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Projet de loi sur la protection des jeunes contre l’exposition à la pornographie

Deuxième lecture

8 décembre 2021


L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition)

Honorables sénateurs, je suis ravie d’intervenir dans le débat en tant que porte-parole pour le projet de loi S-210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite, qui remplace l’ancien projet de loi S-203. Je crois que nous pouvons tous approuver le principe qui sous-tend ce projet de loi et convenir que ce sont là des mesures importantes pour protéger les enfants et les jeunes.

Lorsqu’elle est intervenue en tant que porte-parole lors de la dernière législature, l’honorable sénatrice Linda Frum a félicité la sénatrice Miville-Dechêne :

[...] pour avoir présenté cet important projet de loi, et pour les efforts réfléchis qu’elle a déployés pour le rédiger [...] [L]a pornographie [...], si elle est consommée à un âge jeune et immature, peut causer des dommages irréparables à la santé mentale et spirituelle du spectateur.

Je fais écho à ces observations en remerciant de nouveau la sénatrice Miville-Dechêne des efforts soutenus qu’elle a déployés pour que nombre d’enfants, de jeunes et de familles soient protégées par ce projet de loi.

Le préambule du projet de loi S-210 dit ceci :

Attendu [...] que la consommation de matériel sexuellement explicite par les jeunes est associée à une série de graves préjudices, notamment le développement d’une dépendance à la pornographie, le renforcement de stéréotypes sexuels et le développement d’attitudes favorables au harcèlement et à la violence — y compris le harcèlement sexuel et la violence sexuelle — en particulier à l’égard des femmes;

En tant qu’ancienne enseignante et mère d’une fille, je sais à quel point les jeunes esprits sont impressionnables et combien il est important d’éduquer et de protéger les enfants dès un jeune âge. Pour eux et pour les générations à venir, nous pouvons, à titre de parlementaires, jouer un rôle essentiel dans ce qui sera leur avenir et veiller d’abord et avant tout à les protéger contre les préjudices.

Le projet de loi S-210, une fois adopté, érigera en infraction le fait pour des organisations de rendre accessible aux jeunes du matériel pornographique sur Internet. Il permettra aussi à un agent de l’autorité désigné d’agir afin d’empêcher que de la pornographie soit rendue accessible aux jeunes sur Internet au Canada.

Comme la sénatrice Miville-Dechêne l’a expliqué avec beaucoup d’éloquence dans son discours la semaine dernière, le projet de loi S-210 est une version améliorée du projet de loi S-203 : il restreint la portée du régime et présente son intention avec une plus grande clarté. L’objectif du projet de loi, comme il est indiqué à l’article 4, est de « protéger la santé mentale des jeunes » et, de façon plus générale, de « protéger les Canadiens, en particulier les jeunes et les femmes, contre les répercussions néfastes » de la pornographie.

L’article 5 du projet de loi criminalise le fait de rendre accessible à un mineur du matériel sexuellement explicite à des fins commerciales et établit une amende maximale de 250 000 $ pour une première infraction. Le nouveau projet de loi réduit la portée de l’infraction criminelle pour exclure les personnes; il ne cible que les organisations telles qu’elles sont définies à l’article 2 du Code criminel. Ainsi, les personnes, comme les travailleurs du sexe qui utilisent diverses plateformes pornographiques, n’enfreindront pas ce projet de loi. Cette portée réduite permet de cibler directement les distributeurs de pornographie commerciaux.

La question suivante demeure : comment pouvons-nous protéger les enfants de la montée fulgurante de la pornographie en ligne? Contrairement au monde réel, le monde virtuel est beaucoup plus complexe. Compte tenu des deux dernières années, période pendant laquelle une grande partie du monde est passée aux plateformes et aux moyens de communication en ligne, nous devons veiller à l’application de règles pour contrôler et protéger le contenu accessible en ligne, en particulier dans le cas des enfants. Un certain degré d’incertitude semble persister par rapport aux façons pour les sites Web de vérifier l’âge des visiteurs avant qu’ils aient accès à du matériel pornographique.

Les mêmes règles devraient s’appliquer en ligne et dans le monde réel. Par exemple, il est illégal pour un mineur d’accéder à du matériel sexuellement explicite dans un magasin, et les propriétaires de magasin appliquent cette règle rigoureusement en exigeant une preuve d’identité. Un processus de vérification de l’âge fournirait cette couche de protection et empêcherait que des mineurs soient exposés à de la pornographie sans restreindre l’accès des adultes à celle-ci une fois leur âge vérifié.

Le projet de loi vise à créer des normes uniformes, qui seraient ensuite respectées par les organismes de réglementation qui déterminent les preuves d’identité acceptées. Le projet de loi S-210 interdirait aux sites Web de rendre du contenu pornographique accessible à des mineurs en les obligeant à instaurer un processus de vérification de l’âge. Ceux qui ne se conforment pas à cette obligation seraient passibles d’une amende et d’une ordonnance de blocage.

À la législature précédente, le projet de loi a été renvoyé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, qui l’a soigneusement étudié et a entendu des témoins, qui en ont confirmé le mérite et le caractère essentiel.

Laila Mickelwait, du Justice Defence Fund, qui détient une maîtrise en diplomatie publique et qui est la fondatrice de Traffickinghub, a dit :

Des études ont révélé que l’exposition des enfants à la pornographie est le plus souvent non désirée. La Kaiser Family Foundation a signalé que bien plus des deux tiers des adolescents de 15 à 17 ans ont vu de la pornographie alors qu’ils ne le voulaient pas ou n’avaient pas l’intention d’y accéder, et près de la moitié ont déclaré être très ou assez fâchés par cela. Les expériences sexuelles non désirées sont ce que nous appelons des agressions sexuelles. [...] quand un enfant est témoin de pornographie par une exposition non désirée ou même parce qu’il tombe sur de la pornographie par curiosité, ne sachant pas ce qu’elle pourrait contenir, cela peut devenir un événement sérieux et traumatisant dans la vie de cet enfant.

Emily Laidlaw, titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit de la cybersécurité et professeure agrégée à la Faculté de droit de l’Université de Calgary, a dit ceci :

Le fait que des enfants regardent de la pornographie peut avoir des conséquences profondément néfastes. On peut soutenir que les enfants ont le droit de ne pas être exposés à la pornographie [...] Nous devons toutefois garder à l’esprit que, pour les adultes, regarder de la pornographie est une forme d’expression légale et protégée.

L’objectif est de réduire l’exposition des enfants à la pornographie à laquelle ils ne devraient pas avoir accès.

Le projet de loi a franchi l’étape de la troisième lecture au Sénat, puis a été renvoyé à la Chambre des communes, où il est mort au Feuilleton, comme tant d’autres projets de loi, lors du déclenchement des élections.

Honorables sénateurs, bien que je ne me sente pas apte à donner des conseils sur les avantages techniques des processus de vérification de l’ère numérique qui sont exposés dans le projet de loi S-210, en qualité de femme, de mère, d’éducatrice pendant 21 ans et de législatrice, je pense que le projet de loi S-210 représente avant tout une étape importante pour faire du mieux que nous pouvons pour protéger — par l’entremise de la loi — nos enfants, notre jeunesse et les femmes, au moyen de quelques mesures spécifiques.

Par conséquent, j’appuie fermement le projet de loi S-210 aujourd’hui, avec la sénatrice Miville-Dechêne et d’autres personnes qui sont intervenues à ce sujet et qui ne manqueront pas de l’étudier attentivement au Comité des affaires juridiques, et qui j’espère le renverront au Sénat rapidement cette fois-ci. Je demande à tous nos collègues de soutenir ce projet de loi renforcé afin que nous puissions l’envoyer au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles pour un examen plus approfondi.

Dans un monde de plus en plus numérique, avec la prolifération des sites pornographiques qui sont bien trop nombreux — comme l’a dit la sénatrice Miville-Dechêne — et qui sont bien trop faciles d’accès pour tout le monde, notamment les mineurs, je pense que nous avons besoin d’adopter ce projet de loi le plus tôt possible. Je vous remercie de votre attention.

Son Honneur le Président [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur le Président [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

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