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Le Sénat

Adoption de la motion tendant à demander au gouvernement de désigner immédiatement le Corps des Gardiens de la révolution islamique comme entité terroriste

6 juin 2023


L’honorable Leo Housakos [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion cruciale présentée par la sénatrice Omidvar pour exhorter le gouvernement du Canada à inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des entités terroristes. Évidemment, cela ne surprendra personne. Beaucoup d’entre vous m’ont entendu prendre la parole dans cette enceinte au fil des années sur cet enjeu très important à mes yeux, un enjeu qui est aussi très important pour ce caucus depuis de nombreuses années. Les droits fondamentaux sont universels. Les droits fondamentaux n’ont ni religion ni couleur et ils ne devraient pas avoir d’allégeances politiques.

Malheureusement, j’ai constaté trop souvent que la politique empêche de faire la bonne chose et de défendre les droits fondamentaux sans réserve. Évidemment, je prends la parole pour condamner le Corps des Gardiens de la révolution islamique et l’Iran, comme mes collègues l’ont fait avant moi. Au début de ma carrière de sénateur, en 2009 et 2010 la sénatrice Frum et le sénateur Tkachuk prenaient immanquablement la parole pour condamner le Corps des Gardiens de la révolution islamique pour leurs horribles violations des droits fondamentaux et le fait que c’est probablement l’organisation qui finance le plus le terrorisme d’État dans le monde. C’est un régime qui est diaboliquement déterminé à détruire les valeurs et les principes de l’Occident. À maintes reprises, on a pu constater qu’il finance des organisations comme le Hezbollah et d’autres groupes terroristes et fondamentalistes un peu partout dans le monde.

Cet État traite les femmes plus atrocement que tout autre État. Nous avons vu l’escouade de la moralité cueillir des citoyens sans aucune raison, sans le moindre fondement juridique, pour les emprisonner, voire pire encore. Des gens ont été fouettés à cause de leurs croyances religieuses, de leur foi ou, en fait, de leur athéisme.

C’est un régime répugnant, qui compte parmi les grandes brutes du XXIe siècle, aux côtés du Parti communiste chinois à Pékin et du régime d’Erdogan. Ils sont en concurrence pour savoir quel pays peut emprisonner le plus de journalistes et priver du plus de droits possible les membres de la communauté LGBTQ ou les femmes, comme je l’ai dit, ou n’importe qui d’autre.

Bien entendu, notre institution a l’obligation morale de dénoncer ce régime, tout comme le gouvernement canadien a l’obligation morale de toujours se placer du bon côté de l’histoire, comme le Canada le fait la plupart du temps. Je reviens à l’an 2007, lorsque le gouvernement canadien a interdit aux Canadiens d’entretenir des relations financières ou autres avec les personnes désignées par des sanctions des Nations unies dans leur résolution 1737; ou en 2010, quand le gouvernement a imposé des sanctions supplémentaires contre l’Iran en raison de la prolifération d’activités nucléaires dangereuses. Ces mesures ont été prises en étroite consultation avec des partenaires aux vues similaires, notamment les États-Unis et l’Union européenne, en réponse à une grave atteinte à la paix et à la sécurité internationales susceptible d’entraîner une grave crise internationale. En 2010 également, le Canada, qui présidait alors le G8, a donné la priorité aux mesures contre l’Iran. Le premier ministre Stephen Harper avait alors déclaré : « Le Canada profitera de sa présidence du G8 pour continuer à attirer l’attention de la communauté internationale sur le régime iranien et à prendre des mesures à son encontre. »

En 2012, le Canada a suspendu ses relations diplomatiques avec l’Iran, donnant aux diplomates iraniens cinq jours pour quitter le pays. C’est ce qu’on appelle du leadership, et c’est ce qu’on appelle de l’action. Il a également fermé l’ambassade du Canada en Iran. Le Canada a mis à jour ses conseils de voyage et ses avertissements pour recommander aux Canadiens d’éviter tout voyage en Iran. Simultanément, le Canada a inscrit l’Iran sur la liste des États soutenant le terrorisme en vertu de la Loi sur l’immunité des États.

Honorables collègues, ce ne sont là que quelques exemples de mesures qui ont été prises par un gouvernement guidé par des principes, à l’époque où la politique étrangère reposait sur des principes plutôt que sur une approche purement opérationnelle ou automatique qui pousse un gouvernement à se contenter de faire ce que le gouvernement précédent faisait avant lui. C’était un gouvernement qui faisait le choix de défendre ce qui était juste, sans égard aux conséquences politiques ou économiques. Je peux vous dire qu’à mes débuts au Sénat, de 2007 à 2012, j’étais très fier du gouvernement, parce qu’il savait joindre le geste à la parole.

Le fait est que, dans les dernières années, chaque fois que j’ai demandé au gouvernement du Canada pourquoi il n’a pas inscrit le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste et pris d’autres mesures à l’égard de ce groupe, je n’ai eu droit à rien d’autre que des réponses hésitantes et des discours creux disant que tout cela est compliqué et que nous soutenons les droits de la personne, mais qu’il faut tenir compte de ceci ou de cela. Au bout du compte, comme je l’ai dit, il faut toujours joindre le geste à la parole.

Nous avons également vu un gouvernement se faire élire au Canada en 2015, et ce fut l’un des moments les plus honteux de ma carrière parlementaire en tant que Canadien. Nul d’entre nous ne doit oublier que le premier ministre et le gouvernement actuels ont utilisé des mots tels que « Nous devons ouvrir le dialogue avec l’Iran ». N’oublions pas, chers collègues, qu’en 2016, le gouvernement actuel parlait de rouvrir notre ambassade en Iran et de rétablir nos relations diplomatiques avec l’Iran.

Soit dit en passant, l’Iran n’a jamais fait trêve de violation des droits des femmes en 2016. Il ne traitait pas mieux les homosexuels, les lesbiennes et les gais en 2016. Il n’a jamais montré le moindre signe de glasnost ou d’ouverture. Il n’a jamais dit : « Vous savez quoi? Nous allons cesser de financer le Hezbollah. » Rien n’avait changé, mais le gouvernement du Canada a mis ses œillères et décidé de faire le contraire de ce que faisait le gouvernement précédent. Ce n’était ni plus ni moins plus qu’une manifestation flagrante et inacceptable de politique partisane.

Puis, pendant cette période, des motions à la Chambre des communes ont été rejetées encore et encore, des motions qui demandaient que le régime iranien de l’époque soit fermement condamné. En 2018, le régime continuait de commanditer le terrorisme dans le monde entier, notamment en fomentant des attaques violentes à la frontière de Gaza. Nous avons demandé à la Chambre des communes, à l’époque, de condamner les déclarations récentes du chef suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, appelant au génocide contre le peuple juif. Nous avons demandé au gouvernement d’abandonner son plan d’alors et de cesser immédiatement toute négociation ou discussion en vue du rétablissement des relations diplomatiques. Je pourrais continuer longtemps.

Or, nous n’avons obtenu aucun résultat. Le gouvernement s’est contenté de dire : « Nous pouvons faire mieux. » Je ne pense pas qu’il ait fait mieux. Je ne pense pas qu’il soit préférable d’enhardir les intimidateurs, les terroristes et les organisations de ce genre en les laissant penser qu’un gouvernement démocratique comme le nôtre est de nature transactionnelle et que nous sommes prêts à conclure une entente à tout prix, que nos âmes et les droits de la personne sont à vendre. Je pense que c’est en fait méprisable, et ce fut l’un des moments les plus embarrassants que j’ai vécus en tant que parlementaire.

Je peux cependant vous dire ceci : j’ai connu de nombreux moments embarrassants en tant que Canadien et en tant que parlementaire depuis 2015, parce que je me suis montré sans équivoque sur les droits de la personne. Peu importe qu’il s’agisse de la minorité des Ouïghours en Chine, de la liberté de la presse et des libertés religieuses vis-à-vis du régime Erdogan ou de l’Iran et des 55 Canadiens qui ont perdu la vie quand le vol PS752 a été abattu, ou de bien d’autres choses encore. Il ne faut jamais, au grand jamais, faire preuve de souplesse ou de tolérance à l’égard de ces ignobles brutes.

Pourtant, le gouvernement l’a fait, et je pense que c’est une erreur. Parmi la liste des actions méprisables du gouvernement et du Parlement, rien n’a été plus embarrassant que, il y a quelques années, lorsque nous avons présenté une motion au Sénat reconnaissant ce qui arrivait à la minorité turque des Ouïghours en Chine et que nous avons appelé les choses par leur nom, c’est-à-dire un génocide. Soit dit en passant, chers collègues, de toutes les chambres démocratiques du monde occidental industrialisé, aucune, à l’exception du Sénat du Canada, n’a rejeté cette motion. Il s’agit de l’expérience la plus honteuse qu’il m’ait été donné de vivre en tant que parlementaire. Rien ne le justifiait. Je n’arrive toujours pas à justifier comment une majorité de sénateurs nommés par le gouvernement, soit 33 sénateurs, ont voté contre une motion reconnaissant comme un génocide ce qui se passait contre la minorité des Ouïghours en Chine. Nous savons bien ce qui se passait. Appelons un chat un chat.

Dans l’autre Chambre, qui est en situation de gouvernement minoritaire, les néo-démocrates, les conservateurs et les bloquistes ont fait ce qui s’imposait et ont appelé un chat un chat, et le gouvernement s’est abstenu de le faire. Soit dit en passant, c’est le seul gouvernement démocratique occidental qui s’est abstenu de l’appeler par son nom. Les Américains n’ont pas eu peur. Les Britanniques n’ont pas eu peur. Les Français n’ont pas eu peur. Qu’est-ce qui a bien pu pousser le gouvernement à s’abstenir jusqu’à ce jour, si ce n’est la décision de céder à un tyran et à un gouvernement qui n’a aucun respect pour les droits de la personne? Ce comportement méprisable est passé de l’autre endroit au Sénat — et il a contaminé cette enceinte. Non seulement nous avons refusé que cette motion défende nos principes et soit un symbole d’espoir pour la défense des gens et des droits de la personne, mais nous avons aussi fait la chose la plus méprisable qui soit. Trente-trois sénateurs ont voté contre cette motion. À vous de vous regarder dans le miroir au fil des ans et de vous demander pourquoi.

Ils sont indépendants.

Le sénateur Housakos [ + ]

Sénatrice Omidvar, je suis bien content qu’il y ait un intérêt soudain du Sénat à ce sujet et, évidemment, les membres de notre groupe respectent et appuient votre motion; elle tombe sous le sens.

Je voudrais cependant voir plus de constance en matière de droits de la personne et moins de sélection au cas par cas. Je veux également que le gouvernement qui représente le Parlement et le pays ait le courage de dénoncer l’Iran lorsqu’il finance le Hezbollah et lorsqu’il commet ses exactions au Liban, à Gaza et partout dans le monde. Une motion centrée sur nous-mêmes qui ne fait que demander au gouvernement d’inscrire le groupe sur la liste des entités terroristes ne suffit pas. Nous demandons au gouvernement de le faire depuis 2015. Nous voudrions que le leader du gouvernement prenne la parole et dise que le groupe sera inscrit sur cette liste. J’aimerais que le leader du gouvernement intervienne au Sénat comme représentant de cette institution pour dire au gouvernement qu’il représente d’inscrire immédiatement le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des entités terroristes. Il a l’obligation morale de le faire. Tant que nous ne commencerons pas à agir de cette manière, je pense que je demeurerais un peu sceptique à propos de l’objet de bon nombre de ces motions, notamment du moment et de la façon dont elles sont présentées.

Cela fait maintenant huit ans que nous sommes dirigés par un gouvernement qui est laxiste en matière de violation des droits de la personne et qui se montre trop indulgent envers l’Iran. Il y a quelques semaines à peine, j’ai posé une question au sujet d’une nouvelle rapportée par les médias canadiens, à savoir que des parents et des amis de l’ayatollah et de membres du régime iraniens habitent à Toronto. Ils vivent des revenus de ce régime, en toute liberté, sans être ciblés par les sanctions Magnitski. Aucune des lois en vigueur dans notre pays ne permet de demander des comptes aux membres de ce régime autoritaire, à leurs amis et à leur famille. Chers collègues, vous étiez présents lorsque j’ai posé la question, et vous pouvez la retrouver dans la transcription des délibérations de cette séance. J’ai obtenu des réponses inacceptables de la part du leader du gouvernement et, bien entendu, nous n’obtenons jamais de réponses acceptables de la part du gouvernement. Ses membres continuent de nous dire que la question est compliquée.

Je pourrais continuer encore et encore, mais il est un peu tard, et je sais que tout le monde est fatigué. Tout ce que je dirai, c’est que nous, les conservateurs, soutenons évidemment la motion. Cela fait maintenant deux décennies que nous sommes cohérents lorsqu’il s’agit de condamner le Corps des Gardiens de la révolution islamique. Nous n’avons jamais hésité. Lorsque M. Harper était au gouvernement, il a pris des mesures concrètes. Il l’a fait sur la scène internationale. Il n’a jamais eu peur de le faire. Il n’a jamais eu peur des conséquences ni d’un retour de bâton, alors qu’actuellement, le gouvernement a peur d’interpeller Pékin. Pendant environ deux ans, en 2016-2017, ils nous ont donné un cours de diplomatie et se disaient disposés à rouvrir les ambassades en Iran. Ce sont des faits. Je n’invente rien, et vous le savez tous.

Mettons cette motion aux voix. Elle mérite d’être adoptée, sénatrice Omidvar, mais, chers collègues, assurons-nous également à l’avenir de défendre les droits de la personne en tout temps. C’est notre obligation en tant que nation.

Merci.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

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