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Projet de loi d'exécution de l'énoncé économique de l'automne 2022

Deuxième lecture--Débat

13 décembre 2022


L’honorable Tony Loffreda [ + ]

Propose que le projet de loi C-32, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 3 novembre 2022 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-32, Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2022. C’est un honneur pour moi de parrainer cette importante mesure législative qui prévoit des mesures annoncées dans l’énoncé économique de l’automne présenté le 3 novembre, ainsi que d’autres mesures déjà annoncées dans le budget de 2022.

Avant d’aborder certaines des mesures importantes du projet de loi, j’aimerais commencer par faire quelques remerciements.

Tout d’abord, je tiens à remercier le sénateur Gold et la ministre Freeland de la confiance qu’ils m’ont accordée en me permettant d’agir à titre de parrain de ce projet de loi au Sénat. Je les remercie également de tout le soutien qu’ils m’ont apporté, ainsi qu’à mon bureau.

Deuxièmement, je dis un grand merci à nos collègues qui siègent au Comité sénatorial permanent des finances nationales, présidé avec brio par la « sensation de Saint-Léonard », le sénateur Mockler. Nous avons commencé notre étude préalable du projet de loi C-32 le 22 novembre, et, depuis, nous avons tenu huit réunions et reçu plus d’une cinquantaine de témoins et une dizaine de soumissions écrites. Nous avons siégé pendant près de 15 heures.

Troisièmement, je remercie le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones de son évaluation de la section 3 de la partie 4 du projet de loi C-32, dont je parlerai brièvement aujourd’hui. J’ai l’intention d’accorder une plus grande place à cette section lors de mon discours à l’étape de la troisième lecture.

Comme tous les sénateurs le savent, le projet de loi C-32 comporte 172 pages, 4 parties et 29 mesures distinctes. Je vais les parcourir toutes aujourd’hui. Je plaisante, bien entendu.

Les 21 premières mesures se trouvent dans la partie 1 et elles apportent des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu. Le projet de loi contient de nombreuses bonnes mesures qui aideront les familles et les Canadiens à surmonter l’augmentation du coût de la vie. Les autres mesures sont surtout de nature technique ou corrélative.

Pour le bien et la santé de tous, je ne vais pas aborder chaque mesure du projet de loi. Après tout, je ne dispose que de 45 minutes. C’est dans ces moments-là que j’aimerais être le leader de l’opposition pour disposer d’un temps de parole illimité.

Je vais plutôt concentrer mes observations sur ce que je considère comme des mesures clés du projet de loi C-32, qui ont le plus grand potentiel pour aider les Canadiens à surmonter la tempête inflationniste que nous traversons actuellement, surtout au moment où nous apprenons à vivre avec la COVID-19.

Je terminerai mon intervention en vous livrant quelques réflexions sur l’économie et l’inflation en général.

Le rêve de l’accession à la propriété devient de plus en plus inabordable pour un trop grand nombre de jeunes familles et de Canadiens de la classe moyenne. C’est pourquoi le projet de loi C-32 contient une série de mesures visant à favoriser l’accession à la propriété. Ces mesures comprennent la règle contre la revente précipitée, le nouveau compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété, le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation et le crédit d’impôt pour la rénovation d’habitations multigénérationnelles.

La nouvelle règle contre la revente précipitée permettra de faire en sorte que les bénéfices tirés de la vente de maisons soient imposés comme un revenu d’entreprise si le vendeur a détenu la propriété pendant moins de 12 mois. Des exceptions s’appliqueront aux personnes qui vendent leur maison en raison de certaines circonstances de la vie, comme un décès, une invalidité, un divorce ou un nouvel emploi, par exemple. Ainsi, les investisseurs qui transforment des maisons dans le seul but de réaliser un profit paieront leur juste part, ce qui contribuera à réduire le prix des logements pour les Canadiens qui veulent acheter une propriété pour y vivre. Le gouvernement s’attend à ce que cette mesure touche environ 3 300 contribuables par an et augmente ses recettes fiscales d’environ 15 millions de dollars par an.

Au moyen du nouveau compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première maison, le gouvernement veut aider les Canadiens qui peinent à amasser la mise de fonds nécessaire et les inciter à épargner pour l’achat d’une maison en donnant aux éventuels premiers acheteurs la possibilité de verser jusqu’à 8 000 $ par année dans ce compte libre d’impôt, jusqu’à un maximum de 40 000 $. Le gouvernement travaille avec l’Agence du revenu du Canada et avec les institutions financières à développer les systèmes nécessaires à l’administration de ce nouveau compte. Peu importe quand ce programme sera prêt en 2023, les Canadiens pourront déjà verser le montant annuel maximal de 8 000 $.

Dans le budget de 2022, le gouvernement propose également de doubler le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation, le faisant passer de 5 000 $ à 10 000 $. La mesure j) dans le projet de loi C-32 a pour objet de mettre en œuvre cette promesse, qui devrait coûter au gouvernement environ 775 millions de dollars sur six ans et qui profitera à environ 200 000 personnes par année.

En réponse à une question du sénateur Boehm au sujet de ce crédit d’impôt, les fonctionnaires nous ont dit que le crédit était à taux uniforme, plutôt qu’un crédit ajusté en fonction des différences régionales, parce qu’il sera ainsi plus facile pour l’Agence du revenu du Canada de l’administrer. Au bout du compte, il s’agissait d’une décision stratégique du gouvernement.

La mesure l), le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation, a également été annoncée pour la première fois dans le budget de 2022. Elle vise à instaurer un crédit d’impôt remboursable pour les dépenses admissibles engagées afin de créer un logement secondaire pour permettre à une personne admissible, soit un aîné ou un adulte handicapé, de vivre avec un proche admissible. La valeur du crédit s’élèverait à 15 % du montant le moins élevé entre les dépenses admissibles et 50 000 $, jusqu’à concurrence de 7 500 $. Ce crédit d’impôt s’applique à un logement secondaire ou à un logement autonome avec une entrée privée.

En ce qui concerne les rénovations et les transformations des logements, les particuliers ont accès au crédit d’impôt pour l’accessibilité domiciliaire.

Bien que cela ne touche pas directement à l’abordabilité du logement, je m’en voudrais de ne pas parler de la décision du gouvernement d’aider les étudiants en incluant dans le projet de loi C-32 une mesure qui élimine de façon permanente les intérêts courus sur les prêts aux étudiants et les prêts canadiens aux apprentis.

À partir de 2023-2024, environ 1,2 million d’emprunteurs par an tireront profit de cette mesure. Parmi les bénéficiaires des prêts aux étudiants en 2020-2021, environ 61 % étaient des femmes, 6 % étaient des étudiants autochtones et 5 % avaient une invalidité permanente. Grâce à cette mesure, l’emprunteur moyen économisera environ 410 $ par année en intérêts. Il s’agit d’un investissement de 2,7 milliards de dollars sur les cinq prochaines années et de 556,3 millions de dollars par année par la suite.

Je tiens à préciser que le gouvernement a tenu compte également du fait que le Québec, tout comme les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut, gère ses propres programmes de prêts. Cela dit, le gouvernement a prévu d’allouer les fonds nécessaires à ces trois juridictions pour que cette mesure puisse être offerte à leurs nouveaux diplômés.

Je mentionne cette mesure qui s’adresse aux étudiants dans le cadre de mes commentaires sur l’abordabilité du logement, parce que je pense qu’elle peut également aider les nouveaux diplômés ou les personnes de métier, lorsqu’ils entrent sur le marché du travail, à mettre un peu plus d’argent de côté pour l’achat de leur future maison en profitant du nouveau compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété.

Toutes ces mesures qui apparaissent dans le projet de loi ne régleront pas la crise du logement au Canada, mais elles devraient contribuer à favoriser l’accession à la propriété. Comme l’a dit également l’Association canadienne de l’immeuble, nous devons avant tout nous concentrer sur l’augmentation de l’offre de logements et sur l’innovation en matière de logement.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, le projet de loi C-32 comprend 21 mesures qui apportent des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu. Quatre d’entre elles sont directement liées à l’abordabilité du logement.

Maintenant, j’aimerais que nous portions notre attention sur cinq autres mesures qui modifieront la Loi de l’impôt sur le revenu.

Premièrement, au moyen de la mesure d), le gouvernement introduit un nouveau crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques de 30 % applicable à certains minéraux afin de soutenir la transition verte et les technologies propres. Ces minéraux servent à la production de batteries et d’aimants permanents qui, dans les deux cas, sont utilisés dans les véhicules zéro émission. Le coût prévu de cette mesure est d’environ 360 millions de dollars au cours des six prochaines années.

Le Canada peut et doit jouer un rôle majeur dans la chaîne d’approvisionnement mondiale de ces minéraux critiques. Cette idée a été réaffirmée la semaine dernière lorsque le gouvernement a publié la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques, qu’il a reconnu que « des régimes de réglementation prévisibles et efficaces sont une condition préalable à la compétitivité économique du Canada » et qu’il a déclaré qu’il « s’efforce de simplifier les évaluations des projets et les permis ». Il s’agit d’une autre bonne nouvelle pour l’industrie minière, que je salue certainement.

On nous a dit en comité que Ressources naturelles Canada avait contribué à dresser la liste des 15 minéraux admissibles au crédit d’impôt. Au comité, la sénatrice Duncan a exprimé son soutien à cette mesure.

En réponse à sa question sur les conséquences imprévues de cette mesure et les préjugés régionaux, on nous a rappelé qu’il ne s’agit pas d’une mesure de développement régional. En ma qualité d’ancien banquier, je ne surprendrai personne en affirmant que les mesures e) et f) ont suscité de multiples commentaires de la part de mes anciens collègues du secteur bancaire.

La première mesure, le dividende pour la relance au Canada, propose un impôt ponctuel de 15 % pour les banques et les compagnies d’assurance-vie. La taxe est payable sur la moyenne des revenus imposables pour les exercices 2020 et 2021. Une exemption de 1 milliard de dollars est prévue et serait divisée entre les membres d’un groupe donné. Les banques et les compagnies d’assurance ont jusqu’à cinq ans pour payer cet impôt, à compter de 2022. Pour justifier cette mesure, le gouvernement a expliqué que les principales institutions financières du Canada ont engrangé des profits considérables depuis le début de la pandémie et qu’elles se sont relevées plus rapidement que les autres secteurs de notre économie — ce qui est en partie attribuable à l’aide versée aux citoyens et aux entreprises par le gouvernement fédéral, atténuant ainsi les risques pour leurs bilans.

Le gouvernement a aussi créé un impôt permanent additionnel de 1,5 % sur les revenus imposables des banques et des compagnies d’assurance-vie qui dépassent 100 millions de dollars. Cette mesure a été initialement présentée dans le budget de 2022.

Quand les représentants de l’Association des banquiers canadiens ont témoigné devant notre comité le 6 décembre, ils ont affirmé qu’un « système fiscal efficace est un système neutre » et que celui‑ci doit :

[…] stimuler la croissance et l’innovation en laissant les investisseurs, les épargnants et les employés faire leurs propres choix selon les possibilités qui leur permettent d’obtenir le meilleur rendement pour leur capital, leur travail ou leur savoir plutôt que selon des considérations fiscales.

Même si je respecte l’opinion de l’Association des banquiers canadiens et que je suis d’accord en principe, je crois aussi que nos banques, le fondement de notre économie, ont été rentables pendant la pandémie et qu’elles peuvent se permettre de contribuer de façon plus large à la reprise, à la condition, bien entendu, que cette nouvelle taxe sur les banques ne soit pas refilée à la clientèle. Aux dires du gouvernement, ensemble, ces deux mesures devraient permettre de recueillir environ 6,3 milliards de dollars au cours des six prochaines années.

Troisièmement, le gouvernement propose d’exiger que certaines fiducies fournissent chaque année des renseignements additionnels à l’Agence du revenu du Canada. Cette mesure a été annoncée pour la première fois dans le budget de 2018.

Depuis, le gouvernement a mené de vastes consultations et propose maintenant cette modification, qui vise à aider l’Agence du revenu du Canada à obtenir suffisamment d’information pour déterminer la dette fiscale des contribuables et contrer efficacement l’évitement fiscal abusif ainsi que l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent et d’autres activités criminelles.

Cette mesure a soulevé des préoccupations concernant le secret professionnel de l’avocat de la part de l’Association du Barreau canadien et de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, et ce malgré l’énoncé concernant la Charte émis par le ministre de la Justice. Lorsque la ministre Freeland a comparu devant notre comité, la semaine dernière, je lui ai demandé de nous rassurer concernant le fait que cette mesure est constitutionnelle et qu’aucun amendement ne sera nécessaire pour répondre à ces préoccupations. Elle a répondu être « persuadée » que la mesure est constitutionnelle. Elle a aussi dit :

Nous croyons que nous sommes parvenus au bon équilibre. Nous avons confiance dans le fait que cette mesure n’exige pas la divulgation de renseignements protégés par le secret professionnel de l’avocat.

Je serai heureux de répondre à des questions à ce sujet plus tard, mais je tiens à mentionner que je vais en parler plus en détail dans mon discours à l’étape de la troisième lecture, jeudi, à condition que le projet de loi soit adopté demain matin par le Comité permanent des finances nationales.

La quatrième mesure liée à l’impôt sur le revenu dont je veux parler concerne le changement apporté au taux d’imposition préférentiel pour les petites entreprises, offert dans le cadre de la déduction accordée aux petites entreprises. Le budget de 2022 propose d’éliminer plus progressivement l’accès à la déduction pour petites entreprises, l’accès devant être entièrement éliminé lorsque le capital imposable combiné utilisé au Canada d’une société privée sous contrôle canadien et de ses sociétés associées atteint 50 millions de dollars plutôt que le seuil actuel de 15 millions de dollars. Le coût de cette mesure pour les recettes publiques devrait être de 835 millions de dollars de 2022-2023 à 2027-2028. Elle permettrait aux entreprises de disposer de plus de capitaux pour innover, accroître la productivité, embaucher plus de personnel ou augmenter les salaires.

Cette mesure a été accueillie favorablement par la Chambre de commerce du Canada et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante qui ont comparu devant le comité le 29 novembre. Dan Kelly, le président et chef de direction de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a déclaré au comité que « Deux petites entreprises canadiennes sur trois ont toujours des dettes supplémentaires liées à la COVID, des dettes qu’elles n’avaient pas avant la pandémie [...] » Cela représente 110 000 $ en moyenne. Nous avons également appris que 17 % des petites entreprises risquent de fermer définitivement leurs portes en raison des dommages qu’elles ont subis au cours des deux dernières années. Heureusement et avec un peu de chance, quelque 8 000 entreprises devraient bénéficier du taux d’imposition préférentiel, et ce nombre devrait augmenter avec le temps. L’Institut C.D. Howe soutient également cette mesure et estime qu’elle favorisera la croissance des entreprises.

La cinquième et dernière mesure que je souhaite aborder est l’augmentation du contingent des versements pour les organismes de bienfaisance, qui passera de 3,5 % à 5 % pour les actifs d’investissements excédant 1 million de dollars. En fonction des données disponibles, environ 4 000 organismes de bienfaisance ont rapporté détenir des biens de plus de 1 million de dollars qui ne sont pas utilisés pour des activités de bienfaisance. Je me réjouis certes de ce changement. Les sénateurs se souviendront peut-être que, le printemps dernier, j’ai soulevé cette question ici, auprès du sénateur Gold, et que j’ai réclamé une telle augmentation. On s’attend à ce que ce nouveau taux augmente les dépenses dans le cadre des programmes de bienfaisance et permette de mieux assurer le versement ponctuel des fonds assortis d’une aide fiscale à des fins caritatives, tout en permettant la croissance raisonnable des actifs.

M. Bruce MacDonald, président et chef de la direction d’Imagine Canada, a dit ceci à notre comité.

Augmenter le contingent des versements pourrait permettre de verser plus de fonds aux collectivités mal desservies et aux collectivités sous-financées qui, jusqu’ici, ont reçu bien moins de fonds de la part des fondations philanthropiques.

Il nous a aussi rappelé que les actifs totaux des fondations avaient « […] triplé de 2008 à 2019, passant de 39,5 à 116 milliards de dollars canadiens. » Il a ajouté ceci :

Même les estimations les plus prudentes montrent qu’approximativement 200 millions de dollars en nouvelles dépenses seront versés quand le contingent des versements passera à 5 %.

Au comité, quand j’ai demandé aux fonctionnaires pourquoi on n’augmentait pas encore plus ce contingent, on m’a répondu ce qui suit :

[…] faire passer le contingent à 7 ou à 10 % augmente les dépenses à court terme, mais pourrait nuire à la capacité des fondations de financer des programmes de bienfaisance à long terme.

On nous a aussi rappelé que les fondations recevaient des intérêts et des revenus de placement à la hauteur d’environ 5 % annuellement, et que ce nombre atteint 7 % lorsque le total des gains réalisés sur les investissements est inclus.

Même si j’avais souhaité une augmentation plus grande initialement, je pense que 5 % est une hausse satisfaisante en fonction des explications fournies au comité. C’est aussi le taux des États-Unis. Il sera important de surveiller les retombées de cette mesure sur le secteur. Je ne doute pas que la sénatrice Omidvar, qui est une ardente défenseure du secteur des organismes de bienfaisance, comme nous le savons tous, salue ce changement. De plus, il ne pourrait mieux tomber étant donné que les Canadiens comptent de plus en plus sur les organismes de bienfaisance pour répondre à leurs besoins de base comme se nourrir, se vêtir et se loger. Un sondage Ipsos du mois dernier a montré que 22 % des Canadiens prévoient avoir recours à des services caritatifs, soit une hausse de 8 % par rapport à un sondage semblable de janvier.

Ce n’était qu’un aperçu de cinq des mesures contenues dans la partie 1 du projet de loi qui modifierait la Loi de l’impôt sur le revenu. À mon avis, elles faisaient partie des modifications les plus importantes du projet de loi. Je vais mentionner rapidement les autres mesures dans cette partie, y compris l’élimination progressive des actions accréditives pour les activités pétrolières, gazières et du charbon, différentes mesures contre l’évitement fiscal, les coupons d’intérêts détachés et le soutien aux investissements des entreprises dans les thermopompes à air.

Je suis favorable aux modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu qui sont proposées dans le projet de loi C-32, mais je tiens aussi à préciser que le régime fiscal du Canada est devenu de plus en plus complexe et tortueux. La plus récente version de la loi fait 3 356 pages. Comme le Comité des finances nationales l’a indiqué en juin dernier, les modifications très techniques rendent l’ensemble de la Loi de l’impôt sur le revenu encore plus complexe, de telle sorte qu’il est extrêmement difficile pour les Canadiens, y compris les fiscalistes, de comprendre comment ces changements les affecteront. Cela vaut aussi pour les changements proposés dans le projet de loi C-32.

Comme nous l’avons dit à ce moment-là, nous sommes préoccupés par l’absence d’examen approfondi à l’égard de l’ensemble des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. J’aimerais vous fournir des exemples, honorables collègues. En novembre 2017, la Loi de l’impôt sur le revenu faisait 3 129 pages. Seulement cinq ans plus tard, ce nombre a augmenté de plus de 200 pages. La première loi relative à l’impôt sur le revenu, soit la Loi de l’impôt de guerre sur le revenu, promulguée en 1917, ne contenait que 11 pages et devait être une loi temporaire. La Loi de l’impôt sur le revenu telle que nous la connaissons aujourd’hui a été promulguée par le Parlement en 1944 et fait toujours partie de nos vies depuis ce temps. Elle comptait alors 88 pages, mais, 75 ans plus tard, elle faisait plus de 3 000 pages; certains pourraient dire que c’était le bon vieux temps.

De nombreuses mesures du projet de loi C-32 visent à stimuler l’économie et à y injecter des capitaux, alors que nous nous remettons de la pandémie, que nous nous dirigeons vers une économie à plus faibles émissions de carbone et que nous sommes en concurrence pour attirer des investissements indispensables.

L’une des pièces maîtresses du projet de loi est le futur Fonds de croissance du Canada, qui figure à la section 1 de la partie 4. La prospérité économique du Canada repose traditionnellement sur les ressources naturelles. Une transformation importante de la base industrielle est nécessaire pour que le pays atteigne ses objectifs climatiques et pour assurer aux Canadiens une prospérité à long terme.

Annoncé dans le budget de 2022, le Fonds de croissance du Canada attirera des investissements substantiels du secteur privé dans des entreprises et des projets canadiens pour aider à transformer l’économie canadienne et pour profiter des occasions offertes par la carboneutralité. Ceci contribuera à réduire les émissions de gaz à effet de serre du Canada et à créer de bons emplois ici, au pays.

Cette mesure du projet de loi C-32 autorise la ministre des Finances à acquérir, jusqu’à concurrence de 2 milliards de dollars, des actions sans droit de vote d’une nouvelle société d’État constituée en société pour administrer le Fonds de croissance du Canada, et à demander à ce que les sommes nécessaires pour l’acquisition soient prélevées sur le Trésor. Ce montant servira à la capitalisation initiale du Fonds de croissance du Canada pour lui permettre de faire les investissements initiaux et d’assumer les coûts de démarrage.

On a beaucoup parlé de cette mesure, et le fonds suscite une certaine incertitude et un certain malaise, et c’est pourquoi j’aimerais prendre quelques instants pour donner un peu plus de contexte. Le fonds est censé être un nouveau fonds d’investissement indépendant appartenant au gouvernement, et il n’a pas encore été constitué en société. Les 2 milliards de dollars initiaux prévus par le projet de loi C-32 seront affectés au fonds et aideront à le constituer en filiale à part entière de la Corporation de développement des investissements du Canada. Nous nous attendons à ce que cela se concrétise le plus rapidement possible et que le fonds commence à faire et à attirer des investissements sous peu.

Des fonctionnaires qui ont comparu devant notre comité ont expliqué que le Fonds de croissance du Canada avait été annoncé en réponse à la loi américaine sur la réduction de l’inflation, afin d’aider le Canada à être compétitif sur le plan international en matière d’immobilisations. La ministre Freeland a également insisté sur ce point lorsqu’elle a comparu devant le comité, ce qui explique pourquoi le gouvernement cherche à obtenir ces fonds pour commencer à investir le plus rapidement possible.

Le gouvernement a l’intention de présenter un projet de loi en 2023 pour établir la structure permanente du Fonds de croissance du Canada. J’invite les sénateurs et le public à consulter le document d’information technique sur le Fonds de croissance du Canada que le gouvernement a publié le mois dernier. Il s’agit d’un document d’information technique très détaillé qui répondra à bon nombre de vos questions. Il présente les détails de la gouvernance du fonds, y compris sa mise en œuvre, son mandat, ses opérations, ses instruments financiers, ses approches d’investissement, ses mesures de rendement et ses cadres de transparence et de responsabilité.

Lorsque le fonds a été annoncé pour la première fois au printemps dernier, il était doté d’un investissement de 15 milliards de dollars, de sorte que les parlementaires doivent également s’attendre à des demandes de financement supplémentaires au moyen de crédits futurs. En d’autres termes, les parlementaires doivent s’attendre à examiner et à voter un projet de loi qui établira la structure de gouvernance permanente du fonds et qui nécessitera un financement supplémentaire.

Lorsque la ministre Freeland a comparu devant nous la semaine dernière, je lui ai demandé de fournir au comité des renseignements supplémentaires concernant le Fonds de croissance du Canada. Comme je lui ai expliqué ce jour-là, certains sénateurs ne se sentent pas à l’aise d’approuver la somme initiale de 2 milliards de dollars, alors que la structure de gouvernance et les exigences opérationnelles n’ont pas encore été établies. Elle nous a rappelé l’importance d’avoir différentes politiques dans notre boîte à outils pour accélérer la transition verte et stimuler l’économie. Elle a expliqué que le fonds est censé atténuer les risques associés aux investissements du secteur privé dans de nouvelles technologies, projet par projet, afin de créer des emplois pour l’avenir et réduire les émissions des gaz à effet de serre.

La ministre Freeland nous a aussi expliqué, en répondant à une question du sénateur Gignac, que le gouvernement a vite compris trois choses plus tôt cette année. Elle a affirmé ceci :

[...] premièrement, la transition verte est essentielle et urgente pour le Canada; deuxièmement, la transition verte coûtera très cher et nous avons besoin de fonds supplémentaires; et troisièmement, les fonds du gouvernement ne seront pas suffisants. Le gouvernement devra créer des conditions qui vont attirer du capital privé. C’est ce que nous avons compris au printemps et c’est pour cette raison que nous avons créé ce fonds.

Je suis d’accord avec la ministre. Je crois que le Fonds de croissance du Canada est une mesure importante et opportune, et je suis persuadé qu’il réussira à attirer les investissements nécessaires pour nous aider à atteindre nos objectifs en matière de transition verte.

Par exemple, notre comité a reçu comme témoins des intervenants de chambres de commerce, de petites entreprises, des représentants du secteur de l’hydrogène et des piles à combustible, du secteur ouvrier et de l’industrie du stockage d’énergie, et tous ont accueilli favorablement la création du fonds. D’ailleurs, la représentante de l’Association canadienne de l’hydrogène et des piles à combustible a imploré le gouvernement de ne pas retarder la mise en œuvre du Fonds de croissance du Canada et d’éviter les erreurs commises avec la Banque de l’infrastructure du Canada qui, selon certains, avait pris du temps à décoller.

Il faut investir maintenant.

Je comprends que certains sénateurs hésitent à approuver une telle mesure alors qu’aucune structure permanente n’est en place. Je crois toutefois, comme la ministre et de nombreux intervenants, que le Canada ne peut pas se permettre de laisser des investissements de capitaux aller plutôt chez ses voisins du Sud. Nous devons être concurrentiels et créer un environnement qui favorise la croissance, la productivité et la création de nouvelles technologies novatrices. Le temps presse.

Je me tourne maintenant vers la sénatrice Marshall. Je n’ai aucun doute qu’elle aura une ou deux, ou même trois choses à dire à propos du Fonds de croissance du Canada. Je me contenterai toutefois de dire, en terminant, que je m’engage à surveiller la mise en œuvre et les activités du Fonds de croissance du Canada à ses débuts. Je sais que beaucoup de gens, y compris la sénatrice Marshall, exerceront des pressions sur le gouvernement pour que la structure organisationnelle soit établie dès que possible et que les valeurs et les objectifs décrits dans le document d’information technique soient respectés. J’ai bien entendu les préoccupations soulevées pendant les travaux du comité et dans les médias, et je m’engage à suivre l’avancement de cette initiative cruciale.

Le Fonds de croissance du Canada vise à attirer des investissements étrangers pour rendre notre économie plus verte. Toutefois, il fait aussi partie de l’ADN du Canada d’aider les nations étrangères, et c’est pourquoi le gouvernement propose d’apporter des modifications à la Loi sur les accords de Bretton Woods et des accords connexes. Pour ceux qui ne connaîtraient pas cette loi, elle donne au ministre des Finances le pouvoir de fournir une aide financière à un État étranger si le gouverneur en conseil est d’avis qu’il est dans l’intérêt national de le faire.

À l’heure actuelle, le montant maximal que le Canada peut accorder à un État donné est de 2,5 milliards de dollars américains et de 5 milliards de dollars américains pour l’ensemble des États étrangers. Depuis le début de l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie, le Canada a déjà versé 2 milliards de dollars canadiens en aide financière directe à l’Ukraine et il s’est engagé à verser 500 millions de dollars canadiens supplémentaires par l’émission d’une obligation de souveraineté de l’Ukraine.

Deux changements simples sont proposés dans le projet de loi C-32. Premièrement, les montants maximaux n’ont jamais été augmentés depuis la création de la loi en 1998. Le gouvernement propose de porter les montants à 7 milliards de dollars et à 14 milliards de dollars, ce qui tient plus ou moins compte de 25 années d’inflation. La deuxième modification change la devise dans la loi, qui passe du dollar américain au dollar canadien. Je tiens à préciser qu’aucun fonds n’est attribué avec cette mesure. Le gouvernement demande simplement de lever le plafond du soutien que le Canada peut offrir.

La dernière partie du projet de loi dont je veux parler est la section 3 de la partie 4, qui porte sur la Loi sur la gestion des terres des premières nations adoptée en 1999, qui ratifiait l’accord-cadre conclu en 1996 concernant la gestion des terres par les Premières Nations hors du cadre de la Loi sur les Indiens.

La mesure législative proposée dans le projet de loi C-32 éliminera les doublons dans la loi et amènera plus de clarté pour les partenaires impliqués. Il s’agit d’une initiative pilotée par les Premières Nations et développée conjointement visant le remplacement de la Loi sur la gestion des terres des premières nations par une loi plus concise. Elle poursuivrait la ratification de l’accord-cadre de nation à nation et soutiendrait ce dernier en tant qu’autorité centrale à partir de laquelle les Premières Nations pourront passer à un autre régime que celui de l’application des 44 articles de la Loi sur les Indiens portant sur les terres.

Il convient de souligner que, lors d’une réunion spéciale des Premières Nations signataires de l’accord-cadre, une résolution au sujet du projet de loi — celui dont le Sénat est saisi — a été présentée et a reçu l’appui unanime des Premières Nations signataires.

Le Comité sénatorial des peuples autochtones a étudié cette partie du projet de loi et a présenté son rapport au Sénat le 5 décembre.

On a déjà beaucoup parlé de cette partie du projet de loi la semaine dernière. Les sénateurs Patterson, McCallum et Francis, qui sont tous membres du comité, nous ont fait part de leurs préoccupations relatives au mémoire présenté par les Manitoba Keewatinowi Okimakanak et à leurs demandes d’amendements concernant les forces de l’ordre sur leur territoire.

Je m’étendrai peu sur le sujet aujourd’hui. Je traiterai plus amplement de la question plus tard cette semaine, à l’étape de la troisième lecture. Cela dit, si je puis, j’aimerais simplement mentionner certaines des observations dont nous ont fait part le Conseil consultatif des terres et le Centre de ressources sur la gestion des terres des Premières Nations.

Dans une lettre datée du 9 décembre, le chef Robert Louie, président du Conseil consultatif des terres, confirme que le conseil « appuie généralement la position des MKO et ses efforts relativement à l’application des lois des Premières Nations », mais ne peut appuyer un amendement au projet de loi pour les raisons suivantes :

Nous n’avons pas l’approbation de tous les signataires d’ententes-cadres pour apporter la moindre modification au libellé de la loi sur l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres de premières nations […] Une modification de la loi créerait une incohérence avec l’accord-cadre auquel renvoie la loi. Autrement dit, à l’heure actuelle, rien dans l’accord-cadre ne traite de la législation relative à la GRC ou aux poursuites pénales.

Le chef Louie ajoute que le Conseil consultatif des terres espère continuer d’appuyer les MKO et de collaborer avec eux et :

[...] propose de poursuivre leurs démarches conjointes auprès des provinces et du gouvernement fédéral relativement à l’application de la loi et s’engage à continuer de s’aligner sur la position des Premières Nations signataires en ce qui a trait à tout changement approprié à l’accord-cadre.

Le chef Louie écrit, et j’approuve ce qui suit :

[...] consentir à des modifications à l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres de premières nations avant de demander l’approbation des Premières Nations va à l’encontre du principe de respect mutuel et de la relation de nation à nation que nous nous sommes efforcés de bâtir et d’entretenir depuis la signature de l’accord-cadre en 1996.

J’en aurai plus à dire à ce sujet à l’étape de la troisième lecture.

Il serait contraire à mes habitudes de parler d’un projet de loi de nature économique sans faire quelques observations de mon cru sur l’état actuel de notre économie.

L’énoncé économique de l’automne a été l’occasion pour le gouvernement de présenter aux Canadiens une mise à jour en milieu d’exercice sur la croissance économique du pays et l’état de ses finances. L’énoncé comprenait également les prévisions du gouvernement en matière de revenus et de dépenses de programmes ainsi que des prévisions économiques à long terme.

Comme la plupart des pays, le Canada a réagi rapidement à la pandémie. Le gouvernement a fourni aux personnes, aux familles et aux entreprises le soutien financier nécessaire pour joindre les deux bouts. Malgré des dépenses extraordinaires, le Canada sort de la pandémie dans une position relativement bonne.

J’ai passé la majeure partie de ma vie à travailler avec les chiffres et je peux vous assurer que vous pouvez leur faire dire ce que vous voulez. Tout est une question de point de vue, de comparaison et de façon de présenter les choses. En tant que sénateur indépendant, je crois sincèrement que l’économie canadienne se porte mieux que celle de la plupart des pays. Certes, je conviens que nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge et que nous avons du pain sur la planche, mais j’ai bon espoir que nous sommes sur la bonne voie.

Comme nous le savons tous, la taille de l’économie canadienne est maintenant de 103 % par rapport à ce qu’elle était avant la pandémie. Cette année, jusqu’à présent, la croissance économique du Canada est la plus forte parmi les pays du G7 et le ratio de la dette nette au PIB est le plus bas. Le taux de chômage est de 5,1 %, et l’inflation diminue lentement après avoir atteint un sommet en juin, grâce, en partie, à la baisse des prix de l’essence et à la politique monétaire de la Banque du Canada.

La semaine dernière, la banque a augmenté le taux d’intérêt de 50 points de base supplémentaires, à 4,25 % — la septième hausse de taux de l’année — afin de faire baisser l’inflation et de la ramener à son taux cible. Comme la banque l’a déclaré le jour de l’annonce,

« [...] le Conseil de direction évaluera s’il est nécessaire de relever encore le taux directeur pour ramener l’offre et la demande en équilibre et l’inflation à la cible. »

La banque est déterminée à tenir son « engagement à atteindre la cible d’inflation de 2 % et à rétablir la stabilité des prix pour les Canadiens. »

Bien sûr, l’inflation est un problème majeur au Canada, mais ce n’est pas la seule mesure que nous devrions utiliser pour évaluer notre situation économique et la santé de notre économie. Par exemple, parmi nos homologues du G7, seuls la France et le Japon ont un taux d’inflation inférieur à celui du Canada. La reprise de l’emploi au Canada a également surpassé celle de la plupart des pays pairs du G7 et dépassé les attentes.

À mon humble avis, l’énoncé économique de l’automne est prudent, ciblé et pas trop coûteux. Oui, il y a des postes budgétaires importants qui nécessitent de grosses sommes d’argent dans le projet de loi C-32. Cependant, dans l’ensemble, on s’attend à ce que le projet de loi génère des recettes et n’augmente pas les déficits. À mon avis, ce sont là de bonnes nouvelles.

J’ai demandé au cabinet de la ministre Freeland de nous fournir une ventilation des coûts de toutes les mesures contenues dans le projet de loi C-32. J’ai été heureux de voir que, entre 2022-2023 et 2027-2028, le gouvernement prévoit des recettes nettes de plus de 4 milliards de dollars dans le cadre du projet de loi C-32. Ces recettes sont attribuables, en grande partie, au dividende pour la relance du Canada et à l’impôt supplémentaire pour les banques et les assureurs-vie.

Certains ont soutenu que les mesures prévues dans ce projet de loi, ainsi que celles contenues dans les deux projets de loi sur l’allégement du coût de la vie, augmenteront encore plus l’inflation et continueront d’exercer une pression financière sur notre économie et sur le portefeuille des Canadiens. Avec tout le respect que je leur dois, je ne suis pas de cet avis, et d’autres Canadiens éminents partagent mon opinion.

Yves Giroux, le directeur parlementaire du budget, a examiné l’effet inflationniste de l’annonce de la ministre Freeland en septembre et il a constaté qu’elle aura une incidence minimale sur l’inflation. Il pense que le taux d’inflation pourrait augmenter de 0,01 %. Il s’agit de l’opinion du directeur parlementaire du budget.

Le 1er décembre, Kevin Page, le prédécesseur de M. Giroux et le tout premier directeur parlementaire du budget du Parlement, a comparu devant le Comité des banques, et nous l’avons interrogé sur l’inflation. C’était bon de le voir. En réponse à une excellente question du sénateur Gignac, M. Page a brièvement parlé de l’énoncé économique de l’automne et a soutenu que l’énoncé contient une quantité modeste de mesures, mais qu’il ne les considérait pas comme inflationnistes. Comme il l’a dit — et je partage son avis : « Même si nous avons de l’inflation, nous devons quand même réorienter l’économie canadienne pour réduire nos émissions. »

Le gouvernement a été clair dans son énoncé économique de l’automne :

Nous offrons des mesures d’allègement de l’inflation ciblée, parce que c’est la chose à faire.

Mais nous ne pouvons plus soutenir chaque Canadien comme nous l’avons fait avec les mesures d’urgence au plus fort de la pandémie.

Une telle démarche forcerait la Banque du Canada à augmenter les taux d’intérêt encore plus. La vie deviendrait plus chère pour tout le monde, pendant plus longtemps.

Alors, pendant que la banque centrale lutte contre l’inflation, nous ne compliquerons pas son travail.

Je suis d’accord avec cette déclaration, mais je reconnais que les Canadiens à faible et moyen revenu et certaines des personnes les plus marginalisées dans nos collectivités ont besoin de l’aide du gouvernement.

De plus, j’ai été heureux de lire dans les journaux que la ministre Freeland a déclaré récemment à ses collègues du Cabinet que s’ils voulaient obtenir de l’argent pour de nouveaux programmes dans le prochain budget fédéral, ils devaient fournir au moins 25 % des nouveaux coûts de fonctionnement demandés en argent provenant de leurs propres ministères, par exemple, en songeant à réduire les dépenses ou à supprimer certains programmes.

J’accueille très favorablement cette initiative. Si l’on s’attend à ce que les Canadiens vivent selon leurs moyens, les Canadiens devraient pouvoir s’attendre à ce que le gouvernement en fasse de même.

Comme l’a dit la ministre Freeland au Sénat en octobre, les Canadiens réduisent les dépenses, et le gouvernement doit aussi le faire.

Honorables sénateurs, je suis heureux d’annoncer que j’en suis à la partie de mon discours qui s’intitule, en caractères gras, « Conclusion ».

Le sénateur Loffreda [ + ]

Deux pages et demie. C’est un projet de loi important.

Chers collègues, aucun projet de loi n’est jamais parfait, surtout les projets de loi volumineux qui sont axés sur l’économie et qui abordent un certain nombre de questions. J’ai essayé d’aborder les questions les plus importantes et ferai de même à l’étape de la troisième lecture. En tant que sénateur indépendant, je suis fier de parrainer ce projet de loi parce que je pense que de nombreuses mesures comprises dans le projet de loi C-32 contribueront à relever les défis de l’abordabilité, à augmenter les revenus, à aider les Canadiens à accéder à la propriété, à mettre en œuvre des mesures pour lutter contre l’évitement fiscal et l’évasion fiscale, à faire croître notre communauté de petites et moyennes entreprises, à augmenter la productivité et à créer des emplois, ainsi qu’à attirer d’importants investissements étrangers afin de faire croître notre économie verte.

Dans 12 jours, de nombreux Canadiens célébreront Noël. Ils se réuniront en famille et entre amis pour célébrer la période la plus festive de l’année. Ils parleront de la dernière année et envisageront l’avenir avec espoir et inspiration.

Nous savons que de nombreux Canadiens peinent à joindre les deux bouts et ont connu deux années difficiles. Les banques alimentaires et les organismes de bienfaisance ont de la difficulté à répondre à la demande. Mais je suis sûr que la plupart conviendront que le Canada est mieux ressorti de la pandémie que prévu et dans une meilleure position que les autres pays du G7.

Nous avons d’innombrables raisons d’être optimistes. Comme l’a dit la ministre Freeland : « [N]ous avons une maison bien construite, avec un toit solide. Et nous avons survécu à des hivers bien plus rigoureux auparavant. »

Chers collègues, s’ils regardent loin devant eux, les Canadiens peuvent voir une lueur d’espoir à l’horizon. J’ai confiance que nous allons traverser le ralentissement économique qui arrive et ce que je prévois être une légère récession. Nous savons tous qu’après l’hiver vient le printemps et que les fleurs écloront en un rien de temps. Merci.

L’honorable Leo Housakos [ + ]

Sénateur Loffreda, acceptez-vous de répondre à quelques questions?

Le sénateur Loffreda [ + ]

Je suis toujours heureux de répondre à vos questions, sénateur Housakos.

Le sénateur Housakos [ + ]

Sénateur Loffreda, merci d’avoir exprimé si éloquemment et de manière si indépendante le point de vue du gouvernement. De manière tout aussi indépendante, bien entendu, je vais poser quelques questions au nom des contribuables de ce pays, en commençant par le fait que, très récemment, la vérificatrice générale a publié un rapport dans lequel elle remettait en question la somme de 27,4 milliards de dollars que vous avez accordée au gouvernement pour des dépenses liées à la COVID. Nous avons bien entendu participé à l’autorisation rapide d’une bonne partie de ces dépenses liées à la COVID. Toutefois, il est maintenant clair que la vérificatrice générale remet en question la transparence d’une bonne partie de ces dépenses.

Dans ce projet de loi, quels mécanismes et quelles mesures le gouvernement a-t-il pris pour veiller à ce que bon nombre des programmes dont vous venez de parler et une grande partie des nouvelles dépenses à venir soient assujettis à de meilleurs freins et contrepoids que, de toute évidence, les derniers budgets que nous avons approuvés?

Le sénateur Loffreda [ + ]

Je vous remercie de votre question, sénateur Housakos. Elle est très pertinente, car, dans mon ancienne vie, j’étais vérificateur — il y a plus de 20 ans. J’ai commencé en 1984. Combien d’années cela fait-il? J’ai perdu le compte. C’est 38 ans, n’est-ce pas? Donc, c’était il y a plus de 20 ans.

Toutefois, ce qui compte le plus à mon avis, ce sont les nombreuses mesures sur l’évitement fiscal. Un grand nombre de mesures sont là pour montrer que la responsabilité fiscale est primordiale. Je pense que le gouvernement en fait la preuve.

Vous avez raison : la vérificatrice générale a déclaré qu’une grande part des sommes versées pour lutter contre la COVID doit être récupérée. Nous devons récupérer ces fonds, alors nous devons mettre en place des mesures adéquates pour déterminer comment récupérer cet argent.

Toutefois, ce projet de loi — le projet de loi C-32 — est fondamentalement l’énoncé économique de l’automne. Il va de l’avant. Il contient des mesures pour contrer l’évitement fiscal, et il met à jour la Loi de l’impôt sur le revenu afin de chercher des moyens de combattre l’évitement fiscal. J’appuie entièrement ces mesures dans le projet de loi. J’espère que, à l’avenir, nous aurons d’autres mesures productives pour éviter les dépenses inutiles comme celles relatives à la COVID.

Le sénateur Housakos [ + ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Loffreda [ + ]

Oui.

Le sénateur Housakos [ + ]

Sénateur, quand vous avez parlé des mesures budgétaires, vous avez évidemment parlé du Fonds de croissance du Canada. Or, je peux vous dire que, dans les dernières années, tout ce que nous avons vu croître au Canada, ce sont d’abord les déficits, que le gouvernement accumule année après année. Nous avons vu la dette croître. La dette du pays a maintenant atteint un niveau sans précédent, et c’est évidemment en grande partie à cause des mesures budgétaires que le gouvernement a fait adopter les unes après les autres.

Évidemment, étant vous-même un ancien vérificateur et un banquier, vous devez être très préoccupé par le fait que, dans les dernières années, les dépenses liées au service de la dette ont augmenté considérablement par rapport aux années précédentes. Les taux d’intérêt continuent d’augmenter, en grande partie à cause des politiques inflationnistes, et en ce qui a trait à ce projet de loi, vous parlez de stimulants. Vous parlez d’injecter des fonds, donc de mesures qui se trouvent à alourdir le fardeau fiscal. Vous avez parlé d’un programme qui consiste en un impôt visant les banques et les compagnies d’assurance, et le gouvernement tente de faire passer cela pour une façon d’imposer les riches, mais en réalité, on fera porter ce fardeau aux consommateurs canadiens, notamment en augmentant les primes d’assurance et les frais bancaires.

Craignez-vous qu’on n’en fasse pas suffisamment pour réduire les dépenses, contrôler la dette et le déficit, et limiter les intérêts que nous devons payer sur la dette nationale, étant donné que les taux d’intérêt augmentent?

Le sénateur Loffreda [ + ]

Sénateur Housakos, il y a toujours une certaine inquiétude. Si je regarde les derniers états financiers — j’adore les chiffres, comme vous le savez — la dette du pays était de 1,134 billion de dollars en date du 31 mars 2022. Le ratio dette-PIB était de 45,5 %, une baisse par rapport au ratio de 47,5 % enregistré l’année précédente. Selon le Fonds monétaire international, ou FMI, si on regarde la dette nette de l’ensemble des administrations publiques du Canada — ce qui comprend les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les administrations locales, ainsi que l’actif net du Régime de pensions du Canada et du Régime de rentes du Québec — le ratio entre cette dette nette et le PIB était de 33,2 % en 2021. Il s’agit du ratio le plus bas parmi les pays du G7, lesquels, selon le FMI, ont probablement inscrit une dette nette moyenne correspondant à 101,2 % de leur PIB pour la même année.

Les taux d’intérêt augmentent, de toute évidence. Le projet de loi à l’étude procurera des revenus nets, comme je l’ai dit. Pour en revenir au Fonds de croissance du Canada, puisqu’il s’agit du point le plus pertinent ici, des membres du comité étaient préoccupés ou inquiets de savoir que la structure permanente n’était pas en place. Les 2 milliards de dollars sont destinés à l’achat d’actions sans droit de vote. Mon expérience auprès de nombreuses entreprises de technologie m’a toutefois appris que le plus grand défi que pose une acquisition, c’est son intégration.

Pour revenir au Fonds de croissance du Canada, je demanderai toujours aux entreprises de technologie pourquoi elles veulent fusionner ou pourquoi faut-il acquérir l’entreprise? Pourquoi ne faisons-nous pas table rase, en partant de zéro? Parce que la technologie évolue si rapidement que le contenu devient vite obsolète; les idées deviennent vite dépassées. Il est donc important de faire table rase, d’aller de l’avant, de proposer de nouvelles idées créatives et de mettre en place le PDG et le conseil d’administration adéquats.

Le Fonds de croissance du Canada, dans cette situation, représente la bonne décision. Il nous permet d’aller de l’avant. Le document d’information technique l’explique bien.

Je suis convaincu que les 2 milliards de dollars constituent un bon investissement. Il s’agit de ne pas perdre de terrain par rapport à notre principal partenaire commercial, les États-Unis, et de nombreux pays dans le monde. J’ai ici la liste de tous les pays qui ont investi dans ce domaine dans le monde. Nous n’investissons qu’une partie de ce qu’ils ont investi. Si nous observons ce qui se passe ailleurs, l’Union européenne a investi 26,2 milliards d’euros, les Pays-Bas ont investi 13 milliards d’euros, la France a investi 7 milliards d’euros et l’Australie a investi 10 milliards de dollars.

Je pense donc que les 2 milliards de dollars du Fonds de croissance du Canada pour financer son démarrage, pour repartir de zéro avec la technologie, sont importants parce que l’infrastructure est obsolète. Parfois, il est important de repartir de zéro, de faire table rase du passé. Les résultats sont bien meilleurs.

Comme je l’ai dit, j’ai l’état financier avec moi. Je pourrais passer 10 minutes à le parcourir. Or l’important, c’est que nous sommes dans une meilleure position financière que les autres pays du G7. Nous nous classons en tête de liste pour ce qui est de nombreux aspects de plusieurs mesures et paramètres. L’inflation n’est pas le seul indicateur pour mesurer la prospérité économique. Il y en a d’autres, comme la croissance et la création d’emplois. Il y a un million d’emplois vacants au Canada, et un million de personnes ne travaillent pas au Canada. Il est important d’apporter des solutions dans cette enceinte et d’envisager des solutions.

Je suis à l’aise avec le projet de loi. Merci de votre question.

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-32, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 3 novembre 2022 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022.

Le projet de loi C-32 comprend quatre parties. La partie 1 propose 21 modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu. La partie 2 propose des modifications à la Loi sur la taxe d’accise et à la Loi d’exécution du budget de cette année. La partie 3 propose des modifications à la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés, qui a été promulguée en juin dernier dans le cadre du projet de loi C-8. J’ai d’ailleurs parlé du projet de loi C-8 à l’étape de la deuxième lecture et de nouveau à l’étape de la troisième lecture. La partie 4 du projet de loi propose un certain nombre d’autres mesures, notamment une loi intitulée Loi sur l’Accord-cadre relatif à la gestion des terres de premières nations. Le sénateur Francis a parlé de cette partie du projet de loi la semaine dernière. La partie 4 comprend également des dispositions sur l’élimination des intérêts sur les prêts d’études fédéraux et sur les prêts aux apprentis.

Les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu dans la partie 1 de ce projet de loi auront des répercussions majeures sur les recettes fiscales. Certaines modifications augmenteront les recettes fiscales du gouvernement, tandis que d’autres les réduiront. Les fonctionnaires du ministère des Finances nous ont dit que l’effet net de ces modifications augmentera les recettes fiscales de 4,2 milliards de dollars sur six ans.

Les recettes de l’État, et notamment les recettes fiscales, ont beaucoup augmenté au cours des trois dernières années. Les recettes totales ont augmenté de 33 % sur une période de trois ans, passant de 334 milliards de dollars en 2019-2020 à des recettes estimées pour cette année à 445 milliards de dollars, soit de 10,4 % par année en moyenne.

J’ai exclu les deux années de la pandémie de COVID de mes calculs. J’ai comparé les données financières de 2019-2020, la dernière année avant l’arrivée de la COVID, à celles de l’exercice financier en cours.

Les recettes tirées de l’impôt sur le revenu des particuliers ont augmenté de 24 % au cours de la période de trois ans, passant de 168 milliards de dollars en 2019-2020 à 209 milliards de dollars, selon les estimations, pour l’exercice en cours. Autrement dit, on parle d’une hausse moyenne de 7,5 % par année.

Les recettes provenant de l’impôt des sociétés ont augmenté de 82 % au cours de la période de trois ans, passant de 50 milliards de dollars en 2019-2020 à 91 milliards de dollars pour le présent exercice. C’est donc une hausse moyenne de 22 % par année au cours des trois années.

En résumé, les recettes provenant de l’impôt des sociétés représentent la hausse la plus marquée dans les recettes de l’État des trois dernières années.

Dans le projet de loi, le gouvernement propose des hausses d’impôts pour les sociétés, y compris le dividende pour la relance au Canada, l’augmentation du taux d’imposition pour les banques et les assureurs-vie et l’impôt sur le rachat d’actions.

Le dividende pour la relance au Canada est un impôt ponctuel de 15 % pour les banques et les assureurs-vie. Il est fondé sur le revenu imposable de 2020 et 2021. Il sera appliqué à l’exercice fiscal 2022, et la somme sera payée en versements égaux sur cinq ans. En ce moment, on nous dit que c’est un impôt ponctuel.

Le gouvernement estime que cet impôt augmentera les recettes provenant de l’impôt des sociétés de 800 millions de dollars par année, à compter de l’exercice en cours et pour les quatre exercices suivants, pour atteindre un total de 4 milliards de dollars sur cinq ans.

L’augmentation de 1,5 % du revenu imposable d’entreprise des groupes de banques et d’assureurs-vie s’applique aux années d’imposition se terminant après le 7 avril 2022. Le gouvernement estime que cette hausse d’impôt augmentera les recettes provenant de l’impôt des sociétés de 290 millions de dollars pour l’exercice financier en cours et de plus de 430 millions de dollars pour chacune des années subséquentes. Les recettes fiscales totales pour la période de cinq ans sont estimées à 2 milliards de dollars.

Je m’attends à ce que l’impôt supplémentaire que devront payer les groupes de banques et d’assureurs-vie au titre du dividende pour la relance au Canada et de la hausse du taux d’imposition de leur revenu soit refilé aux consommateurs, alourdissant encore davantage le fardeau des Canadiens en faisant grimper les frais, alors que les Canadiens sont déjà aux prises avec un taux d’inflation élevé et une hausse des taux d’intérêt.

Dans les faits, on fait payer plus d’impôts aux banques, mais elles refilent la facture aux consommateurs, si bien que le gouvernement empoche en réalité des recettes supplémentaires aux frais des consommateurs.

Le projet de loi C-32 instaure également un taux d’imposition de 2 % sur la valeur nette de tout type de rachat d’actions de sociétés publiques au Canada. Le gouvernement a indiqué que les détails concernant ce nouvel impôt seront annoncés dans le budget de 2023 et entreront en vigueur le 1er janvier 2024. Même si nous ne connaissons pas encore les détails, le gouvernement estime que cet impôt sur le rachat d’actions augmentera de 2 milliards de dollars sur cinq ans les recettes provenant de l’impôt des sociétés et, comme le déclare le gouvernement dans son énoncé économique de l’automne, « [...] les inciter[a] à réinvestir leurs bénéfices dans les travailleurs et au Canada ». Il est ironique que le gouvernement pense pouvoir inciter les sociétés à investir au pays en augmentant leurs impôts.

Dans une entrevue accordée au Hill Times, M. Alex Gray, de la Chambre de commerce du Canada, affirmait que la taxe aurait peu d’effet sur la façon dont les grandes sociétés investissent leurs profits. Elle envoie plutôt un message décourageant aux entreprises canadiennes. M. John McKenzie, chef de la direction du Groupe TMX, le plus important opérateur boursier au Canada, a tenu des propos similaires. M. Don Drummond, ancien sous-ministre délégué de la ministre des Finances, a également affirmé au Hill Times qu’il ne croyait pas en cette taxe. Il a ajouté qu’il ne comprenait pas pourquoi les gouvernements voulaient se mettre le nez dans les affaires des entreprises.

Je ne vois pas comment augmenter le fardeau fiscal des entreprises les incitera à investir au Canada. Je crois que ce sera plutôt l’inverse.

Honorables sénateurs, les dépenses du gouvernement ont beaucoup augmenté au cours des dernières années. Dans les quatre années de 2016 à 2020, la dernière année avant la pandémie, les dépenses du gouvernement ont augmenté de 5 %, 6,6 %, 5,6 % et 7,4 %, respectivement. Faisons la comparaison avec les dépenses de cette année. Les dépenses en 2020, la dernière année avant la pandémie, étaient de 363 milliards de dollars. Jusqu’à maintenant, pour l’exercice en cours, le gouvernement prévoit dépenser 472 milliards de dollars, d’après ce qu’indiquent l’énoncé économique de l’automne et le Budget supplémentaire des dépenses (B), et nous ne sommes pas encore à la fin de l’exercice.

Autrement dit, les dépenses gouvernementales sont passées de 363 milliards de dollars en 2019-2020 à 472 milliards de dollars cette année. Cela représente une hausse de 30 % sur une période de trois ans et équivaut à une hausse annuelle moyenne de 9 %. Les dépenses de cette année n’incluent pas encore d’importantes dépenses, comme une hausse du Transfert canadien en matière de santé et une augmentation du budget du ministère de la Défense nationale.

Le Transfert canadien en matière de santé est le plus grand transfert fédéral aux provinces et aux territoires. Il contribue à payer les coûts liés aux soins de santé. Ce transfert est estimé à 47 milliards de dollars cette année, et il passera à 58 milliards de dollars en 2027-2028.

Toutefois, nous savons tous que notre système de santé est en crise, et que les premiers ministres des provinces et des territoires réclament beaucoup plus : 28 milliards de dollars de plus. Cela dépasse considérablement ce qui est prévu dans les plans de dépenses du gouvernement.

Le gouvernement s’engage également à accorder des fonds supplémentaires au ministère de la Défense nationale pour l’acquisition d’aéronefs, de navires et de sous-marins, pour l’OTAN, et pour moderniser le NORAD.

Le gouvernement prévoit également d’accroître les effectifs de la fonction publique, qui compte actuellement près de 400 000 fonctionnaires, comme l’indique un rapport récent du directeur parlementaire du budget. Bien que nous ne savons pas quel sera l’effet de l’inflation sur la rémunération et les avantages sociaux des fonctionnaires, on s’attend à ce qu’il soit considérable.

Si le gouvernement prévoit une réduction des déficits au cours des quatre prochaines années et un excédent budgétaire la cinquième année, soit en 2027-2028, je ne pense pas que cela puisse se produire compte tenu des habitudes de dépenses du gouvernement et de la récession prévue pour l’année prochaine. En fait, l’énoncé économique de l’automne indique que les recettes fiscales de cette année dépasseront de 37 milliards de dollars ce qui était prévu dans le cadre du budget du mois d’avril. Plutôt que d’utiliser ces 37 milliards de dollars pour éponger le déficit, le gouvernement a en fait consacré 21 milliards de dollars à des dépenses supplémentaires et au service de la dette, ce qui ne laisse que 16 milliards de dollars à consacrer à la réduction du déficit.

Honorables sénateurs, bien que l’augmentation de l’impôt sur les sociétés et les particuliers puisse être envisagée par le gouvernement comme une source de revenus pour financer des dépenses croissantes, augmenter les impôts peut avoir un effet négatif sur l’économie. En effet, les particuliers et les sociétés sont mobiles et peuvent se déplacer vers des pays plus favorables.

Comme ses dépenses sont supérieures à ses recettes, le gouvernement s’endette de plus en plus pour combler le manque à gagner. Lors de mes discours précédents au Sénat, j’ai souligné que les frais de service de la dette du gouvernement augmentaient. Étant donné que les estimations sont révisées après la publication de chaque document financier, il est facile de constater que les frais d’intérêt sont sur une trajectoire nettement ascendante. Malgré les avertissements selon lesquels une dette supplémentaire risque d’augmenter considérablement les frais de service de la dette, la ministre des Finances nous a assuré à maintes reprises que le gouvernement pouvait facilement absorber le coût de la dette supplémentaire et que les intérêts sur cette dette resteraient faibles.

Dans son discours du budget de 2021, la ministre des Finances nous a dit que, dans le contexte actuel où les taux d’intérêt sont faibles, non seulement nous pouvons nous permettre ces investissements, mais il serait peu judicieux de notre part de ne pas faire ces investissements. Elle a ajouté que le gouvernement avait émis un niveau sans précédent d’obligations à long terme à de faibles taux d’intérêt en vue de veiller à ce que la dette du Canada soit viable et ne soit pas un fardeau pour les générations futures.

Le problème avec son plan est que ce gouvernement ne rembourse pas sa dette. Il remplace simplement la dette arrivant à échéance par une nouvelle dette, qui ne peut être financée qu’à des taux d’intérêt plus élevés. Contrairement à ce qu’elle dit, cela nuit aux générations futures, car nous ne remboursons pas cette dette. Au contraire, elle sera transférée aux générations futures, qui devront payer les frais d’intérêt, et rembourser la dette.

Avec l’augmentation des taux d’intérêt, nous pouvons maintenant constater les répercussions de cette dette sur les dépenses gouvernementales. En novembre 2020, il y a tout juste deux ans, le gouvernement nous a dit que le coût du service de la dette serait de 22 milliards de dollars cette année. Dans l’énoncé économique de cet automne, il est passé de 22 à 35 milliards de dollars, soit une augmentation de 60 %. Le coût du service de la dette constitue désormais l’une des dépenses principales du gouvernement.

Comme je l’ai déjà indiqué, les recettes de l’État ne suffisent pas à payer toutes les dépenses publiques, et le manque à gagner est donc emprunté. Par conséquent, il est important de surveiller les emprunts du gouvernement, car la loi fixe un plafond pour son endettement.

Il y a deux ans, le gouvernement a modifié la Loi autorisant certains emprunts pour faire passer le plafond de la dette imparti par la loi de 1,168 billion de dollars à 1,831 billion de dollars à partir du 31 mars 2024. Il s’agirait d’une augmentation de 56 % sur une période de trois ans. Cela rend difficile la tâche des parlementaires qui consiste à faire le suivi de la dette actuelle à un moment donné parce que cette information n’est pas facilement accessible. Elle est seulement divulguée dans les Comptes publics du Canada. Pour obtenir un montant plus à jour, il faut le calculer en utilisant les Comptes publics du Canada, les rapports mensuels de La revue financière et les rapports financiers des sociétés d’État.

En date du 31 mars 2015, la dette du gouvernement était de 918 milliards de dollars. Les plus récents Comptes publics du Canada, publiés le 31 mars 2022, indiquent que la dette est maintenant de 1,5 billion de dollars. Depuis mars, le gouvernement semble avoir emprunté — et il s’agit là de mon estimation en fonction des rapports de La revue financière — 10 milliards de dollars de plus. Ainsi, la dette du gouvernement s’approche maintenant de 1,6 billion de dollars, ce qui représente une augmentation de 640 milliards de dollars depuis mars 2015.

L’augmentation du coût du service de la dette n’est pas attribuable uniquement à l’augmentation des taux d’intérêt; elle est aussi attribuable à une augmentation considérable des emprunts du gouvernement.

Dans ses documents budgétaires annuels et ses énoncés économiques de l’automne, le gouvernement fait le point sur ses stratégies d’emprunt, mais présente moins de renseignements sur ce qui s’est réellement passé avec la dette. Jusqu’à présent, nous avons reçu deux stratégies de gestion de la dette pour cette année, qui nous indiquent ce qui se passera à l’avenir. Mais à ce jour, nous n’avons reçu aucun rapport de gestion de la dette nous indiquant ce qui s’est exactement passé l’année dernière. L’article 49 de la Loi sur la gestion des finances publiques exige que le gouvernement dépose son rapport annuel sur son programme de gestion de la dette dans les 30 premiers jours de séance suivant le dépôt des Comptes publics du Canada.

Les Comptes publics du Canada ayant été déposés le 27 octobre, le rapport sur la gestion de la dette devrait être déposé avant la date limite prévue par la loi, soit le 15 décembre, c’est-à-dire ce jeudi.

Nous sommes maintenant le 13 décembre, deux jours avant l’échéance prévue par la loi, et nous attendons toujours. Je comprends maintenant que la Chambre des communes pourrait en fait s’ajourner demain, reportant ainsi à l’année prochaine le dépôt du rapport sur la gestion de la dette de l’année dernière. Le gouvernement n’est pas un partisan enthousiaste de l’ouverture, de la transparence et de la reddition de comptes.

Des 21 modifications apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu, 5 concernent le logement. Je vais parler de trois de ces modifications.

La partie 1 du projet de loi propose d’instaurer un compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété, de doubler le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation et d’instaurer un crédit d’impôt pour la rénovation d’habitations multigénérationnelles.

Le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété donnera la possibilité aux éventuels acheteurs d’une propriété d’épargner jusqu’à 40 000 $, 8 000 $ annuellement, libre d’impôts, en vue d’acheter une maison. Le régime d’accession à la propriété permet aux acheteurs de maison de retirer jusqu’à 35 000 $ de leur REER, pour l’achat d’une maison. Cependant, tout retrait dans le REER doit être remboursé d’ici 15 ans.

Le directeur parlementaire du budget estime que le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété coûtera 731 millions de dollars en 2023-2024 et 2,5 milliards de dollars au total au cours des trois prochaines années. Bien que ces mesures semblent apporter une aide non négligeable, il n’est pas réaliste de penser que les jeunes Canadiens seront en mesure d’épargner 40 000 $ dans le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété ou d’utiliser l’argent dans leur REER s’il faut l’y remettre par la suite.

Le prix des propriétés a considérablement augmenté au cours des dernières années, et les taux d’intérêt sont à la hausse. Alors que le coût moyen des propriétés a connu une baisse au cours de la dernière année, les taux d’intérêt continuent d’augmenter et il est impossible de savoir s’ils vont baisser ou quand cela se produira.

Le projet de loi C-32 nous propose aussi de doubler le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation, le faisant passer de 5 000 $ à 10 000 $ pour les propriétés achetées à partir du 1er janvier de cette année. Ce crédit d’impôt est non remboursable. Le directeur parlementaire du budget estime que le crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation coûtera 115 millions de dollars cette année et 470 millions de dollars au cours des quatre prochaines années.

La troisième mesure en matière de logement prévoit, à compter du 1er janvier 2023, un crédit d’impôt remboursable pour la rénovation d’habitations multigénérationnelles, grâce auquel les familles qui souhaitent construire un logement secondaire pour une personne âgée ou un adulte en situation de handicap pourraient obtenir jusqu’à 7 500 $. Je crois que le gouvernement veut qu’on commence à s’entasser.

Honorables sénateurs, le secteur de l’habitation est devenu le talon d’Achille de l’économie canadienne, comme l’affirment le surintendant des institutions financières, la présidente de la SCHL, le Fonds monétaire international, le gouverneur de la Banque du Canada et de nombreux groupes de réflexion et économistes.

Les taux d’intérêt ont beaucoup augmenté, ce qui a entraîné une hausse des versements hypothécaires des propriétaires de maison. Dans bien des cas, les soldes impayés des hypothèques dépassent maintenant le montant d’origine de ces hypothèques, ou les maisons valent maintenant moins que l’hypothèque à laquelle elles sont rattachées. Par ailleurs, les dettes non liées à une hypothèque augmentent à mesure que les Canadiens s’endettent davantage pour payer leurs aliments, leur carburant et d’autres biens essentiels. Ils utilisent leurs cartes de crédit pour faire l’épicerie.

Même si les modifications proposées à la Loi de l’impôt sur le revenu à l’intention des futurs propriétaires pourront en aider certains, il faut plutôt une solution plus globale à la crise du logement. Une simple aide financière à quelques propriétaires de maison ne réglera pas le problème du logement.

La partie 4 du projet de loi C-32 permet au ministre des Finances de disposer de 2 milliards de dollars pour acheter des actions d’une société anonyme et inexistante. Le projet de loi ne prévoit...

Son Honneur le Président [ + ]

Sénatrice Marshall, je vous prie de m’excuser, mais je dois vous interrompre. Comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures à moins qu’il soit entendu que nous ne tiendrons pas compte de l’heure. Vous plaît-il de faire abstraction de l’heure?

Son Honneur le Président [ + ]

J’ai entendu un « non ». Je suis désolé, sénatrice Marshall. Vous disposerez donc du reste de votre temps de parole lorsque nous reprendrons les travaux à 20 heures. La séance est suspendue jusqu’à 20 heures.

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