nettement sur la compétence du gouvernement territorial prévue dans la Loi sur le Nunavut et dans la Loi concernant l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut — une mesure législative fédérale —, sont conclues lors de tables de discussions du Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne tenues à huis clos, dans l’esprit de la déclaration des Nations unies, sans que le gouvernement du Nunavut soit le moindrement impliqué.
Le sénateur Dalphond s’inquiète que cet amendement plonge un gouvernement provincial ou territorial dans des consultations ou dans des négociations entre les peuples autochtones et le gouvernement fédéral. Pourtant, chers collègues, le manque de clarté sur cette question risquerait également de créer de la confusion, des chevauchements d’activités et un gaspillage de fonds publics.
Comme je viens de le dire, même si l’ajout d’une tierce partie pourrait compliquer les négociations entre la Couronne et les peuples autochtones, ne pas intégrer les provinces et les territoires crée aussi de la confusion. Les exemples récents ne manquent pas. Je vais en citer quelques-uns pour montrer à quel point il est important de clarifier cette question de l’empiétement du gouvernement fédéral.
Le gouvernement fédéral, dans le cadre d’autres négociations à huis clos qui ont eu lieu à des tables rondes de partenariat avec la Couronne, s’est d’abord engagé à verser des capitaux pour les refuges pour femmes dans les territoires. Bien évidemment, c’est une initiative louable. Je vous prie de ne pas faire l’erreur de penser que je désapprouve le financement de ce service grandement nécessaire. Les négociations ont eu lieu à huis clos; il semblait entendu que les fonds d’exploitation et d’entretien — qui sont essentiels au fonctionnement de ces établissements ouverts en tout temps — seraient fournis par une partie qui devrait prévoir cette question importante dans son cadre fiscal. Toutefois, la partie en question ne participait pas aux négociations, et j’ai nommé le gouvernement territorial qui a pourtant la compétence dans ce dossier.
Je vais citer un autre exemple. Nous avons parlé des politiques et des principes, mais je veux donner des exemples concrets de la confusion qui s’installe en ce qui concerne les champs de compétence fédéraux et territoriaux dans mon territoire, le Nunavut.
Le besoin de clarifier le risque d’empiétement du fédéral sur les compétences territoriales s’est aussi fait sentir pendant les négociations sur l’Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits, à propos des engagements fédéraux d’établir une nouvelle aire marine nationale de conservation dans l’Extrême-Arctique, qui est appelée Tallurutiup Imanga. Le gouvernement fédéral et l’association des Inuits de la région ont élaboré des plans pour couvrir les coûts en capital afin de construire des installations communautaires multifonctions associées à la nouvelle aire de conservation. Encore une fois, les territoires ont été tenus à l’écart, même si ces installations communautaires relèvent, de toute évidence, de leur compétence aux termes de la Loi sur le Nunavut et font partie de leurs responsabilités, au même titre que les administrations locales et les collectivités. Or, rien n’a été prévu pour aider le Nunavut à payer les coûts de fonctionnement et d’entretien de ces nouvelles installations multifonctions.
Le gouvernement du Nunavut a donc été informé de ce projet après coup. Cependant, son ministère des Services communautaires et gouvernementaux avait établi des budgets d’immobilisations à long terme après avoir tenu des consultations sérieuses auprès des collectivités, budgets applicables à l’infrastructure communautaire, y compris les casernes de pompiers, les garages de hameau et les salles des conseils des hameaux, entre autres. Puis, ce nouvel enjeu est apparu. Comme cela s’est produit lors de l’établissement des nouvelles tables de discussion du Comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne, qui visent à étoffer la déclaration des Nations unies, le gouvernement responsable de ces domaines a été écarté.
Je donne ces exemples pour montrer qu’il est important de préciser la nécessité que le gouvernement fédéral s’occupe uniquement des dossiers relevant de sa compétence exclusive ou, sinon, qu’il implique les provinces et les territoires dans les engagements relatifs à des domaines de compétences partagées ou exclusives aux territoires, comme la gestion de refuges ou d’installations multifonctions.
À l’étape de la deuxième lecture, quand j’ai parlé de la mesure législative sur les services d’aide aux enfants autochtones qui porte manifestement sur des domaines de compétence provinciale et territoriale, mais qui n’a pas fait l’objet de consultations auprès des territoires, la sénatrice LaBoucane-Benson a affirmé qu’il ne s’agissait pas là d’un bon exemple parce que — et je paraphrase ses propos — le gouvernement fédéral a bien fait de présenter une telle mesure législative pour contribuer à la résolution d’un problème qui préoccupe tout le monde, à savoir l’état des services d’aide aux enfants autochtones.
Toutefois, ce n’était pas cela qui m’inquiétait. Je ne me préoccupais pas du fait qu’il s’agisse d’une bonne ou d’une mauvaise initiative, mais plutôt du fait que les gouvernements territoriaux en étaient exclus, surtout compte tenu du fait que le gouvernement du Nunavut est dirigé par des Inuits, tous les membres du Cabinet sont Inuits et le ministère des Services à la famille du territoire s’occupe, de toute façon, presque uniquement d’enfants inuits.
Il s’est passé la même chose avec le projet de loi sur les langues autochtones, sous le prétexte, encore une fois, que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones représentait une motivation et une source d’interprétation dans un domaine d’une très grande importance dans les territoires et dans la déclaration, à savoir la promotion, la préservation et l’amélioration des langues autochtones. L’écart est de plus en plus évident entre le désir d’action du gouvernement fédéral et, si je puis dire, sa tentation d’empiéter sur des domaines de compétences provinciales et territoriales. Dans le cas présent, il s’agit de mettre en place un commissaire aux langues autochtones pour le Canada. Malheureusement, au cours du processus, le gouvernement n’a pas consulté le Nunavut ou les Territoires du Nord-Ouest qui ont déjà des commissaires aux langues autochtones en vertu de leurs mesures législatives sur la protection des langues et de l’autorité qui leur est conférée.
Nous avons découvert, en étudiant ce projet de loi, que personne n’avait réfléchi à la manière dont les deux bureaux, le commissaire national aux langues autochtones et les deux commissaires territoriaux aux langues, allaient travailler ensemble, coopérer, assurer la liaison entre eux, éviter les doubles emplois et la confusion.
C’est bien beau de parler de théories juridiques et autres, mais cet amendement vise à clarifier un problème que je vois émerger et causer un gaspillage d’argent, de la confusion, des chevauchements, une mauvaise coordination et une mauvaise planification. C’est pourquoi j’appuie un amendement qui, selon moi, veut préciser l’étendue de la compétence fédérale et éclaircir la confusion.
À cet égard, je crois que cet amendement servira à affirmer clairement que le projet de loi C-15 porte sur le droit fédéral, mais aussi, comme nous l’a assuré le gouvernement, qu’il n’entraînera pas de modification immédiate des lois fédérales.
Cela est crucial pour clarifier que l’engagement du gouvernement fédéral dans le cadre de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et de la Loi sur le Nunavut, qui ont demandé des décennies de négociation entre les Inuits et le Canada, envers un gouvernement populaire — je ne parle que du Nunavut, honorables sénateurs — demeurera un engagement légal respecté par le Canada, même si les attentes sont maintenant plus grandes et que des mesures qui ont nui à ces principes ont été prises en raison d’un concept opposant les droits des Autochtones à l’autonomie gouvernementale ethnique prévue à l’article 3 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui énonce le droit des peuples autochtones à l’autodétermination, y compris le droit à l’autonomie gouvernementale dans les affaires locales et internes, ainsi que les moyens de financer cette autonomie.
Honorables sénateurs, j’ai quelques brèves observations à formuler.
J’aimerais m’associer aux propos du sénateur Patterson. Bien que je ne sois pas membre du comité, j’ai assisté à presque toutes les délibérations et toutes les audiences de témoins du Comité des affaires autochtones. J’ai trouvé que les témoins et l’ensemble des sénateurs avaient participé à l’exercice de bonne foi, et cela vaut certainement pour le débat d’aujourd’hui au Sénat.
Je suis désolé si je donne l’impression d’en rajouter inutilement en opposition à l’amendement du sénateur Carignan, que je n’appuierai pas. Je n’ai pas l’intention de parler de l’aspect de l’amendement qui traite des dimensions interprétatives de la déclaration des Nations unies, dont le sénateur Gold a parlé en détail. Je suis d’accord avec lui à cet égard.
J’appuie l’esprit des amendements proposés par le sénateur Carignan relativement à la compétence et je le soutiens lorsqu’il nous rappelle que l’un de nos devoirs consiste à veiller au respect des compétences provinciales. Toutefois, je m’oppose à l’adoption des amendements qu’il propose pour la simple raison qu’ils sont superflus.
J’approuve l’appel à consulter véritablement les provinces. J’irais même plus loin et exhorterais le gouvernement à adopter une approche constructive et collaborative avec les provinces et les territoires ainsi qu’avec les Autochtones et leurs gouvernements, comme l’a mentionné le sénateur Gold dans son intervention.
Une telle approche sera essentielle pour atteindre les objectifs du projet de loi C-15, mais il est possible de le faire, de créer des attentes en recueillant les observations au sujet du projet de loi, puis en prenant, grâce à une collaboration entre nos gouvernements respectifs, des mesures constructives dans le cadre du plan d’action.
Selon moi, malgré tout le respect que je dois au sénateur Carignan, ses amendements relatifs à la compétence sont superflus pour des raisons fondamentales associées au droit constitutionnel canadien. Les sénateurs Dalphond et Gold en ont parlé. Je vais répéter brièvement les grandes lignes.
C’est un truisme de la fédération du Canada qu’un ordre de gouvernement ne peut imposer sa propre volonté à un autre ordre de gouvernement dans l’esprit exclusif de la compétence de ce gouvernement, tel qu’établi par la Constitution et conformément à son interprétation par les instances judiciaires, notamment la Cour suprême du Canada.
En effet, le choix des mots en ce qui a trait à la compétence n’a aucune importance dans ce projet de loi. Même s’il le voulait, Ottawa ne peut tout simplement pas imposer sa volonté dans les champs de compétence des provinces.
J’irai encore plus loin. Si Ottawa écrivait expressément dans le projet de loi que celui-ci s’appliquait à des champs de compétence provinciaux, il n’aurait aucune force exécutoire. Toute autre interprétation rendrait vide de sens la répartition constitutionnelle des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux, qui est un principe sur lequel a été fondé le Canada.
La loi est toute aussi claire quand le Canada adopte une convention ou un traité international ou, dans ce cas-ci, une déclaration des Nations unies sous une forme ou sous une autre. Autrement dit, le gouvernement fédéral ne peut pas imposer aux provinces les dispositions des traités et des conventions qu’il adopte quand elles peuvent s’appliquer à des champs de compétence provinciaux, car ce serait un peu comme si le fédéral imposait sa volonté de façon détournée. Ce principe est défini clairement dans le droit constitutionnel canadien depuis 1951. Dans une décision rendue par le Conseil privé dans l’affaire des prétendues Conventions du travail, et au cours des 70 années qui ont suivi, le gouvernement fédéral n’a jamais contesté cet important aspect de notre structure constitutionnelle.
Tout cela pour dire que les compétences provinciales sont à l’abri de ces formes d’intervention et, par conséquent, l’amendement est inutile. Merci.
J’ai une question pour le sénateur Cotter.
Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Cotter?
Oui, bien sûr.
Sénateur Cotter, je suis reconnaissant de la participation à ce débat d’un haut fonctionnaire provincial si expérimenté, quelqu’un du niveau des procureurs généraux et autres.
Vous avez été très clair : selon vous, l’amendement n’est pas requis parce que le droit constitutionnel canadien est sans équivoque depuis l’affaire des Conventions de travail. Premièrement, quand le domaine de compétence ne fait aucun doute, cela peut s’appliquer facilement, mais qu’en est-il des domaines de compétences partagés? J’en ai mentionné quelques-uns dans mes observations, notamment la protection de l’enfance et les soins de santé chez les Autochtones. Pensez-vous que ce domaine pourrait causer de la confusion et qu’il faut y apporter des précisions?
Deuxièmement, pensez-vous que les discussions dans cette enceinte pourraient aider les juges qui voudraient prendre connaissance d’office de l’intention des législateurs pour résoudre les difficultés qui surviendront, hélas, inévitablement après l’entrée en vigueur de ce projet de loi?
Pour répondre au dernier point de votre question, sénateur Patterson, je dirai que je suis d’accord. Je crois que le dialogue est utile pour une multitude de personnes qui s’intéressent à cet important projet de loi. Il s’agit d’un ajustement fondamental et constructif à la société canadienne et cela guidera les législateurs, les décideurs et les magistrats.
S’agissant du partage des compétences, vous soulevez un point pertinent, mais le fait est qu’il existe un cadre constitutionnel applicable à cette question et une mesure législative rédigée par Ottawa ne viendra pas modifier ce cadre constitutionnel. À cet égard, bien que je sois favorable à ce que j’appellerai l’enchevêtrement constructif des champs de compétences, pour que le pays se porte mieux, en particulier sur le plan des relations entre les peuples autochtones et les gouvernements, je dirais que cela n’est nullement influencé par le langage employé par le gouvernement, mais par le tissu constitutionnel du pays. Autrement dit, les gouvernements doivent collaborer à cet égard. Légiférer la collaboration semble une manière étrange de bâtir un pays. C’est sans doute ce à quoi s’attendent les dirigeants du pays — et je nous inclus humblement dans cette catégorie —, pour le bien des Canadiens et, en l’occurrence, des Canadiens autochtones.
Avez-vous une question, sénateur Carignan?
Le sénateur Cotter accepterait-il de répondre à une question?
Bien sûr.
Je comprends bien entendu l’argument lié aux compétences constitutionnelles; c’est un sujet que je connais très bien moi aussi. Si le gouvernement fédéral agit selon sa compétence constitutionnelle, il n’a pas l’obligation de consulter les provinces. Quelle serait donc la difficulté d’ajouter au projet de loi l’obligation de consulter les provinces lorsqu’une disposition risque d’avoir un impact sur elles, et de leur permettre de présenter leurs observations?
Comme vous l’avez si bien dit, le gouvernement fédéral agirait selon sa propre compétence et n’aurait aucune obligation de consulter les provinces. Quel est donc le problème d’inscrire une telle obligation dans le projet de loi?
Cela signifierait que, dans chaque texte de loi que le gouvernement du Canada présenterait, il promettrait de consulter les provinces, mais c’est comme ça que cela fonctionne déjà dans notre fédération. Il serait plus logique de l’inscrire dans la loi plutôt que de l’intégrer dans ce que j’appellerais les engagements des plans d’action des différents ordres de gouvernement.
On pourrait dire, par exemple, qu’au Parlement du Québec ou à l’Assemblée législative de la Saskatchewan, chaque projet de loi devrait plus ou moins dire la même chose, c’est-à-dire que, s’il risquait d’être en concurrence avec la compétence fédérale, la province s’engagerait à consulter le gouvernement fédéral. Cela me semble inutile dans notre pays tel qu’il est.
Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
J’ai entendu un « non ».
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.
Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.
À mon avis, les non l’emportent.
Je vois deux sénateurs se lever. Y a‑t-il entente au sujet de la sonnerie? Sénatrice LaBoucane-Benson, 15 minutes?
Oui, Votre Honneur, 15 minutes.
J’ai entendu un « oui » de la sénatrice LaBoucane-Benson, mais il faut le consentement de la Chambre. Y a-t-il un « non » à la Chambre?
J’ai entendu un « non ». La sonnerie retentira pendant une heure. Le vote aura lieu à 18 h 37.
Convoquez les sénateurs.
Honorables sénateurs, avant de reprendre le débat, comme il n’est pas encore 19 heures, je dois, conformément à un ordre pris plus tôt, quitter le fauteuil et suspendre la séance pendant environ cinq minutes, à moins que nous consentions à procéder.
La sénatrice Forest-Niesing a la parole.
Merci, honorables sénateurs. Je vais prendre cela comme un compliment.