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Le Sénat

Adoption de la motion tendant à exhorter le gouvernement à ordonner à l’envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme de convoquer un deuxième sommet national pour combattre l’antisémitisme

31 octobre 2024


L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion no 181, qui demande la tenue urgente d’un deuxième sommet national pour lutter contre l’antisémitisme. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je me permets de faire une mise en contexte pour les gens qui nous écoutent à la maison.

Mon collègue le sénateur Housakos a donné préavis de cette motion le 29 février, il y a exactement huit mois. Il en a parlé le 16 avril, et le débat a été ajourné par le sénateur Dalphond. Cette motion s’inspire du travail inlassable de Marvin Rotrand, de l’organisme montréalais Unis contre la haine Canada.

M. Rotrand a récemment communiqué avec tous les leaders des différents caucus du Sénat pour demander pourquoi l’étude de cette motion n’avait pas progressé.

Au départ, M. Rotrand avait communiqué avec le sénateur Gold pour se renseigner sur ce qu’il advenait de la motion. Malheureusement, le sénateur Gold lui a servi l’excuse que, comme il ne s’agissait pas d’une question relevant du gouvernement, il n’interviendrait pas pour faire en sorte que la motion soit débattue. Voilà un autre exemple clair de l’incohérence du sénateur Gold quant à son rôle. Il prétend qu’il n’interviendra pas sur une motion contre l’antisémitisme sous prétexte qu’il ne s’agit pas d’une motion du gouvernement. Pourtant, pas plus tard que cette semaine, ce même sénateur a participé à deux reprises à l’étude du projet de loi C-282 au Comité des affaires étrangères. D’ailleurs, le sénateur Gold a assisté à toutes les réunions du comité sur ce projet de loi, qui n’est pourtant pas un projet de loi du gouvernement.

Il y a là un paradoxe indéniable. Le sénateur Gold refuse de lever le petit doigt pour appuyer la motion no 181, mais il est prêt à investir des efforts considérables dans un projet de loi non gouvernemental — un projet de loi d’initiative parlementaire — qui ne provient pas du gouvernement ni du Parti libéral du Canada. Sa nouvelle préoccupation pour l’avenir des industries du poulet, du dindon, des œufs et de la production laitière et le temps qu’il y consacre sont pour le moins discutables, surtout si l’on compare ses efforts dans ce dossier à son inaction et à l’abdication de ses responsabilités dans celui de l’antisémitisme, un enjeu qui, nous le savons, lui tient particulièrement à cœur.

Quoi qu’il en soit, après huit mois de stagnation, il est temps que le Sénat bouge.

Mardi de la semaine dernière, j’ai invité les autres leaders à parler de la motion et à inciter les membres de leur groupe respectif à faire de même. J’ai pu compter sur leur pleine collaboration.

Jeudi dernier, j’ai informé les autres leaders que je souhaitais mettre la motion aux voix aujourd’hui. Là aussi, j’ai eu leur entière collaboration. Je les en remercie.

Chers collègues, il est temps que le Sénat dise clairement aux Canadiens, et surtout à la communauté juive, qu’il prend la question de l’antisémitisme au sérieux. Nous sommes aux côtés de nos concitoyens qui se font attaquer et nous allons talonner le gouvernement pour qu’il fasse quelque chose.

Le temps est venu de nous prononcer sur cette motion, parce que l’antisémitisme est loin d’avoir disparu du Canada, bien au contraire.

La motion demande essentiellement à l’envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme d’organiser un deuxième sommet national sur la lutte contre l’antisémitisme. Comme vous le voyez, ce n’est pas beaucoup demander. La motion demande la tenue d’un sommet. Elle est toutefois essentielle, car elle arrive à un moment difficile de l’histoire de la communauté juive au Canada et ailleurs.

Bien que l’antisémitisme existe depuis des temps immémoriaux, le nombre d’incidents antisémites est en hausse depuis un an. Le moment est venu d’envoyer un message clair.

Nous savons tous en quoi consiste l’antisémitisme : c’est un préjugé ou une haine contre les Juifs. Pour des raisons qui me semblent obscures, l’antisémitisme a persisté tout au long de l’histoire, disparaissant momentanément du discours public pour refaire surface avec une intensité sans précédent.

De l’Égypte ancienne aux temps modernes, cette haine des Juifs est incompréhensible. Pourquoi tant de haine? Depuis des siècles, les Juifs servent souvent de bouc émissaire et ils sont accusés à tort d’être responsables d’événements catastrophiques, de maladies, de difficultés économiques et de famines.

Aujourd’hui encore, certains politiciens états-uniens accusent les Juifs de contrôler la météo et de causer des incendies de forêt catastrophiques à l’aide de rayons laser provenant de l’espace.

Souhaitez-vous participer au débat?

Cette haine s’accompagne de nombreux stéréotypes ridicules et révoltants sur les Juifs. Certains tentent de justifier l’antisémitisme en le liant à l’antisionisme, affirmant que la haine contre les Juifs découle de la haine contre Israël.

Pourtant, l’antisémitisme existait bien avant la création d’Israël en 1948. Cet argument me pose deux problèmes. Premièrement, je ne peux pas accepter d’assimiler un désaccord profond avec les politiques menées par l’État d’Israël à la haine contre la population d’Israël. Deuxièmement, le déversement de cette haine contre Israël sur les gens qui vivent ici est tout simplement révoltant.

De nombreux Canadiens ne sont pas d’accord avec les politiques d’un gouvernement étranger. Ils ont tout à fait le droit d’exprimer leur opinion et de manifester devant l’ambassade ou le consulat de ce pays. En revanche, attaquer une synagogue à Montréal ou boycotter un restaurateur à Toronto simplement parce qu’on n’aime pas Israël, c’est ignoble.

Qu’une chose soit bien claire : désapprouver les politiques d’Israël ne fait pas de quelqu’un un antisémite. Toutefois, s’attaquer à des Juifs parce qu’ils sont Juifs en utilisant les actions d’Israël comme justification, c’est de l’antisémitisme. C’est de la haine contre les Juifs, purement et simplement.

Comme l’a récemment souligné Meric Gertler, président de l’Université de Toronto, lors d’une conférence :

La discrimination fondée sur les croyances ou le lieu d’origine ne cesse pas d’être interdite simplement parce que les mots « Juif » ou « Israélien » sont remplacés par le mot « sioniste ».

Le poste d’envoyé spécial pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme a été créé en 2020. En juillet 2021, l’envoyée spéciale a organisé le premier Sommet national sur l’antisémitisme. Comme l’a souligné le sénateur Housakos dans son discours, ce sommet a mené à une injection considérable de fonds pour le bureau de l’envoyée spéciale, à de l’argent frais pour le programme de financement des projets d’infrastructure de sécurité, à un engagement à mieux former les fonctionnaires et les forces de l’ordre à reconnaître l’antisémitisme et à y réagir, ainsi qu’à une déclaration ferme du Canada au Forum international de Malmö sur la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme, en octobre 2021.

Bien sûr, la création du poste d’envoyé spécial et la tenue du sommet n’ont pas fait disparaître l’antisémitisme du Canada. Ils ont toutefois donné des résultats concrets, en plus d’envoyer un message aux membres de la communauté juive du Canada : ils ne sont pas seuls.

Les événements du 7 octobre 2023 en Israël, pendant lesquels des terroristes du Hamas ont tué et blessé des milliers d’innocents, ont ouvert les vannes de la haine contre les Juifs dans les démocraties occidentales.

Quand on parle d’ingérence étrangère, il serait intéressant de savoir qui finance ces manifestations violentes. Quelle que soit la puissance étrangère qui a lancé une guerre contre les Juifs au Canada, nous devons envoyer un signal clair que, en tant que pays, nous ne tolérerons plus cela.

Quand une personne attaque une synagogue ou une école juive au motif qu’elle ne serait pas d’accord avec le gouvernement d’Israël, cette personne est antisémite. Quand une personne réclame le boycottage d’une entreprise canadienne appartenant à un Juif au motif qu’elle ne serait pas d’accord avec le gouvernement d’Israël, cette personne est antisémite.

Quand une personne occupe un bâtiment d’une université canadienne qui porte le nom d’un donateur juif canadien au motif qu’elle ne serait pas d’accord avec le gouvernement d’Israël, cette personne est antisémite.

Quand une personne se rend masquée dans un quartier juif pour crier « mort aux Juifs » et réclamer la destruction de l’État d’Israël au motif qu’elle ne serait pas d’accord avec le gouvernement d’Israël, cette personne est antisémite.

Quand une personne organise un défilé pour glorifier les tueurs de Juifs au motif qu’elle ne serait pas d’accord avec le gouvernement d’Israël, cette personne est antisémite.

Malheureusement, ce que je viens de décrire se produit toutes les semaines au Canada. Il est déplorable que l’antisémitisme se manifeste régulièrement dans notre pays.

La résurgence de l’antisémitisme au Canada et dans le monde est très préoccupante. Nous devons nous engager à faire en sorte que le Canada soit un territoire où tout le monde peut vivre et pratiquer sa religion en paix et en sécurité.

Ici, au Canada, le gouvernement Trudeau a manifestement du mal à adopter une position claire en faveur d’Israël, notre allié de longue date.

En novembre 2023, l’ancien sénateur libéral Jerry Grafstein a écrit une lettre ouverte au premier ministre dans laquelle il reproche à Justin Trudeau la recrudescence de l’antisémitisme sous son gouvernement. Il dit :

Les attaques contre les Juifs au Canada sont inacceptables, notamment les coups de feu tirés sur des écoles juives, l’attaque à la bombe incendiaire contre une synagogue et le vandalisme de restaurants ou de cafés dans des quartiers résidentiels juifs paisibles.

Sous votre gouvernement, les attaques antisémites dans les universités, les facultés de droit et même les écoles de médecine sont sans précédent dans l’histoire moderne du Canada.

Un an après le terrible massacre du 7 octobre, Justin Trudeau et Mélanie Joly tentent toujours de dire une chose et ensuite de dire le contraire en fonction du jour et de l’auditoire.

Notre gouvernement ne fait preuve d’aucune clarté morale.

Chers collègues, nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Il est temps que le Sénat dise qu’assez, c’est assez.

L’antisémitisme demeure un problème persistant et profondément troublant au Canada. C’est pourquoi on ne saurait trop insister sur le besoin urgent de tenir un deuxième sommet national pour lutter contre l’antisémitisme. Ce sommet pourrait marquer un tournant. Il montrera aux membres de la communauté qu’ils ne sont pas seuls. Il entamera une discussion sur les moyens de sensibiliser les gens à la haine et à la discrimination et de lutter contre elles. Il pourrait nous aider à comprendre d’où vient la vague croissante de haine.

La motion dont nous sommes saisis représente une étape cruciale dans la lutte contre la montée de l’antisémitisme au Canada et dans la garantie du soutien et de la protection de notre communauté juive.

Notre message est simple : le Sénat du Canada est à vos côtés. Vous n’êtes pas seuls.

De plus, comme nous croyons dans les idéaux canadiens d’égalité et de non-discrimination, nous allons établir clairement que nous ne tolérerons pas que l’antisémitisme devienne une forme de discrimination acceptable et à la mode, ou simplement un sous‑produit de ces temps difficiles.

Chers collègues, travaillons ensemble en tant que parlementaires afin de lutter contre l’antisémitisme et les crimes haineux en votant en faveur de la motion no 181. Merci.

L’honorable Yuen Pau Woo [ - ]

Sénateur Plett, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Plett [ - ]

Certainement.

Le sénateur Woo [ - ]

Je remercie le sénateur Plett pour son discours. Tout comme lui, je trouve qu’il est important de lutter contre ce fléau qu’est l’antisémitisme et de faire preuve de solidarité à l’égard des Juifs, au Canada et ailleurs dans le monde.

Sénateur Plett, vous avez raison de souligner que l’antisémitisme a augmenté depuis les horribles attaques du Hamas, le 7 octobre, contre des Juifs innocents en Israël. La motion fait d’ailleurs référence à cet incident : « [...] depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre et le devoir d’Israël d’y répondre [...] »

Sénateur Plett, j’aimerais savoir si vous jugez que le devoir d’Israël de répondre à cette attaque est sans limites, ou s’il devrait être limité et soumis au droit humanitaire international.

Le sénateur Plett [ - ]

Je crois fermement qu’Israël a 100 % le droit de se défendre, point à la ligne, et je l’appuie.

Le sénateur Woo [ - ]

Ma question est de savoir si vous êtes d’accord avec le fait que le droit d’Israël à se défendre, que j’approuve, devrait être soumis au droit humanitaire international — autrement dit, soumis au régime des crimes de guerre.

Le sénateur Plett [ - ]

Comme je l’ai dit, sénateur Woo, Israël a 100 % le droit de se défendre, et je l’appuie. J’espère que vous aussi.

Le sénateur Woo [ - ]

J’appuie effectivement Israël. Puisque vous ne répondez pas à ma question, j’espère que ce sommet national, qui est plus que nécessaire à mon avis, reconnaîtra qu’il y a des limites au droit d’un pays à se défendre, que ces limites sont restreintes et définies par le droit humanitaire international, et que si, en fait, il y a des allégations crédibles de violations du droit humanitaire international dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, ce même sommet se penchera sur ces questions.

Le sénateur Plett [ - ]

Tout d’abord, sénateur Woo, il n’y a qu’un seul moyen de garantir une paix absolue et complète : si le Hamas, le Hezbollah et tous les autres terroristes déposent leurs armes, la paix sera instantanée.

Sénateur Woo, votez pour cette motion. Je suis d’accord, nous allons permettre à cette rencontre et à ce sommet d’avoir lieu, et j’espère que cette question y sera traitée de la manière la plus appropriée. Je n’y serai pas. Je ne vais pas leur donner mes conseils. Il n’y a pas d’amendement à la motion. Elle est très claire et directe. J’espère que vous l’appuierez.

L’honorable Paula Simons [ - ]

Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Plett?

Vous m’avez demandé plus tôt si je souhaitais prendre part à la conversation. En tant que personnalité publique d’origine juive, je suis l’objet d’attaques antisémites depuis 30 ans. J’ai grandi à l’époque de Jim Keegstra, en Alberta, alors que les mensonges sur une prétendue conspiration juive visant à prendre le contrôle du monde étaient monnaie courante.

Vous dénoncez l’antisémitisme de la gauche, mais j’aimerais aussi demander à la figure de proue du mouvement conservateur canadien que vous êtes si elle accepterait de dénoncer aussi vertement l’antisémitisme des complotistes de droite, qui ont comparé les protocoles de lutte contre la COVID à des crimes de guerre et qui ont dit que les changements climatiques étaient en réalité une tentative des Juifs pour prendre le contrôle de la météo. J’espère que je pourrai compter sur vous et vos collègues conservateurs pour dénoncer aussi vivement la culture toxique de l’antisémitisme qui teinte une bonne partie du discours de la droite.

Le sénateur Plett [ - ]

D’abord, sénatrice Simons, je croyais que c’était votre voisine de banquette qui avait fait une remarque tout à l’heure. Je ne savais pas que c’était vous quand j’ai demandé si vous souhaitiez intervenir dans le débat, quoique j’aurais probablement dit la même chose si j’avais réalisé que c’était vous.

Quoi qu’il en soit, sénatrice Simons, vous êtes tout à fait libre de présenter une motion si vous le souhaitez, et le cas échéant, je vais certainement l’examiner et déterminer si je peux ou non l’appuyer. La motion dont nous débattons actuellement n’a rien à voir avec ce que vous venez de mentionner.

La sénatrice Simons [ - ]

Êtes-vous en train de dire que la motion n’a rien à voir avec l’antisémitisme et concerne seulement la réponse d’Israël à Gaza? Car, je ne peux m’imaginer qu’un sommet sur l’antisémitisme ne se pencherait pas également sur l’affreux genre de tropes antisémites que la droite fait circuler, particulièrement aux États-Unis, ceux que vous venez vous-même d’énumérer dans votre discours.

Le sénateur Plett [ - ]

Je répète que je ne suis pas l’auteur de la motion, sénatrice Simons. J’appuie Israël. Je m’oppose entièrement à toutes les formes d’antisémitisme. Si nous voulons débattre de ce qui constitue de l’antisémitisme, je serais peut-être d’accord avec certains des points que vous soulevez, mais en désaccord avec d’autres. Nous sommes probablement d’accord sur ce qui se trouve dans la motion dont nous débattons. Mettons-la aux voix.

L’honorable Leo Housakos [ - ]

Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Plett?

Le sénateur Plett [ - ]

Absolument.

Le sénateur Housakos [ - ]

Sénateur Plett, il est malheureux qu’une simple motion dénonçant l’antisémitisme, un point, c’est tout... Il n’est pas question d’antisémitisme de gauche ou d’antisémitisme de droite, et la motion ne dit absolument rien sur la situation géopolitique au Moyen-Orient. La motion demande de convoquer un sommet sur l’antisémitisme.

Récemment, sénateur Plett, j’ai rencontré des étudiants universitaires qui se heurtent de plein fouet à l’antisémitisme au quotidien et ils se sentent abandonnés par les institutions du pays, par les gouvernements et par à peu près tout le monde. En pareilles circonstances au Canada où les attaques contre la communauté juive se multiplient, quelle personne sensée s’opposerait à l’organisation d’un simple sommet ouvert pour discuter en toute transparence de ce problème?

Le sénateur Plett [ - ]

Merci beaucoup, sénateur Housakos. Je suis entièrement d’accord avec vous. La sénatrice Simons a mentionné qu’elle était d’origine juive. Je suis d’origine mennonite. Je suis chrétien. Je crois en l’amour. Je crois en l’amour de tous les êtres humains. Je suis donc contre toute forme d’antisémitisme, comme je l’ai mentionné.

Au sujet de la motion dont nous parlons aujourd’hui, je ne comprends pas vraiment pourquoi nous avons à demander « allez-vous appuyer ceci? » ou « allez-vous appuyer cela? » Encore une fois, j’invite tous ceux qui souhaitent prendre la parole au sujet de la motion à le faire et, une fois qu’elle aura été mise aux voix — et adoptée, je l’espère —, si d’autres sénateurs ont des motions à proposer, je serai tout à fait disposé à prendre la parole à leur sujet ou à les étudier.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ - ]

Je vais me prononcer en faveur de cette motion présentée par le sénateur Housakos, que j’ai appuyée et que je continue d’appuyer. Ce n’est pas pour moi une question politique. Ce n’est pas le moment de décider ici ce qui se passe au Moyen-Orient. Ce sont des questions sérieuses. Ce dont il faut parler, c’est d’antisémitisme au Canada, et cette question n’a aucune couleur politique.

Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer la motion du sénateur Housakos visant à condamner l’antisémitisme au Canada et dans le monde entier.

La haine et les perceptions haineuses du peuple juif remontent à plusieurs siècles. L’auteur Robert Wistrich appelait l’antisémitisme « la haine la plus longue ». Pourtant, nous n’avons pas encore pleinement saisi la leçon que l’histoire nous a enseignée à maintes reprises : les manifestations de haine les plus radicales ne surviennent pas du jour au lendemain. Elles sont le point culminant d’une série d’événements dont la société est témoin et qu’elle ne parvient pas à affronter.

Chers collègues, l’antisémitisme est une sorte de cancer qui doit être éradiqué dès les premiers signes. Un silence prolongé peut entraîner les pires conséquences.

C’est ce qui s’est passé lors de l’Holocauste, une persécution et un génocide délibérés, organisés et soutenus par l’État, de 6 millions de Juifs vivant en Europe. La sonnette d’alarme a été tirée bien avant que le régime nazi ne mette en œuvre la solution finale, une campagne d’anéantissement qui allait coûter la vie à deux Juifs européens sur trois.

Dès son arrivée au pouvoir, Hitler a dépouillé les Juifs de leurs biens et de leurs postes dans les universités, la magistrature, l’armée et la fonction publique. Puis vinrent les lois de Nuremberg, qui légalisaient la discrimination à l’encontre du peuple juif.

Lors de la Nuit de Cristal, en novembre 1938, plus de 250 synagogues ont été détruites, d’innombrables entreprises et maisons juives ont été vandalisées et détruites, 91 personnes ont été assassinées et quelque 30 000 hommes juifs ont été envoyés dans des camps de concentration nazis. Pourtant, le monde n’a pas agi rapidement et de manière décisive. Ce génocide et l’incapacité collective à intervenir rapidement entacheront à jamais l’histoire de l’humanité. Dans la foulée de l’Holocauste, le monde a juré que cela ne se reproduirait « jamais plus ». Malheureusement, l’antisémitisme continue d’empoisonner l’esprit de nombreuses personnes dans le monde aujourd’hui.

Malheureusement, le Canada n’a pas été épargné par la résurgence de l’antisémitisme. L’année dernière, à Montréal, une synagogue et un centre communautaire juif ont été la cible d’attaques à la bombe incendiaire. La plus ancienne synagogue de Montréal a été barbouillée de graffitis nazis. En mai dernier, à Toronto et à Montréal, des écoles juives ont été la cible de coups de feu. Par conséquent, des parents ont eu peur d’envoyer leurs enfants à l’école.

J’ai rencontré des représentants des communautés juives de Montréal et de Toronto, qui m’ont parlé de leurs craintes et de l’insécurité que leurs enfants et eux ressentent. Ce mois-ci, à Toronto, lors de la fête juive du Yom Kippour, la même école primaire juive pour filles a de nouveau été la cible de coups de feu. Le fait que quelqu’un veuille terrifier des élèves, des enfants, et leur famille parce qu’ils sont juifs me brise le cœur. Ces incidents ne sont que la pointe de l’iceberg.

Selon Statistique Canada, en 2023, 900 crimes haineux contre des Juifs ont été signalés à la police, ce qui représente une augmentation de 71 % par rapport à l’année précédente. En octobre 2024, les données de Statistique Canada pour les deux premiers trimestres ont indiqué que, à 17,6 % du total des crimes haineux signalés, nos voisins juifs formaient le groupe le plus ciblé.

Chers collègues, nous ne savons que trop bien que les incidents haineux ont augmenté depuis les atrocités commises lors des attaques terroristes du 7 octobre dernier. Même si de nouveaux actes de haine semblent se produire constamment, nous devons tous demeurer unis pour dire que cette haine et cette violence n’ont pas leur place au Canada ni nulle part ailleurs. Notre pays est une société de valeurs fondées sur la Charte, où la liberté d’expression est protégée afin de soutenir un dialogue respectueux. Cependant, les discours haineux, l’intimidation et les menaces n’y ont pas leur place.

En cette période difficile, nous devons écouter Deborah Lyons, envoyée spéciale du Canada pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme. Comme je l’ai mentionné dans une déclaration en mai lors d’une entrevue conjointe avec Amira Elghawaby, représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie, Mme Lyons a déclaré :

Amira et moi travaillons en étroite collaboration, et je pense qu’il est important de montrer aux Canadiens que, même à une époque de fracture et de souffrance, nous unissons nos efforts en tant que Canadiens — en nous appuyant sur les valeurs canadiennes — pour collaborer avec compassion et respect afin de bâtir le Canada que nous voulons avoir, même si nous ne sommes pas toujours d’accord.

Malgré cet appel, il faut bien reconnaître que de nombreuses personnes de confession juive au Canada vivent toujours dans une peur constante, que ce soit dans la rue, sur les campus et ailleurs.

Comme je l’ai dit, l’antisémitisme est un cancer qui doit être éradiqué de notre société. Que pouvons-nous faire pour lutter contre l’antisémitisme et soutenir nos concitoyens et concitoyennes juifs?

En y réfléchissant, j’ai été ému par une interview diffusée sur Radio-Canada en mai dernier. L’auteur, Lawrence Hill, a déclaré, et je cite :

On est dans une période très, très grave, et je trouve que, parfois, il est plus facile pour certaines personnes d’haïr que d’aimer. Mais aimer, c’est ce qu’il faut faire.

Chers collègues, je suis d’accord avec M. Hill pour dire que l’amour peut vaincre la haine. Les vecteurs de l’amour doivent être l’éducation, le dialogue et l’empathie. Il est de notre responsabilité à tous de construire des ponts, en tant que parlementaires, voisins, enseignants, entraîneurs, amis et concitoyens. Tel doit être notre Canada, et nous ne devons jamais laisser le racisme et la haine ériger des murs entre nous.

Comme le dit la Torah, dans le Lévitique 19:18, et je cite : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

Je tiens à dire aux juifs qui sont au Canada, en Israël et dans le monde entier, que je ne suis pas le seul à penser qu’il ne devrait y avoir aucun endroit où l’antisémitisme peut se dissimuler et insuffler la haine. Les meilleurs d’entre nous souhaitent que vous soyez en sécurité, en paix et tranquilles.

Je n’insisterai pas sur les événements qui se déroulent au Moyen-Orient, mais je dois ajouter que toute description positive de l’attaque terroriste du 7 octobre est méprisable et contraire aux valeurs canadiennes. La société ne doit jamais tolérer la célébration du meurtre, du viol, de la torture, de la prise d’otages et de toute autre atrocité.

Malheureusement, depuis le 7 octobre 2023, nous avons parfois été témoins de cette situation honteuse au Canada. Les Canadiens ont le droit d’examiner la gestion des hostilités par Israël et les politiques de son gouvernement, tout comme les Israéliens le font, comme dans toute démocratie robuste. Cependant, les gestes de glorification du Hamas et de soutien à cette organisation que l’on observe depuis le 7 octobre sont un enjeu tout à fait différent et troublant.

Nous avons tous la responsabilité de sonner l’alarme et d’agir quand des débats ou des critiques légitimes à l’égard de la politique ou de la conduite du gouvernement israélien se muent en antisémitisme ou marginalisent nos voisins juifs. Dans certains cas, des poursuites criminelles peuvent être justifiées, mais l’intervention la plus efficace se doit d’être un dialogue respectueux entre ceux qui ont des points de vue différents sur ces événements et sur les moyens de rétablir la paix.

Nous devrions aussi réclamer d’une seule voix la libération immédiate de tous les otages. Ces pères, ces mères et ces enfants doivent pouvoir retrouver leur famille. C’est la seule option pour quiconque croit à l’amour.

Comme vous le savez, chers collègues, le Canada arrive au troisième rang pour le nombre de Juifs qui vivent hors d’Israël. La contribution inestimable des Canadiens de confession juive a façonné notre démocratie et notre société multiculturelle.

Je pense à Bora Laskin, une sommité du droit du travail et le premier Juif à être nommé à la Cour suprême du Canada. C’est lui qui était le juge en chef du Canada à l’époque où j’ai eu l’honneur d’être greffier à la Cour suprême.

Je pense aussi à notre ancien ministre de la Justice, l’honorable Irwin Cotler, qui est aussi un symbole des droits de la personne et avec qui j’ai eu l’honneur de collaborer de temps à autre dans divers dossiers internationaux traitant de droits de la personne.

Je pense en outre à la grande défenseure des droits des femmes et de l’égalité pour tous, Rosalie Abella, qui est la première Juive à être nommée à la Cour suprême du Canada et la première réfugiée à accéder à la magistrature canadienne.

Je pense également au très honorable Herb Gray, qui a été vice‑premier ministre du Canada, mais qui a aussi été le premier Juif à accéder au Cabinet fédéral.

Je pense aussi au deuxième représentant du gouvernement au Sénat, l’honorable Marc Gold, et à son père, le regretté Alan Gold, qui a été juge en chef de la Cour supérieure du Québec de 1983 à 1992.

Je pense à la ministre Ya’ara Saks, la première personne à avoir la double citoyenneté canadienne et israélienne au sein du Cabinet fédéral. Je pense à Barbara, Linda et David Frum. L’ancienne sénatrice Linda Frum était une membre distinguée de cette assemblée avec laquelle il était toujours agréable de travailler. Je pense à Bobbie Rosenfeld, Leonard Cohen, Mordecai Richler, Neve Campbell, Eugene et Dan Levy, William Shatner et Seth Rogen.

La société canadienne a beaucoup évolué depuis 1807. Cette année-là, le Québécois Ezekiel Hart est élu à l’Assemblée législative du Bas-Canada, faisant de lui la deuxième personne juive élue à une charge publique dans l’Empire britannique. Cependant, on lui refuse le droit de siéger à cause de sa religion. Ce n’est que des décennies plus tard, en 1832, que l’Assemblée législative du Bas-Canada accorde des droits politiques aux Juifs.

En 1926, l’Université McGill interdit officieusement l’admission des étudiants hébreux venant de l’extérieur du Québec. En 1934, les résidents de l’Hôpital Notre-Dame de Montréal déclenchent une grève, la première grève dans le secteur médical au Canada, pour réclamer la démission du Dr Sam Rabinovitch parce qu’il était Juif. Pensez aussi à notre refus de laisser les passagers du Saint Louis, dont plus de 900 Juifs allemands, débarquer du navire et entrer au Canada, ce qui les a contraints à retourner en Europe en 1939. Durant l’Holocauste, les nazis ont assassiné 254 d’entre eux. C’est quelque chose qui hantera le Canada à jamais.

Cependant, il n’y a aucune société qui ne puisse pas se racheter. Le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, à Montréal, nous rappelle nos idéaux et les progrès qui ont été réalisés pour assurer l’égalité et la justice pour tous, ainsi que la nécessité de dénoncer toutes les formes de violations des droits fondamentaux de la personne.

Malheureusement, les tensions et les conflits observés ces dernières années dans nos villes ne montrent pas le Canada sous son meilleur jour. En tant que sénateurs, nous devons apporter notre contribution pour rétablir des relations et un dialogue respectueux entre toutes les communautés de notre pays.

Je suis heureux d’apprendre que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne lancera bientôt une étude sur l’antisémitisme au Canada.

À cet égard, je suis d’accord avec notre envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme et ancienne ambassadrice en Israël, Mme Lyons, qui a dit : « Il n’y a pas de meilleur remède à la menace antisémite que de faire tous les efforts pour sensibiliser les gens de tous âges. »

Pour cela, il faut notamment enseigner aux Canadiens, en particulier aux jeunes, les horreurs de l’Holocauste. En effet, le scepticisme des jeunes à l’égard de l’Holocauste au Canada nous montre à quel point il y a du travail à faire.

Comme le disait Yad Vashem, du World Holocaust Remembrance Center :

De nos jours, bien des jeunes ne voient pas l’histoire comme quelque chose qui leur montre d’où ils viennent, mais plutôt comme une série d’événements du passé qui font partie de « l’avant », tandis qu’eux vivent dans « l’après ». Ce point de vue est dangereux dans la mesure où il crée une séparation plutôt que d’unir.

En plus de se renseigner sur l’Holocauste, il est impératif d’apprendre à connaître les formes contemporaines de l’antisémitisme. Là-dessus, j’ai eu l’immense plaisir d’apprendre que, pas plus tard qu’aujourd’hui et grâce au leadership de l’envoyée spéciale, le Canada a publié un nouveau guide pour combattre l’antisémitisme, que l’on peut se procurer en ligne. Le Guide canadien sur l’antisémitisme selon la définition opérationnelle de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (AIMH) se trouve actuellement sur le Web.

Pour la rédaction de ce guide, plus de 100 personnes ont été consultées, dont des personnalités influentes de la communauté juive, les délégués canadiens auprès de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, des rabbins, des universitaires, des enseignants, des avocats, des fonctionnaires, des attachés politiques et des membres des forces de l’ordre. Bon nombre de spécialistes de l’antisémitisme ont aussi pris part aux consultations.

La montée de l’antisémitisme au Canada est un cancer qui doit faire l’objet d’une réponse immédiate et par différents moyens.

Il y a bien sûr l’éducation dans nos écoles, qui doit faire ressortir les dangers de l’antisémitisme, l’horreur de l’Holocauste, la formation de nos policiers et de nos procureurs en matière de propos haineux, mais aussi l’adoption de comportements responsables par tous les leaders, qu’ils soient religieux, politiques ou communautaires.

Nous devons aussi nous doter d’outils pour identifier l’antisémitisme sous toutes ses formes et le combattre, comme nous l’avons fait pour le manuel publié aujourd’hui. Le bureau de l’envoyée spéciale, Mme Lyons effectue aussi, en collaboration avec des agences gouvernementales, la collecte d’informations et de la recherche. Elle entretient aussi des liens avec des chercheurs et différentes organisations à travers le pays.

En adoptant cette motion, nous l’invitons aussi à organiser en temps opportun un deuxième sommet national sur l’antisémitisme, qui pourra bien s’intégrer aux efforts qu’elle déploie actuellement sur d’autres aspects de la stratégie de combat contre l’antisémitisme.

Cependant, ce travail ne lui revient pas à elle seule.

Nous devons tous — et au premier rang nous, les sénateurs et les sénatrices, vu le rôle particulier de protection des minorités que nous jouons dans notre société — en appeler à nos valeurs canadiennes et inciter au dialogue respectueux et non à la haine. Bâtir des ponts entre les différentes communautés et non ériger des murs, cela devrait être notre préoccupation principale.

La lutte contre l’antisémitisme doit s’articuler autour de plusieurs plans : éducation, recherches, publications, conférences, campagnes publiques de sensibilisation, y compris dans les médias sociaux et, dans certains cas, poursuites criminelles et civiles. Aucun outil ne doit être négligé pour lutter contre ce cancer qui s’attaque non seulement à nos valeurs canadiennes, mais qui menace aussi nos concitoyens et concitoyennes de confession juive.

C’est dans cet esprit que, avec mon collègue le sénateur Housakos, que je remercie encore une fois, nous avons rédigé la motion que nous étudions aujourd’hui. Je vous invite à la considérer comme un moyen d’attirer l’attention des Canadiens sur la montée de l’antisémitisme au Canada et sur la nécessité urgente de s’y attaquer.

Merci. Shalom.

L’honorable Julie Miville-Dechêne [ - ]

Sénateur Dalphond, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Dalphond [ - ]

Certainement.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Permettez-moi d’abord de vous féliciter pour ce discours profond et bien senti. Évidemment, tout comme vous, je déplore la montée de l’antisémitisme depuis les événements du 7 octobre 2023.

Comme vous, je suis dépassée par l’horreur de cette attaque du 7 octobre, qui a non seulement tué des civils, mais qui a aussi entraîné des viols épouvantables de femmes juives, comme on l’a appris par la suite. Tout cela est terrible.

Par contre, j’ai lu et relu attentivement le texte de la motion que vous avez rédigée avec le sénateur Housakos.

J’aimerais comprendre l’usage de quelques mots qui sont, depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre, « le devoir d’Israël d’y répondre ». Je vous avoue que j’ai beaucoup réfléchi à ce choix de mots, « le devoir d’Israël d’y répondre », parce qu’on entre là dans ce qui s’est passé. On entre dans l’actualité très controversée sur la mesure de la réponse d’Israël à cette horrible attaque, on en convient tous.

Est-il à propos d’utiliser ces mots, étant donné ce qui se passe à Gaza? Je parle des mots « devoir d’Israël d’y répondre » au lieu du « droit d’y répondre » ou de quelque chose d’un peu plus neutre.

Le sénateur Dalphond [ - ]

La motion a été écrite il y a plusieurs mois, dans un contexte qui est différent de celui d’aujourd’hui. Il ne fait pas de doute dans mon esprit que tout pays qui se voit attaqué a le devoir de protéger ses concitoyens et de répondre aux attaques.

Pour le reste, le droit international prévoit des règles d’engagement, des limites à la façon de répondre, et cetera, et je ne veux pas embarquer sur ce terrain.

Mon but est de dire qu’on peut discuter de ces questions. La question que vous posez est légitime : est-ce que l’utilisation de la force est excessive? Ce sont des questions légitimes que beaucoup de gens se posent en Israël et au Canada et dont nous avons le droit de débattre. Faisons-le de façon respectueuse, de façon éduquée et de façon bien informée, avec toujours le même objectif de trouver des voies de passage, des compromis et des réponses qui amèneront éventuellement la paix que l’on souhaite à tout le monde au Moyen-Orient.

Il ne faut pas de jeter de l’huile sur le feu ou faire en sorte qu’on ne peut pas marcher dans la rue sans avoir peur. La conjointe du sénateur Marc Gold s’est fait harceler parce qu’elle est juive et qu’elle marchait dans la rue dans son quartier. Ces choses sont inacceptables.

L’honorable David Richards [ - ]

Sénateur Dalphond, j’aimerais vous poser une question et faire une observation. Avez-vous déjà entendu parler de la famille Rabinovitch, de Toronto? C’est elle qui parraine le prix Giller, qui est le plus prestigieux des prix littéraires du Canada. Cette famille juive a fait connaître des dizaines d’écrivains canadiens, dont votre humble serviteur, ce pour quoi je lui serai éternellement reconnaissant. Les membres de cette famille sont tous d’extraordinaires êtres humains. L’an dernier, la salle où était remis le prix Giller a été envahie, et la cérémonie a été détournée. Cette année, quand j’ai reçu mon invitation, le lieu de la remise du prix n’était pas précisé, car les organisateurs craignaient que la même chose se produise encore cette année. Ils se retrouvent en danger parce qu’ils décernent un des plus grands prix de la littérature canadienne à avoir jamais été remis au public. Je me devais d’en parler, et je vais appuyer la motion.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Y avait-il une question, sénateur Richards?

Le sénateur Richards [ - ]

J’ai posé ma question au tout début. J’ai demandé si le sénateur Dalphond avait déjà entendu parler de la famille Rabinovitch.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Je vous remercie de me l’avoir rappelé.

Le sénateur Dalphond [ - ]

Je me souviens qu’il y avait une question au début. En toute honnêteté, je ne connaissais pas ce prix et je ne suis pas aussi lettré que vous. Je connais davantage les personnes qui ont laissé leur marque en droit et en politique, des domaines que je maîtrise mieux. Vos propos correspondent certainement à ce que je disais et à ce que j’entends.

J’assistais à une conférence ici, à Ottawa, l’autre soir. Elle était justement organisée par des dirigeants de communautés juives et portait sur les droits de la personne. C’est avec incrédulité que j’ai vu que mon ami Irwin Cotler devait être escorté par quatre agents de la GRC parce qu’il faisait l’objet de tellement de menaces de mort qu’il devait être escorté jour et nuit. La police de Montréal surveille d’ailleurs sa résidence en permanence. À mes yeux, c’est totalement inacceptable.

Si nous ne réagissons pas, nous détruisons nos valeurs. Nous devons déclarer que c’est assez. Les gens ont le droit de manifester et d’être pour ou contre ceci ou cela, mais lorsqu’ils sont dans la rue, ils doivent être respectueux et ne pas commencer à harceler les gens. Il est inexcusable de proférer des menaces et de rendre la vie des gens misérable. Ce n’est pas ainsi que l’on va résoudre les problèmes. Cela ne fait qu’ériger des murs.

L’honorable David Arnot [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour exprimer mon appui à la motion no 181, qui exhorte le gouvernement du Canada à ordonner à l’envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme de convoquer un deuxième sommet national sur l’antisémitisme. C’est une période critique pour le Canada — un moment où nous devons affronter la montée alarmante de l’antisémitisme dans notre pays.

Comme l’indique à juste titre la motion, l’augmentation choquante des incidents antisémites au Canada est étayée par des données claires et sans ambiguïté. B’nai Brith a signalé 5 791 incidents antisémites en 2023 — le nombre le plus élevé jamais enregistré au Canada, ce qui correspond à une augmentation de 109 % par rapport à l’année précédente.

En outre, Statistique Canada confirme que les juifs sont le groupe religieux le plus ciblé dans le pays. Les juifs représentent moins de 1 % de la population, mais ils sont victimes de plus de 56 % des crimes haineux motivés par la religion. Le nombre de crimes haineux contre les juifs signalés par la police a augmenté de 64 % entre 2019 et 2022.

Cette tendance alarmante ne se limite pas au Canada. En Europe et en Amérique du Nord, les rapports de l’Anti-Defamation League et de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne indiquent que l’antisémitisme est en hausse dans le monde entier, exacerbé par les événements du conflit entre le Hamas et Israël.

Avec son équipe, l’envoyée spéciale pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme est particulièrement bien placée pour coordonner les intervenants des divers secteurs, y compris le gouvernement, les forces de l’ordre et les dirigeants communautaires.

Un deuxième sommet servirait de plateforme judicieuse pour concevoir des stratégies cohérentes en matière de lutte contre la vague sans précédent de crimes haineux visant le peuple juif. Notre société doit agir sans tarder pour y mettre fin.

Outre l’organisation du sommet, nous devrions souligner que le Sénat continue, fidèle à sa tradition, de défendre les droits de la personne, y compris les droits des Juifs. Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne s’est engagé à étudier l’antisémitisme dans le contexte canadien plus tard cette année, en novembre. Comme le comité a déjà étudié la question de l’islamophobie en novembre 2023 — il y a un an, et notre rapport a été rendu public —, cette étude générera un rapport complémentaire sur les défis auxquels les Canadiens juifs se heurtent aujourd’hui. Elle fera fond sur les données existantes provenant des organisations juives et nous aidera à évaluer l’efficacité des politiques actuelles.

Je pense que cette étude et un sommet national seront complémentaires et qu’ils favoriseront la prise de mesures concrètes. Les renseignements fondés sur l’expérience et les données doivent être utilisés pour éclairer l’élaboration de politiques efficaces, améliorer l’allocation des ressources et renforcer les efforts de répression. Ce travail sans parti pris devrait sensibiliser la population et favoriser la cohésion sociale à un moment où les divisions s’accentuent dans notre société.

Nous devons aussi être conscients que la tenue d’un sommet ou d’une étude peut comporter des défis. En plus d’user de prudence pour éviter les propos haineux sans brimer la liberté d’expression, surtout dans les discussions sur Israël et la Palestine, nous savons que ces questions suscitent des réactions polarisantes et parfois hostiles.

Il pourrait également y avoir des craintes que le gouvernement aille trop loin si de nouvelles mesures et de nouveaux règlements sont proposés pour lutter contre la haine en ligne. Malgré ces défis, les avantages dépassent de loin les risques. Un examen approfondi nous permettra de lutter contre l’antisémitisme d’une manière mesurée et fondée sur des données probantes tout en respectant les valeurs canadiennes que sont la dignité humaine et la liberté.

Honorables sénateurs, la motion no 181 est un appel à l’action que le Canada ne peut pas se permettre d’ignorer. Un deuxième Sommet national sur l’antisémitisme fournirait une plateforme essentielle pour la collaboration entre les secteurs. Grâce à l’étude menée par le Comité sénatorial des droits de la personne, nos efforts seront informés, inclusifs et efficaces.

Face à une haine sans précédent, nous devons agir avec détermination. L’antisémitisme n’a pas sa place au Canada, et, ensemble, grâce à l’éducation, à l’application de la loi et à des réformes politiques, nous pouvons refouler la vague de haine et bâtir une société où tous les Canadiens se sentent en sécurité et respectés.

J’appuie la motion no 181 et je vous invite à en faire autant. Je vous remercie.

L’honorable Hassan Yussuff [ - ]

Honorables collègues, je prends la parole pour appuyer la motion no 181. Il est important, dans le contexte du présent débat, que nous reflétions nos propres valeurs, parce que, trop souvent, quand nous parlons des problèmes d’antisémitisme, comme nous parlons également de l’islamophobie, ce n’est pas une discussion ou un débat abstrait. Nous parlons de l’impact sur la vie de nos concitoyens, de nos amis, de nos voisins, de nos propres enfants. Je crois que, depuis le 7 octobre l’an dernier, nous observons une nette hausse de l’antisémitisme.

Toutefois, il se manifeste également au Canada. Nous ne nous en rendons pas tous compte, mais l’antisémitisme est présent et continue de prospérer au Canada. La réalité, c’est qu’il faudra toujours tous faire de grands efforts si nous voulons réellement bâtir une société où tous sont égaux.

Je m’adresse à vous aujourd’hui à titre de personne portant un nom musulman. Je ne suis pas une personne religieuse. Je ne l’ai jamais été, ni quand j’étais jeune, ni maintenant. Je sais également que mon traitement égal ne peut être assuré si celui de mes sœurs et mes frères de la communauté juive ne l’est pas. Car je sais que ce que j’aime tenir pour acquis dépend de mon acceptation par le reste de la société en tant que citoyen égal dans mon propre pays.

Je ne suis pas né au Canada. J’y suis venu à 16 ans. J’ai grandi dans un pays qui perpétuait le racisme. J’étais trop jeune pour bien le comprendre lorsque j’ai quitté ce pays. Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé à quel point cela a fondamentalement façonné ma vie et a eu une incidence sur ma famille et moi. Deux de mes oncles ont été tués parce qu’ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment.

Je comprends ce que c’est pour une communauté de se sentir seule. Comment quelqu’un pourrait-il vouloir incendier un lieu de culte? Nous sommes au Canada. Comment peut-on vouloir tirer sur une école où des enfants essaient de s’instruire? Pourquoi voudrait-on perturber un endroit où des gens vont prier?

Il y a des choses dans notre société que nous considérons comme sacrées, mais, bien entendu, nous savons que nous ne sommes pas nés avec ces valeurs. Nous les apprenons au fil du temps.

Ma fille est revenue un jour de thérapie et elle m’a dit : « Papa, une de mes amies en thérapie m’a dit qu’il y avait eu une alerte à la bombe à son école. » Je lui ai demandé : « Comment as-tu réagi? » Elle a répondu : « Je ne savais pas quoi dire. » J’ai dit : « Et si c’était une alerte à la bombe dans ton école? » Et elle a dit : « Je n’aimerais pas cela. »

L’école de son amie était une école juive.

Je lui ai dit : « Écoute, quand de telles choses arrivent, tu dois non seulement faire preuve d’empathie, mais aussi comprendre qu’elles sont fondamentalement mauvaises, et tu dois reconnaître qu’aucune école, que ce soit une école juive, une école musulmane ou n’importe quelle école religieuse, aucune école ne devrait jamais avoir à subir cela, et qu’aucun enfant ne devrait jamais avoir à vivre dans cette réalité. »

Chers collègues, comme nous le savons, quels que soient les résultats du sommet et le travail effectué par le secrétariat pour sensibiliser les Canadiens, nous ne parviendrons pas à mettre fin à la haine dans notre société, surtout la haine pour nos frères et sœurs juifs. Il faudra que chaque génération déploie des efforts pour dire : « Nous ne tolérerons pas cela. »

Il m’a fallu longtemps avant de me résoudre à aller en Allemagne, car je n’arrivais pas à passer par-dessus la guerre. Je n’en revenais pas de ce qui s’était passé. Lorsque j’y suis finalement allé, je me suis rendu à l’un des monuments commémoratifs et j’ai été abasourdi; je sais que la construction de ce monument n’a pas été facile pour les Allemands qui voulaient dire au monde qu’ils comprenaient leurs actes et qu’ils en assumaient la responsabilité.

Je suis resté là longtemps, mon cœur envahi par la douleur, à essayer de comprendre comment une telle chose pouvait se produire dans le monde. Six millions de frères et sœurs ont été assassinés, et pourtant, des gens continuent de porter cette haine dans une société moderne. Comment est-ce possible?

Chers collègues, je sais que le Sénat adoptera cette motion à l’unanimité, mais une motion n’est qu’un recueil de paroles. Il faut agir quotidiennement dans le cadre de notre travail.

Pour ce qui est de ma petite fille, j’espère que, quand elle sera adulte, le monde dans lequel elle vivra sera dépourvu de haine. Toutefois, je sais que je me fais des illusions.

Nous vivons dans le plus beau pays du monde, où, fort probablement, des gens provenant de partout sur la planète sont venus s’installer. L’un des éléments fondamentaux qu’il faut reconnaître en venant au Canada est notre réalité. Nous nous acceptons les uns les autres et nous devons nous traiter avec respect et dignité. Trop souvent, nous avons tendance à l’oublier. Il faudra une génération pour y parvenir.

J’ai découvert il y a longtemps, quand j’étais un dirigeant du mouvement syndical, que le mouvement dans lequel j’évoluais était gangrené par le racisme. J’ai coprésidé le premier Groupe de travail national contre le racisme du Congrès du travail du Canada. En parcourant le pays pour parler à mes confrères et consœurs syndiqués, j’ai eu le cœur brisé en apprenant ce que certains d’entre eux vivaient au sein de leur propre syndicat.

Lorsque le rapport a finalement été publié, je me souviens qu’un journaliste a demandé : « Pourquoi le mouvement syndical ferait-il un autoexamen pour ensuite rendre le rapport public? » L’une de mes réponses a été : « J’espère que nous prendrons des mesures pour changer notre comportement, car si nous ne reconnaissons pas le problème, nous ne pouvons pas le résoudre. Et s’il n’y a pas d’engagement au sein de la direction, nous ne changerons jamais notre comportement. »

Chers collègues, je connais l’importance de cette motion et ce qu’elle signifie, non seulement pour notre débat au Sénat, mais aussi pour mes sœurs et mes frères de la communauté juive. Cependant, cette motion doit vouloir dire plus que cela. Elle doit signifier que c’est un problème dont nous parlons constamment et auquel nos frères juifs sont confrontés quotidiennement.

J’espère que les amis juifs de ma fille enrichissent sa vie. Je peux vous dire que certains de mes amis, que je rencontre régulièrement et avec qui je parle d’antisémitisme et de certains des problèmes auxquels ils font face, s’inquiètent pour l’avenir. Je ne peux plus les rassurer en leur disant que les choses vont s’améliorer, sauf que je m’engage dans ma propre vie et dans mes propres actions et comportements à apporter ma contribution pour que notre pays se débarrasse de l’antisémitisme.

Merci beaucoup.

L’honorable Michael L. MacDonald

Je n’ai pas préparé de discours, mais je tiens à dire quelques mots. En tant que Cap‑Bretonnais, je me sens obligé de le faire.

La plupart des gens ne savent pas que pendant la première moitié du XXe siècle, la plus grande communauté juive du Canada à l’est de Montréal se trouvait dans la région industrielle du Cap-Breton. En fait, il fut un temps où il y avait quatre synagogues dans cette région. Il n’y en a plus qu’une aujourd’hui, et la communauté est bien moins nombreuse, mais cette diminution découle de la mobilité ascendante, pas de la marginalisation sociale.

La communauté juive du Cap-Breton fut l’une des premières communautés de la région. La plupart des familles sont arrivées avant la Première Guerre mondiale. À une époque, il y avait plus de 300 familles. La première génération est arrivée sans le sou, et elle a travaillé d’arrache-pied. Le premier jour, lorsque les jeunes hommes arrivaient, leurs familles les attendaient et leur offraient à souper, puis le lendemain, elles les envoyaient travailler. Je suppose qu’à l’époque, la plupart des membres de cette communauté étaient des travailleurs itinérants. Ils partaient travailler autour de l’île et essayaient d’économiser suffisamment d’argent pour s’établir à leur compte.

Ils se sont très bien débrouillés. À la fin de la Seconde Guerre mondiale et au milieu des années 1950, lorsque je suis né, ils étaient devenus — et de loin — la communauté d’affaires la plus importante de l’île. C’était aussi des gens très philanthropes qui ont beaucoup redonné à la collectivité.

Je me souviens que lorsque j’ai été nommé au Sénat, il y avait une réunion de Juifs ici, sur la Colline. Je voulais y assister puisque le rabbin Medjuck était le conférencier invité. Il venait de Glace Bay. Pendant des années, son frère Ralph a été associé en exercice du droit de John Buchanan, qui est devenu plus tard premier ministre de la Nouvelle-Écosse puis, bien sûr, sénateur. J’ai assisté à la réunion, et le rabbin Medjuck a parlé de son enfance au Cap‑Breton. J’en ai tiré une grande fierté. Il a dit qu’au Cap‑Breton, ni lui, ni sa famille, ni aucun de ses amis n’avaient jamais été victimes d’un seul incident antisémite. Je pense que cela reflète parfaitement le Cap-Breton dans lequel il a grandi.

Les membres de la communauté juive se sont toujours distingués au Cap-Breton. En reconnaissance de leurs contributions — et je sais que le sénateur Cuzner, qui vient de cette région, sera d’accord avec moi là-dessus —, je pense que nous avons l’obligation de prendre leur défense, et c’est ce que je ferai.

On raconte des anecdotes savoureuses à propos de la communauté. J’ai toujours aimé celle que les Nathanson racontaient, oùun des jeunes fils d’une famille, qui avait 14 ou 15 ans, était parti sur la route au début de l’automne avec pour mission d’aller de travailler et de gagner de l’argent. C’était avant la Première Guerre mondiale et il parcourait les régions rurales du Cap-Breton à pied. Après six mois d’absence, il est enfin de retour et, à la table familiale, tout le monde parle yiddish. À un moment donné, les conversations s’interrompent et on lui dit : « Bon, assez de yiddish. Parle-nous en anglais. As-tu bien appris l’anglais? » Il a donc commencé à parler, et ils sont restés bouche bée. Il ne parlait pas un mot d’anglais, mais le gaélique d’Écosse. Pendant trois mois environ, il avait été bloqué par la neige à Cape North. La famille MacLeod l’avait accueilli, et il avait appris toutes les notions d’anglais qu’il pouvait apprendre.

Je me souviens que mon grand-père partageait une chambre avec Dave Epstein dans une résidence pour personnes âgées, et Dave racontait toutes sortes d’histoires. Il faisait partie des jeunes hommes qui avaient fait le tour de l’île. Il m’a dit : « Michael, Michael, Michael, je parle cinq langues. Devine lesquelles! » Je lui ai répondu le russe — oui —, l’allemand — oui —, le yiddish — oui —, l’anglais — oui. Je ne trouvais pas la cinquième, et il m’a dit : « l’écossais. » C’était la même histoire.

Il me racontait que quand il a ouvert son magasin — il a eu un magasin de vêtements très prospère pendant de nombreuses années — toutes les personnes âgées de la campagne, qui ne parlaient pas beaucoup anglais à l’époque, fréquentaient toujours son magasin parce qu’il pouvait communiquer avec elles.

Il y a tant de belles histoires. Ils ont apporté une grande contribution au cap Breton. Ils sont respectés au cap Breton. Ils ont essaimé dans tout le pays. De nombreux membres de la communauté du cap Breton se trouvent maintenant à Halifax, à Montréal, à Toronto, à New York, et j’en passe. Ils ont tous réussi, ils reviennent tous dans l’île et ils sont toujours très généreux envers l’île.

Je trouve extrêmement difficile de voir des manifestations ouvertes d’antisémitisme dans notre pays. Selon moi, nos universités feraient mieux de réévaluer la manière dont elles traitent cette question, car je pense qu’elles ont beaucoup trop contribué à promouvoir cet état d’esprit au Canada.

Je soutiens entièrement cette motion et j’encourage tous les sénateurs à faire de même. Merci.

L’honorable Salma Ataullahjan [ - ]

Honorables sénateurs, comme vous pouvez le constater, je n’ai pas préparé de notes, mais je me sens obligée de prendre la parole en tant que musulmane pratiquante et en tant que personne dont certains membres de sa famille sont juifs. J’ai une belle-sœur qui est juive et j’ai un neveu qui est marié à une femme juive. Cette haine me laisse perplexe. En tant que membres de la famille, nous avons vécu ensemble. Nous nous aimons les uns les autres. Je suis donc perplexe.

Je tiens à vous dire que lorsque je suis arrivée au Canada il y a 43 ans — j’ai passé la plus grande partie de ma vie dans ce pays —, si quelque chose arrivait aux musulmans, c’était nos sœurs et frères juifs qui se mobilisaient et qui parlaient en notre faveur. La situation actuelle me trouble; en tant que défenseure des droits de la personne, la situation me trouble parce que je n’éprouve pas de haine pour qui que ce soit en raison de son origine ethnique, de sa religion ou de la couleur de sa peau. C’est parce que je vois des similitudes entre nous. Je vois ce que nous voulons pour nous‑mêmes et ce que nous voulons pour nos enfants.

Nous devons faire preuve de solidarité les uns envers les autres en ce moment, que ce soit avec la communauté juive ou avec la communauté musulmane. Nous devons être solidaires des Canadiens qui souffrent.

Je n’avais pas l’intention de prendre la parole, mais j’ai décidé de le faire après les interventions des sénateurs Yussuff, Dalphond, Plett et Arnot. Comme vous, lors de l’étude sur l’islamophobie au Comité des droits de la personne, j’ai été surprise d’apprendre qu’il n’y avait pas eu d’étude sur l’antisémitisme. C’est pourquoi nous proposons de nous pencher sur l’antisémitisme.

Je tiens à dire que je suis solidaire de ceux qui souffrent. Je suis solidaire des enfants qui ne comprennent pas cette haine. Je vais vous raconter une anecdote. Quand ma fille était à la maternelle, elle m’a dit un jour, en revenant de l’école, qu’il y avait une nouvelle élève dans sa classe. Comme vous le savez, nous n’avons pas grandi dans le même milieu, alors je n’ai pas la même façon de penser. Je lui ai donc demandé de quelle ethnie elle était. Elle a répondu : « Attends un peu que j’y pense. » Ce jour-là, je me suis rendu compte que les enfants ne s’attardent pas à la couleur et à l’ethnicité. C’est ce qui fait la beauté du Canada, et c’est pour cela que des gens du monde entier veulent venir au Canada. C’est parce qu’ils peuvent y pratiquer leur foi. Ils peuvent y être qui ils veulent, mais en étant bienveillants et respectueux les uns envers les autres.

Je tiens simplement à dire que je suis solidaire de mes frères juifs. L’antisémitisme n’est pas justifié. En tant que leaders, nous devons donner l’exemple. Il ne faut pas semer la discorde et la haine. Il faut montrer l’exemple à tout le monde.

Nous sommes réunis dans cette enceinte, et je ne sais pas quelle religion la plupart d’entre vous pratiquez ni quelles sont vos croyances, mais nous sommes quand même capables de nous entendre. Je suis là pour vous appuyer, et je pense que c’est un message important : en tant que leaders, nous devons soutenir les Canadiens et défendre leurs convictions. Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ - ]

Honorables sénateurs, je n’avais pas l’intention de prendre la parole, mais je tiens à dire quelques mots à titre personnel en tant que Juif et en tant que personne qui a eu la chance de naître au Canada à une époque où... Je suis l’une des personnes les plus âgées au Sénat, alors je pense que je peux parler au nom de tout le monde. Nous ne pensions pas — du moins ceux d’entre nous qui sont nés et qui ont grandi ici dans les années 1950 et 1960, et certainement pas moi — que ma communauté traverserait ce qu’elle a vécu l’année dernière.

Je tiens à remercier tous les sénateurs de leurs manifestations d’appui. Vos discours ont été très touchants pour moi, pour ma communauté et pour ma famille. L’étude menée par notre comité nous incite à aller au fond des choses et à décortiquer ce qui constitue vraiment la forme de haine la plus ancienne et la plus durable qui existe.

Il est nécessaire de faire preuve d’empathie, mais ce n’est pas suffisant. Il faut agir, mais il faut également comprendre réellement la situation et éplucher le discours actuel parce que l’antisémitisme se transforme — je ne suis pas sûr, mais je crois que c’est le sénateur Plett qui l’a qualifié de virus, mais c’était peut-être quelqu’un d’autre. À chaque génération, la communauté juive devient l’avatar contre lequel les gens expriment leurs frustrations, leur colère et leurs croyances — complotistes au moins la majorité du temps — pour expliquer ce qui va mal dans le monde.

Nous avons le devoir de nous éduquer et d’agir, mais surtout, je veux simplement vous remercier. C’est un geste qui compte beaucoup.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente [ - ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

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