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PÉRIODE DES QUESTIONS — Le ministère du Patrimoine canadien

Le rôle des médias

19 mars 2019


L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) [ + ]

Bonjour, monsieur le ministre. Bienvenue. Ma question concerne la partie de votre lettre de mandat dans laquelle le premier ministre vous demande de travailler avec le ministre des Finances à l’élaboration de modèles d’affaires pour appuyer le journalisme local. Dans la mise à jour économique de l’automne, on annonçait près de 600 millions de dollars pour le secteur des médias d’information et la création d’un groupe de journalistes nommés par le gouvernement pour déterminer l’admissibilité.

Lorsqu’elle a comparu devant le Comité de la justice de l’autre endroit relativement au scandale de SNC-Lavalin, l’ancienne procureure générale Jody Wilson-Raybould a cité la chef de cabinet du premier ministre, Katie Telford, qui aurait dit :

Si Jody est nerveuse, nous pourrons évidemment demander à toutes sortes de gens d’écrire des lettres d’opinion disant que ses gestes sont appropriés.

Monsieur le ministre, comment voyez-vous ce genre de citation? Cela vous rend-il mal à l’aise que la chef de cabinet du premier ministre ait parlé de placer des lettres d’opinion dans les médias au moment où vous travaillez avec le ministre Morneau au sauvetage des médias?

L’honorable Pablo Rodriguez, C.P., député, ministre du Patrimoine canadien et du Multiculturalisme [ + ]

Merci de poser cette question, sénateur. Premièrement, je vous remercie de votre aimable invitation. Je tiens à ce que vous sachiez que c’est un très grand honneur pour moi d’être ici avec vous aujourd’hui.

Je crois que nous marquons l’histoire aujourd’hui. C’est la première fois que la période des questions du Sénat est diffusée en direct.

Pour répondre à votre question, sénateur, je pense que nous pouvons tous convenir que le journalisme professionnel est un des piliers de notre démocratie. Il joue un rôle très important. Les Canadiens sont en droit d’obtenir une information indépendante, impartiale, objective. Les organes d’information disparaissent un à un, un phénomène d’ailleurs très rapide.

Nous mettons en place un programme indépendant. Il reposera sur divers principes, mais le principe de base est celui de l’indépendance des médias, de l’indépendance du journalisme et de la liberté de presse.

Le sénateur Smith [ + ]

Merci. J’ai dirigé un de ces journaux en fait, le Montreal Gazette, qui a connu d’importantes pressions financières quand le marché a changé.

Pour continuer sur le même sujet, il est essentiel que la presse au Canada demeure exempte de toute influence politique, et en réalité et en apparence. Il est extrêmement difficile de penser que c’est le cas quand on voit l’aide financière accordée aux médias par le gouvernement et les propos de Mme Telford sur les lettres d’opinion cités par l’ancienne procureure générale.

Qu’avez-vous à dire aux Canadiens qui voient dans ces propos et dans l’aide financière une preuve de l’ingérence du gouvernement dans l’indépendance des médias, surtout pendant une année électorale?

M. Rodriguez [ + ]

Encore une fois, merci de votre question, sénateur.

L’accès à l’information constitue un bien public fondamental. L’information doit être factuelle, crédible, neutre et diversifiée. Les journalistes jouent ce rôle lorsqu’ils nous posent parfois des questions difficiles. Même si nous préférerions ne pas recevoir ce genre de questions, ils nous les posent pour nous tenir responsables de nos faits et de nos gestes.

En réponse à l’honorable sénateur, je crois que, à la base de tout ce que nous ferons, il y aura les principes de l’indépendance journalistique et de la liberté de presse. C’est pourquoi nous ne ferons pas cela directement. Nous le ferons par l’intermédiaire d’un groupe d’experts qui élaborera les conditions et les critères d’admissibilité. Ce ne sera ni moi ni le gouvernement qui le fera, ce sera un groupe d’experts qui respectera ce principe fondamental qu’est la liberté de presse.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition)

Merci. J’aimerais également vous poser une question complémentaire. Monsieur le ministre, ma question porte sur un contrat à fournisseur unique d’une valeur de 356 000 $ qui a fini par être annulé, mais qui visait à payer des journalistes du Toronto Star pour qu’ils couvrent les audiences publiques du Comité sénatorial des banques et du Comité des finances de la Chambre des communes.

Monsieur le ministre, en décembre dernier, on vous a posé une question à l’autre endroit au sujet du contrat en vous demandant jusqu’où le gouvernement serait prêt à aller pour influencer les médias. Votre réponse a été la suivante :

Quand la presse fait faillite, elle n’est pas libre. Quand la presse fait faillite, elle n’est pas indépendante. Quand la presse fait faillite, ce n’est plus la presse.

Monsieur le ministre, avec tout le respect que je vous dois, cela ne répond pas à la question. Savez-vous pourquoi le contrat a été octroyé? De plus, quel message pensez-vous que ce contrat envoie aux Canadiens dans le contexte de l’aide financière que le gouvernement prévoit verser aux médias et de la citation attribuée à la chef de cabinet du premier ministre concernant le ralliement d’un grand nombre de personnes pour rédiger des lettres d’opinion?

M. Rodriguez [ + ]

Merci, madame la sénatrice, de votre question. Honorables sénateurs, je ne peux que répéter ce que j’ai dit. Des postes de journalistes disparaissent presque chaque semaine, alors que ces derniers jouent un rôle fondamental dans notre pays. Certaines régions n’ont aujourd’hui plus de journal. Les gens de ces régions ont le droit de savoir ce qui se passe à l’hôtel de ville ou au conseil scolaire et ce que font les élus locaux. Que fait leur député fédéral? Que fait leur député provincial?

Grâce à ce programme, sénateur, nous réunissons les conditions pour soutenir une industrie qui joue un rôle vital, un rôle fondamental, dans la démocratie canadienne. En passant, de nombreux autres pays font de même. Le Canada ne réinvente pas la roue. De nombreux pays d’Europe et d’ailleurs dans le monde font déjà la même chose. Nous croyons qu’il faut assurer la survie du journalisme professionnel afin que les questions difficiles puissent être posées.

Comme je l’ai dit plus tôt, nous préférerions parfois ne pas recevoir ce genre de questions, mais nous avons néanmoins le devoir d’y répondre. Nous pourrons continuer de le faire si le journalisme demeure en santé.

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