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Projet de loi concernant un cadre fédéral relatif au trouble du spectre de l'autisme

Deuxième lecture--Suite du débat

7 décembre 2021


Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole du projet de loi S-203, Loi concernant un cadre fédéral relatif au trouble du spectre de l’autisme. Je vous assure que j’appuie ce projet de loi du sénateur Housakos et que je souhaite qu’il soit adopté. Je le remercie, ainsi que le sénateur Boehm, pour les discours qu’ils ont prononcés la semaine dernière. Je pense qu’ils ont tous deux réussi à nous expliquer pourquoi il est urgent d’établir un cadre fédéral.

Je m’exprimerai aujourd’hui en tant qu’allié de la communauté des personnes souffrant d’un trouble du spectre de l’autisme, et non en tant que soignant ou personne ayant une expérience directe et personnelle avec des personnes autistes. Je sais que certains d’entre vous ont cette expérience, et j’espère que nous aurons l’occasion de vous entendre.

Chers collègues, comme le sénateur Housakos l’a souligné la semaine dernière, le projet de loi permettra au ministre de la Santé d’élaborer un cadre fédéral relatif au trouble du spectre de l’autisme en consultation avec d’autres ministres, des représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux et des intervenants concernés du milieu médical, du milieu de la recherche et des organismes de défense des droits.

Le projet de loi exige que le cadre prévoie des mesures visant six points principaux : un soutien financier pour les personnes autistes et leur famille, notamment la création ou la bonification d’avantages fiscaux, le cas échéant; un soutien pour les aidants des personnes autistes; un réseau national de recherche destiné à promouvoir la recherche et à améliorer la collecte de données sur le trouble du spectre de l’autisme; une campagne nationale de sensibilisation du public afin de mieux faire connaître et comprendre le trouble du spectre de l’autisme; une ressource en ligne sur les pratiques exemplaires pour appuyer les personnes autistes, leur famille et leurs aidants; et des mécanismes redditionnels à l’égard de l’utilisation des fonds fédéraux pour les personnes autistes et leur famille.

Comme vous pouvez le constater, le projet de loi fournit au ministre une feuille de route assez générale pour favoriser la souplesse et l’originalité. Il indique les éléments que le cadre doit comprendre, mais n’est pas trop rigide. Le projet de loi S-203 exige aussi que le ministre dépose le cadre fédéral devant les deux Chambres du Parlement dans les 18 mois suivant la date où il reçoit la sanction royale.

De plus, je me réjouis que le projet de loi prévoie un examen ministériel dans les cinq ans. Après avoir réalisé cet examen, le ministre doit présenter un rapport qui indique les mesures du cadre fédéral qui ont été mises en œuvre et leur efficacité pour soutenir les personnes autistes, leur famille et leurs aidants. Le rapport doit également indiquer quelles mesures n’ont pas encore été mises en œuvre, le cas échéant.

Comme je l’ai déjà mentionné, on ne peut améliorer ce qui ne se mesure pas. En colligeant des données et en évaluant le rendement, il est beaucoup plus facile de gérer et d’évaluer adéquatement les résultats en plus d’apporter les modifications nécessaires pour réaliser des progrès.

Vous savez déjà que depuis de nombreuses années, des discussions ont eu lieu en vue de concevoir une stratégie nationale sur l’autisme. Des réunions ont eu lieu. Des fonds ont été réservés. On a entendu des propositions et préparé des plans. Pourtant, nous nous retrouvons ici aujourd’hui pour débattre d’un projet de loi qui entérinerait la création d’un cadre fédéral relatif au trouble du spectre de l’autisme.

Il y a deux mois, l’Alliance canadienne des troubles du spectre autistique — l’ACTSA — a tenu son 7e Forum canadien des experts en autisme où les intervenants ont réitéré leur volonté de mettre en œuvre une stratégie qui assurerait sans restriction l’égalité d’accès de toutes les personnes autistes au Canada aux ressources dont elles ont besoin pour atteindre leur plein potentiel. Comme le sénateur Boehm l’a souligné, il serait possible d’intégrer une stratégie nationale au sein du cadre proposé dans le projet de loi S-203.

Comme je l’ai mentionné la semaine dernière, on retrouve dans cette enceinte de nombreux défenseurs des droits des personnes atteintes du trouble du spectre de l’autisme. À cet effet, je m’en voudrais de passer sous silence le travail de notre ancien collègue, le sénateur Munson.

En ce qui me concerne, mon engagement envers les autistes remonte à plus de 10 ans, lorsque notre ami et collègue le sénateur Housakos m’a fait connaître le centre À pas de géant.

Comme il l’a laissé entendre dans son discours, le centre À pas de géant offre depuis plus de 40 ans des services d’éducation incomparables à des élèves âgés de 4 à 21 ans qui présentent un trouble du spectre de l’autisme. J’ai toujours parlé de ce centre comme du Harvard des écoles sur l’autisme au Canada. C’est vraiment un chef de file mondial dans son domaine.

Cette école m’a contacté pour la première fois il y a plus de 10 ans en raison de mon poste de haute direction à la RBC et de mes activités communautaires et philanthropiques. À l’époque, la plupart des institutions bancaires hésitaient à investir dans des écoles, car elles avaient toujours plus de difficulté à obtenir du financement. Tant l’école que notre institution souhaitaient que cela change. Je peux dire avec fierté que les choses se sont grandement améliorées à ce chapitre.

J’ai immédiatement été ému par les luttes et les épreuves des familles touchées par le trouble du spectre de l’autisme, par les ressources limitées à leur disposition et par ce financement inadéquat qui ne leur permettait pas d’offrir des services adaptés qui sont hautement personnalisés, intensifs et globaux.

Il a suffi d’une rencontre pour me convaincre sans l’ombre d’un doute qu’il fallait aider le centre À pas de géant à recueillir les fonds devant lui permettre d’accroître ses services et ses ressources, d’échanger et d’adopter des pratiques exemplaires, et de sensibiliser davantage la population. Pendant plus de 10 ans, jusqu’à ma nomination au Sénat, j’ai aidé à recueillir d’importantes sommes d’argent pour le centre À pas de géant.

Je suis également heureux d’annoncer que, comme l’a mentionné le sénateur Housakos la semaine dernière, À pas de géant a récemment obtenu une subvention de 15 millions de dollars du gouvernement du Québec et que l’organisme a recueilli des millions de dollars pour de nouvelles installations de pointe de 67 000 pieds carrés à Montréal.

Le centre À pas de géant comprendra une école spécialisée, un centre de formation aux adultes, un centre de ressources communautaire et un centre de recherche, tous consacrés aux besoins des personnes autistes de tous âges. La conception tient compte des nombreuses différences en matière de perception des personnes autistes et des défis sensoriels auxquels elles sont souvent confrontées.

Un des derniers événements de financement que j’ai présidés pour l’école a eu lieu en juin 2018. J’étais président honoraire de l’événement « Le grand soir » tenu dans le cadre du Grand Prix de Formule 1 du Canada. L’objectif de cette soirée était d’amasser des fonds pour deux groupes qui se dévouent à la cause de l’autisme : À pas de géant et la Fondation Véro et Louis.

Pour ceux qui ne connaissent pas la Fondation Véro et Louis, celle-ci a été fondée en 2016 pour appuyer la cause de l’hébergement permanent des adultes autistes. La fondation a pour but ultime de créer des milieux de vie pour les personnes autistes de 21 ans et plus, qui présentent ou non une déficience intellectuelle. D’ailleurs, la première maison a été inaugurée au printemps dernier à Varennes, en banlieue de Montréal. La fondation vise grand et elle souhaite construire d’autres maisons de ce genre.

Une équipe multidisciplinaire d’experts n’a rien laissé au hasard lors de l’élaboration et de la construction de cette maison. Tout a été bien pensé. Dans son article publié le 10 juin, Laila Maalouf, de La Presse, a écrit ce qui suit, et je cite :

Dans ce bâtiment flambant neuf, entouré de verdure et du chant des oiseaux, voisin de copropriétés nouvellement construites, tout respire le calme et la sérénité. L’ambiance est feutrée, spécialement aménagée pour éviter toute stimulation sensorielle qui viendrait perturber le bien-être des résidants. Et absolument tout, dans les moindres détails, a été réfléchi et expressément conçu dans cette optique : les lumières sont discrètes, les coins, arrondis, les miroirs des salles de bains se ferment pour ceux qui préfèrent éviter de voir leur réflexion, le blanc des murs se marie au bois d’une teinte claire pour créer un effet apaisant… Même les comptoirs en acier inoxydable de la cuisine sont mats pour éviter toute réverbération.

J’ai ressenti le besoin de citer cet extrait du journal La Presse parce qu’il montre clairement l’importance de la recherche et des meilleures pratiques, deux choses que le projet de loi S-203 cherche à réaliser avec l’établissement d’un cadre national.

À bien des égards, j’ai le sentiment que l’éducation et la compréhension mèneront à la conscientisation et à l’acceptation. Si nous comprenons les difficultés et le caractère unique du trouble du spectre de l’autisme, nous serons plus conscientisés et mieux disposés à accepter et à embrasser ces différences, sans jugement. Un élément crucial du projet de loi S-203 prévoit justement une campagne nationale de sensibilisation.

Avant de conclure, j’aimerais raconter une histoire vécue en Italie qui illustre l’essence même de ce que ce projet de loi vise à accomplir, c’est-à-dire l’élaboration et la mise en œuvre d’un cadre fédéral qui aiderait les Canadiens autistes à se trouver un emploi. Les exemples abondent de personnes atteintes du trouble du spectre de l’autisme qui sont livrées à elles-mêmes une fois qu’elles atteignent l’âge adulte. Pour beaucoup, le logement et l’emploi représentent des obstacles majeurs. La Fondation Véro et Louis tente de combler cette lacune en offrant un domicile aux adultes autistes. Cela dit, j’aimerais brièvement mentionner un exemple de réussite issu de Milan, en Italie, appelé PizzAut, qu’il ne faut pas confondre avec Pizza Hut.

PizzAut est une nouvelle pizzéria italienne exploitée par de jeunes adultes autistes. Cet organisme sans but lucratif est un laboratoire d’intégration sociale qui offre du travail, de la formation, et surtout, de la dignité aux personnes autistes. Chaque personne autiste reçoit une formation personnalisée lui permettant de travailler comme chef qui prépare des pizzas ou comme serveur. Tous les lieux de travail et les outils ont été conçus de manière à aider les personnes autistes à réaliser leurs tâches quotidiennes. Par exemple, pour certains, prendre des commandes peut être une tâche intimidante. L’entreprise Samsung est intervenue en créant la première application permettant carrément aux personnes autistes de gérer un restaurant. Tout a été conçu et élaboré en fonction des personnes autistes, qui sont au cœur de ce projet. Les personnes autistes qui travaillent comme serveurs peuvent travailler de façon tout à fait indépendante.

Que peut-on demander de plus? On peut à la fois manger une bonne pizza, faire une bonne action, promouvoir la diversité, favoriser l’inclusion, créer un sentiment d’appartenance à la collectivité et donner à ces jeunes adultes le sentiment d’accomplir quelque chose, un sentiment d’appartenance et le sentiment d’être utiles. Tout ce qu’ils veulent dans la vie, c’est de pouvoir se sentir utiles, et ils le méritent.

N’oublions pas de mentionner que PizzAut a connu énormément de succès depuis son ouverture, au printemps dernier. On parle déjà de développer le modèle davantage, et pourquoi pas? C’est une noble et brillante idée qui favorise l’inclusion et l’autonomie. D’ailleurs, en ce 7 décembre, la ville de Milan a rendu hommage à PizzAut en lui décernant un certificat du mérite civique dans le cadre de la cérémonie de remise des prix Ambrogini d’Oro.

Au fil des ans, j’ai rencontré des membres de conseils d’administration d’écoles pour enfants autistes, des éducateurs, des parents touchés de près par l’autisme et d’autres parties prenantes afin d’explorer les possibilités en matière d’emploi pour la communauté autiste. Je sais que certains employeurs sont intéressés et j’ai aussi rencontré des investisseurs potentiels pour reproduire le modèle de PizzAut au Canada. En fait, ces investisseurs m’ont approché. C’est grâce à eux que j’ai découvert ce modèle. Nous savons tous combien il est difficile pour les adultes ayant un trouble du spectre de l’autisme de garder un emploi, alors il s’agit là d’une formidable nouvelle et je pense que cette initiative a un énorme potentiel.

Il est important de signaler que le comité des finances et du travail du Sénat italien a adopté une modification à sa législation fiscale, avec l’aval de tous les partis, pour conférer d’importantes réductions fiscales et de cotisations aux entreprises innovantes et aux entreprises en démarrage qui embauchent des personnes autistes. Le message envoyé au milieu des affaires est très clair : vous serez récompensé si vous acceptez la diversité et si vous donnez des occasions de travail aux personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme. La modification proposée n’est pas encore inscrite dans la loi, mais à ma connaissance, cette initiative est sur le point d’être couronnée de succès.

Le grand défi, c’est d’offrir du travail aux personnes autistes. On m’a dit que des gens de PizzAut avaient demandé des conseils; ils voulaient savoir si le Sénat pouvait faire quelque chose pour créer une loi semblable à celle d’autres pays afin d’encourager les entreprises canadiennes à embaucher des personnes atteintes d’un trouble du spectre de l’autisme et de créer un sentiment d’appartenance. Il doit y avoir un sentiment d’appartenance chez les personnes autistes, et en particulier pour les adultes. En effet, ce qui se passe dans les écoles est génial, mais à partir d’un certain âge, ces personnes ont besoin de plus. C’est ce que nous devons créer. Je suis convaincu que ce modèle sera exporté ailleurs et que nous pourrons un jour offrir un travail et un but bien précis aux adultes autistes.

Honorables sénateurs, en terminant, je rappelle à tout le monde que les troubles du spectre de l’autisme touchent 1 enfant ou 1 jeune sur 66 au Canada. Nous savons également que les personnes autistes peuvent avoir de la difficulté à établir des liens ou à interagir avec d’autres personnes pour une multitude de raisons. Elles peuvent avoir de la difficulté à communiquer avec les autres, trouver les situations sociales intolérables ou se montrer peu ou pas intéressées par un grand nombre d’activités, de sujets et de passe-temps. À mon humble avis, le projet de loi S-203 peut offrir une lueur d’espoir et des encouragements à la communauté des personnes touchées par les troubles du spectre de l’autisme, en particulier aux parents et aux soignants qui en ont besoin.

La semaine dernière, le sénateur Boehm nous a rappelé que, comme d’autres parents de personnes autistes, il s’inquiète pour l’avenir de son fils et il se demande qui veillera sur lui. Je tiens à vous rassurer, sénateur Boehm, et à vous remercier, le sénateur Housakos et vous, d’avoir présenté ce projet de loi. Je souhaite assurer les sénateurs et toute la collectivité des personnes touchées par les troubles du spectre de l’autisme de mon appui et de mon engagement indéfectibles.

J’espère que nos collègues nous joindront dans cette quête et que le projet de loi sera renvoyé au comité avant les Fêtes pour qu’il puisse recevoir l’attention qu’il mérite. Je n’ai aucun doute que les nombreux intervenants seront heureux de pouvoir donner leur avis sur ce projet de loi très important. Les Canadiens touchés par les troubles du spectre de l’autisme comptent sur nous pour bien faire les choses et adopter rapidement la mesure législative. Merci.

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