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Projet de loi modifiant la Loi d'interprétation et apportant des modifications connexes à d'autres lois
Deuxième lecture--Ajournement du débat
20 juin 2023
Propose que le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui pour lancer l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi d’interprétation et apportant des modifications connexes à d’autres lois.
En termes simples, ce projet de loi vise à faire un unique ajout à la Loi d’interprétation, qui est la loi qui guide l’interprétation de toutes les autres lois fédérales. La Loi d’interprétation établit une norme uniforme unique relativement à la lecture de toutes les lois du Parlement. Cela comprend des choses comme une explication de l’objectif des préambules et de la façon d’appliquer des dispositions d’entrée en vigueur. Si le projet de loi S-13 est adopté, il comprendra également ceci :
Tout texte maintient les droits — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982; il n’y porte pas atteinte.
C’est ce qu’on appelle une « disposition de non-dérogation ». En ce moment, plusieurs dizaines de lois canadiennes comprennent une telle disposition, comme la Loi sur les pêches, la Loi sur les armes à feu, la Loi sur les espèces en péril et bien d’autres.
Toutefois, certaines lois contiennent cette disposition et d’autres non. Au cours des 40 dernières années, de telles dispositions ont été ajoutées à divers projets de loi de façon ponctuelle. Souvent, les peuples autochtones ont dû faire pression pour qu’elles fassent partie du processus parlementaire, ce qui signifie que ces dispositions ont souvent été ajoutées à l’étape de l’étude par le comité et libellées différemment selon le projet de loi.
Le projet de loi S-13 propose de supprimer les dispositions de non-dérogation de la plupart des lois qui en ont une et d’ajouter plutôt cette disposition à la Loi d’interprétation afin de créer une norme uniforme pour l’interprétation de toutes les lois fédérales. Autrement dit, si le projet de loi S-13 est adopté, ce sera comme si chaque loi du Parlement comportait la même disposition de non-dérogation. Ainsi, toutes les lois et tous les règlements fédéraux sont interprétés de manière à respecter et non à diminuer les droits des peuples autochtones tels qu’ils sont définis à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Les organisations autochtones plaident en ce sens depuis de nombreuses années, chers collègues. Le processus de consultation particulier qui a conduit à ce projet de loi a commencé en 2020, lorsque des fonctionnaires du ministère de la Justice du Canada ont entrepris des discussions préliminaires avec certains partenaires clés.
En décembre 2020, un processus de consultation ciblé a été lancé. L’objectif de la première phase de ce processus était d’informer les partenaires autochtones de l’initiative, de leur donner l’occasion de s’exprimer et de répondre aux exigences de la Loi sur le Yukon et de la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, qui nécessitent toutes les deux une consultation avant de pouvoir être modifiées.
Ce processus ciblé nous a révélé que les partenaires autochtones étaient très favorables à la modification proposée de la Loi d’interprétation fédérale. En décembre 2021, le ministre de la Justice a annoncé une deuxième phase visant à entreprendre une consultation et une coopération plus larges, conformément à la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adoptée en 2021.
Des rencontres ont été organisées tout au long de l’année 2022 dans le but d’examiner les options et de discuter des approches législatives possibles. Les peuples autochtones et les organisations qui les représentent ont participé à plus de 70 rencontres et soumis plus de 45 mémoires. Le processus suivi respectait l’approche fondée sur les distinctions demandée par les partenaires autochtones. La plupart des rencontres étaient bilatérales afin que les partenaires puissent se concentrer sur ce qui était le plus important et le plus pertinent pour eux.
La dernière phase de consultation et de coopération a commencé par la publication d’une proposition législative préliminaire sur le site Web du ministère de la Justice du Canada du 1er mars au 14 avril 2023. Cette façon de faire a permis d’accroître la transparence du processus de consultation et de coopération.
L’un des principaux points de discussion soulevés lors des consultations concernait le libellé précis de la nouvelle disposition de la Loi d’interprétation. Plus précisément, certains partenaires voulaient inclure le terme « peuples autochtones », tandis que d’autres soutenaient qu’il fallait utiliser l’expression « droits — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada », qui figure à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
En fin de compte, le projet de loi S-13 présente un compromis. Il fait référence aux « droits — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones », tout en précisant que le terme « peuples autochtones » s’entend au sens du terme « peuples autochtones du Canada » qui figure dans la Constitution.
Un autre point de discussion a été la question de savoir ce qu’il fallait faire des dispositions de non-dérogation existant dans d’autres lois. En fin de compte, la plupart de nos partenaires autochtones ont préféré abroger toutes les autres dispositions existantes afin d’atteindre l’objectif d’une seule disposition de non-dérogation appliquée de manière uniforme à l’ensemble des lois fédérales. C’est l’approche que propose le projet de loi S-13, à trois grandes exceptions près : la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la Nation shishalhe et la Loi sur le gouvernement du territoire provisoire de Kanesatake. Dans ces trois cas, les lois concernent directement des nations particulières qui souhaitaient conserver la disposition de non-dérogation qui leur est propre. Leurs souhaits sont respectés.
Cette approche consistant à adopter une disposition de non‑dérogation globale dans la Loi d’interprétation et à abroger généralement les autres est également conforme à la recommandation du rapport de 2007 du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, intitulé Prendre au sérieux les droits confirmés à l’article 35 : Dispositions de non-dérogation visant les droits ancestraux et issus de traités.
Je note que notre collègue, la sénatrice Jaffer, est la seule membre de ce comité de l’époque encore présente au Sénat aujourd’hui; il est donc évident que cette décision a été prise il y a longtemps, et j’espère que c’est un moment satisfaisant pour la sénatrice Jaffer en particulier. Chers collègues, ce devrait également être un moment de satisfaction pour les peuples autochtones et pour tous les Canadiens.
En adoptant ce projet de loi, nous favorisons le respect de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui exige la prise de mesures pour s’assurer que les lois du Canada sont conformes à la déclaration des Nations unies. Les peuples autochtones n’auraient plus besoin de réclamer une nouvelle disposition de non-dérogation chaque fois que le Parlement envisage d’adopter une mesure législative susceptible de porter atteinte à leurs droits reconnus par l’article 35, et nous soulignerions l’importance de ces droits, tant leurs avantages que leurs inconvénients. Lorsque le projet de loi S-13 entrera en vigueur, toutes les lois adoptées par le Parlement du Canada seront interprétées de manière à faire respecter les droits des Autochtones, et aucune loi fédérale ne pourra être interprétée comme y dérogeant.
Les Autochtones réclament une telle mesure depuis l’ajout de l’article 35 à la Constitution du Canada il y a plus de 40 ans. Des Autochtones sont venus au Sénat il y a 16 ans pour faire valoir leur point de vue, et j’aimerais prendre un moment pour saluer tous les chefs, les dirigeants, les juristes et les universitaires autochtones qui demandent cette modification de la Loi d’interprétation depuis des années. Je pense en particulier au regretté Harold Cardinal. J’aurais beaucoup aimé prendre un café avec lui en ce moment même pour parler de ce changement colossal.
Au cours des trois dernières années, les peuples autochtones ont travaillé avec le gouvernement dans le cadre de vastes consultations coopératives pour que cela se produise enfin. Ce projet de loi est un pas de plus sur la voie de la réconciliation, et c’est un pas important, car il affecte toutes les lois fédérales existantes et futures.
Comme l’a écrit le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles en 2007 :
[…] ces dispositions jouent un rôle important en exprimant pour tous la volonté claire du Parlement que la loi soit interprétée et appliquée dans le respect de l’article 35.
[…] le Comité juge préférable, dans l’intérêt de l’honneur de la Couronne, de rendre automatique l’inclusion dans toutes les lois d’une disposition de non-dérogation par l’ajout d’un article à la Loi d’interprétation […]
C’est exactement ce que ce projet de loi propose de faire. Compte tenu de l’état d’avancement du calendrier, le bureau du représentant du gouvernement travaillera avec le ministère de la Justice du Canada pour organiser une séance d’information technique au début de l’automne. Entretemps, je vous encourage à communiquer avec moi ou avec mon bureau pour discuter davantage de ce projet de loi, et j’espère que tous les sénateurs l’appuieront lorsque nous reviendrons en septembre.
Hiy hiy.