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Projet de loi sur l’évaluation d’impact—Projet de loi sur la Régie canadienne de l’énergie—La Loi sur la protection de la navigation

Adoption du dix-neuvième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

30 mai 2019


L’honorable Michael L. MacDonald

Honorables sénateurs, à titre de vice-président du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, j’aimerais prendre part au débat à l’étape du rapport sur le projet de loi C-69, qui créerait la Loi sur l’évaluation d’impact, et expliquer à mes collègues ce que le comité a entendu pendant l’étude rigoureuse qu’il faite de cette mesure législative controversée.

Ce projet de loi modifie le cadre servant à l’évaluation des grands projets d’exploitation des ressources naturelles menés au Canada. Vu la complexité et la portée du projet de loi C-69 et l’importance du secteur pétrolier pour l’économie nationale, le comité a décidé de parcourir le pays afin de prendre le pouls des Canadiens d’un océan à l’autre. Outre les nombreuses rencontres que nous avons tenues à Ottawa, nous nous sommes rendus, dans l’Ouest, à Vancouver, à Calgary, à Fort McMurray, à Saskatoon et à Winnipeg, puis, dans l’Est, à St. John’s, à Halifax, à Saint John et à Québec.

Nous avons entendu le point de vue de regroupements nationaux d’entreprises de plusieurs secteurs, dont les mines et la construction, de sociétés pétrolières et gazières, de producteurs d’électricité, de chambres de commerce, de syndicats, d’exploitants de traversiers et d’aéroports, de chercheurs, de professeurs, de groupes autochtones, d’associations municipales représentant autant les milieux urbains que ruraux, d’organismes environnementaux, d’investisseurs, de défenseurs des droits de la personne et de gouvernements provinciaux.

Le rapport dont le Sénat est présentement saisi est tiré des témoignages livrés par les 277 témoins qui ont pris part aux 108 heures de séance qui ont eu lieu aux quatre coins du pays et des discussions vigoureuses qui ont ponctué l’étude article par article du projet de loi, qui a duré deux semaines au total et qui a donné lieu à 188 amendements.

Je ne vais pas tous les passer en revue. Les sénateurs Galvez et Tkachuk ont bien résumé hier les amendements présentés dans le rapport. Je vais donc plutôt parler des témoignages entendus.

On nous a bien fait comprendre que les choses doivent changer, c’est-à-dire que, dans sa forme actuelle, la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 ne semble pas fonctionner, mais que la version du projet de loi C-69 qui nous a été présentée est absolument impossible à appliquer, et la mesure législative ne ferait qu’empirer une situation déjà difficile.

On nous a souvent prévenus que, sans amendement majeur, le projet de loi C-69 empêcherait la réalisation de grands projets de développement des ressources et qu’il mettrait à genoux une industrie qui souffre déjà. Les témoins nous ont avertis que l’incertitude et le manque de clarté découlant du projet de loi ainsi que des délais plus longs et le pouvoir discrétionnaire du ministre allaient perpétuer la tendance déjà observée, soit que les investisseurs privilégient des projets énergétiques à l’étranger.

Ce n’est pas exagéré. Nous avons entendu parler des énormes investissements potentiels que le pays n’a jamais vus se concrétiser, car les investisseurs sont allés à l’étranger. Les investissements auraient permis de créer des centaines de milliers d’emplois au Canada et ils auraient contribué au financement de services essentiels tels que l’éducation et les soins de santé.

L’industrie de l’énergie est le moteur de l’économie. Elle représente la plus grande part du produit intérieur brut. Les Canadiens qui choisissent d’ignorer cette vérité le font au péril de leur économie.

Je vais commencer par certains témoignages que nous avons entendus concernant l’importance de l’industrie de l’énergie et ce qui est en jeu pour l’économie.

À la demande du sénateur Wetston, le comité a pris soin d’inviter des témoins capables de parler en connaissance de cause des implications du projet de loi C-69 du point de vue des finances et des investissements. L’un de ces témoins est Mac Van Wielingen, fondateur d’ARC Financial Corporation. Il a dit au comité que le secteur de l’extraction du pétrole et du gaz et des pipelines est huit fois plus gros que celui de la fabrication de pièces d’automobiles au Canada et quatre fois plus gros que celui des télécommunications — et il ne s’agit que du pétrole et du gaz.

Le comité a appris que l’industrie énergétique du Canada se classe sixième au monde en importance, qu’elle contribue pour plus de 200 milliards de dollars au PIB et fournit directement et indirectement des emplois à plus de 900 000 personnes. Je dirais que les enjeux sont très élevés pour l’économie et les familles du Canada.

Nous avons eu l’occasion d’entendre le président et chef de la direction d’Enbridge, Al Monaco, à Québec. C’est lui qui a peut-être le mieux résumé la situation :

Cela pourrait signifier ce qui suit pour les Canadiens : c’est la perte de revenus fiscaux, lesquels servent à financer l’éducation, le système de santé et les collectivités; la disparition d’emplois de qualité, bien rémunérés et hautement qualifiés; l’exode de nos jeunes ainsi que des talents et de l’innovation générés par notre secteur; la perte d’une occasion de réconciliation économique avec les collectivités autochtones; et l’érosion de la compétitivité du Canada.

Il ne s’agit pas d’un problème qui touche seulement l’industrie de l’énergie; c’est un enjeu critique pour le Canada, et il est donc essentiel de rendre ce projet de loi convenable.

Le comité a entendu d’innombrables témoignages sur la situation alarmante au chapitre des investissements dans le secteur de l’énergie ces dernières années, qu’on décrit comme une fuite de capitaux. Des milliards de dollars en investissements sortent du Canada parce que les investisseurs considèrent que l’incertitude entourant la réglementation pose un risque qu’ils ne sont pas prêts à prendre avec leur argent. Peut-on les blâmer? Qui prendrait un tel risque? Si vous aviez des centaines de millions de dollars à consacrer à un grand projet d’exploitation de ressources, les dépenseriez-vous au Canada, sachant très bien que l’évaluation du projet pourrait prendre 900 jours, et ce, sans garantie d’approbation, ou dépenseriez-vous cet argent dans un autre pays où les chances de rentabiliser rapidement votre investissement sont meilleures?

Le comité a entendu que le Canada se classe au 34e rang parmi les 35 pays de l’OCDE pour le délai d’approbation des projets, selon l’indice de la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale.

La fuite des investissements dans le secteur énergétique n’est pas un phénomène mondial, mais plutôt propre au Canada. La demande mondiale pour le pétrole et le gaz est en hausse et, à moins de faire les choses correctement, l’exploitation des sources d’énergie se poursuivra, mais pas au Canada ni conformément aux normes canadiennes de calibre international.

Le comité a aussi entendu Grant Bishop et Grant Sprague, de l’Institut C.D. Howe. Selon leur témoignage, entre 2017 et 2018, la valeur des investissements prévus dans les grands projets d’exploitation des ressources a chuté de 100 milliards de dollars au Canada. Ils nous ont dit que le projet de loi C-69, tel qu’il a été renvoyé au Sénat, ne fera qu’aggraver la situation.

Nous avons entendu la même chose à maintes reprises de la part d’investisseurs, d’intervenants de l’industrie et de bon nombre de chambres de commerce et de groupes de gens d’affaires de partout au pays. Le statu quo pose peut-être problème, mais la version initiale du projet de loi C-69 aggraverait la situation.

À Calgary, Michael Dilger, président et chef de la direction de la Pembina Pipeline Corporation, a averti le comité que le système proposé finira par favoriser le pétrole étranger. Il a dit ceci :

De nombreux pays étrangers n’ont pas les normes éthiques ou environnementales que nous imposons déjà, et encore moins les normes que le projet de loi C-69 envisage. Ces produits nous viennent de l’autre bout du monde, ce qui cause encore plus d’émissions de gaz à effet de serre. Ils nous arrivent par la Voie maritime du Saint-Laurent, alors qu’on pourrait faire correspondre l’offre canadienne à la demande canadienne. [...] C’est absolument illogique.

Je suis on ne peut plus d’accord. En quoi est-il logique, d’une part, de vouer à l’échec l’industrie et les travailleurs canadiens et, d’autre part, de permettre l’importation de pétrole en provenance de l’Arabie saoudite, du Nigeria, de l’Azerbaïdjan et d’autres pays?

L’exploitation de notre pétrole et de notre gaz se fait selon des normes de calibre mondial. Le Canada est un chef de file en matière de réglementation environnementale. Nous devrions en être fiers et le dire haut et fort.

Le problème des changements climatiques doit être abordé d’un point de vue mondial. La méthode la plus efficace pour lutter contre les changements climatiques est de remplacer les énergies plus polluantes. Bien que ce ne soit pas possible à court terme, si le Canada, en théorie, était le seul fournisseur de pétrole au monde, cela entraînerait une réduction de 23 p. 100 des émissions mondiales. C’est ce que les experts ont dit au comité. Lorsque les membres du comité étaient de passage à Terre-Neuve, ils ont appris que l’extraction du pétrole extracôtier au Canada, par exemple, produit un taux d’émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 inférieur à la moyenne.

Lorsque nous envoyons notre pétrole, notre gaz et notre gaz naturel à l’étranger, nous remplaçons d’autres ressources qui sont exploitées selon des normes beaucoup moins rigoureuses. Par exemple, l’exportation de notre gaz naturel remplacera l’utilisation du charbon.

Tôt ou tard, il y aura une transition globale vers un avenir à faibles émissions de carbone, mais cette transition nécessite d’énormes investissements en capital et des efforts importants en matière de recherche-développement. Nous devons commencer à voir nos ressources énergétiques comme étant une partie de la solution et non du problème. Nous devons cesser de considérer notre énergie comme le paria du monde énergétique. Nous sommes le modèle d’excellence et notre produit est inégalé. Nous avons maintenant l’occasion de remplacer les produits inférieurs et ainsi de réduire considérablement les émissions mondiales.

Lorsque le comité était en Nouvelle-Écosse, Nova Scotia Power lui a parlé de ses propres efforts visant à réduire les émissions carboniques au moyen de l’électrification. Cette entreprise a ajouté que des projets comme celui-là nécessitent des investissements majeurs et que les investisseurs ont besoin de plus amples précisions, précisions qui ne sont pas fournies dans le projet de loi C-69.

Lorsque nous étions à Saint John, Énergie Nouveau-Brunswick avait une opinion semblable. L’Atlantica Centre for Energy nous a également dit que l’incapacité à construire des pipelines se traduit simplement par l’augmentation du transport ferroviaire, qui présente un risque bien plus élevé. Le transport de pétrole par rail au Canada a doublé au cours des deux dernières années. Voici ce qu’on nous a dit au sujet du projet de loi C-69 :

Au bout du compte, il n’y aura pas de nouveaux investissements dans des pipelines à la fine pointe de la technologie, alors que d’autres modes de transport continueront de croître sans relâche. Le projet de loi n’améliore pas la protection de la santé, de la sécurité et de l’environnement en favorisant le transport du pétrole par voie ferroviaire [...] Ce ne sera avantageux pour personne; tout le monde y perdra.

M. Van Weilingen a également donné son avis concernant l’effet négligeable qu’aurait l’élimination progressive des sables bitumineux sur les émissions mondiales :

[...] si nous éliminions progressivement nos sables bitumineux, les barils perdus seraient remplacés par ceux d’autres fournisseurs de pétrole lourd.

Il ajoute :

[...] la réduction nette des gaz à effet de serre à l’échelle mondiale résultant de l’élimination progressive de nos sables bitumineux serait de 0,03 de 1 p. 100, c’est-à-dire trois centièmes de 1 p. 100. L’impact serait négligeable. [...] Par ailleurs, entre 2017 et 2018, l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre en provenance de la Chine et de l’Inde a été l’équivalent de l’ajout de 10 secteurs canadiens des sables bitumineux par an. Les émissions de gaz à effet de serre des sables bitumineux du Canada n’ont aucune incidence sur la question des émissions mondiales et des changements climatiques.

La planète a besoin de plus d’énergie provenant du Canada, pas moins.

Partout au pays, nous avons entendu des témoins soulever des préoccupations à l’égard de plusieurs aspects clés du projet de loi C-69. J’en ai mentionné quelques-uns déjà.

Du point de vue de l’industrie, plusieurs préoccupations ont été mentionnées à répétition, notamment concernant la possibilité illimitée de poursuites et de retards. On craint qu’il existe des moyens considérables d’empêcher, peut-être éternellement, les investissements, même les plus solides, dans les projets de grande qualité. Des inquiétudes légitimes ont été exprimées par pratiquement tous les témoins concernant l’incertitude entourant les délais. C’est une préoccupation majeure pour les investisseurs.

Le pouvoir discrétionnaire du ministre est également une source de préoccupation courante, de même que la marginalisation des organismes de réglementation du cycle de vie.

Le comité a également entendu de nombreuses associations municipales rurales et urbaines. Toutes partagent les préoccupations de l’industrie relativement à l’incertitude pour les investisseurs et aux implications pour leur collectivité. On nous a dit que le projet de loi C-69 détruirait les emplois et la sécurité des familles et entraînerait l’étranglement de la prestation de services communautaires.

J’aimerais aussi parler du témoignage des gouvernements provinciaux, à commencer par ceux des provinces de l’Est. M. Higgs, premier ministre du Nouveau-Brunswick, a dit au comité :

[...] ce projet de loi, dans sa forme actuelle, est un obstacle aux investissements dans le secteur énergétique du Nouveau-Brunswick, du Canada atlantique et du Canada. [...] Il est très difficile de ne pas conclure que ce projet de loi vise à interdire la construction de nouveaux oléoducs.

Le premier ministre Higgs nous a exhortés à adopter les amendements proposés par l’industrie, les groupes de parties intéressées et les gouvernements provinciaux.

Le Conseil des premiers ministres de l’Atlantique a envoyé au gouvernement fédéral une lettre signée par les quatre premiers ministres des provinces de l’Atlantique dans laquelle ils dénoncent les lacunes fondamentales du projet de loi qui, selon eux, ne remplira pas son double objectif de protection de l’environnement et de croissance de l’économie.

Pendant notre passage à Québec, le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoît Charette, nous a expliqué que le Québec dénonce ce qu’il considère comme une duplication des évaluations et une violation des compétences provinciales. Selon la province, le projet de loi C-69 aggravera les problèmes. À Ottawa, le ministre de l’Énergie, du Développement du Nord et des Mines, Greg Rickford, nous a dit que l’Ontario partage les préoccupations soulevées par d’autres provinces et associations industrielles au sujet du projet de loi C-69. Le ministre de la Croissance, de l’Entreprise et du Commerce du Manitoba, Blaine Pedersen, s’est fait l’écho de ces préoccupations.

Pour l’Ouest, nous avons entendu la ministre de l’Énergie et des Ressources de la Saskatchewan, Bronwyn Eyre, qui a eu des mots d’encouragement pour le comité :

La nécessité d’un second examen objectif n’a jamais été aussi criante que dans le cas de ce projet de loi.

Enfin, le comité a entendu l’ancienne première ministre de l’Alberta, Mme Notley, et le nouveau premier ministre de l’Alberta, M. Kenney, qui ont tous deux parlé avec force du mépris manifeste de l’Alberta pour la mesure législative qui est proposée. Le premier ministre Kenney a déclaré que l’Alberta appuie les amendements proposés par l’Association canadienne des producteurs pétroliers et l’Association canadienne de pipelines d’énergie, et que le projet de loi C-69 empiète sur les compétences des provinces.

J’aimerais également attirer votre attention sur le fait que, depuis que nous avons fini l’étude article par article, les membres de l’Assemblée législative de l’Alberta ont adopté à l’unanimité une motion appuyant les amendements que nous avons adoptés et ont envoyé une lettre au premier ministre pour lui faire savoir qu’ils appuient notre travail. La lettre a été signée par les chefs des quatre partis siégeant à l’Assemblée législative de l’Alberta, notamment l’ancienne première ministre Notley.

Honorables sénateurs, même si les médias ont surtout parlé de l’Alberta, la question est vraiment pancanadienne comme le montrent les témoignages des gouvernements provinciaux.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur MacDonald, votre temps est écoulé.

Je demande cinq minutes de plus.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Neuf provinces sur dix indiquent clairement au gouvernement que le projet de loi C-69 nécessite des modifications importantes.

Avant de conclure, je vais parler de témoignages donnés par plusieurs groupes autochtones qui participent à l’exploitation des ressources. Chose certaine, leurs présentations m’ont interpellé.

À Calgary, nous avons entendu le chef Roy Fox de la tribu des Blood. Il représente 13 000 membres des Blood, 45 000 membres de la Confédération des Pieds-Noirs et plus de 130 Premières Nations qui sont membres du Conseil des ressources indiennes.

Le chef Fox a dit au comité que, depuis sept décennies, les Premières Nations sont passées du statut de bénéficiaires passifs de redevances à celui d’employés, de partenaires commerciaux et de propriétaires dans le secteur pétrolier et gazier. Il a expliqué que ces changements ont eu des retombées pour la tribu des Blood : ils ont permis de dégager des fonds essentiels pour financer des programmes liés au logement, à la culture, aux loisirs et à l’éducation, en plus de contribuer à tracer une voie vers l’autodétermination et la souveraineté financière.

À Saskatoon, nous avons entendu Sean Willy. Il est le président de Des Nedhe Developments, une société détenue en totalité par la Première Nation d’English River, au nord de Saskatoon. Il a dit au comité que le projet de loi C-69 éliminera les occasions pouvant appuyer le droit des peuples autochtones à la réconciliation économique et à l’autodétermination.

À propos du nombre croissant de Premières Nations qui participent au secteur de l’énergie, il a affirmé ceci :

Ce n’est donc pas une tendance à la baisse.

À Vancouver, Calvin Helin, président d’Eagle Spirit Energy Holding, nous a proposé un corridor énergétique de Fort McMurray à Lax Kw’alaams, sur la côte nord de la Colombie-Britannique. Ce projet jouit de l’appui de 35 Premières Nations, et 85 p. 100 des capitaux propres seraient détenus par des Premières Nations. Le projet changerait la donne pour les Premières Nations de la région, dont certaines, comme M. Helin l’a mentionné au comité, sont généralement aux prises avec un taux de chômage de 90 p. 100.

Nous avons aussi entendu le témoignage de Brian Schmidt, de Tamarack Valley Energy, qui est aussi chef honoraire de la tribu des Blood. Il a expliqué comment les Premières Nations sont, d’abord et avant tout, durement touchées par le ralentissement des investissements :

[...] les investisseurs et les entreprises vont simplement transférer leurs capitaux du Canada à d’autres pays.

Les capitaux peuvent se déplacer, mais les Premières Nations ne peuvent pas changer leur territoire de place.

Chers collègues, nous devons bien faire les choses. Nous avons l’occasion de veiller à ce que le Canada dispose d’un cadre qui lui permet d’être un fournisseur d’énergie stable et responsable pour le monde.

Il ne fait aucun doute que les témoignages accablants entendus par le comité ont mis en lumière le fait que le projet de loi C-69, dans la forme où il est arrivé au Sénat, était inadéquat et qu’il comportait des lacunes fondamentales. On nous a dit que les amendements devraient constituer un système — un tissu dense adopté de façon holistique — pour que le projet de loi fonctionne.

Le Canada partage avec les États-Unis une zone commune sur les plans géographique, environnemental et économique. Il est impératif de fournir à nos travailleurs et à nos régions le cadre qui les rendra concurrentiels dans cet environnement.

Honorables sénateurs, les membres conservateurs du comité ont proposé une série d’amendements entièrement fondés sur les témoignages des principaux intervenants de l’industrie, des provinces et des municipalités ainsi que les amendements qu’ils jugeaient impératifs pour corriger le projet de loi.

En même temps, je tiens à saluer le travail qu’ont accompli les membres indépendants du comité en présentant leur propre série d’amendements réfléchis. Nous savons gré au comité d’avoir accepté notre série d’amendements et d’avoir travaillé dans un esprit de collaboration pour intégrer la plupart des amendements proposés par les membres indépendants.

Chers collègues, notre objectif est d’avoir un système dans lequel tous ceux qui sont directement touchés par un projet pourront exprimer leurs points de vue et leurs préoccupations et dans lequel l’industrie et les intervenants savent que les processus sont clairs et certains, avec des délais raisonnables et sans risques associés à des pouvoirs discrétionnaires unilatéraux s’appliquant aux délais et aux approbations.

Si nous faisons bien les choses, nous pourrons mettre sur pied des projets qui sont dans l’intérêt national, qui sont respectueux de l’environnement et qui créent des centaines de milliers d’emplois, tout en permettant de livrer nos produits de première qualité sur les marchés et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Je tiens par ailleurs à souligner que les témoins du secteur énergétique n’ont eu de cesse de nous dire qu’ils sont favorables à un processus rigoureux et qu’ils ne s’attendent à rien de moins.

Voilà l’objectif que nous devons poursuivre, chers collègues, et je pense que le rapport présenté par le comité peut nous aider à l’atteindre.

Je vous exhorte à adopter le rapport du comité et j’exhorte sincèrement et sérieusement le gouvernement à accepter les résultats de nos délibérations.

Nous devons être à l’écoute des Canadiens. Nous avons écouté les Canadiens et j’exhorte le gouvernement à faire de même. Merci.

L’honorable Dennis Glen Patterson [ + ]

Honorables sénateurs, je suis heureux d’intervenir aujourd’hui pour parler du rapport du comité sur le projet de loi C-69.

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a adopté plus de 180 amendements au projet de loi. Depuis que je suis sénateur, je n’ai jamais vu autant d’amendements être apportés à un projet de loi d’initiative ministérielle. Soit dit en passant, ces amendements s’ajoutent à ceux qui ont été approuvés à l’autre endroit, soit une centaine, si je ne m’abuse.

Un nombre aussi élevé d’amendements est plutôt inusité, mais je tiens à faire remarquer à mes collègues que les Canadiens nous ont demandé très clairement d’apporter des changements importants au projet de loi. Nous avons entendu pas moins de 277 témoins et nous nous sommes rendus dans 9 villes, de Vancouver à St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador, pour bien comprendre les effets que le projet de loi pourrait avoir sur les différentes régions du pays. Partout où nous sommes allés, on nous a dit que le projet de loi C-69 aurait des conséquences importantes pour les travailleurs canadiens, à moins qu’il ne soit amendé.

Je rappelle à mes collègues que le comité a reçu des demandes de modifications substantielles de la part de 9 des 10 gouvernements provinciaux. La résistance à ce projet de loi de la part d’un aussi grand nombre de provinces — représentées par des gouvernements d’allégeance libérale, conservatrice ou néo-démocrate — est sans précédent.

Dans mon discours aujourd’hui, j’aimerais aussi mettre l’accent sur l’Alberta. En résumé, l’ex-première ministre Rachel Notley, qui était à la tête du gouvernement précédent en Alberta, est venue à Ottawa pour exiger une kyrielle d’amendements au projet de loi C-69. Mme Notley nous a dit ce qui suit :

[...] le projet de loi C-69, dans sa forme actuelle, ne fonctionne pas du tout pour l’Alberta.

Le premier ministre Kenney nous a communiqué le même message lorsqu’il a témoigné devant le comité quelques jours après avoir été assermenté :

[...] si ce projet de loi demeure dans sa forme actuelle, il est inacceptable.

Récemment, le gouvernement néo-démocrate de l’ancienne première ministre Notley a été renversé par le Parti conservateur uni du premier ministre Kenney, qui a remporté les élections avec une majorité écrasante après avoir fait campagne en s’opposant farouchement à de nombreuses politiques du NPD.

En ce qui concerne le projet de loi C-69, l’ancienne première ministre Notley et le premier ministre Kenney sont essentiellement du même avis. Le premier ministre Kenney a vivement critiqué le projet de loi C-69 en disant ceci au comité :

[...] ce projet de loi, s’il est adopté dans sa forme actuelle, sera, selon le gouvernement de l’Alberta, un désastre pour l’économie canadienne et entraînera une rupture grave de l’unité nationale.

Si le projet de loi C-69 est adopté dans sa forme actuelle, le gouvernement de l’Alberta le contestera immédiatement [...]

Cela donne matière à réflexion.

De plus, le premier ministre Kenney a appuyé la série d’amendements proposés plus tôt dans l’année par le gouvernement provincial précédent. Les Albertains, toutes allégeances politiques confondues, s’entendent pour exiger des amendements au projet de loi C-69.

Chers collègues, nous avons bien écouté ces exigences. Permettez-moi de passer en revue les demandes précises du gouvernement de l’Alberta.

Il nous a demandé d’amender la définition d’effets cumulatifs afin d’empêcher explicitement les tests portant sur les émissions en aval. Ce genre de test a été imposé arbitrairement au projet Énergie Est après un examen qui avait duré quatre ans, ce qui a directement entraîné l’annulation du projet. Cet amendement figure au rapport du comité qui vous est présenté, selon le libellé formulé par l’Alberta. Il portait le code CPC-1.04V6.

Il nous a demandé de prévoir l’établissement de critères de participation à une évaluation, notamment le fait qu’une personne soit touchée directement par le projet ou possède l’expertise ou des renseignements pertinents. Le comité a adopté l’amendement CPC-1.37c pour répondre à cette demande.

Il nous a demandé d’amender l’article 4 de manière à préciser que les projets relevant exclusivement de la compétence provinciale ne feront pas l’objet du processus d’évaluation fédéral établi dans le projet de loi C-69. Cela comprend les projets comme les pipelines intraprovinciaux et les courts prolongements de pipeline. Cet amendement, le CPC-1.09V6, figure dans le rapport du comité selon le libellé formulé par l’Alberta.

Il nous a demandé d’amender l’article 9 de manière à établir des limites, fondées sur des données scientifiques, au pouvoir illimité du ministre de l’Environnement et du Changement climatique de désigner des projets aux fins d’examen fédéral. Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador avait demandé le même amendement. Cet amendement se trouve dans le rapport du comité. Il a été adopté en deux parties distinctes, présentées comme étant les amendements CPC-1.13a et CPC-1.13b.

Il nous a demandé d’amender le paragraphe 22(1) pour préciser que la loi s’applique uniquement aux effets qui relèvent de la compétence fédérale. Presque toutes les provinces, et pas seulement l’Alberta, craignent que le projet de loi C-69 n’empiète sur des secteurs de compétence provinciale. Cet amendement, adopté par le comité, était intitulé CPC-1.19d, version 6.

Il nous a demandé d’amender l’article 27 pour préciser la portée de la participation publique prévue dans la loi. Cet amendement a été adopté par le comité sous le titre CPC-1.22d.

Il nous a demandé d’amender l’article 47 pour éviter le traitement discriminatoire de l’organisme de réglementation des pipelines du Canada, c’est-à-dire l’Office national de l’énergie, qui devient la Régie canadienne de l’énergie en vertu de cette mesure législative. Le comité a accédé à cette demande en adoptant l’amendement intitulé ENEV-1.35.

Il nous a demandé d’amender l’article 51 pour préciser la portée de la participation du public dans les cas où un projet est évalué par une commission. L’amendement CPC-1.36b répondait à cette demande, et il a été adopté.

Il nous a demandé d’amender l’article 62 pour fixer une limite à la durée de l’évaluation d’un projet. L’amendement CPC-1.42a fixe une telle limite.

Il nous a demandé d’amender l’article 63, jugeant que cette énumération des éléments à considérer aux fins d’une évaluation était présentée dans une perspective trop négative. Deux amendements ont été adoptés pour donner suite à cette demande, intitulés CPC-1.42b et CPC-1.42c.

Il nous a aussi demandé d’amender l’article 117 au sujet de la composition des conseils consultatifs qui seront créés en vertu du projet de loi C-69. Cette demande se reflète dans l’amendement ISG-1.66, version 2.

Enfin, l’Alberta nous a demandé de créer une disposition privative pour mettre les décisions prises en vertu de la loi à l’abri des contestations judiciaires. Un avocat de haut niveau du ministère de la Justice a dit au comité que le projet de loi C-69 crée plus de possibilités de contestations judiciaires que la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012. Les groupes qui s’opposent à l’exploitation en profiteront pour faire obstacle aux projets à moins qu’il y ait une disposition privative. Le comité a adopté un amendement en créant une, l’amendement CPC-1.48, version 6.

Comme vous pouvez le voir, le rapport du comité sur le projet de loi C-69 respecte les souhaits du gouvernement de l’Alberta et de l’opposition officielle, et, surtout, le premier ministre Kenney endosse les amendements. Je crois que les amendements demandés par l’Alberta et par les autres provinces ont amélioré ce projet de loi et j’implore tous mes collègues de voter pour l’adoption du rapport dont nous sommes saisis.

Je veux commenter le travail du comité. J’ai apprécié la décision de se déplacer d’un bout à l’autre du Canada pour entendre des témoignages sur le projet de loi C-69, bien que cela ne se soit pas fait sans l’opposition de certains membres du comité qui, j’en suis certain, ne souhaitent pas être nommés à ce moment-ci.

Au cours des audiences du comité, nous avons constaté la vive inquiétude que suscite ce volumineux projet de loi, qui compte 392 pages. À un certain point, j’ai pensé qu’on avait dépassé les bornes durant la rédaction du projet de loi. Nous avons entendu certaines préoccupations de la part du secteur des ressources naturelles, non seulement les sociétés, mais aussi les petites entreprises et les travailleurs qui dépendent des emplois bien rémunérés de ce secteur. Les travailleurs de l’industrie pétrolière, les mineurs, les constructeurs de pipelines et de navires de forage représentent les piliers économiques sur lesquels repose notre magnifique pays.

Beaucoup ont affirmé que la dernière version du projet de loi leur semblait déséquilibrée et qu’elle constituait une attaque contre ce qui fait la force et l’avenir du pays. On a souligné que, dans les 392 pages, le mot « compétitivité » n’apparait que deux fois, et que les mots « économie » et « croissance économique » sont totalement absents. Heureusement, ces lacunes ont été comblées dans le rapport qui vous est présenté aujourd’hui.

Les déplacements ont pris du temps et je remercie le Sénat d’avoir fourni le soutien nécessaire. On pourrait penser qu’il s’agit d’un précédent inspiré des consultations du Comité des finances menées un peu partout au pays au sujet des modifications proposées à l’impôt des entreprises. Selon moi, il s’agit d’un précédent valable, étant donné l’importance que revêt le projet de loi.

En définitive, étant donné que nous avons mené des consultations intensives d’un océan à l’autre, nous avons eu peu de temps pour envisager des amendements, encore moins pour faire l’étude article par article du projet de loi. Nous avons même cru que le travail du comité échouerait parce qu’il manquait de temps pour éplucher les propositions qui allaient aboutir à, comme vous l’avez entendu, 187 amendements.

Il faut féliciter les leaders au Sénat, car ils ont réglé ce problème, quoiqu’à la dernière minute, en acceptant les amendements réfléchis proposés par les intervenants de l’industrie et d’autres intérêts. Dans mon discours d’aujourd’hui, j’ai parlé de certains amendements en utilisant les codes « ISG » et « CPC » tirés de la matrice complexe codée par couleurs avec laquelle nous avons travaillé et qui a été préparée en un temps record par les légistes et les greffières du comité, mais il faudrait vraiment considérer que ces amendements ont été faits par le comité.

Ils ne sont pas parfaits. J’ai encore des réserves, mais je crois que, en définitive, nous avons amélioré un projet de loi qui comportait des lacunes. À mon avis, nous l’avons rendu plus équilibré.

J’aimerais ajouter qu’on a mis sur pied un sous-comité dont j’ai eu le privilège de faire partie. Nous avons travaillé très fort, matin, midi et soir. Tous les membres ont reçu l’aide d’un personnel très compétent. J’ai envie de raconter que j’ai une photo prise en fin de soirée où l’on voit les sénateurs Carignan, Wetston, Woo, Cordy, Mitchell et Tkachuk. Le sénateur Tkachuk se démarque du lot, puisqu’il portait encore son veston à cette heure tardive.

Pour rendre hommage au personnel compétent qui nous a soutenus, je me permets de saluer plus particulièrement l’excellent travail de la directrice des affaires parlementaires, Claudine Santos, qui s’est acquittée de ses fonctions avec diligence et dynamisme.

Nous avons travaillé fort, selon une approche équilibrée et en faisant preuve de bonne volonté et de respect. J’estime que nous avons su améliorer le projet de loi. Alors que nous nous apprêtons à adopter ce projet de loi pour le faire passer à l’étape suivante, mon souhait le plus cher est que l’autre endroit évite de remanier nos propositions et de ne conserver que celles qui font son affaire. Il y a peut-être des lacunes techniques à corriger, mais le comité a déployé des efforts considérables.

La présidence de ce comité fut un véritable baptême du feu pour la sénatrice Galvez, qui était novice en la matière. Je ne veux pas manquer de respect envers la sénatrice en disant cela, mais c’est ce qu’elle était. Au bout du compte, nous avons accompli notre tâche, même si c’était loin d’être simple et que nous avons eu droit à quelques sautes d’humeur. Nous avons travaillé fort. Je pense que, en fin de compte, nous avons obtenu de bons résultats, même s’ils ne sont peut-être pas parfaits et acceptables pour tous. Cependant, j’espère sincèrement que l’autre endroit respectera notre travail. Nous avons appris aujourd’hui qu’il avait accepté à l’unanimité des amendements apportés par le Sénat à un autre projet de loi. J’espère vraiment que c’est ce qui se produira avec cette mesure législative.

Je vous recommande de l’appuyer. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Mitchell, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

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