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Éthique et conflits d'intérêts des sénateurs

Adoption du premier rapport du comité

30 novembre 2023


L’honorable Michael L. MacDonald

Honorables sénateurs, je prends la parole pour réagir au premier rapport du Comité sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, qui concerne les propos que j’ai tenus sur la rue Wellington en février 2022 et mon manque de collaboration à l’enquête subséquente menée par le conseiller sénatorial en éthique.

Je dois dire avant tout que j’accepte entièrement les conclusions de mes collègues du comité et que je les remercie d’avoir examiné attentivement cette regrettable affaire.

Ce fut pour moi un processus très difficile et une bonne leçon d’humilité.

J’ai reçu beaucoup de messages constructifs de la part de gens qui ont été choqués par la manière dont je me suis exprimé pendant les manifestations du convoi, en 2022. Mes propos et les termes que j’ai employés manquaient de sensibilité, et je présente mes excuses les plus sincères à tous les gens que j’ai pu offenser ainsi qu’à ceux qui ont été déçus de moi, y compris mes amis, ma famille et mes pairs du Sénat.

Les propos que j’ai tenus ne représentent pas la personne que je suis, et cela a beaucoup pesé sur ma conscience. Cela a été un lourd fardeau à porter pendant les presque deux ans qu’a duré ce processus d’enquête, un processus que j’aurais pu aborder de manière bien plus appropriée. Je comprends cela, je vous assure.

Je n’avais jamais fait l’objet d’une enquête auparavant ni même pris part à un processus d’enquête. J’avais hâte d’en finir, mais le processus m’a fait ressentir de la honte, de l’isolement et de la frustration. Cela dit, j’aurais pu mieux gérer tout cela. C’est entièrement de ma faute. Je n’ai jamais voulu faire obstacle volontairement au processus et je ne cautionne certainement pas une telle attitude.

Je reconnais que la procédure que nous avons mise en place a une raison d’être, celle de maintenir la confiance du public dans l’intégrité des sénateurs et de cette institution. Un manque de coopération nuit à ce processus important. Je n’ai pas respecté cette obligation, et c’est inacceptable. Je le comprends et je m’en excuse sincèrement.

Chers collègues, j’ai le grand privilège de siéger au Sénat et de servir les Canadiens et ma province. Je suis fier du travail précieux que nous accomplissons. Toutefois, je comprends que le privilège de siéger dans cette enceinte exige de nous que nous respections les normes les plus strictes, et je sais que j’ai manqué à ces normes. Je n’ai pas respecté mes propres normes.

Je vous assure que j’ai tiré de grandes leçons de cette expérience qui force à l’humilité. Je considère que le Comité de l’éthique m’a entendu de façon juste et qu’il m’a jugé objectivement.

Je ferai mieux à l’avenir. Merci.

L’honorable Dennis Glen Patterson [ + ]

Votre Honneur, j’ai cru comprendre qu’il y avait eu un accord pour que cette question soit réglée aujourd’hui. Je voudrais m’exprimer à ce sujet.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Débat?

Le sénateur D. Patterson [ + ]

Je veux participer au débat, oui.

Honorables sénateurs, je voudrais parler du rapport et des recommandations du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts concernant le sénateur Michael L. MacDonald.

Tout d’abord, je tiens à préciser que, en parlant de ce rapport, je n’ai aucune intention de critiquer le Comité sénatorial sur l’éthique. Il a un devoir solennel et important, qui consiste essentiellement à juger ses pairs, ce qui, je le sais, n’est pas une tâche facile. Comme j’ai déjà siégé à ce comité, je suis bien conscient de ces défis.

Toutefois, je tiens tout de même à formuler quelques observations sur le rapport du comité, car je crois que c’est mon droit de le faire. J’aurais préféré avoir plus de temps pour préparer mes notes, mais je respecte la volonté du Sénat de traiter de cette question aujourd’hui.

Février de l’an dernier est effectivement loin derrière nous. On se rappellera les événements qui se sont produits au cours des semaines tumultueuses du soi-disant « convoi pour la liberté ».

Voici les faits tels que je les comprends.

Tout d’abord, le sénateur MacDonald a été approché par un individu qui voulait s’entretenir avec lui. Cet individu voulait enregistrer l’entretien avec une caméra montée sur un trépied. Cet événement s’est déroulé dans la rue.

Le sénateur avait demandé à ce que la conversation ne soit pas enregistrée, et son interlocuteur lui a dit qu’elle ne le serait pas, mais c’est tout le contraire qui s’est produit. Non seulement la conversation a été enregistrée sur vidéo, mais elle a été publiée dans les médias sociaux, où elle est immédiatement devenue virale. Le sénateur MacDonald avait pourtant demandé à ce que la conversation demeure privée et il avait des raisons de croire que ce serait le cas.

Je pense qu’il n’est pas nécessaire de préciser ce que tout le monde sait déjà, c’est-à-dire que le sénateur passait la soirée avec des amis et qu’ils avaient consommé de l’alcool. Ce n’était pas un engagement dans le cadre de ses fonctions parlementaires. Dans ces circonstances, la demande du sénateur de ne pas enregistrer la conversation sur vidéo était justifiée.

Après que l’individu en question lui ait confirmé que la conversation allait demeurer privée, et non enregistrée, le sénateur MacDonald a émis les commentaires que nous avons entendus encore une fois aujourd’hui et pour lesquels c’est la deuxième fois que le sénateur présente des excuses au Sénat et au public. La première fois, c’était à la toute première occasion qui s’est présentée immédiatement après ce regrettable incident. En fait, j’aimerais rester sur ce sujet un bref instant.

Tout cela s’est produit pendant une période où le Sénat nous permettait de participer aux séances du Sénat par Zoom en raison de la pandémie de COVID. Lorsque la vidéo est devenue virale et a été abondamment diffusée non seulement sur les médias sociaux, mais aussi auprès de médias importants, souvent sans la version où le sénateur MacDonald demandait clairement que la conversation ne soit pas enregistrée, le sénateur MacDonald est revenu immédiatement à Ottawa pour présenter ses excuses en personne au Sénat à la première occasion, c’est-à-dire à la séance suivante du Sénat.

Quand cela s’est produit, il n’était pas en déplacement pour effectuer un travail parlementaire au Canada ou à l’étranger. Il était sorti prendre un verre avec des amis.

Pourquoi me semble-t-il important de le mentionner? Eh bien, je crois qu’il y a un élément juridique dont il faudrait tenir compte ici. Je pense au rapport d’enquête que le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs a publié en juillet 2015, lorsqu’il a émis la directive 2015-02 en vertu du pouvoir que lui confère le paragraphe 37(2) du code. Ce paragraphe l’autorise à donner des directives générales en ce qui concerne l’interprétation et l’application du code.

La directive établit, entre autres choses, que la règle de conduite générale prévue à l’article 7.1 du code :

[...] s’applique à toute conduite d’un sénateur, qu’elle soit ou non directement liée à ses fonctions parlementaires, pouvant être contraire aux normes les plus élevées de dignité inhérente à la charge de sénateur et/ou pouvant déprécier la charge de sénateur ou l’institution du Sénat.

C’est exactement ce qu’a dit l’honorable présidente du comité, la sénatrice Seidman, lorsqu’elle a présenté le rapport, qui est inscrit au Feuilleton du Sénat aujourd’hui.

Le rapport d’enquête examine la question plus en détail. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une question liée au privilège parlementaire, je tiens à souligner qu’il me semble nécessaire de soulever un point que le conseiller sénatorial en éthique et le comité sénatorial semblent avoir négligé en arrivant à la conclusion que l’article 7.1 s’applique à la conduite d’un sénateur qui n’est pas « [...] directement liée à ses fonctions parlementaires [...] »

La principale question est de savoir si l’article 7 couvre les affaires qui dépassent la portée des devoirs et fonctions d’un sénateur.

J’aimerais attirer votre attention, honorables sénateurs, sur le fait que les arguments présentés dans le rapport d’enquête ne tiennent pas compte, à mon avis, d’un détail de la Loi sur le Parlement du Canada, qui stipule ce qui suit à l’article 20.5 :

Le conseiller s’acquitte des fonctions qui lui sont conférées par le Sénat en vue de régir [...]

 — et je veux mettre l’accent là-dessus —

[...] la conduite des sénateurs lorsqu’ils exercent la charge de sénateur.

La question juridique importante qui se pose ici, c’est de savoir si ce qui me semble être des dispositions claires de la Loi sur le Parlement du Canada permettent au Sénat d’élargir les devoirs et les fonctions du conseiller sénatorial en éthique et du comité au-delà de la conduite des sénateurs dans l’exercice de leurs devoirs et de leurs fonctions. Est-il possible que le conseiller sénatorial en éthique et le comité aient commis une erreur en appliquant les dispositions du code au comportement du sénateur MacDonald?

En tout respect, je pense qu’il est grandement exagéré dans cette affaire — et je parle des faits de cette affaire — de suggérer que la conduite en question d’un sénateur accosté dans la rue alors qu’il rentrait d’un événement privé avec des amis puisse être décrite comme une situation où le sénateur MacDonald s’acquittait de ses devoirs et fonctions de sénateur, surtout qu’il a explicitement demandé que la conversation soit privée.

J’ai également des réserves avec le fait que le Sénat cherche à appliquer le code à ce discours dans cette situation. L’autre question juridique est de savoir si cette interprétation du code d’éthique du Sénat — cette directive — pourrait constituer une violation de l’alinéa 2b) de la Charte. Les conseillers juridiques du Sénat pourraient, bien sûr, souligner que le privilège parlementaire n’est pas assujetti à la Charte en raison des arrêts de la Cour suprême New Brunswick Broadcasting Co. et Vaid.

Je voudrais souligner à cet égard ce que la Cour suprême du Canada a dit dans l’affaire Vaid au paragraphe 29-12 :

Les tribunaux peuvent examiner de plus près les affaires dans lesquelles la revendication d’un privilège a des répercussions sur des personnes qui ne sont pas membres de l’assemblée législative en cause, que celles qui portent sur des questions purement internes [...]

Le discours du sénateur MacDonald a été prononcé à l’extérieur et non dans le cadre de travaux et, sans doute, pas alors qu’il s’acquittait de ses fonctions de sénateur. Devenir sénateur ne veut certainement pas dire avoir moins de droits constitutionnels qu’un simple citoyen.

Enfin, je veux parler de la recommandation formulée dans ce rapport, selon laquelle le sénateur MacDonald devait faire l’objet d’un blâme du Sénat.

Il s’agit d’une sanction grave qui, à mon avis, ne devrait pas être approuvée à la légère. Si nous acceptons cette recommandation aujourd’hui, nous créons un précédent — un autre. Je dis qu’il ne faut pas prendre cette question à la légère, car le mot « blâme » désigne une remontrance officielle, ou, selon le dictionnaire, une réprimande officielle grave infligée à quelqu’un. On le décrit aussi comme un reproche sévère.

Depuis que je suis au Sénat, soit seulement 14 ans et des poussières, c’est vrai, le Sénat n’a approuvé qu’une seule recommandation de blâme. J’étais membre du Comité de l’éthique lorsque le Sénat a formulé et a adopté cette recommandation.

Dans ce cas-là, ce n’est pas la conduite reprochée au sénateur en question qui a fait l’objet d’un blâme, mais plutôt son refus de coopérer avec le conseiller sénatorial en éthique alors que celui-ci faisait enquête sur les faits reprochés. Ce sénateur retardait le processus et n’était pas disposé à révéler de l’information, et on a conclu que cette attitude avait quelque chose de trompeur.

Dans le cas qui nous occupe, je ne crois pas forcément qu’on a affaire à une situation où le sénateur MacDonald n’a pas coopéré entièrement avec le conseiller sénatorial en éthique comme l’exige le code. Conformément aux exigences, le sénateur MacDonald a rencontré sans tarder le conseiller sénatorial en éthique. Il n’a pas accepté les mesures correctives recommandées par le conseiller, ce qui a amené le comité à faire les recommandations dont nous sommes saisis aujourd’hui. Cependant, ne pas accepter les mesures correctives recommandées par le conseiller sénatorial en éthique est très différent de ne pas se montrer coopératif lorsque le conseiller formule ses recommandations, ce qui était, selon moi, la raison pour laquelle une recommandation de blâme avait été faite et adoptée par le Sénat dans le cas précédent.

Le sénateur MacDonald a déjà présenté des excuses deux fois aujourd’hui. C’est l’une des recommandations du comité. J’aimerais dire que j’ai eu le privilège de voyager à l’étranger avec le sénateur MacDonald, et je considère qu’il se comporte avec toute la dignité et l’intégrité qui est de mise lorsque nous voyageons en tant qu’ambassadeurs, en particulier à l’extérieur de nos frontières.

En conclusion, honorables sénateurs, j’aimerais dire ceci : « L’erreur est humaine et le pardon, divin. » Avec le plus grand respect, je crois que le sénateur MacDonald a payé un prix énorme si l’on pense à l’attention dont il a fait l’objet dans les médias sociaux et les médias publics. Si je ne m’abuse, il a présenté des excuses deux fois au Sénat.

Je tiens à le préciser officiellement. Par ailleurs, je crois que le comité pourrait se pencher sur des questions d’ordre juridique dans une prochaine affaire, si ce n’est dans le cas présent. Pour les raisons que j’ai présentées, je crois que la recommandation de blâme du comité est excessive et que les excuses et l’humiliation publique devraient être jugées suffisantes. Pour cette raison, je vais voter contre l’adoption de ce rapport. Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

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