Aller au contenu

Projet de loi sur le Mois du patrimoine sikh

Troisième lecture--Ajournement du débat

9 avril 2019


L’honorable Sabi Marwah [ + ]

Propose que le projet de loi C-376, Loi désignant le mois d’avril comme Mois du patrimoine sikh, soit lu pour la troisième fois.

—Honorables sénateurs, c’est pour moi un privilège de prendre la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-376, Loi sur le Mois du patrimoine sikh.

Jusqu’à maintenant, le projet de loi a reçu l’appui de tous les partis, tant à la Chambre des communes qu’au Sénat. Je tiens particulièrement à souligner le travail accompli par M. Sukh Dhaliwal, député, et à le remercier des efforts qu’il a déployés pour que ce projet de loi soit présenté. Je souhaite également remercier les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour leur appui unanime au projet de loi.

Le mois d’avril a déjà été désigné comme Mois du patrimoine sikh par les Parlements de l’Ontario, en 2013, de la Colombie-Britannique, en 2017, de l’Alberta, en 2017, et du Manitoba, en 2019. Cette désignation a obtenu un large appui des citoyens, des organismes communautaires et des gouvernements locaux.

La désignation d’un Mois du patrimoine sikh par le Canada s’inscrirait dans la continuité de ces efforts. L’histoire des sikhs au Canada en est une de pionniers et de colons venus il y a plus d’un siècle, de soldats qui se sont battus aux côtés des Canadiens lors des deux grandes guerres, de luttes pour l’égalité et la justice et d’une présence dans toutes les sphères de la société. Elle célèbre également la contribution sociale, économique, politique et culturelle apportée par les Canadiens sikhs au Canada. C’est une histoire qui fait partie de l’histoire du Canada.

J’aimerais retracer brièvement l’historique de la colonisation sikhe au Canada. Les premiers colons sikhs sont arrivés ici il y a plus d’un siècle, en 1897. Il s’agissait de soldats sikhs qui faisaient partie de l’armée britannique. Peu de gens savent que des soldats sikhs ont servi dans l’armée canadienne pendant la Première Guerre mondiale. Ils étaient tous des volontaires et servaient un pays qui refusait de leur accorder les droits inhérents à la citoyenneté.

Les difficultés naturelles auxquelles ont dû faire face les premiers colons au Canada ont été aggravées par d’autres obstacles, qui étaient notamment liés à la situation politique, à l’immigration et à la citoyenneté. Face à l’isolement et aux difficultés financières, les premiers colons sikhs ont mis sur pied des institutions qui allaient servir leur toute nouvelle communauté, à commencer par la société Khalsa Diwan, en 1907.

Ce qui est remarquable, c’est la détermination d’un grand nombre de ces premiers colons — surtout des agriculteurs et des ouvriers agricoles — à travailler résolument dans le cadre du droit canadien. Pendant un demi-siècle, ils ont fait pression pour que des changements soient apportés à la loi, changements qui ont fini par lever les restrictions imposées aux colons sud-asiatiques, même ceux nés au Canada qui avaient combattu sous le drapeau canadien.

Il est tout à fait approprié que ce projet de loi soit étudié au Sénat en avril, un mois qui revêt un sens particulier pour la communauté sikhe du monde entier. Le mois d’avril a une importance sur le plan culturel dans la région que l’on décrit comme le « grand Pendjab », soit l’ancienne patrie de la grande majorité des sikhs. C’est le mois du Vaisakhi, une fête de la récolte célébrée par tous les habitants de la région, un peu comme l’Action de grâces.

Pour les sikhs, le festival a une importance particulière, car il commémore la dernière étape de la fondation du Khalsa en 1699, qui met l’accent sur les valeurs d’égalité, de service désintéressé et de justice sociale, un événement marquant célébré par les sikhs partout dans le monde.

Le Vaisakhi — et le mois d’avril — est un événement festif que les sikhs célèbrent de nombreuses façons, notamment des défilés, une tradition perpétuée par les communautés sikhes du monde entier. En plus des défilés, il y a des expositions d’art, des festivals de films, des conférences et des symposiums sur divers aspects de leur histoire, de leur culture et de leur foi. Des établissements universitaires ont attiré des étudiants et des chercheurs sikhs, et des initiatives sont en cours dans la communauté afin de parrainer des programmes universitaires d’études sikhes dans des universités réputées. Le fait d’avoir une reconnaissance nationale encouragera les collectivités à s’engager davantage dans le financement d’autres initiatives de ce genre.

Le fait d’avoir un mois du patrimoine est plus qu’une célébration de l’histoire d’une communauté. C’est l’occasion de tendre la main à ses voisins et de sensibiliser le grand public.

En donnant son appui au projet de loi S-232, Loi sur le Mois du patrimoine juif, la sénatrice Frum a affirmé avec beaucoup d’éloquence :

Cette reconnaissance officielle de la communauté et de la culture juives [...] ne peut qu’aider à promouvoir la tolérance, l’acceptation et l’intégration.

Les mêmes sentiments s’appliquent à ce projet de loi.

Le fait de reconnaître le patrimoine des gens a une valeur subtile, mais profonde. Une telle reconnaissance représente un pas vers la compréhension, ce qui est une condition nécessaire à l’intégration. Il s’agit d’un élément essentiel de la société civile et il contribue à renforcer la cohésion d’un pays. En tant que pays, nous célébrons un certain nombre de communautés, d’ethnies et de religions à l’aide de mois du patrimoine. Cela nous donne, en tant que nation, l’occasion de célébrer les cultures et les valeurs propres à ces communautés.

En raison de ses principes de foi visibles, la communauté sikhe jouit d’une position particulièrement unique. Par conséquent, comme c’est le cas d’autres communautés minoritaires, elle se heurte parfois aux préjugés et au racisme. Ce type de réactions a beaucoup à voir avec le manque de connaissance de la communauté. L’information et la connaissance de l’histoire de la communauté et de ses valeurs fondamentales contribueront grandement à dissiper les malentendus.

L’an dernier, M. Shimon Fogel, le chef de la direction du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, a comparu devant le Comité des droits de la personne en faveur du Mois du patrimoine juif et a dit ceci :

Les mois du patrimoine, de par leur nature même, sont un moyen de réduire, de façon proactive, l’ignorance qui est la source réelle de l’intolérance, une intolérance que nous souhaitons tous voir s’amenuiser. En ce sens, ils jouent [...] un rôle important, car ils donnent aux Canadiens l’occasion de découvrir les valeurs de communautés spécifiques [...] Ils désamorcent les soupçons et l’hostilité qui surgissent lorsqu’on connaît mal les religions différentes de la nôtre.

Il a ajouté ceci à propos de l’instauration des mois du patrimoine :

[...] nous faisons comprendre à ces communautés que nous attachons de la valeur à ce qu’ils apportent au Canada [...] dans un contexte qui renforce les valeurs canadiennes fondamentales et enrichit la vie de tous les Canadiens et de la société canadienne.

Comment ne pas être d’accord avec lui?

Voilà pourquoi le Mois du patrimoine sikh est si important. Il va nous permettre d’aménager un nouvel espace pour faire la lumière sur notre patrimoine et démystifier malentendus et faussetés attribuables à un manque de connaissances. Cela va également nous donner l’occasion de souligner l’engagement et l’apport des Canadiens sikhs dans tous les domaines de la vie publique au Canada — en médecine, en droit, des sciences, en génie, en technologies de l’information et en finance —, sans compter leur présence au sein des forces armées et dans la vie politique.

Le Mois du patrimoine sikh va nous permettre d’en apprendre davantage sur les croyances et les valeurs des sikhs, et d’enseigner aux prochaines générations de Canadiens le rôle inestimable qu’ils ont joué au sein de nombreuses collectivités à travers le pays.

Nous savons déjà que la sénatrice Ataullahjan est la porte-parole pour ce projet de loi, mais je dois dire que son appui à l’étape de la deuxième lecture a été particulièrement éloquent et émouvant. Elle a terminé son intervention en citant le député Sukh Dhaliwal qui a dit:

L’histoire des sikhs au Canada est une histoire de compassion, de dur travail, de persévérance et de don en retour.

Puis, elle a ajouté:

[...] j’appuie le projet de loi et je vous demande de faire de même.

En conclusion, je suis très heureux que ce projet de loi ait obtenu un appui unanime jusqu’ici et j’ose espérer que vous continuerez de l’appuyer. Merci.

Son Honneur le Président [ + ]

Sénatrice Stewart Olsen, aimeriez‑vous poser une question?

L’honorable Carolyn Stewart Olsen [ + ]

Oui. Je me demande ce qui se passera au Québec avec la nouvelle loi sur la laïcité de l’État qui interdit les signes religieux. Je vais parler de signes.

Le sénateur Marwah [ + ]

Je ne pense pas que le projet de loi dont nous sommes saisis aille à l’encontre de la loi sur la laïcité de l’État. J’estime qu’il s’agit plutôt d’un autre moyen pour sensibiliser la population du Québec à l’importance de ces questions et de faire connaître la religion sikhe. Cette mesure législative favorise une meilleure compréhension et peut-être qu’avec le temps cette compréhension fera changer le point de vue de nombreux Québécois.

La sénatrice Stewart Olsen [ + ]

Si je peux me permettre, j’aimerais savoir si la loi sur la laïcité permettra de célébrer et de porter les signes religieux sikhs.

Le sénateur Marwah [ + ]

Je vous remercie, madame la sénatrice, de cette question complémentaire. Personnellement, j’estime que le projet de loi n’entrerait pas en contradiction avec la loi sur la laïcité au Québec. Cette loi va dans une direction bien précise alors que celle que nous étudions permet de célébrer de façons différentes. La loi sur la laïcité au Québec prévoit que les personnes portant des signes religieux visibles ne pourraient occuper certains emplois. Cette mesure n’empêcherait en rien l’application du projet de loi dont nous sommes saisis et n’aurait pas non plus préséance sur celui-ci.

La sénatrice Stewart Olsen [ + ]

Merci beaucoup.

L’honorable Ghislain Maltais [ + ]

J’aimerais soulever un point de discussion pour rappeler au sénateur Marwah que la loi qui a été déposée à l’Assemblée nationale n’interdit nullement la pratique d’une religion. Ce sont les personnes en position d’autorité qui ne doivent pas porter de signes religieux. Tout le monde peut pratiquer la religion de son choix. Il n’y a aucune interdiction à ce chapitre. Cette compréhension de la loi est très importante pour votre communauté comme pour bien d’autres. Cependant, dans le cas des représentants de l’autorité de l’État, et je dis bien « de l’État », le port de signes religieux ne sera pas permis. Merci.

Le sénateur Marwah [ + ]

Je vous remercie, monsieur le sénateur. Votre déclaration est tout à fait juste. Je pense que la loi du Québec s’appliquerait uniquement aux personnes en position d’autorité et n’aurait, par conséquent, aucune incidence sur le projet de loi dont nous débattons.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition)

Avant de demander l’ajournement, je veux souligner que, en tant que sénatrice de la Colombie-Britannique qui compte un grand nombre d’amis fantastiques au sein de la communauté sikhe là-bas, j’appuie le projet de loi en principe. Je sais que ma collègue la sénatrice Ataullahjan a déjà tenu des propos semblables. Je souhaite informer le Sénat que nous n’avons pas encore pleinement discuté de ce sujet, ce qui ne m’empêche pas de vous féliciter, sénateur Marwah, et de reconnaître le travail qui a été fait sur ce projet de loi jusqu’à maintenant.

Je propose l’ajournement pour le temps de parole qu’il me reste.

Haut de page