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Projet de loi de crédits no 1 pour 2025-2026

Deuxième lecture

25 juin 2025


L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Propose que le projet de loi C-6, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2026, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je suis heureuse de présenter le projet de loi C-6, Loi de crédits no 1 pour 2025-2026, qui prévoit des crédits pour le Budget principal des dépenses.

J’ai déjà prononcé une version de ce discours à maintes reprises, mais chaque fois, il y a de nouveaux collègues au Sénat. J’espère donc que ceux d’entre vous qui l’ont déjà entendu me pardonneront de faire un bref rappel du processus avant que j’entre dans les détails de ce que contient ce budget des dépenses.

Les projets de loi de crédits constituent un élément fondamental du cycle financier annuel du Parlement. Il y a quelques semaines, le gouvernement a présenté ses prévisions de dépenses pour l’année à venir, mais les prévisions de dépenses doivent être approuvées par le Parlement, et des projets de loi comme celui-ci sont le mécanisme pour le faire. Une fois approuvés, ces fonds permettront aux ministères et aux organismes fédéraux de continuer à offrir des programmes et des services aux Canadiens.

Les prévisions des dépenses se font généralement en quatre documents annuels. Il y a le Budget principal des dépenses, sur lequel porte ce projet de loi. Le Budget principal des dépenses présente l’essentiel des dépenses fédérales prévues pour l’exercice à venir. Cependant, pour diverses raisons, ce ne sont pas toutes les dépenses qui peuvent être comptabilisées dans le Budget principal des dépenses. Il arrive que des initiatives soient encore en cours d’élaboration au moment où le Budget principal des dépenses est présenté, et, dans certains cas, de nouveaux besoins se manifestent au cours de l’année.

Pour ces raisons, le gouvernement présente des budgets supplémentaires des dépenses au Parlement pour que ce dernier les examine.

Le Budget supplémentaire des dépenses (A) est présenté au printemps. Celui de cette année a été présenté au début du mois de juin, quelques semaines seulement après le Budget principal des dépenses. Nous l’examinerons sous peu dans le cadre de l’étude du projet de loi C-7. Le Budget supplémentaire des dépenses (B) est présenté à l’automne, et le Budget supplémentaire des dépenses (C), à l’hiver, au besoin.

C’est pourquoi je prononce ce discours quatre fois par an depuis que j’occupe ce poste. C’est de plus en plus intéressant chaque fois. Toutefois, c’est un exercice vraiment essentiel pour le fonctionnement du gouvernement fédéral, alors je vais maintenant parler de certains détails du Budget principal des dépenses 2025-2026.

Le Budget principal des dépenses de cette année présente de l’information concernant 222,9 milliards de dollars de dépenses votées, c’est-à-dire des dépenses qui doivent être approuvées par le Parlement, et 264 milliards de dollars de dépenses législatives, c’est-à-dire des dépenses qui ont déjà été autorisées en vertu de lois existantes. Les dépenses budgétaires prévues totalisent donc 486,9 milliards de dollars pour 130 organismes. Ce montant comprend 294,8 milliards de dollars en paiements de transfert à d’autres ordres de gouvernement, à des organismes et à des particuliers; 143,1 milliards de dollars en dépenses de fonctionnement et d’immobilisations; et 49,1 milliards de dollars pour payer les intérêts et les frais d’administration de la dette publique.

Dans l’ensemble, les dépenses totales prévues dans le Budget principal des dépenses de cette année représentent une légère augmentation de 230 millions de dollars par rapport au montant total de l’année dernière. Cette augmentation reflète la mise à jour des prévisions de dépenses législatives qui ont été publiées dans L’Énoncé économique de l’automne 2024 pour des éléments tels que les transferts aux provinces et aux territoires pour les soins de santé.

Évidemment, comme le Budget principal des dépenses couvre à peu près toutes les dépenses fédérales pour l’année, je ne peux pas entrer dans les détails de chaque dépense, mais je vais mentionner certains des postes les plus importants.

Les dépenses votées les plus importantes du Budget principal des dépenses sont proposées pour le ministère de la Défense nationale, pour un total de 33,9 milliards de dollars. Je pense que nous comprenons tous que nous sommes entrés dans une nouvelle ère, avec de nouvelles considérations en matière de défense et de sécurité. Nous devons être forts chez nous et prêts à affirmer notre souveraineté, en particulier dans l’Arctique et les régions nordiques. Nous devons également être des partenaires fiables et compétents pour nos alliés, en particulier dans les régions euro-atlantique et indo-pacifique. En outre, les forces armées restent une ressource vitale lorsque les Canadiens sont confrontés à des catastrophes naturelles ou à d’autres situations d’urgence.

Les dépenses de défense prévues comprennent 12,3 milliards de dollars pour assurer la disponibilité opérationnelle des forces armées, 9,5 milliards de dollars pour les achats militaires et 4,9 milliards de dollars pour assurer la durabilité des bases, des systèmes informatiques et des infrastructures.

Je vous signale que le Budget supplémentaire des dépenses (A) propose des dépenses de défense supplémentaires, comme le savent les membres du Comité des finances nationales, mais j’en parlerai bientôt dans le cadre du projet de loi C-7.

Le deuxième poste le plus important de ce budget des dépenses concerne le ministère des Services aux Autochtones, avec un total de 25,2 milliards de dollars. Si elles sont approuvées, ces sommes serviront à financer des initiatives importantes, notamment la prestation de soins de santé, la construction et l’entretien d’infrastructures communautaires, les Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, ainsi que la poursuite des travaux avec les Premières Nations en vue d’établir une nouvelle relation financière plus prévisible et plus souple avec le gouvernement fédéral.

Sur une note personnelle, j’ai récemment eu l’occasion de rencontrer la nouvelle ministre des Services aux Autochtones, Mme Gull-Masty, la première personne autochtone à occuper ce poste, et je l’ai félicitée pour cette nomination. Je suis ressortie de cette rencontre inspirée par son ambition et sa détermination, et j’ai hâte d’en savoir plus à son sujet, notamment lors de ses interventions, sans doute nombreuses, devant le Comité des peuples autochtones, alors qu’elle pilotera la mise en œuvre des initiatives rendues possibles par ces investissements.

Le dernier poste budgétaire que j’aborderai dans ce budget des dépenses, c’est celui du ministère de l’Emploi et du Développement social, pour lequel 13,1 milliards de dollars sont proposés. Ce ministère offre toute une gamme de programmes et de services essentiels, notamment une sécurité de revenu de base aux aînés, du soutien aux chômeurs, de l’aide aux étudiants pour financer leurs études postsecondaires et de l’aide aux parents qui élèvent de jeunes enfants.

Le Budget principal des dépenses prévoit notamment 107,1 millions de dollars pour la Stratégie canadienne de formation en apprentissage du ministère de l’Emploi et du Développement social, qui fait la promotion des métiers spécialisés comme choix de carrière et aide les Canadiens à découvrir les programmes d’apprentissage et à s’y épanouir.

Un autre montant de 64,3 millions de dollars est réservé au programme Nouveaux Horizons pour les aînés d’Emploi et Développement social Canada, qui finance des projets visant à impliquer les aînés dans leurs collectivités, notamment en tant que mentors et bénévoles.

Il ne s’agit là que de quelques exemples d’initiatives d’Emploi et Développement social Canada qui sont financées dans le présent budget des dépenses et qui peuvent véritablement changer les choses dans la vie des gens un peu partout au Canada.

Enfin, voici quelques autres points saillants du Budget principal des dépenses de cette année : 7,6 milliards de dollars pour les prestations aux anciens combattants; 6,3 milliards de dollars pour le logement; 1,9 milliard de dollars pour la gestion des frontières, avec 513 millions de dollars supplémentaires pour l’application de la loi à la frontière.

Quiconque souhaite examiner ces propositions de dépenses ou d’autres propositions plus en détail peut consulter le site Web du Conseil du Trésor ou la transcription des récentes réunions du Comité des finances nationales. Le Comité sénatorial des finances a étudié les prévisions budgétaires depuis leur dépôt il y a quelques semaines. Je remercie les membres du comité pour leur travail.

Avant de conclure, j’aimerais aborder un élément particulier au budget des dépenses de cette année en raison des élections qui ont eu lieu au printemps. Comme le Parlement ne siégeait pas, la gouverneure générale a donné des mandats spéciaux afin de financer les activités du gouvernement pendant la période intérimaire. Le montant total des deux mandats spéciaux s’élevait à 73,4 milliards de dollars. Le premier, d’un montant de 40,3 milliards de dollars, couvrait la période du 1er avril au 15 mai. Le second, d’un montant de 33,1 milliards de dollars, fournissait des crédits supplémentaires pour la période du 16 mai au 29 juin. Les dépenses autorisées par ces mandats spéciaux sont incluses dans les totaux du Budget principal des dépenses, et les montants indiqués pour chaque organisation tiennent compte de ces dépenses

Chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour appuyer le projet de loi C-6 et approuver les plans de dépenses du gouvernement pour 2025-2026. Comme le montre ce budget des dépenses, le gouvernement propose des investissements qui permettront de relever les défis et de saisir les occasions qui se présentent dans la conjoncture actuelle, tout en répondant aux priorités des Canadiens d’une manière responsable et équitable du point de vue financier.

Merci.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Sénatrice Batters, avez-vous une question?

L’honorable Denise Batters [ + ]

J’en ai quelques-unes.

Tout d’abord, au début de votre discours de ce soir, sénatrice LaBoucane-Benson, vous avez dit que l’objet du projet de loi C-6, le Budget principal des dépenses, faisait partie de notre cycle financier annuel. Récemment, la sénatrice Marshall, porte-parole de l’opposition extrêmement compétente pour ce projet de loi et de nombreux autres projets de loi financiers dont le Sénat est saisi, a déclaré que certaines autres parties du cycle financier annuel brillaient par leur absence.

Pourriez-vous nous parler des éléments que le gouvernement n’a pas présentés dans ce cycle financier annuel et nous expliquer pourquoi il ne l’a pas fait?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ + ]

Tout d’abord, je conviens que la porte-parole pour le projet de loi est très compétente et j’ai hâte d’entendre la sénatrice Marshall.

Vous avez parlé de « parties manquantes », mais ce n’est pas très précis. Pouvez-vous me dire précisément ce que vous demandez?

La sénatrice Batters [ + ]

Merci. Commençons par le budget. Où est-il? Où sont les nombreux autres documents d’emprunt et ce genre de choses, que je ne connais certainement pas aussi bien que la sénatrice Marshall? Je suis sûre qu’elle en parlera dans son discours. Je parle du genre d’éléments qui vont généralement de pair avec le cycle annuel.

La sénatrice LaBoucane-Benson [ + ]

Merci, sénatrice, pour cette question.

En ce qui concerne le budget, le premier ministre nous a dit qu’il serait présenté à l’automne. Je pense que, compte tenu de tout ce qui se passe actuellement dans le monde, un budget présenté à l’automne sera très probablement beaucoup plus détaillé. Il nous fournira davantage de détails dans quelques mois, lorsque des dossiers comme le nouvel accord avec l’UE seront réglés et que nous connaîtrons les prévisions en matière de dépenses. Ce sera donc à l’automne.

Par exemple, l’un des points soulevés par ma collègue concerne le service de la dette. En réalité, la sénatrice Marshall a précisément demandé la date de la publication de la stratégie de gestion de la dette.

La Loi sur la gestion des finances publiques exige la publication dans les 30 jours suivant le début de l’exercice financier. Le ministère des Finances prépare en ce moment la stratégie de gestion de la dette. La date limite prévue par la loi est le 26 septembre, mais on est en train de la préparer et elle sera présentée en temps et lieu.

En plus du budget et de la stratégie de gestion de la dette, je sais que la sénatrice Marshall a demandé les plans ministériels, qui ont déjà été publiés.

La sénatrice Batters [ + ]

Vous avez ensuite donné quelques détails. Vous avez notamment mentionné que les dépenses votées les plus importantes du Budget principal des dépenses sont proposées pour le ministère de la Défense nationale, soit 33,9 milliards de dollars. Vous avez fourni des ventilations peu détaillées. Cependant, puisqu’il est question d’une somme de 33,9 milliards de dollars, vous avez affirmé que vous parlerez davantage de ces dépenses de défense dans le cadre du projet de loi C-7, qui porte sur le Budget supplémentaire des dépenses (A). D’après ce que j’ai pu comprendre, on parle d’une somme d’environ 9 milliards de dollars. Cependant, ce sont là des dépenses supplémentaires, et non les 33,9 milliards de dollars en question. Revenons sur ces 33,9 milliards de dollars. Étant donné l’importance de cette somme, j’aimerais obtenir plus de détails sur les types de dépenses qui y sont incluses. L’une des principales dépenses est peut-être celle pour les achats militaires qui, selon vous, s’élèvent à environ 9 milliards de dollars.

Auriez-vous la bienveillance de nous fournir plus de détails à ce sujet? Je sais que beaucoup de Canadiens aimeraient en entendre plus sur ces dépenses proposées. Étant donné qu’il est question de 34 milliards de dollars, ils méritent d’en savoir davantage.

La sénatrice LaBoucane-Benson [ + ]

Merci beaucoup pour la question.

Le plan ministériel du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes est divisé en six responsabilités essentielles. La première responsabilité essentielle vise les opérations. Les résultats recherchés sont : les Canadiens sont protégés contre les menaces, les personnes en détresse bénéficient d’une intervention efficace de recherche et sauvetage, la souveraineté du Canada dans l’Arctique est préservée, l’Amérique du Nord est défendue contre les menaces et les attaques, et les Forces armées canadiennes contribuent à un monde plus stable et paisible.

Pour ce faire, le ministère compte pourvoir les Forces armées canadiennes d’un personnel adéquat doté de matériel adéquat.

Pour la deuxième responsabilité essentielle, on parle de forces prêtes au combat. Le ministère établira des priorités et dirigera les activités de défense afin de s’assurer que les Forces armées canadiennes sont prêtes à exécuter des opérations complexes. Il s’agira notamment d’améliorer l’état de préparation en s’appuyant sur quatre piliers clés : le personnel, l’équipement, l’entraînement et le maintien en puissance.

La troisième responsabilité essentielle est l’équipe de la défense. Le ministère s’attachera à renforcer son programme pluriannuel visant à améliorer la capacité d’attirer, de recruter et de maintenir son personnel, ainsi qu’à faire progresser les efforts visant à constituer une équipe qui soutient les vastes perspectives, la diversité culturelle et linguistique, de même que l’équilibre entre les sexes, l’âge et d’autres caractéristiques de la société canadienne.

La quatrième responsabilité essentielle est le concept de force de l’avenir. Le ministère souhaite faire en sorte que ses capacités soient conçues pour répondre aux menaces futures, et que les défis en matière de défense et de sécurité soient abordés par des solutions innovantes.

La cinquième responsabilité essentielle est l’acquisition de capacités, alors que la sixième porte sur les bases, les systèmes de technologie de l’information et les infrastructures durables.

Les plans ministériels fournissent des détails assez précis sur les six responsabilités essentielles, et c’est là qu’une grande partie de cet argent est allouée.

La sénatrice Batters [ + ]

Merci.

Revenons-en donc à la partie du projet de loi qui concerne les acquisitions militaires. Comme vous l’avez dit, il faut veiller à ce que les très compétents membres des Forces armées canadiennes soient mieux équipés. Concernant les 9 milliards de dollars consacrés aux acquisitions militaires dans ce projet de loi — je ne parle pas du projet de loi C-7, dont vous parlerez plus tard —, quels types d’acquisitions militaires sont visées? Y a-t-il un montant prévu pour l’achat d’avions de chasse?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ + ]

Au sujet de la responsabilité essentielle 5, l’acquisition de capacités, les dépenses prévues s’élèvent à 9,5 milliards de dollars. Les ressources humaines prévues sont de 3 064 personnes. Les résultats du ministère sont évalués par rapport à la rationalisation des achats dans le domaine de la défense, la bonne gestion de l’acquisition des technologies de l’information dans le domaine de la défense et la disponibilité et la saine gestion des fournitures. Le ministère examine attentivement la manière dont il procède aux achats et il veille à ce que les ressources soient utilisées judicieusement afin qu’elles soient bien gérées.

Pour relever ces défis, le ministère de la Défense élaborera une stratégie industrielle de défense qui visera à garantir que les Forces armées canadiennes puissent obtenir un accès rapide et fiable aux capacités essentielles tout en soutenant les assises de l’industrie de la défense au Canada.

Les plans ministériels comptent donc un plan complet des capacités d’approvisionnement, mais il ne s’agit que d’une vue d’ensemble.

La sénatrice Batters [ + ]

Certains d’entre eux concernent des détails sur les éléments précis dont on prévoit de faire l’acquisition, mais je vais passer à autre chose.

Pouvez-vous nous donner plus de détails sur les principaux éléments compris dans ces mandats spéciaux? Vous avez indiqué que le total s’élevait à 73,4 milliards de dollars. Le premier mandat s’élevait à 40,3 milliards de dollars, et le second, à 33,1 milliards de dollars pour les derniers mois. Pourriez-vous nous indiquer quelles étaient les plus grosses dépenses au titre de ces mandats spéciaux?

La sénatrice LaBoucane-Benson [ + ]

Merci pour votre question.

Je n’ai pas sous les yeux la ventilation des mandats spéciaux. Ils étaient basés sur des fonds déjà approuvés qui étaient nécessaires au fonctionnement du gouvernement.

Pour ce qui est des détails, mon bureau pourra vous les fournir. Je n’en suis pas capable pour l’instant.

La sénatrice Batters [ + ]

D’accord. Je vous inviterais simplement à inclure ces renseignements dans votre discours à l’étape de la troisième lecture, parce qu’il s’agit de 73,4 milliards de dollars. Recevoir simplement un document ou devoir assister à des heures de réunions du comité… Je pense que nous devons connaître ces chiffres avant de devoir voter sur une somme de 73 milliards de dollars.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Honorables sénateurs, il est 19 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : J’ai entendu un « non ».

Honorables sénateurs, le consentement n’a pas été accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je quitterai le fauteuil jusqu’à 20 heures.

Honorables sénateurs, je tiens à remercier la sénatrice LaBoucane-Benson de ses observations. À l’instar de la sénatrice, qui a donné un peu de contexte historique au sujet de certaines parties du Budget principal des dépenses, je vais retourner un peu en arrière en parlant de la dette, car il y a bon nombre de nouveaux sénateurs parmi nous. Je ne sais pas s’ils vont aimer cela, mais cela pourrait au moins les éclairer. Je sais que bien des gens perdent tout intérêt lorsque je prends la parole au sujet du budget des dépenses.

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-6, Loi de crédits no 1 pour 2025-2026. Ce projet de loi, qui porte sur le Budget principal des dépenses 2025-2026, qu’on appelle aussi le livre bleu, demande au Parlement d’approuver des dépenses de 149 milliards de dollars pour l’administration publique fédérale. Le Budget principal des dépenses 2025-2026 propose des dépenses totales de 488 milliards de dollars pour l’exercice en cours. Sur ces 488 milliards de dollars, 265 milliards ont déjà reçu l’autorisation du Parlement en vertu d’autres dispositions législatives, comme la Loi sur la gestion des finances publiques. En outre, des dépenses d’un peu plus de 73 milliards de dollars ont été autorisées au moyen de mandats spéciaux en raison des élections générales de 2025. Il reste donc des dépenses de 149 milliards de dollars à autoriser, et c’est ce que vise le projet de loi.

Je veux simplement dire que, dans mon bureau, nous procédons à une analyse très approfondie du projet de loi, qui est assez long. L’annexe inclut les sommes accordées à chacun des ministères. Nous les passons en revue, nous les vérifions toutes et nous nous assurons que le Conseil du Trésor a bien utilisé sa calculatrice pour déterminer ce qui doit figurer dans le projet de loi.

Le Budget principal des dépenses pour 2025-2026 a été déposé au Sénat le 28 mai et renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales le 29 mai.

Le Budget principal des dépenses pour 2025-2026 prévoit des dépenses de 486 milliards de dollars. Il s’agit d’une augmentation de 8 % par rapport aux 449 milliards de dollars prévus dans celui de l’an dernier. Cela dit, il est prématuré de tirer des conclusions en comparant les budgets principaux des dépenses de ces deux exercices financiers, car le gouvernement demandera l’autorisation du Parlement pour des dépenses supplémentaires dans des projets de loi de crédits à venir, dans le budget et peut-être même dans une mise à jour économique. De plus, le gouvernement demande souvent des fonds supplémentaires dans divers projets de loi.

À titre d’exemple, le Budget principal des dépenses de 2023-2024 prévoyait des dépenses de 433 milliards de dollars, mais les dépenses réelles pour cette année-là se sont élevées à 513 milliards de dollars, soit une augmentation substantielle de 80 milliards de dollars.

Nous ne sommes qu’en juin, et comme il reste neuf mois avant la fin de l’exercice financier, le gouvernement dispose encore de beaucoup de temps et d’occasions pour obtenir l’autorisation de dépenser davantage.

Le Budget principal des dépenses fournit uniquement des renseignements sur les dépenses estimées du gouvernement. En l’absence de budget, nous ne connaissons pas les recettes estimées du gouvernement pour cette année, et rien n’indique le déficit prévu. Cependant, nous savons que les prévisions de recettes pour cette année présentées par le gouvernement précédent dans son Énoncé économique de l’automne 2024 ne sont plus valables. Le nouveau gouvernement a déjà annoncé des initiatives qui entraîneront une baisse des recettes.

De plus, le gouvernement précédent avait estimé qu’il percevrait 3,3 milliards de dollars en recettes supplémentaires au cours du présent exercice grâce aux modifications apportées à l’impôt sur les gains en capital. Étant donné que cet impôt ne sera plus augmenté, ces recettes de 3,3 milliards de dollars ne seront pas perçues.

Nous pouvons constater dans le Budget principal des dépenses 2025-2026 que les dépenses augmentent et nous savons que les recettes diminuent. Par conséquent, nous pouvons nous attendre à un déficit plus important pour cette année.

Étant donné que le gouvernement prévoit enregistrer un déficit cette année, on peut s’attendre à ce qu’il augmente ses emprunts. Cependant, la stratégie de gestion de la dette pour 2025-2026 n’a pas encore été présentée, ce qui signifie que nous ne savons pas combien d’argent le gouvernement prévoit emprunter.

Le plafond de la dette fixé par la loi est d’un peu plus de 2 billions de dollars; il s’applique à la dette fédérale et à la dette contractée sur les marchés par les sociétés d’État. Cette limite est établie en vertu de la Loi autorisant certains emprunts. Cette loi a été promulguée en 2017 afin de conférer au ministre des Finances le pouvoir d’emprunter et de fixer un montant maximal d’emprunt. Le gouvernement ne peut emprunter au-delà du plafond d’endettement sans l’autorisation du Parlement.

Le plafond initial, fixé en 2017, était légèrement supérieur à 1 billion de dollars. Au cours des huit dernières années, le plafond de la dette a donc doublé pour atteindre un peu plus de 2 billions de dollars. Notre dette réelle était de 918 milliards de dollars en 2015. Elle est passée à un peu plus de 1 billion de dollars lorsque la Loi autorisant certains emprunts a été promulguée, en 2017, et elle était de 1,7 billion de dollars il y a 15 mois. Non seulement le plafond de la dette a doublé, mais la dette réelle a également doublé depuis 2015.

Les comptes publics pour l’exercice se terminant le 31 mars 2024 indiquent que la dette totale par rapport à ce plafond s’élève à 1,7 billion de dollars. Cependant, il s’agit des emprunts contractés il y a 15 mois, et nous ne disposons pas de chiffres actuels. C’est l’une des limites imposées par le gouvernement actuel, qui se montre réticent à fournir des renseignements financiers à jour.

Je tiens à faire ici une distinction : il y a quelques minutes, je parlais de la stratégie de gestion de la dette, qui est tournée vers l’avenir, mais je parle maintenant des rapports sur la gestion de la dette, qui portent sur le passé. Les rapports sur la gestion de la dette du 31 mars 2024 et du 31 mars 2025 n’ont pas encore été déposés. Aucune stratégie de gestion de la dette n’a été présentée pour 2025-2026. Encore une fois, cela démontre la réticence du gouvernement à fournir aux Canadiens et aux parlementaires des renseignements financiers à jour.

Le mois dernier, l’agence de notation Fitch a mis en garde le gouvernement fédéral contre tout excès de dépenses déficitaires. L’agence a déclaré que le Canada avait connu une détérioration budgétaire rapide et importante en raison de perspectives économiques nettement plus faibles et de l’augmentation des dépenses publiques.

Elle a ajouté :

Les atouts du Canada en matière de crédit offrent une marge de manœuvre importante pour faire face à un choc budgétaire ou économique, mais des déficits structurels accrus exerceraient une pression sur son profil de crédit.

L’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, a déjà indiqué que l’économie mondiale se dirigeait vers un ralentissement et que l’Amérique du Nord serait la plus durement touchée. Dans un rapport publié début juin, l’OCDE indique que le Canada sera l’une des économies les plus durement touchées du monde développé cette année et l’année prochaine. Elle indique en outre que les risques financiers s’accroissent. La dette publique est déjà élevée dans de nombreuses économies avancées et émergentes, et les pressions sur les dépenses augmentent dans des domaines tels que la défense, la transition écologique et le vieillissement de la population. Le coût du service de la dette augmente également, ce qui exerce des pressions supplémentaires sur les finances publiques. Le coût du service de la dette augmente également, ce qui exerce une pression supplémentaire sur les finances publiques. Le Canada peut certainement se sentir concerné par ces risques accrus.

Les données actuelles sur les frais d’intérêt font également défaut. Le Budget principal des dépenses indique des frais d’intérêt de 49 milliards de dollars. Cependant, l’Énoncé économique de l’automne 2024 prévoyait des frais de 54 milliards de dollars au titre du service de la dette publique pour le présent exercice, qui passeraient à près de 70 milliards de dollars d’ici 2029-2030. Toutefois, compte tenu des dépenses prévues dans le programme électoral des libéraux et du récent discours du Trône du gouvernement, ces frais d’intérêt projetés ne sont pas à jour. Par conséquent, je m’attends à une augmentation des coûts du service de la dette pour financer la dette existante et les nouvelles dettes, et nous pouvons nous attendre à voir ces coûts dans les prochains budgets des dépenses, dans le budget et peut-être dans un énoncé économique de l’automne.

Dans son rapport sur le Budget principal des dépenses, le directeur parlementaire du budget a indiqué que les frais de la dette publique ont considérablement augmenté au cours des trois dernières années en raison d’une forte hausse de l’encours de la dette publique, conjuguée aux taux d’intérêt en vigueur élevés par la suite.

Les coûts liés au service de la dette sont passés de 24 milliards de dollars en 2014-2015 à 35 milliards en 2022-2023, puis à 47 milliards en 2023-2024. Selon les projections, ils devraient atteindre 70 milliards en 2029-2030.

Durant son témoignage sur le Budget principal des dépenses, le directeur parlementaire du budget nous a dit qu’en l’absence d’un budget, il est difficile de connaître les prévisions du gouvernement en matière de recettes. Il a ajouté qu’on demande aux parlementaires d’autoriser des dépenses sans savoir ce que le gouvernement prévoit faire — à long ou, même, à moyen terme — après avoir présenté le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (A).

J’ai été surprise lorsque M. Champagne, le ministre des Finances, a dit qu’aucun budget ne serait présenté cette année. Certains considèrent peut-être que la promesse d’un budget cet automne constitue un progrès, mais je ne partage pas leur avis. Le budget est le plan financier du gouvernement. Comme l’a déclaré le premier ministre pendant la campagne électorale, « il vaut mieux avoir un plan que pas de plan du tout ». Or, à l’heure actuelle, nous n’avons pas de plan. Présenter un plan à l’automne, alors que l’exercice est déjà bien entamé, n’est ni utile ni informatif.

Nous avons besoin d’un budget pour informer les Canadiens du programme financier et politique du gouvernement pour l’exercice. Il nous indiquera combien d’argent le gouvernement prélèvera sur nos impôts et sur d’autres sources de revenus. La plupart des recettes publiques proviennent des taxes et des impôts qu’on nous fait payer. Un budget nous indiquerait également comment le gouvernement prévoit dépenser notre argent et combien il prévoit emprunter.

Le gouvernement empruntera certainement des milliards de dollars cette année, sur lesquels il devra payer des intérêts en utilisant l’argent des contribuables. Ces milliards de dollars empruntés seront remboursés par nos enfants, nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants. Puisque ce sont les contribuables, dont nous faisons partie, qui financent ces emprunts, le gouvernement devrait présenter un budget dès maintenant et nous dire combien il prévoit emprunter et quels seront les intérêts sur ces emprunts. Nous avons besoin d’une feuille de route budgétaire dès maintenant.

En réponse aux questions concernant la décision de reporter la présentation du budget, la vérificatrice générale du Canada nous a dit qu’il était inhabituel de commencer un exercice financier sans budget, car celui-ci favorise la transparence globale. Elle a également évoqué l’importance de la transparence et de la reddition de comptes en matière de prévisions budgétaires, ainsi que les avantages des audiences. Elle a conclu en affirmant que le budget est la source d’information la plus claire pour tous.

Les Comptes publics du Canada constituent le document financier le plus fiable produit par le gouvernement fédéral. Je le décris comme le plus fiable parce que les états financiers du gouvernement, qui y figurent, sont vérifiés par le vérificateur général du Canada. Les Comptes publics du Canada se composent de trois volumes et, bien que les états financiers soient vérifiés par le vérificateur général, une grande partie des autres renseignements ne le sont pas. Je considère néanmoins que les volumes 1, 2 et 3 des Comptes publics contiennent les informations les plus fiables dont nous disposons.

Le problème en ce qui concerne les Comptes publics du Canada, c’est que le gouvernement tarde à les déposer. Même si la Loi sur la gestion des finances publiques prévoit que leur dépôt doit se faire au plus tard le 31 décembre si le Parlement siège, voire plus tard si le Parlement ne siège pas, déposer les Comptes publics neuf mois après la fin de l’exercice financier n’est pas utile pour les parlementaires et les Canadiens.

L’an dernier, pour l’exercice se terminant le 31 mars 2024, nous avons attendu jusqu’au 17 décembre pour que le gouvernement dépose les Comptes publics, soit la dernière journée de séance du Parlement. Ni la Chambre des communes ni le Sénat n’ont eu l’occasion d’en discuter.

Le Rapport sur la gestion de la dette pour le même exercice financier, 2023-2024, n’a toujours pas été déposé. La Loi sur la gestion des finances publiques prévoit que ce rapport doit être déposé dans les 30 jours de séance suivant le dépôt des Comptes publics. Étant donné que les Comptes publics de 2023-2024 n’ont été déposés que le 17 décembre 2024, 30 jours de séance à compter de cette date nous amènent au 26 septembre 2025, c’est-à-dire dans trois mois. Autrement dit, nous pouvons nous attendre à recevoir le rapport de 2023-2024 sur la gestion de la dette pas moins de 18 mois après la fin de l’exercice financier.

Comme je l’ai indiqué dans mes observations préliminaires, le Budget principal des dépenses 2025-2026 a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales le 29 mai aux fins d’étude. Les plans ministériels sont les plans de dépenses de chaque ministère et organisme. Ils décrivent les priorités, les résultats stratégiques, les programmes, les résultats attendus et les besoins en ressources connexes de chaque organisation. Ils couvrent une période de trois ans, à compter de l’année indiquée dans le titre du rapport. Ces plans jouent un rôle essentiel dans notre examen des budgets des dépenses. Selon le site Web du gouvernement, le plan ministériel « répond à la volonté du gouvernement d’accroître sa reddition des comptes aux Canadiens au moyen de rapports améliorés ».

Les plans ministériels de cette année n’ont été présentés que le 18 juin, soit un jour avant la fin de notre étude du budget principal des dépenses. Nous avons besoin des plans ministériels pour faciliter notre étude du budget principal des dépenses. Le fait que ces plans aient été présentés le 18 juin, soit un jour avant la fin de notre étude, montre une fois de plus la réticence du gouvernement à nous fournir l’information dont nous avons besoin pour surveiller les dépenses publiques.

Le ministère de la Défense nationale demande près de 34 milliards de dollars par rapport aux 29 milliards de dollars demandés dans le budget principal de dépenses de l’année dernière. La majorité de cette augmentation est destinée aux dépenses en capital, qui s’élèvent à 10,9 milliards de dollars cette année par rapport à 7,2 milliards de dollars l’année dernière.

L’an dernier, lors des réunions du Comité des finances, le ministère de la Défense nationale a fourni une liste des projets inclus dans les 7,2 milliards de dollars. Cette année, nous ignorons comment le gouvernement prévoit dépenser les 10,9 milliards de dollars demandés dans le Budget principal des dépenses pour les projets d’immobilisations. Les fonctionnaires du ministère se sont engagés à fournir ces renseignements, mais nous ne les avons toujours pas reçus.

Par le passé, l’un des défis auxquels le ministère de la Défense nationale a été confronté concernait l’approvisionnement et l’utilisation des fonds approuvés pour l’acquisition d’immobilisations, notamment des avions, des navires, des véhicules, des munitions et divers autres projets d’immobilisations. L’année dernière, le gouvernement précédent a augmenté ses dépenses d’immobilisations prévues, les faisant passer de 164 milliards de dollars sur 20 ans à 257 milliards de dollars. Par contre, peu de détails ont été donnés sur les projets inclus dans ces 257 milliards de dollars. À l’époque, le ministère avait indiqué que les dépenses militaires prévues atteindraient 1,76 % du PIB en 2029-2030, alors que l’objectif de l’OTAN est de 2 %.

Cependant, le directeur parlementaire du budget a publié un rapport indiquant que le ministère de la Défense nationale avait du mal à dépenser les fonds approuvés par le Parlement. À l’époque, le directeur parlementaire du budget avait indiqué qu’entre 2017 et 2023, on constatait un manque à gagner cumulé de près de 12 milliards de dollars entre ce que le gouvernement avait réellement dépensé pour des projets d’immobilisations et les dépenses prévues. Le Budget supplémentaire des dépenses (A) prévoit de nouvelles dépenses de 9 milliards de dollars, ce qui porterait les dépenses de défense du Canada à 2 % du PIB. Je présenterai de plus amples observations sur le ministère de la Défense nationale lorsque je prendrai la parole au sujet du projet de loi C-7.

Le ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord demande 13 milliards de dollars, alors qu’il avait demandé 10,8 milliards dans le Budget principal des dépenses de l’année dernière. Près de la moitié des fonds demandés serviront à régler des revendications particulières négociées par le Canada ou accordées par le Tribunal des revendications particulières à des groupes autochtones afin de régler des revendications spéciales. Lors de l’examen des demandes de financement pour des revendications particulières et des ententes de règlement, il est difficile de suivre l’affectation des fonds pour ce type de dépenses. Le processus n’est pas transparent.

Le financement de revendications particulières ou d’ententes de règlement peut être demandé dans plus d’un projet de loi de crédits au fil de plusieurs années, mais les dépenses peuvent être comptabilisées dans un exercice différent. À moins que les revendications ne soient clairement identifiées dans les documents budgétaires et les comptes publics, avec indication du montant en dollars, il est impossible de suivre l’affectation des fonds.

Étant donné que les demandes de financement pour le règlement des revendications sont appréciables, elles font souvent l’objet de discussions au Comité des finances. Lors d’une précédente réunion du comité sur le sujet, le directeur parlementaire du budget nous a dit que la forte augmentation du règlement des revendications était préoccupante. Selon lui, il y a donc lieu de se demander dans quelle mesure le gouvernement maîtrise le règlement de ces revendications. Il a ajouté que le processus des revendications particulières est très complexe.

Le règlement des revendications représente des sommes considérables qui sont demandées dans de nombreux projets de loi de crédits. Ces sommes sont comptabilisées dans les comptes publics en tant que dépenses et, dans de nombreux cas, sont incluses dans la provision pour passif éventuel dans les états financiers du gouvernement. Les problèmes liés au suivi du règlement des revendications ont récemment été mis en lumière quand le gouvernement a publié les comptes publics 2023-2024 en décembre dernier et a révélé que le déficit cette année-là n’était pas de 40 milliards de dollars, comme on le pensait jusque-là, mais de 61,9 milliards de dollars.

Le gouvernement a attribué, en partie, l’augmentation appréciable du déficit à un montant de 16,4 milliards de dollars lié aux passifs éventuels au titre de revendications autochtones, que le gouvernement a qualifiés de dépenses « ponctuelles » ou « exceptionnelles ». Cette explication me laisse perplexe, car le gouvernement a enregistré des augmentations des passifs éventuels au titre des revendications autochtones au cours des années précédentes, et certainement pour des montants supérieurs aux 16,4 milliards de dollars mentionnés.

Par exemple, au cours de l’exercice précédent, 2022-2023, le gouvernement a enregistré une augmentation de 26 milliards de dollars de ses passifs éventuels, ce qui est clairement expliqué aux pages 8 et 12 du volume I des Comptes publics 2022-2023. D’autres augmentations des passifs éventuels au titre des revendications autochtones ont également eu lieu avant 2022-2023, de sorte que ces transactions ne sont ni ponctuelles ni exceptionnelles.

Comme je l’ai déjà indiqué, le problème rencontré lors de l’examen des passifs éventuels au titre des revendications autochtones est le manque de transparence dans la divulgation des transactions dans ce compte.

Les 16,4 milliards de dollars ont fait augmenter le déficit l’an dernier et ont également fait augmenter les passifs éventuels au titre des revendications autochtones. Malgré cette augmentation de 16,4 milliards de dollars des passifs éventuels au titre des revendications autochtones, à la fin de l’exercice, ces passifs éventuels avaient en fait diminué, mais nous ne pouvons pas déterminer pourquoi — ou du moins, moi, je ne le peux pas, et j’ai littéralement passé des centaines d’heures à chercher.

Un examen des fonds inutilisés en 2023-2024, la dernière année pour laquelle ces données sont disponibles, indique que 26,5 milliards de dollars ont été approuvés pour le ministère en 2023-2024, mais que 10 milliards de dollars, soit 38 %, de ces fonds approuvés n’ont pas été utilisés. Il y a lieu de se demander quelle part des fonds n’a pas été utilisée en 2024-2025 et s’il s’agit d’un problème récurrent. Je suppose que nous devrons attendre un bon moment avant de le savoir.

Le Budget principal des dépenses de 2025-2026 prévoit 26 milliards de dollars pour les services de consultants, ce qui représente une augmentation considérable par rapport aux 19 milliards de dollars demandés dans le Budget principal des dépenses de 2024-2025.

Le budget de 2023 proposait de réduire les dépenses consacrées aux services de consultation, aux autres services professionnels et aux déplacements d’environ 15 % des dépenses discrétionnaires prévues pour 2023-2024 dans ces domaines, ce qui se traduirait par des économies de 7,1 milliards de dollars sur 5 ans à compter de 2023-2024 et de 1,7 milliard de dollars par la suite. Le gouvernement s’était engagé à cibler ces réductions sur les services professionnels, en particulier les services de consultation en gestion.

Alors que le gouvernement précédent s’était engagé à réduire les coûts liés aux consultants, ceux-ci sont en réalité en hausse.

Cependant, le discours du Trône indiquait ceci :

[...] le budget de fonctionnement du gouvernement, [a] augmenté de 9 % chaque année. Le Gouvernement va adopter des mesures pour rétablir cette croissance à moins de 2 %.

D’après les discussions que nous avons eues avec des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et de plusieurs ministères lors de l’examen du Budget principal des dépenses, rien n’indique que cette initiative ait été lancée. Le Budget principal des dépenses de 2025-2026 est supérieur de 8 % à celui de l’exercice précédent, et les services professionnels et spéciaux demandés dans le Budget principal des dépenses sont passés de 19 milliards de dollars l’année dernière à 26 milliards de dollars.

Bien qu’on ne sache pas très bien quelles dépenses sont incluses dans le budget de fonctionnement, dont l’augmentation sera plafonnée à 2 %, j’ai utilisé les charges de programmes directes qui figurent dans La revue financière de mars 2025 pour déterminer l’ampleur des économies possibles. Les charges de programmes directes ont augmenté de 8,5 % en 2024-2025 par rapport à 2023-2024. Si elles n’avaient augmenté que de 2 % au lieu de 8,5 %, les économies auraient été de 13 milliards de dollars.

Mes dernières remarques concernent Emploi et Développement social Canada. Le Budget principal des dépenses indique que 8,5 milliards de dollars seront versés cette année aux provinces et aux territoires pour soutenir le programme national de garde d’enfants, lancé en 2021 à un coût estimé de 30 milliards de dollars.

L’un des objectifs du programme consistait à créer 250 000 places additionnelles en garderie pour 2026. Dans son plan ministériel de 2025, publié la semaine dernière, le ministère indique qu’il est en bonne voie d’atteindre cet objectif. Par contre, l’énoncé économique de l’automne publié en décembre 2024, il y a tout juste six mois, indique que seulement 60 000 places additionnelles ont été créées ou sont en cours de création. Autrement dit, les 60 000 places mentionnées n’ont pas toutes été créées.

Il s’agit d’une divergence importante entre deux documents gouvernementaux : l’un indique que 250 000 places additionnelles seront créées d’ici l’année prochaine alors qu’en décembre dernier, un peu moins de 60 000 places avaient été créées. Cette divergence doit être résolue.

Avant de conclure, je tiens à dire que je suis déçue par la réticence du gouvernement à nous fournir, en temps opportun, l’information dont nous avons besoin pour assurer une surveillance des dépenses publiques.

Le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2025-2026 ont tous les deux été renvoyés au Comité des finances nationales pour qu’il les étudie. Les plans ministériels de 2025-2026, qui expliquent comment les ministères et les organismes dépenseront ces fonds, ne nous ont pas été fournis pour nous aider dans notre étude. En outre, nous attendons toujours de recevoir toutes les données pour les Rapports sur les résultats ministériels de 2023-2024.

Je siège au Comité des finances nationales depuis 15 ans. Au cours des dernières années, j’ai remarqué que le gouvernement est devenu plus cachottier et plus lent à fournir des renseignements qui devraient être accessibles à tous en temps opportun. Les renseignements fournis en réponse aux questions posées au comité ne sont souvent plus communiqués librement. Les rapports, tels que les comptes publics, sont généralement déposés en retard.

La Loi sur la gestion des finances publiques est très généreuse en ce qui a trait aux échéances obligatoires. En effet, le gouvernement a attendu le 17 décembre, soit près de neuf mois après la fin de l’exercice, pour rendre publics les comptes de 2023-2024.

De même, nous attendons toujours le Rapport sur la gestion de la dette de 2023-2024, qui porte sur un exercice terminé il y a 15 mois, car le libellé de la Loi sur la gestion des finances publiques est si généreux qu’il permet au gouvernement de retarder la publication de ce rapport pendant 30 jours de séance après le dépôt des comptes publics.

J’espère que ce nouveau gouvernement reconnaîtra les problèmes et les corrigera afin que les parlementaires puissent examiner les dépenses publiques, comme il se doit.

Je remercie mes collègues de leur intérêt et de leur attention. Voilà qui conclut mes observations sur le projet de loi C-6.

L’honorable Peter Harder [ + ]

Sénatrice Marshall, j’ai toujours hâte d’entendre vos observations sur les dépenses.

Le sénateur Harder [ + ]

J’ai quelques questions. Étant donné que vous vous concentrez sur le déficit, une priorité que j’appuie, seriez-vous d’accord avec moi pour dire que la TPS devrait être augmentée?

Je vous remercie de poser cette question. C’est un sujet dont le sénateur Harder et moi-même avons déjà discuté, notamment au cours des deux derniers mois, puisque nous avons participé à une initiative qui visait à examiner l’économie et différents problèmes.

Je dirais que c’est effectivement une option. Je crois que la meilleure façon pour moi de répondre à cette question est de dire que je ne serais pas surprise que le gouvernement augmente la TPS. Il faut dire que je travaille avec ces documents depuis plusieurs années. La pression qui s’exerce sur les dépenses est très élevée. Même si le gouvernement se dit résolu à faire preuve de retenue, je doute que cela se concrétise vraiment. Je sais que les gens disent qu’il faudrait que les riches paient plus d’impôt mais, dans les faits, il n’y a pas assez de personnes riches pour combler l’énorme écart qu’il faut combler. C’est l’une des options que le gouvernement devra explorer.

Le sénateur Harder [ + ]

Sur des questions plus générales, quelle serait votre réaction à l’idée de séparer, dans nos rapports sur le cadre financier, les dépenses de fonctionnement et les dépenses d’immobilisations, ce qui me semble plutôt judicieux, pour donner aux Canadiens une idée claire de ce que nous consommons et de ce que nous acquérons?

Merci pour cette question. La meilleure réponse que je puisse vous donner est peut-être que l’on peut faire dire n’importe quoi aux chiffres. Je suis très méfiante. Quelqu’un l’a dit tout à l’heure — c’était peut-être la sénatrice Moncion et je m’excuse de vous pointer du doigt — que ce sont les détails qui posent problème. J’aimerais bien voir, mais je suis très méfiante. Je pense qu’on s’efforce simplement de présenter les chiffres autrement pour tenter de les rendre compréhensibles, mais vous verrez les emprunts augmenter.

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) [ + ]

Sénatrice Marshall, je vous remercie de votre discours très étoffé. Bien sûr, l’une des options proposées par le sénateur Harder consiste à augmenter la TPS. Comme la plupart des bons libéraux, il aime augmenter les taxes et les impôts, notamment les gains en capital et la TPS. Il s’agit là d’une solution pour accroître les recettes.

Croyez-vous comme moi que la réduction des dépenses publiques serait une autre solution?

Je vous remercie de votre question. Oui, je pense que le gouvernement doit faire plus d’efforts pour réduire les dépenses.

Depuis plusieurs années, sous le gouvernement précédent et sous le gouvernement actuel, il y a chaque année une grande initiative comme quoi le gouvernement prévoit de faire quelque chose pour économiser des milliards de dollars. Le nouveau gouvernement a même présenté une initiative de ce type dans son discours du Trône.

Cependant, lors des réunions du Comité des finances nationales, j’ai demandé aux représentants du Conseil du Trésor quelles directives ils avaient données aux ministères pour réduire les dépenses de fonctionnement de 2 %, et je pense qu’ils n’avaient même pas entendu parler de l’initiative, car on n’a pu fournir aucune information.

Ensuite, j’ai demandé à plusieurs ministères quelles étaient les instructions qu’ils avaient reçues et s’ils faisaient quelque chose pour se préparer à cette réduction des dépenses. Toutefois, quand on leur parle des projets de loi de crédits, ils prennent un air absent.

Je pense qu’il y a une grande marge de manœuvre pour réduire les dépenses, sénateur Housakos, mais, vu la façon dont le gouvernement dépense et la façon dont le gouvernement précédent dépensait, je n’ai pas bon espoir que le gouvernement réduise ses dépenses. Je n’en suis pas convaincue.

L’honorable Lucie Moncion [ + ]

Puisqu’on parle de questions hypothétiques et de questions fiscales, j’ai une autre question à vous poser. Il y a peut-être là matière à réflexion.

Le sénateur Housakos a dit que le gouvernement aime augmenter le fardeau fiscal. J’ai une suggestion. C’est une hypothèse, mais cela pourrait se faire. Que penseriez-vous si le gouvernement décidait d’appliquer une taxe sur l’achat d’actions?

Par exemple, si on imposait une taxe de 2 % sur l’achat d’actions, la personne qui achète des actions pourrait payer une taxe applicable à la transaction. Encore une fois, ce n’est qu’une hypothèse, mais, de cette façon, on percevrait des recettes auprès de personnes qui ont plus d’argent que les gens qui ne peuvent pas acheter d’actions. J’aimerais savoir ce que vous pensez de cette idée.

Merci beaucoup de la question, sénatrice Moncion. Parlez-vous d’actions de sociétés cotées en bourse?

La sénatrice Moncion [ + ]

Oui.

J’aimerais voir une analyse sur une telle approche. Je ne suis pas favorable à cette idée. Nous cherchons à attirer davantage d’investissements au Canada. Si on commence à taxer ces transactions, je pense qu’il y aurait probablement des répercussions très néfastes.

Je serais curieuse d’entendre les points de vue de l’Institut C.D. Howe et de divers groupes de réflexion, mais ma première réaction est que nos efforts seraient ainsi freinés. Nous voulons que les gens investissent au Canada. Je pense que cette idée pourrait avoir un effet quelque peu dissuasif.

L’honorable Marty Deacon [ + ]

Accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Oui.

La sénatrice M. Deacon [ + ]

Merci beaucoup. J’ai hâte d’entendre votre point de vue. Il est toujours essentiel au travail que nous accomplissons et j’apprends énormément grâce à votre participation au Comité national des finances.

L’équilibre est un sujet dont nous discutons depuis des années et je ne peux m’empêcher d’y revenir ce soir. Quand on y réfléchit, quels renseignements de 2023-2024 nous manque-t-il encore? Quels sont les cycles des sujets abordés dans nos rapports, et comment pouvons-nous prendre de bonnes décisions sans les informations X, Y et Z et avec toutes ces lacunes? Je pense à la façon dont nous gérons nos entreprises et nos propres familles. Nous ne pourrions pas agir ainsi.

Ma question est la suivante : comment pouvons-nous trouver le juste milieu entre le processus de réduction de l’information à l’essentiel et l’arrêt du processus? Comment déterminer, sur un calendrier annuel, ce qui fonctionne le mieux pour établir des rapports et obtenir des informations financières utiles à la planification tout en retardant le travail du gouvernement?

Nous devons décortiquer cette question. Vous le savez bien, vous le demandez depuis des années. Cependant, comment pouvons-nous trouver le juste milieu entre cela et l’arrêt du processus afin de commencer à le corriger tout au long de l’année civile?

Je vous remercie de votre question. Un bon point de départ serait que le gouvernement commence à fournir en temps opportun l’information qu’il est tenu de fournir actuellement.

L’un des plus gros problèmes en ce qui concerne les rapports financiers du gouvernement, c’est que l’ensemble du processus budgétaire est tellement déroutant que n’importe quel membre du Comité des finances nationales doit être très perplexe quand il commence à examiner le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses, puis qu’il tente de les faire correspondre au budget et aux comptes publics.

Il s’agit d’une vaste initiative. Je ne pense pas qu’elle sera menée à bien pendant mon mandat. Selon moi, il s’agit probablement d’une initiative sur 10 ans.

Un bon début serait que le gouvernement fournisse l’information qu’il est obligé de fournir actuellement, mais en temps opportun.

L’honorable Percy E. Downe [ + ]

Merci, sénatrice Marshall. Comme toujours, ce fut un plaisir.

Étant donné que votre bureau semble se pencher constamment sur des questions financières, j’aimerais vous demander ce que vous avez découvert au sujet de la Sécurité de la vieillesse. Ce programme est quelque peu controversé car, contrairement au Régime de pensions du Canada, qui est financé, il ne l’est pas.

Malgré les dispositions de récupération, des Canadiens que beaucoup considéreraient comme assez bien nantis — des couples gagnant jusqu’à 300 000 dollars, si j’ai bien compris — continuent de recevoir une aide financière. Il s’agit là d’un coût énorme pour le Trésor. Savez-vous si des examens ou des études sont en cours pour évaluer les effets de ce programme sur notre budget?

Merci beaucoup pour cette question. Je ne me suis pas penchée sur ce genre de dépenses.

Il s’agit de dépenses législatives, donc elles sont incluses dans le Budget principal des dépenses, et je ne me souviens même pas que l’on ait posé une question à ce sujet pendant l’étude effectuée par le Comité des finances nationales, quoique le directeur parlementaire du budget ait mentionné ces dépenses plusieurs fois dans ses rapports.

J’ai déjà suggéré au Comité des finances nationales d’étudier certaines de ces dépenses législatives, car elles sont plutôt considérables et nous en savons très peu à leur sujet.

Cela dit, ces dernières années, je me suis intéressée au système de paiement utilisé pour certains de ces programmes. Il se trouve que les paiements s’effectuent à partir d’un système qui se fait très vieux et qu’on est en train de remplacer. Vous n’êtes pas sans savoir que le système Phénix a engendré des problèmes.

En ce qui concerne le remplacement du système qu’utilise Emploi et Développement social Canada, je n’arrive pas à connaître l’état d’avancement des travaux. Par exemple, lorsque je cherche à savoir si les coûts estimés ont augmenté, quelle est la date d’achèvement prévue et quelle est la date de déploiement prévue, le Conseil du Trésor me renvoie au ministère, qui, lui, ne répond pas à mes questions, donc je tourne en rond. La vérificatrice générale a effectué une vérification à ce sujet il y a quelques années.

En ce qui concerne le coût du programme, non, je n’ai rien fait. Pour être honnête avec vous, je ne me rappelle pas avoir vu d’étude à ce sujet, mais c’est une bonne suggestion.

Le sénateur Harder [ + ]

Je vais passer à une question de comptabilité. Il y a plus de 25 ans, à la demande du vérificateur général, le gouvernement du Canada est passé à la comptabilité d’exercice. Je remets en question la sagesse de cette décision — bien que j’en sois en partie responsable —, car la comptabilité d’exercice dans l’administration publique ne permet pas de saisir correctement les engagements de dépenses importantes que les gouvernements prennent au moment où ils les prennent. Nos obligations internationales — en matière de défense, par exemple — sont statiques.

Pensez-vous comme moi qu’il faudrait abandonner la comptabilité d’exercice et revenir à la comptabilité plus traditionnelle que les gouvernements employaient auparavant?

Sénateur Harder, c’est une excellente question — la façon de faire traditionnelle du gouvernement.

Non, je tiens à la comptabilité d’exercice. Je crois que toutes les méthodes comportent des lacunes, mais j’ai été formée sur la comptabilité d’exercice. Juste à l’idée d’une transition vers la comptabilité de caisse, disons que je suis contente de prendre ma retraite l’an prochain.

L’honorable Colin Deacon [ + ]

Honorables sénateurs, je pense que la sénatrice Marshall est la seule dans cette salle à être heureuse de son départ à la retraite l’an prochain. Qu’en dites-vous, sénatrice? Au moins, on vous fera évaluer deux budgets d’ici là puisque ce budget est en retard.

Je vais moi aussi parler du projet de loi C-6, la Loi de crédits, pour le prochain exercice financier fédéral. La sénatrice Marshall a ratissé assez large et a tout couvert. J’aimerais parler d’une partie de ces dépenses. Je tiens d’abord à remercier nos collègues du Comité des finances nationales qui ont passé beaucoup de temps la semaine dernière à examiner le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses.

Mon discours d’aujourd’hui vise à commenter les priorités du gouvernement pour l’avenir, en particulier en ce qui concerne les dépenses de 8,6 milliards de dollars que le projet de loi C-6 autorise par l’intermédiaire de ce qui est, encore une fois, appelé le ministère de l’Industrie.

S’appuyant sur les travaux de Statistique Canada, notre bureau a estimé qu’environ la moitié de ce montant est consacré à ce qu’on appelle les programmes de soutien à l’innovation et à la croissance des entreprises. Je vais parler de deux types de programmes d’innovation en entreprise, à savoir les programmes conçus pour rendre l’entrepreneuriat plus inclusif au Canada et les programmes conçus expressément pour soutenir l’innovation au Canada, créer de nouvelles possibilités, des emplois et de la richesse à partir d’idées.

Commençons par les programmes visant à rendre l’entrepreneuriat plus inclusif. Dès 2020, mon bureau s’est penché sur les obstacles auxquels se heurtent les entrepreneurs noirs lorsqu’ils créent et développent des entreprises. Notre rapport a été publié en 2021 en collaboration avec le Groupe canado-africain du Sénat ainsi que des chefs d’entreprise noirs. Nous avons constaté que les entrepreneurs noirs font face à d’importants obstacles sur le marché canadien.

Plus récemment, la sénatrice Gerba et moi avons collaboré à la rédaction d’un rapport sur la réussite de ces programmes et sur les obstacles que rencontrent ces entrepreneurs. Ce travail reflète notre souci constant de veiller à ce que le gouvernement comble les lacunes réelles du marché lorsque c’est possible, et à ce qu’il fasse appel à la diligence raisonnable du secteur privé pour y parvenir. Tous nos rapports sont disponibles sur notre site Web, si cela vous intéresse.

À cette fin, j’ai été ravi que le Budget principal des dépenses annonce le maintien du financement du Programme pour l’entrepreneuriat des communautés noires et du Carrefour du savoir pour l’entrepreneuriat des communautés noires. Ces programmes visent à lever les obstacles systémiques qui limitent l’accès aux capitaux et aux ressources, à mobiliser la diversité et les talents partout au pays, et à élaborer des politiques fondées sur des données probantes.

À présent, je souhaite me concentrer sur les programmes destinés à stimuler l’innovation dans notre économie, en particulier par la commercialisation des fruits de la recherche effectuée au Canada, un secteur de classe mondiale où le gouvernement fédéral investit de toutes sortes de façons.

Nous avons examiné certaines parties des plans ministériels et nous nous sommes principalement concentrés sur les dépenses et les efforts visant à stimuler l’innovation au Canada. Les gouvernements successifs ont toutefois mis en place de nombreux programmes destinés à stimuler l’innovation partout au pays. En fait, nous pensons que le gouvernement fédéral a créé des centaines de programmes. L’été dernier, mon bureau a entrepris d’examiner l’étendue et la réussite de ces programmes fédéraux en matière d’innovation, et nous avons recensé plus de 140 programmes rien qu’au cours de l’été, avec l’aide d’un étudiant. Je suis certain qu’il reste encore du travail à faire. Ces programmes relèvent de 28 ministères et sociétés d’État. Nous avons rédigé un document de travail intitulé Programmes fédéraux pour l’innovation en entreprise, qui est disponible sur mon site web.

En bref, nous avons trouvé beaucoup de rapports sur les fonds dépensés, sur les activités menées et les entreprises soutenues, mais nous avons eu beaucoup de mal à trouver des preuves tangibles des avantages réels en termes de résultats commerciaux, ce qui est très préoccupant. Nous ne sommes pas les seuls à avoir ces préoccupations. Dans son rapport sur l’innovation intitulé 2024 Innovation Report Card, le Conference Board du Canada a attribué la note C au Canada et nous a classés 15e sur 20 pays, malgré les milliards de dollars consacrés à la promotion de l’innovation dans les entreprises.

Par conséquent, avec un nouveau premier ministre, un nouveau greffier du Conseil privé et un nouveau gouvernement, nous avons l’occasion de repenser notre façon de faire les choses. Si nous voulons bâtir l’économie la plus forte du G7, nous devons repenser la manière dont le gouvernement fédéral contribue à favoriser l’innovation dans l’ensemble de l’économie.

Alors que le gouvernement se prépare pour l’examen estival des dépenses et le budget de l’automne, le moment est venu de trouver des moyens de nous libérer des processus désuets qui, trop souvent, ont permis à une culture d’inertie et à l’aversion au risque de s’enraciner. La devise de mon bureau est qu’une économie innovante a besoin d’un gouvernement innovant. Le Canada n’a pas eu de gouvernement innovant.

Vous savez que je parle beaucoup d’innovation. C’est parce que, très franchement, le gouvernement ne l’a pas toujours traitée comme une priorité. Il ne s’agit pas d’innover pour le plaisir d’innover ou de dépenser de l’argent pour des choses considérées comme avant-gardistes. Il s’agit plutôt de créer des débouchés, d’accroître la compétitivité à l’échelle mondiale, d’améliorer l’efficacité opérationnelle, d’offrir de meilleurs services, d’améliorer la santé et d’accroître la sécurité des Canadiens. Si nous voulons vraiment obtenir ces résultats, nous devons commencer à mesurer l’incidence des politiques et des programmes pour savoir lesquels en ont le plus. Il faut donc créer des indicateurs de rendement clés et en assurer le suivi. Trop souvent, les indicateurs de rendement clés sont vagues, incohérents ou portent sur des activités, comme les dépenses engagées ou les entreprises participantes, plutôt que sur les résultats obtenus.

Dans notre rapport, qui porte sur plus de 140 programmes d’innovation, nous avons conclu qu’il est possible et nécessaire d’obtenir un bien meilleur rendement des investissements dans l’innovation. En bref, nous avons constaté que les données relatives aux indicateurs de rendement clés ne s’accompagnaient trop souvent d’aucun élément de comparaison ou de référence permettant de prouver que l’investissement avait produit des résultats différenciés. En l’absence de telles preuves, les fonds devraient être réaffectés à des programmes qui en fournissent.

Je me permets d’utiliser une métaphore pour illustrer mon propos. Nous avons tous vu des publicités d’écoles privées vantant les bourses d’études obtenues par leurs diplômés et leurs autres réussites universitaires, surtout à cette période de l’année. Elles méritent nos félicitations. Bravo. En revanche, ces mêmes écoles ont trop souvent des critères d’admission très stricts. Ainsi, lorsqu’elles admettent un élève qui obtient des A et que celui-ci décroche son diplôme en obtenant encore des A, je me demande si c’est vraiment impressionnant.

Personnellement, je préfère de loin soutenir et favoriser les écoles qui acceptent les élèves qui obtiennent des C et des D — simplement parce que j’étais l’un d’entre eux — pour les aider à décrocher leur diplôme en obtenant des A. Ces écoles transforment des élèves.

Les indicateurs clés de performance des programmes doivent montrer des résultats différenciés. Lorsqu’il s’agit de favoriser l’innovation, les fonds publics doivent servir de catalyseur, et non de béquille. Tous les programmes d’innovation doivent viser à faire en sorte que la propriété intellectuelle du Canada, qui est compétitive à l’échelle mondiale, soit commercialisée de manière à créer des débouchés, des emplois et de la richesse au Canada. Or, trop souvent, ce n’est pas le cas de nos jours.

Selon des données récentes tirées d’un rapport publié en 2024 par le Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, plus de la moitié des brevets de l’industrie qui découlent de la propriété intellectuelle canadienne appartiennent à des intérêts étrangers. Des données de nos bureaux universitaires de transfert de technologie montrent que les revenus cumulatifs résultant de l’octroi de licences associées à la propriété intellectuelle canadienne des universités canadiennes ne représentent qu’un rendement de 1,5 % par rapport au financement annuel que nous accordons à ces universités pour la recherche. Ce n’est pas viable. Si nous n’obtenons pas un rendement sur l’investissement qui assure la viabilité et la compétitivité de nos universités à l’échelle mondiale, nous verrons une réduction du financement de ces universités. Je pense que c’est déjà le cas. Nous devons donc faire tout ce que nous pouvons pour que le fruit de nos recherches soit détenu et commercialisé chez nous. Je pense que c’est ce que visent bon nombre de ces programmes d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, mais ce n’est pas ce qui se passe.

Il faut donc revoir notre façon de soutenir l’innovation au Canada. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe déjà des programmes éprouvés qui peuvent transformer nos idées en actifs stratégiques.

Je vais vous en donner un exemple. Nous avons des programmes d’incubateurs et d’accélérateurs qui contribuent à la commercialisation de la science, de la technologie et de l’innovation au Canada et qui aident à créer et à développer des entreprises qui excellent sur des marchés mondiaux hautement concurrentiels en matière de ventes et d’investissements. Ils obtiennent un succès jamais vu dans des programmes gouvernementaux d’innovation offerts par Innovation, Sciences et Développement économique Canada.

Je mets au défi les 28 ministères qui offrent des programmes visant à stimuler l’innovation de fournir au premier ministre et au greffier du Conseil privé des données démontrant que chacun de leurs programmes donne des résultats différenciés qui sont comparables à ceux des meilleurs incubateurs et accélérateurs.

Permettez-moi de vous donner un exemple de ce qui peut être accompli. Le Creative Destruction Lab, ou CDL, basé à la Rotman School of Management de l’Université de Toronto, est l’un des meilleurs au monde. Il est loin d’être le seul, mais comme j’y ai passé la journée hier et que certains de nos collègues y ont passé un après-midi juste avant la reprise des travaux du Parlement, je pense que nous devrions nous y intéresser un instant.

Le Creative Destruction Lab est un programme unique au monde. Sa mission commune, née et développée à Toronto, où elle connaît aujourd’hui un grand succès, est d’améliorer la commercialisation de la science pour le bien de l’humanité. Il compte cinq sites au Canada et huit autres à travers le monde.

Hier, sa « super séance » mondiale a réuni à Toronto des centaines de mentors et de fondateurs venus de plus de 20 pays, à leurs propres frais. Ils étaient là pour célébrer l’excellence du Creative Destruction Lab et certaines de ses entreprises au succès incroyable.

Les mentors comprenaient des experts universitaires dans tous les domaines imaginables, allant de la compréhension de la culture au fond des océans jusqu’aux confins de l’espace. Parmi eux figuraient également des entrepreneurs qui avaient transformé une idée en possibilités, en emplois de grande valeur et en prospérité.

Quand le Creative Destruction Lab a été fondé en 2012, son rêve était de créer une valeur nette de 50 millions de dollars. Aujourd’hui, les entreprises du Creative Destruction Lab ont généré plus de 50 milliards de dollars de valeur nette. Il s’agit là, par définition, d’un indicateur de rendement clé compétitif à l’échelle mondiale. Cela montre que l’on saisit les occasions qui se présentent sur le marché et que l’on en fait bénéficier le Canada.

Le CDL n’est pas le seul incubateur à connaître un tel succès mondial. Par conséquent, pourquoi utilisons-nous une mesure de réussite inférieure à cela pour les programmes fédéraux d’aide à l’innovation, en particulier en cette période de crise économique et géopolitique? C’est là que le Canada a le plus de chances d’accélérer sa croissance et sa réussite et d’obtenir vraiment un bon rendement sur son investissement de quelque 4 milliards de dollars dans ces programmes, comme le montre le dernier budget des dépenses.

Il faut arrêter de saupoudrer des fonds. Le Canada ne peut pas continuer de faire fi des conseils d’experts mondiaux et d’experts du domaine qui comprennent vraiment les sciences, et ceux d’entrepreneurs qui ont déjà prouvé qu’ils étaient capables de trouver des idées et de les concrétiser.

Il faut examiner en profondeur chaque programme d’aide à l’innovation et se questionner sur sa raison d’être. Il faut tirer parti des programmes qui démontrent qu’ils permettent de façon constante de créer des entreprises concurrentielles à l’échelle mondiale et de profiter des débouchés considérables et de plus en plus nombreux sur le marché mondial, comme nous avons déjà démontré notre capacité à le faire.

Le Canada est le pays le plus généreux au monde quand vient le temps de faire cadeau de ses idées. Nous investissons dans la recherche, puis nous cédons nos découvertes. Nous ne pouvons plus nous permettre d’agir ainsi. C’est formidable d’investir dans la recherche, mais, malheureusement, d’autres sont en train de commercialiser nos idées et de créer de la richesse à partir d’elles.

Nous étions des chefs de file dans les domaines de l’intelligence artificielle et de l’informatique quantique. Nous avons perdu notre avance parce que nous n’avons pas soutenu la commercialisation. Nos programmes d’innovation n’ont pas soutenu la commercialisation de manière concurrentielle des découvertes scientifiques canadiennes sur les marchés internationaux.

Le gouvernement prévoit un examen des dépenses cet été. J’espère que le premier ministre, le nouveau greffier et leurs équipes s’attacheront à repenser la manière dont nos programmes actuels en matière d’innovation créent une valeur durable et concurrentielle à l’échelle mondiale pour les Canadiens.

Je dirais que les programmes sans indicateurs de rendement clés ne sont pas des programmes, mais des aspirations. Et les aspirations, bien qu’importantes, ne suffisent pas pour construire l’économie la plus forte du G7. Nous avons aujourd’hui l’occasion de créer un changement générationnel. Ne la gâchons pas. Merci, chers collègues.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

La sénatrice Seidman [ + ]

Quinze minutes.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Le consentement est-il accordé?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Convoquez les sénateurs pour un vote à 21 h 10.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

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