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Le lien entre la prospérité et l'immigration

Interpellation--Suite du débat

30 mars 2021


Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui dans le cadre du débat sur l’interpellation no 10, un sujet qui me tient à cœur : le lien profond qui existe entre l’immigration et la prospérité du Canada. Le présent discours devait initialement être mon premier prononcé en cette enceinte. Je remercie la sénatrice Omidvar d’avoir présenté son interpellation de nouveau et le groupe de travail sénatorial sur l’immigration de son engagement envers la question.

Je n’oublierai jamais la fierté que j’ai ressentie, moi, fils de parents immigrants, lorsque j’ai prêté serment d’allégeance à la Chambre haute du Canada. Je n’oublierai jamais le moment où j’ai vu les membres de ma famille assis à la tribune ce jour-là. Il s’est passé beaucoup de choses depuis ma cérémonie d’assermentation il y a plus d’un an. Nous avons été plongés dans une crise sanitaire mondiale qui a eu des répercussions dévastatrices sur l’économie et la société, ici et à l’étranger. Je m’en voudrais de ne pas offrir mes sincères condoléances à tous ceux qui ont été touchés par la pandémie et en particulier à ceux qui ont perdu un être cher.

Jusqu’à présent, mon séjour au Sénat a été singulier à bien des égards, mais le fait de servir les Canadiens dans cette Chambre demeure le plus grand honneur de ma carrière. Je ne tiendrai pas ce privilège pour acquis.

En effet, je m’engage de tout cœur à représenter la province de Québec au mieux de mes habiletés. Je suis fier d’être le fils d’immigrants qui ont choisi Montréal pour y faire leur vie. Je remercie mes parents d’avoir fait ce choix.

En tant que sénateurs, nous sommes ici pour servir tous les Canadiens et pour travailler pour eux, mais aussi pour représenter les minorités et défendre leurs droits. Grazie per il vostro sostegno. E a tutti gli italo-canadesi, la mia porta è sempre aperta.

L’histoire de ma famille est comme celle de milliers d’autres familles qui ont vu le Canada comme une terre d’espoir et de possibilités. Mes parents ont quitté l’Italie et sont arrivés par bateau à Ellis Island, à New York, au printemps 1962. Ils ont tout de suite traversé la frontière pour venir au Canada. Ma mère, enceinte de moi, était en fin de grossesse. Je suis né au Canada. Je suis très fier d’être Canadien et je suis reconnaissant de ce double patrimoine.

Mes parents ont travaillé dans des usines toute leur vie. Ma mère était une excellente couturière. J’ai de vifs souvenirs de ma mère faisant de la couture pour nous confectionner des vêtements. Quant à mon père, il travaillait dans une usine de matelas. Il recevait 27 cents pour chaque matelas qu’il fabriquait. Dans notre foyer, les dimanches soirs étaient angoissants. Je comptais les bons de travail avec mon père pour savoir combien il avait gagné cette semaine-là. Il y avait des dimanches où je pouvais voir l’inquiétude dans les yeux de mon père pendant qu’il faisait le calcul et qu’il se demandait s’il aurait assez d’argent pour la semaine suivante. Habituellement, mon père faisait des heures supplémentaires jusqu’à 21 heures, et ma mère a fait des quarts de soir à partir de 17 heures pendant de nombreuses années. La vie n’était pas facile. Je me souviens que je gardais mon frère Nick au retour de l’école jusqu’à l’arrivée de mes parents en soirée. J’avais 10 ans, et mon petit frère, 1 an. Ma sœur Vera est venue compléter la famille Loffreda trois ans plus tard, en 1975.

Il n’était pas rare que des familles d’immigrants comme la nôtre aient de la difficulté à joindre les deux bouts. S’il y a une chose que j’ai apprise, c’est que la résilience est une qualité que bien des familles d’immigrants ont en commun. Nos expériences de vie peuvent être difficiles, mais elles peuvent être tout aussi valorisantes, et nous pouvons en tirer des leçons importantes, des leçons de courage et de détermination. Les réussites personnelles et professionnelles des immigrants sont souvent attribuables en partie aux principes et aux valeurs qui leur sont chers.

Dans ma propre vie, en tant que Canadien d’origine italienne de première génération, je considère comme primordial les principes fondamentaux suivants. L’intégrité ne se négocie pas. Ce principe m’a guidé tout au long de ma carrière de 35 ans dans le secteur financier et il me guidera toujours tout comme la collaboration et le service, le fait de travailler ensemble et de se soutenir les uns les autres pour le bien de nos communautés et de nos familles. L’altruisme — une valeur commune à mes parents et à beaucoup de religions et de cultures — s’est avéré essentiel dans ma vie. J’ajoute à cela la responsabilité et l’imputabilité, parce que, quand il s’agissait de nous occuper de nos frères et sœurs et de notre famille, nous avions tous un rôle à jouer.

S’agissant de la force de notre communauté, et, plus tard, de ma propre conception d’un bon leadership, nul doute que la passion et l’ambition étaient aussi au premier plan. J’apprends à mes enfants que l’on se souviendra de nous non seulement pour nos paroles, mais aussi nos actions et nos façons de faire.

Bien que plusieurs histoires que racontent les immigrants se ressemblent, je reconnais que l’expérience de l’immigration est vaste. Parmi les fils conducteurs de notre histoire, on sait que les immigrants se sont largement intégrés à notre économie, et qu’ils y ont grandement contribué, de même qu’à notre pays. Je sais qu’ils continueront à le faire, à partir des côtes du Portugal, à partir des plaines de la Syrie, ou à partir d’une petite ville en Italie appelée Dragone, où mon père est né.

L’immigration a fait partie intégrante de la réussite du Canada dès le début de son histoire et, plus important encore, elle sera essentielle à notre croissance continue. Malgré tout, les Canadiens sont toujours divisés sur la question. Au cours de la dernière année seulement, certains sondages nous ont démontré un mélange d’opinions sur les objectifs du Canada en matière d’immigration.

Quelques semaines avant que la pandémie nous frappe, la firme Abacus Data avait mené une enquête d’opinion sur l’immigration, selon laquelle 55 % des répondants estimaient que la meilleure façon de faire croître l’économie était de réduire l’immigration. Cependant, 72 % ont convenu que notre histoire démontre que la croissance de l’économie et l’augmentation du taux d’immigration allaient de pair.

Un récent sondage réalisé par Léger Opinion et l’Association d’études canadiennes (AEC) montre que 52 % des Canadiens ne souhaitent pas une augmentation de l’immigration en raison de la pandémie et qu’ils préfèrent que les faibles taux actuels soient maintenus pendant au moins un an.

Heureusement, une enquête menée à la mi-septembre pour Focus Canada présente des résultats encourageants, soit que deux tiers des Canadiens rejettent désormais l’idée que les niveaux d’immigration sont trop élevés, et que plus de huit personnes sur dix sont d’accord pour dire que l’immigration a un impact positif sur l’économie canadienne. Enfin, une proportion de gens à peu près identique rejette l’idée que les immigrants enlèvent des emplois aux autres Canadiens.

Au contraire, chers collègues, les immigrants continuent de contribuer à notre économie en nombres impressionnants. Les immigrés ne volent pas d’emplois, ils en créent.

Je sais que la pandémie a ralenti l’immigration en 2020, mais je pense sincèrement que nous devons continuer à favoriser des taux d’immigration élevés une fois que nous serons sortis de cette crise.

En tant qu’ancien banquier, je ne surprendrai personne en prenant un moment pour souligner à quel point les immigrants contribuent à notre économie et, naturellement, à la prospérité de notre pays.

Le Conseil canadien des affaires nous a dit ce qui suit il y a quelques mois :

Il existe un large consensus entre les partis politiques qui confirme que l’immigration est essentielle à notre croissance économique à long terme. Les nouveaux arrivants apportent de l’énergie, des compétences, de nouvelles idées et un esprit d’entreprise. Ils créent des entreprises, comblent les pénuries de compétences […] et paient des impôts.

Honorables sénateurs, considérez ceci : dans un récent discours, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marco Mendicino, a souligné qu’une entreprise sur trois appartenait à des immigrants, créant ainsi de nombreux emplois, et que les immigrants représentaient environ la moitié des travailleurs du secteur de l’hôtellerie, le tiers des travailleurs de la santé et le tiers des travailleurs des services de transport. Autrement dit, trois secteurs importants de l’économie sont portés en grande partie par des immigrants.

Tout récemment, Anil Arora, le statisticien en chef du Canada, s’est adressé à notre groupe de travail sur l’immigration et il nous a fourni des données révélatrices. Par exemple, il a souligné que les entreprises dirigées par des immigrants étaient plus susceptibles d’exporter et de percer de nouveaux marchés, et qu’elles étaient également plus susceptibles d’étendre leurs activités en 2021. Les faits sont incontestables : les immigrants sont la clé de la prospérité d’aujourd’hui et de demain.

En mars 2016, Statistique Canada a également publié un rapport qui montrait « que les taux de propriété d’entreprises privées et de travailleurs autonomes non constitués en société étaient plus élevés chez les immigrants qu’au sein de la population née au Canada ». Cela prouve que les immigrants créent des emplois, stimulent la croissance et paient leur part d’impôt.

Comme Bruce Anderson, de l’entreprise Abacus, a écrit :

Quand l’immigration est à la hausse, notre PIB est plus élevé; quand les niveaux sont plus bas, c’est le contraire qui se produit.

Qu’est-ce que cela signifie? L’immigration est probablement le choix économique et financier le plus judicieux — et le plus crucial — que le Canada peut faire. Ce n’est pas la « bonne » chose à faire, c’est la « seule » chose à faire.

Or, les courbes démographiques du Canada sont en pleine transition. Le taux de fécondité est en chute libre. Oui, j’attends toujours de devenir grand-père. Les baby-boomers se retirent du marché du travail à un rythme précipité, tandis que l’espérance de vie est à la hausse. M. Anderson a d’ailleurs ajouté :

Nous approchons très rapidement du point de bascule où il y aura plus de personnes âgées qui ont besoin de soutien, et moins de travailleurs pour se partager ce fardeau.

Le ministre Mendicino s’est justement prononcé sur cet enjeu récemment. Il a précisé que notre population active comptait sept travailleurs pour chaque retraité en 1971; aujourd’hui, il n’y a que quatre travailleurs par retraité. Selon les prévisions, cette proportion baissera à deux travailleurs par retraité en 2035. Il faut réfléchir à ce que cela signifie réellement pour le Canada. Pour être clair, cela signifie que nous avons besoin des immigrants. Nous avons besoin d’augmenter le nombre de travailleurs au sein de la population active pour qu’ils contribuent à notre économie et qu’ils paient des impôts. Les immigrants aident à soutenir nos programmes sociaux et notre population vieillissante.

Les contributions des immigrants à notre société vont bien au-delà du marché du travail. J’espère que d’autres sénateurs participant à cette interpellation contribueront à faire avancer la discussion et à explorer d’autres aspects, tels que la diversité culturelle globale, nos établissements postsecondaires multiculturels, notre réputation mondiale, notre commerce extérieur et notre capital intellectuel.

Il ne fait aucun doute que notre système d’immigration et nos politiques d’intégration ne sont pas parfaits, mais ils nous ont bien servis depuis des décennies. En analysant les données, nous nous rendons rapidement compte que les immigrants ont très bien réussi à intégrer le marché du travail. Par exemple, en 2019, quand le taux de chômage s’élevait à 5,7 %, celui des immigrants admis était de 6 %, soit juste un peu plus élevé. Si nous examinons les statistiques relatives aux immigrants étant arrivés ici il y a cinq ans ou moins, ce taux s’élevait à 9,5 %. Toutefois, il convient de souligner que le taux de chômage des immigrants étant arrivés au Canada il y a 10 ans ou plus n’était que de 5 %, ce qui est inférieur à la moyenne nationale de l’ensemble de la population, qui s’élevait à 5,7 % en 2019.

Par conséquent, au fil du temps, les immigrants s’intègrent très bien au marché du travail canadien. La question est donc la suivante : que peut-on faire pour accélérer l’intégration et réduire l’écart entre les immigrants récents et les immigrants de longue date?

Je sais que le gouvernement est déterminé à trouver des solutions et à améliorer le système global alors qu’il continue à accueillir les néo-Canadiens en suivant un processus sûr et ordonné, même dans des circonstances difficiles. Je crois aussi que le Sénat est l’endroit tout indiqué pour étudier cette question — peut-être au moyen d’un de ses comités permanents — et fournir au gouvernement une feuille de route pour améliorer ses politiques d’immigration et ses stratégies d’intégration.

En 2019, l’OCDE a publié un rapport dans lequel il félicitait le Canada de disposer du système d’immigration de main-d’œuvre qualifiée le plus élaboré et le plus ancien de l’OCDE », en précisant que notre système « est largement perçu comme une référence pour d’autres, et son succès est attesté par ses bons résultats en matière d’intégration ».

Chers collègues, nous avons l’occasion aujourd’hui de faire en sorte que le Canada demeure un pôle d’attraction pour les esprits les plus brillants de partout sur la planète, tout en continuant à se concentrer sur la réunification des familles et la réinstallation des réfugiés. Nous devons tirer parti de notre réputation mondiale et accélérer l’immigration lorsque cette crise sera terminée.

Heureusement, le gouvernement est d’accord. Il a récemment annoncé son plan d’immigration pour les trois prochaines années. Son plan définit la voie à suivre pour accroître les niveaux d’immigration de façon responsable afin d’aider l’économie canadienne à se remettre de la COVID-19, de stimuler la croissance future et de créer des emplois.

Le gouvernement est résolu à rattraper le temps perdu à cause de la pandémie. De 2021 à 2023, il espère accueillir 1,2 million d’immigrants.

Aux ressortissants étrangers qui deviendront un jour des Canadiens, je dis, « Bienvenue chez vous. » Plus important encore, je leur dis, « Merci. Merci de nous avoir choisis. »

Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que le Canada est le meilleur pays au monde où vivre, et je crois sincèrement que la générosité et l’ouverture d’esprit des Canadiens expliquent pourquoi tant d’étrangers veulent rejoindre notre grande famille canadienne. Cette initiative de la sénatrice Omidvar est pour nous une occasion en or de célébrer l’immigration dans toute sa splendeur et de plaider en faveur de meilleures politiques et de meilleurs programmes de soutien.

Pour conclure, j’aimerais dire merci. Merci au Canada d’être un symbole d’espoir et de réussite pour beaucoup d’immigrants. Je remercie les Canadiens d’avoir accueilli ma famille et tous les immigrants, de leur avoir permis de réussir et surtout de se sentir chez eux dans ce pays nordique, mais bien chaleureux.

Nous avons une très riche histoire de politiques d’immigration réussies. Je suis sûr que notre réputation de merveilleux pays d’accueil se maintiendra encore longtemps.

Chers collègues, je vous remercie de votre attention. C’est un honneur de travailler en cette enceinte avec vous. Je suis impatient de continuer à lutter encore plus fort, ensemble, au service d’un avenir toujours meilleur. Merci. Meegwetch.

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