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La Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat

18 février 2020


Propose que le projet de loi S-209, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j’aimerais saluer les personnes qui m’aident à m’acquitter de mon travail à mon bureau : James Campbell, Anna Millest et les légistes.

Je prends la parole aujourd’hui pour proposer la deuxième lecture du projet de loi S-209, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres. Pour commencer, j’aimerais souligner ce que ferait cette mesure législative courte, mais de grande portée. Ce projet de loi inscrirait dans la loi l’obligation pour le ministre des Femmes et de l’Égalité des genres d’entreprendre une analyse comparative entre les sexes pour tous les futurs projets de loi du gouvernement.

L’analyse ou l’énoncé indiquerait les effets négatifs possibles que le projet de loi aurait sur les femmes, en particulier les femmes autochtones. Essentiellement, cette analyse indiquerait si un projet de loi est conforme ou pourquoi il ne répond pas aux critères minimaux énoncés dans le cadre d’analyse comparative entre les sexes du gouvernement.

L’énoncé serait déposé à la Chambre où il a pris naissance au plus tard deux jours de séance après la date de dépôt du projet de loi. En outre, le présent projet de loi exigerait que tous les projets de loi d’initiative parlementaire soient soumis à une analyse comparative entre les sexes du ministre une fois renvoyés à un comité de la Chambre où ils ont pris naissance.

L’étape du renvoi à un comité a été choisie pour le déclenchement d’une analyse dans le cas d’un projet de loi d’initiative parlementaire parce qu’elle reflète une progression concrète de celui-ci à la Chambre en cause. Pour les projets de loi d’initiative parlementaire, l’analyse doit être déposée à la Chambre d’origine au plus tard 10 jours de séance après le renvoi à un comité.

Dans le but d’éliminer les échappatoires possibles, le ministre devra déposer d’autres analyses, portant sur les amendements apportés au projet de loi, pour garantir que celui-ci respecte toujours l’analyse comparative entre les sexes, depuis la première lecture jusqu’à la sanction royale. Ces déclarations devront être déposées dans les sept jours de séance suivant la date où le projet de loi amendé est reçu par l’autre Chambre. Tout aussi important, le ministre sera tenu de publier chaque déclaration sur le site Web de son ministère pour les rendre accessibles à tous les Canadiens.

Il y a un précédent récent pour la nouvelle responsabilité conférée au ministre. Plus précisément, une disposition semblable est prévue au paragraphe 4.1(1) de la Loi sur le ministère de la Justice, qui exige que le ministre évalue si l’une des dispositions des nouvelles lois est « incompatible avec les fins et dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés ».

Le ministre est aussi tenu de faire rapport à la Chambre des communes de toute incompatibilité, dans les meilleurs délais possible.

Chers collègues, je tiens à féliciter le gouvernement actuel du travail préliminaire qu’il a déjà accompli dans ce dossier. Selon le mémoire au Cabinet, les propositions de nouveaux projets de loi doivent comprendre une analyse comparative selon les sexes. Bien que ce soit un pas dans la bonne direction, cela ne suffit pas, pour plusieurs raisons.

Premièrement, comme cette analyse n’est pas exigée par la loi, le gouvernement actuel ou un gouvernement futur pourrait décider d’y mettre fin n’importe quand. De plus, les résultats de cette analyse comparative faite à l’interne ne sont pas rendus publics. Par conséquent, rien n’empêcherait le Cabinet d’aller de l’avant avec un projet dénué de toute analyse, ou un projet dont l’analyse aurait donné des résultats négatifs; ces pratiques douteuses ont peut-être même cours à l’heure actuelle. Enfin, quand on procède effectivement à une analyse comparative entre les sexes, on le fait seulement pour les projets de loi du gouvernement et non pour les mesures d’initiative parlementaire.

Le projet de loi à l’étude aurait pour effet d’inscrire dans la loi l’obligation de mener une analyse comparative selon les sexes, qui ne dépendrait donc plus du bon vouloir du gouvernement. De plus, il exigerait que l’analyse soit rendue publique et qu’on procède à une analyse pour tous les projets de loi, qu’ils soient présentés par le gouvernement ou non.

Comme il s’agit d’un projet de loi qui porte sur l’égalité des genres, il est essentiel de comprendre la différence entre l’égalité et l’équité. Ce ne sont pas des concepts interchangeables. Continuer d’appliquer des solutions axées sur l’égalité pour résoudre des problèmes d’équité ne fonctionnera jamais. Cela ne fera qu’accroître l’iniquité. L’équité, c’est donner à tous ce dont ils ont besoin pour réussir, en particulier ceux qui se trouvent dans une position d’inégalité. L’égalité, c’est donner la même chose à tout le monde, ce qui ne peut fonctionner que si tout le monde est dans la même situation au départ. Or, ce n’est pas le cas.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’absence d’équité en matière de santé va au-delà des inégalités relatives à l’accès aux ressources nécessaires à la santé. En effet :

Cette absence d’équité résulte aussi de l’impossibilité d’éviter ou de surmonter les injustices ou le non-respect des droits de l’homme.

Par conséquent, il tombe sous le sens qu’il faut promouvoir l’équité avant de pouvoir atteindre une égalité durable. Ce projet de loi contribuera à atteindre cet objectif en exigeant que l’on examine attentivement tous les effets des mesures législatives futures sur les femmes, en particulier les femmes autochtones. Que ces conséquences soient intentionnelles ou non, les femmes ont, par le passé, été touchées plus durement que les hommes par les effets négatifs des politiques et des mesures législatives. Encore aujourd’hui, en 2020, nous devons poursuivre ce combat, auquel j’espère participer avec l’adoption de ce projet de loi.

Honorables sénateurs, j’estime qu’il est maintenant important de vous parler de l’application concrète du projet de loi et de la nécessité d’effectuer systématiquement des analyses comparatives entre les sexes. Je crois et j’espère que d’autres femmes — et des hommes, d’ailleurs — dans cette enceinte se joindront à moi au cours du débat sur le projet de loi pour faire part de leurs propres expériences et dire pourquoi, à leur avis, cette mesure législative est cruciale.

Quant à moi, honorables collègues, je m’exprime en tant que femme issue des Premières Nations qui a grandi dans une réserve et dont la vie a été contrôlée par la Loi sur les indiens. J’ai subi de nombreux traumatismes cumulatifs, intergénérationnels et continus à cause des injustices profondes et systémiques que j’ai vécues alors que j’étais élevée sous cette domination colonialiste et qui m’ont amenée à croire que les inégalités étaient normales, y compris l’oppression et la marginalisation dont continuent à être victimes les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Je pense notamment aux torts causés actuellement par l’industrie des ressources.

Honorables sénateurs, l’intersectionnalité des analyses comparatives entre les sexes pour les femmes membres des Premières Nations, métisses et inuites est particulièrement complexe en raison des injustices historiques et actuelles uniques auxquelles elles sont confrontées. Je pense entre autres aux inégalités en matière de santé, d’éducation, de continuité culturelle, de développement humain et communautaire, d’infrastructures, d’emploi, de développement économique, de sécurité alimentaire, de santé environnementale, de partage des ressources et de sécurité.

Les questions qui sous-tendent ces inégalités concernent les doctrines de la terra nullius et de la découverte; les terres et les revendications territoriales; la gouvernance et la souveraineté; les ressources naturelles; l’autonomie gouvernementale; l’autodétermination; le consentement et les droits de la personne. Ce sont là des questions qui demeurent toujours sans réponse. Ces nombreux enjeux, qui peuvent être évités et prévenus, ont des répercussions sur la qualité de vie et la dignité des peuples autochtones, tant sur le plan physique que sur le plan mental, émotionnel, psychologique et environnemental.

Il est primordial que nous ayons une analyse comparative entre les sexes afin d’offrir une protection et une surveillance supplémentaires à toutes les femmes au Canada. Dans ce contexte, l’oppression historique et actuelle des Premières Nations, des Métis et des Inuits est unique au Canada, d’où la nécessité de souligner que cela s’applique surtout aux femmes autochtones. Comme l’a indiqué la sénatrice Boyer en 2007, à la page 4 de son document intitulé Un protocole d’application culturellement pertinent selon les sexes :

L’article 35(4) de la Loi constitutionnelle de 1982 stipule que nonobstant toute autre disposition, les droits autochtones et issus de traités auxquels fait référence le paragraphe (1) sont garantis de façon égale aux hommes et aux femmes. Ceci est une reconnaissance fondamentale constitutionnelle de l’égalité des femmes autochtones et nous trouvons une reconnaissance fondamentale similaire de cette égalité dans la Charte des droits et libertés. L’article 25 de la Charte des droits et libertés prévient la détransposition des garanties de la Charte des traités autochtones et autres droits et libertés; l’article 25 est assujetti à l’article 28 de la Charte, qui stipule que tous les droits dans le cadre de la Charte sont garantis de façon égale aux femmes et aux hommes. Par conséquent, les droits autochtones protégés par l’article 25, comme ceux protégés par l’article 35(1) doivent être disponibles sur une base égale aux femmes. Non seulement les articles 35(4) et 28 protègent la position des femmes autochtones dans le cadre de politiques autochtones, mais l’article 15 de la Charte protège les femmes autochtones de la discrimination vis-à-vis les Allochtones. Par conséquent, pour les femmes autochtones, l’élaboration d’une analyse comparative culturellement appropriée selon les sexes est une obligation constitutionnelle.

Honorables sénateurs, en tant que politiciens, nous devons revoir et mettre en question l’idéal d’égalité et la prétention de l’équité pour tous. Redéfinir ces concepts nous aidera, ainsi que tous les Canadiens, à rester loin des discussions fragmentaires anhistoriques au profit des discussions fondées sur le contexte historique et axées sur les mesures concrètes. C’est ce qui permet de faire en sorte que l’histoire ne se répète pas. Il faut se défaire des idées de monoculture, notamment celles liées à l’assimilation, et de recherche de solutions fondées sur des approches universelles ou pancanadiennes. Ce genre d’approches n’ont jamais fonctionné en raison du manque d’équité envers les groupes qui ont besoin de plus de ressources. Quand on traite toutes les femmes comme un groupe homogène ayant des intérêts homogènes, on contribue à l’invisibilité des femmes autochtones et à la marginalisation de leurs préoccupations et de leurs opinions.

Chers collègues, il n’est pas de plus grand échec pour l’être humain que de se lancer dans une importante entreprise et de s’arrêter à mi-chemin. C’est ce que le Canada a fait dans le cas des Premières Nations, des Métis et des Inuits avec ses systèmes coloniaux. Un nombre incalculable de politiques et de lois ont déstabilisé les fondements ancestraux de ces groupes. L’objectif du système de pensionnats était :

[...] d’assimiler les enfants dans la société, surtout en les amenant de force à s’éloigner de leur langue, de leur culture et de leur société.

Les premières réserves ont été créées dans les années 1830, et les formes de gouvernances indiennes ont été interdites par la loi. En 1884, le gouvernement canadien a décidé de forcer les Indiens à élire leurs chefs, et on voit aujourd’hui en Colombie-Britannique là où cette pratique nous a menés. En 1920, alors que la Chambre des communes étudiait une série de changements à apporter à la Loi sur les Indiens, le surintendant adjoint aux Affaires indiennes, Duncan Campbell Scott, n’a laissé planer aucun doute quant aux visées du fédéral :

Notre objectif est de continuer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul Autochtone au Canada qui n’ait pas été assimilé dans le corps politique, qu’il n’y ait plus de question autochtone ni de ministère des Affaires indiennes. Voilà l’objectif du projet de loi.

En 1969, Jean Chrétien, qui était alors ministre des Affaires indiennes, a déclaré ceci :

D’ici cinq ans, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien aura cessé de s’occuper des Affaires indiennes [...]

N’oublions pas qu’à l’époque, le droit de vote et le statut d’Indien étaient aussi une question de genre. Dans les faits, les femmes autochtones étaient exclues du mouvement canadien des suffragettes, qui était dominé par les Blanches des classes moyenne et supérieure. Malgré tout ce qu’elles ont pu faire de bien, les dirigeantes du mouvement canadien des suffragettes, dont Nellie McClung et Emily Murphy, ont tout fait pour exclure les femmes autochtones de leur cercle.

On le voit donc bien, le Canada a sciemment empêché les Premières Nations de participer pleinement à la société canadienne, mais aujourd’hui, il ne peut plus ignorer la tempête qu’il a lui-même créée. Le gouvernement a consacré énormément de ressources, humaines et financières, à la marginalisation des Premières Nations, des Métis et des Inuits.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous raconter une histoire, une histoire que j’ai vécue et dont j’ai été témoin aussi par l’entremise d’autres personnes qui l’ont vécue — d’autres femmes des Premières Nations, femmes métisses et inuites qui continuent également d’être exclues. Comme je l’ai indiqué au départ, ce discours est prononcé du point de vue d’une femme des Premières Nations. Je vais donc vous parler des différentes étapes de ma vie, une vie assujettie aux politiques et aux lois du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial.

Les filles et les garçons étaient envoyés dans un pensionnat où :

[...] la violence était institutionnalisée, les enfants étant obligés de respecter des règles et subissant de graves punitions pouvant comprendre des actes de violence physique, psychologique et sexuelle, la négligence [...]. De nombreuses filles ont fait l’objet de formes extrêmes de violence sexuelle et, dans bien des cas, sont sorties du système en pensant qu’une femme autochtone était nécessairement un objet sexuel que l’on contrôle et discipline. Ces traumatismes ont affecté de nombreuses générations de familles autochtones.

Ce passage est tiré d’une étude publiée en 2004 par Blackstock et al.

En raison de ma spiritualité, de ma langue et de mes enseignements des Premières Nations, ainsi que de notre sagesse collective, je sais que mon éducation a été façonnée avant ma naissance, alors que j’étais toujours dans le sein de ma mère. Ma mère était une Métisse de la région de la rivière Rouge. À l’époque des bouleversements de la vie métisse au Canada, ma mère et sa famille ont fui à Brochet. Comme on me le soulignait récemment, j’étais une Métisse avant d’être une membre des Premières Nations. Cette histoire souligne le rôle spécial des femmes et l’avenir qu’elles portent en elles. Le corps d’une femme est l’endroit où la vie prend forme en premier. C’est pour cette raison qu’un environnement extérieur sain est essentiel pour les femmes. Dans cet espace sacré, à savoir le sein de ma mère, j’ai porté avec moi la mémoire de mes ancêtres. En tant que petite fille, ma naissance s’est traduite par la transmission de la spiritualité, des enseignements, des cérémonies, des chants, des histoires et des antécédents cris.

Ma fille a réussi à démontrer cette réalité puissante. Lorsqu’elle était à l’université, elle a décidé qu’elle voulait apprendre à jouer du tambour. Elle m’a appelée et m’a dit d’une voix émerveillée qu’elle connaissait les chansons, même si elle et les autres femmes dans son groupe n’avaient jamais joué du tambour de leur vie.

Chers collègues, en 1952, l’adoption d’une nouvelle politique unilatérale en matière de services médicaux par ce qui est maintenant Services aux Autochtones Canada a forcé ma mère à se rendre à The Pas pour me donner naissance dans un hôpital. J’étais la première dans ma famille à naître dans un hôpital, car mes 11 sœurs et frères sont nés à Brochet avec l’aide d’une sage-femme. Puisqu’ils sont nés heureux et en bonne santé, cette politique n’était pas motivée par le danger. L’hôpital était un milieu étranger et froid, où les nouvelles vies n’étaient pas célébrées, et où ma mère était privée du soutien de sa famille, de son aptitude à se retrouver dans le système et de sa langue pour exprimer ses craintes ou ses besoins. C’est avec cette politique qu’a commencé la destruction des cérémonies de naissance, de l’esprit de fraternité, du capital social, de l’esprit de collectivité, du sentiment d’appartenance et de la résilience, ainsi que du rôle des femmes autochtones. La politique a aussi marqué le début de l’érosion du concept fondamental de l’autodétermination, à savoir la capacité de demeurer autonome et de continuer à fonctionner comme société fondée sur la force.

Honorables sénateurs, plus tard, j’ai travaillé comme dentiste dans ma réserve, à Brochet. Un jour, je suis sortie avec ma famille et un ami. Pendant que nous étions sur le lac, mon ami a demandé à mon neveu Rod Clarke fils comment il faisait pour ne pas se perdre dans ce réseau aux milliers d’îles. Il a répondu que son père lui avait enseigné à « toujours regarder en arrière » pour voir les points de repère, et donc les îles, des deux côtés. Au retour, les terres et les cours d’eau n’auront pas la même apparence. La capacité de localiser les points de repère fait partie des nombreuses habiletés qui sont apprises et appliquées très tôt par les personnes qui vivent sur le territoire.

L’expression « toujours regarder en arrière » a plusieurs interprétations et significations. Elle s’applique notamment à la navigation concrète sur les eaux pour être en mesure de s’orienter. À un niveau plus élevé, il s’agit aussi de regarder en arrière pour connaître notre histoire, savoir d’où nous venons, et ainsi éviter de nous perdre.

J’ai demandé à mon neveu de me donner sa définition de « toujours regarder en arrière ». Il l’a traduite ainsi :

Ka we tha we katch wa ne kis kie se e te ka ke o pe tas keen.

Il ne faut jamais oublier d’où nous venons et comment nous avons été élevés : nous venons du Créateur et nous avons été élevés par la terre, l’eau, les apprentissages, l’environnement, les saisons, l’écologie, l’astronomie, la communauté, la famille, les affinités, les valeurs, les traditions et toutes nos relations, les quadrupèdes, les bipèdes, les créatures ailées et marines, autrement dit, toute la biodiversité.

Mon peuple possédait une profonde connaissance de l’existence et comprenait la toile de la vie. Après des générations vécues sur le territoire, il comprenait que tout est relationnel. Le monde dans lequel ont vécu mon père et ses ancêtres offrait les solutions dont ils avaient besoin. Ils étaient en mesure de s’adapter aux changements, tout comme les Premières Nations, les Métis et les Inuits d’aujourd’hui, qui doivent cependant affronter de plus grandes difficultés causées par les changements climatiques et l’extraction des ressources.

Honorables sénateurs, en cri, le terme « Ka ke o pe tas keen » s’apparente au mot « monde », mais son sens, plus profond et plus complexe, tient compte de ce qui influence et façonne notre manière d’appréhender le monde, le cours de notre vie et notre destinée. C’est notre constitution première. Nous avons un monde intérieur qui nous est propre et qui nous accompagne en tout temps. Notre constitution est en nous, c’est-à-dire que nous internalisons nos valeurs, notre sens de l’éthique, nos codes de conduite, nos apprentissages, nos affinités, la toile de la vie et notre connexion au Créateur, ou à Dieu, lesquels forment notre façon autochtone de comprendre, d’être et d’agir. La constitution nous sert de modèle. Le monde extérieur ne nous concernait pas vraiment. Nous avions autour de nous tout ce dont nous avions besoin. Nous étions contents et reconnaissants de l’abondance et de la simplicité de la vie. Je l’étais. Cette constitution s’est érodée lentement avec le temps tandis que nous passions à un modèle de vie fondé sur le déficit qui était façonné pour nous.

Pendant la plus grande partie de ma vie, je n’ai pas compris la culture qu’on m’obligeait à adopter, mais j’ai passé d’innombrables années à essayer de mener le genre de vie que le Canada voulait que je mène, reniant ainsi ma propre identité culturelle et historique. Il m’a fallu plus de 30 ans pour m’apercevoir que, peu importe ce que je faisais, je ne serais jamais une Blanche et je ne serais jamais acceptée comme une égale. J’ai vécu dans le mensonge parce que des politiques et des mesures législatives m’ont amenée à le faire.

Lorsque j’ai quitté le pensionnat indien, j’étais une jeune femme sans connaissances pratiques, sans pensée critique, sans compétences parentales, sans compétences budgétaires, sans filet de sécurité et sans notion de ce qu’est la condition humaine ou féminine. Lorsque je suis entrée dans la société, j’étais une proie facile pour les prédateurs, tout comme les enfants qui sont pris en charge aujourd’hui. La marginalisation et la vulnérabilité engendrent des proies plus faciles pour les personnes qui commettent des actes de violence contre les Autochtones, et ce, sans subir de conséquences. Il y a un lien étroit entre la violence fondée sur le sexe et l’analyse comparative entre les sexes. La violence fondée sur le sexe est un obstacle considérable à l’égalité des genres. Cette forme de violence est une réalité avec laquelle j’ai dû composer pour la première fois au pensionnat indien et qui demeure fort répandue dans la société actuelle.

Pour les Autochtones qui ont fréquenté les pensionnats indiens, le système d’éducation avait deux objectifs précis. Premièrement, il visait à tuer l’Indien dans l’enfant. Deuxièmement, il devait offrir à l’enfant une éducation axée sur la mémorisation au lieu de l’aider à développer ses capacités de réflexion critique, qui sont pourtant cruciales à son développement dans les autres étapes de sa vie. On a envoyé ces enfants dans un environnement dangereux, défavorable et culturellement inadéquat où ils n’ont reçu aucune véritable formation scolaire et ils ont été dépossédés des rôles culturels attribués à leur genre.

Cette situation est expliquée dans le livre de Cynthia Wesley-Esquimaux, intitulé Restoring the Balance, qui dit ceci, à la page 19 :

Alors que les gens des Premières Nations ont été privés de contacts significatifs avec le monde externe, en plus de perdre de plus en plus leurs conceptions sociales traditionnelles, leur vision du monde a été ébranlée et diminuée. Dans les faits, les gens des Premières Nations ont commencé à reculer vers l’avenir, dépourvus des aptitudes sociales et psychologiques qui auraient été transmises à leurs enfants si leurs sociétés étaient demeurées intactes.

Elle continue à la page 23 :

Pour les gens des Premières Nations, la perte de leur identité culturelle n’a pas été soudaine. Elle a plutôt pris une forme ou une autre pendant des siècles de douleurs et de souffrances. Ainsi, ils n’ont jamais pu se rétablir pleinement à la fin d’un cycle de deuil.

À la page 16 du livre Restoring the Balance, on peut lire ce qui suit :

On a retiré aux femmes autochtones leurs responsabilités et leurs rôles traditionnels, ce qui les a reléguées aux marges de leurs propres sociétés. Les missionnaires ont importé dans le Nouveau Monde une hiérarchie sociale du Vieux Continent, selon laquelle « la place d’une femme est sous l’autorité de son mari et la place d’un homme est sous l’autorité des prêtres ».

Comme je l’ai appris en tant que fille et que femme, les inégalités ne sont pas survenues soudainement ou par hasard. Elles ont fortement et directement contribué à la transformation de mon identité de femme et à ma raison d’être et elles sont liées aux politiques destinées tuer l’Indien dans l’enfant. Ces inégalités sont à la fois liées aux politiques, à la législation, à l’éducation, à l’origine ethnique, à la race, à la religion et au groupe social, et elles perdurent de génération en génération. Les politiques fédérales ont créé des problèmes systémiques. Ces problèmes ne seront pas réglés tant que les inégalités systémiques découlant des mauvaises politiques inadéquates et discriminatoires ne seront pas elles-mêmes levées.

Chers collègues, à ma sortie du pensionnat, je n’avais pas les outils pour fonctionner en tant que femme au sein de ma culture ou au sein de la culture occidentale. La présentation de ce projet de loi est un pas de plus vers la transformation du chaos socioéconomique en stabilité pour les femmes des Premières Nations. Il s’agit d’un effort pour transformer les circonstances défavorables que les politiques et les lois nous ont imposées en une nouvelle réalité sociale.

De mon point de vue actuel à titre de citoyenne aînée et de femme des Premières Nations, si je fais le bilan de ma vie, je constate que les pensionnats indiens nous ont fait passer de peuples autonomes caractérisés par la force à des communautés fort désavantagées. Nous sommes en voie de revenir à ce que nous étions. Vous en êtes d’ailleurs témoins avec ce qui se passe sur la côte Ouest. Pourquoi a-t-on permis ces atrocités? De plus, dans l’intérêt de cette discussion, pourquoi les stratégies spéciales et les attaques en vue de déshumaniser et de marginaliser les femmes autochtones, en particulier, perdurent-elles encore aujourd’hui?

Dans le document intitulé Indigenous Gender-Based Analysis for Informing the Canadian Minerals and Metals Plan, Adam Bond et Leah Quinlan, de l’Association des femmes autochtones du Canada, déclarent, à la page 4 :

Les femmes autochtones entretiennent avec la nature une relation sociale et culturelle unique plus étroite que les groupes non autochtones. L’intersectionnalité de leur sexe et de leur identité autochtone confère aux femmes et aux filles autochtones des rôles, un savoir et des responsabilités spéciaux, mais les expose également à des risques accrus. La relation socioculturelle des femmes autochtones avec la nature ainsi que leur physiologie exacerbent chez elles les effets négatifs de l’incidence de l’exploitation minière locale sur l’environnement.

L’exclusion délibérée des femmes autochtones de la prise de décisions communautaire, des consultations et des négociations avec le secteur privé perpétue les effets négatifs disproportionnés des activités industrielles sur les femmes et les filles autochtones, tant sur le plan environnemental que socio-économique. Le gouvernement et les membres de la communauté doivent faire preuve de bonne foi dans les processus de consultation. La marginalisation des points de vue et des préoccupations des femmes autochtones mine la légitimité des décisions et des accords définitifs.

Les femmes autochtones doivent souvent composer avec la violence sexuelle, le harcèlement et la discrimination, réalités qui sont souvent exacerbées par la présence de projets industriels dans leur communauté [...] Le maintien d’une culture masculine dominante dans les camps de travail perpétue une forme de racisme et de misogynie qui mine la valeur humaine des femmes autochtones et les expose à des actes odieux et tout à fait intolérables de violence sexuelle et de discrimination [...]

Lorsque je parcourais le Canada, je me suis entretenue avec des femmes autochtones qui m’ont raconté ce qui leur est arrivé au sein de leur communauté et dans leur milieu de travail.

Quels que soient les effets économiques positifs des activités minières, l’omniprésence de ces infractions a pour effet de réduire nettement les avantages socio-économiques des projets industriels pour les femmes autochtones.

L’incapacité des sociétés minières à mettre fin à la culture masculine dominante et l’incapacité des gouvernements à imposer des conditions administratives adéquates et des exigences législatives et réglementaires pour protéger les femmes autochtones ne sont pas seulement un fardeau titanesque pour celles-ci. Ces échecs représentent aussi un obstacle majeur qui empêche l’industrie d’accéder à une main-d’œuvre dont elle a grandement besoin et d’adopter une approche solide pour développer des liens fondés sur la confiance avec les communautés locales. Au bout du compte, tant et aussi longtemps que la présence d’activités minières constitue une menace de violence sexuelle, on ne peut pas raisonnablement conclure que l’industrie est une force positive pour les femmes et les filles autochtones. On ne peut pas s’attendre raisonnablement à ce qu’une communauté appuie un projet qui expose ses femmes et ses enfants au risque de subir un viol.

Le projet de loi vise à réduire au minimum les effets préjudiciables des activités d’exploration et d’exploitation des ressources tout en maximisant leurs bienfaits environnementaux, sociaux, culturels et économiques.

Cette situation montre que le capitalisme est l’un des aspects qui exigent que ces importantes considérations liées à l’égalité des sexes soient appliquées aux futures politiques et lois fédérales. Même si j’utilise l’exemple des répercussions de l’industrie des ressources sur les femmes autochtones, il importe de souligner que de nombreux autres aspects — comme la santé, le droit et la géographie — ont des effets sur différents groupes de femmes de façons uniques et complexes. Dans certains cas, l’intersectionnalité du capitalisme, de la santé, de la géographie et du droit avec l’identité, le genre et la condition autochtone touche des personnes comme je viens d’en parler.

Dans le numéro 6 d’une publication du Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes, publiée en janvier 2011, on dit ceci :

Par conséquent, les filles et les jeunes femmes se retrouvent souvent à la croisée des chemins (carrefours intersectionnels) entre divers systèmes d’oppression comme le patriarcat, le capitalisme et le colonialisme, où elles sont exposées simultanément à différentes formes de violence liées à ces systèmes.

Honorables collègues, la nature toujours changeante de la relation entre les gouvernements et les Premières Nations, les Métis et les Inuits, ainsi qu’entre l’industrie et ces groupes autochtones, fait en sorte qu’il est difficile de contester le statu quo. Or, quel est le statu quo? C’est l’état de dépendance constant des populations autochtones, et cette situation persiste malgré des efforts concertés pour y remédier.

Dans son article intitulé Separate but Unequal : The Political Economy of Aboriginal Dependency, Frances Widdowson dit ceci, à la page 1 :

Malgré la gravité et l’omniprésence de l’état de dépendance des Autochtones, la question n’a pas été étudiée en détail dans le contexte de l’économie politique canadienne. Le plus souvent, l’analyse de la marginalisation et de la dépossession des Autochtones se fait plutôt à l’extérieur de cette discipline, où les principales raisons avancées pour expliquer cette situation sont la façon dont les Autochtones ont été dépossédés de leurs terres par les colons européens et la destruction des traditions autochtones par l’État canadien. Ainsi, on se concentre sur les attitudes racistes des non-Autochtones au lieu de se demander de quelle façon les impératifs capitalistes du passé ont eu une incidence sur les circonstances actuelles des peuples autochtones.

L’auteure pose ensuite la question suivante :

[…] pourquoi les peuples autochtones se sont-ils marginalisés après la traite des fourrures, alors que le reste du pays s’est développé? Puisqu’il y avait des pénuries de main-d’œuvre au Canada durant le XIXe siècle, pourquoi les Autochtones n’ont-ils pas été prolétarisés et intégrés dans l’économie émergente, au lieu d’être écartés par des travailleurs de l’Europe?

Le Canada a réussi à se moderniser, mais cette percée n’a pas permis aux Premières Nations, qui étaient pourtant détentrices de titres fonciers, de participer au processus. La croissance dans les secteurs de l’éducation, de l’agriculture, du transport, de l’industrialisation, de la santé, de la technologie et de la prestation des services, n’a pas été développée dans le système des réserves créé par le gouvernement fédéral. Cette inégalité avec le reste du Canada dans la stimulation de la croissance a créé un écart. Cette iniquité continue de croître aujourd’hui, tant sur le plan du potentiel humain que sur celui de l’infrastructure communautaire.

À l’heure actuelle, des divisions tragiques et complexes règnent au Canada. Le Canada ne cesse d’accroître ses richesses déjà grandes, mais ce n’est pas le cas des Premières Nations, surtout des femmes issues de ces dernières. Des politiques restrictives les ont empêchées de profiter elles aussi de ce grand dynamisme économique et social. Le fossé entre les riches et les pauvres est devenu l’un des problèmes les plus tragiques et urgents au Canada de nos jours, et les femmes autochtones continuent d’être les plus durement touchées par cette réalité.

Chers collègues, les changements aléatoires que le colonialisme a entraînés dans les communautés autochtones n’ont pas produit une société nouvelle et cohérente comme ce fut le cas dans d’autres parties du Canada. L’impact du colonialisme a introduit des problèmes immensément difficiles à résoudre. Les Premières Nations ont connu peu de changements généraux et une société binaire s’est formée. Les Premières Nations se sont trouvées coincées entre un monde qui n’était plus et un monde nouveau qui ne pouvait pas encore naître — une situation qui produit des tensions sur le plan psychologique et social.

De nos jours, les Premières Nations sont toujours suspendues entre deux mondes contradictoires créés par d’autres, en raison de la terre et de ses ressources, les plus précieux atouts du Canada. Dans les zones riches en ressources, les Premières Nations demeurent dans une impasse apparemment insoluble. En sortir laisserait un vent de modernité balayer leurs communautés, tout en les mettant dans une position d’impuissance, car l’industrie écrase les communautés qui se mettent sur son chemin.

Des travaux de recherche montrent que les projets d’exploitation des ressources ont en général des répercussions négatives sur le plan social, économique, culturel et sanitaire pour les femmes autochtones et non autochtones de l’endroit. Je parle entre autres de difficultés en matière de services de garderie; d’emplois peu spécialisés et peu rémunérés; d’une augmentation de la violence, du harcèlement, du travail du sexe et de l’itinérance; de l’abordabilité du logement; de la baisse des ressources dans le domaine de la santé en raison de l’afflux des travailleurs, et j’en passe. Il s’agit d’une autre facette de la vie où des politiques discriminatoires entraînent des effets néfastes pour les femmes.

Chers collègues, comme Susan Manning et ses collègues l’indiquent dans l’article « Why are we so afraid of gender-based analysis? », l’analyse comparative entre les sexes constitue « un outil d’analyse important qui peut servir à cerner les effets que pourrait avoir une mesure sur les hommes et sur les femmes et à trouver des façons d’atténuer ses répercussions les plus négatives sur les femmes [...], profiter des avantages de l’extraction des ressources et réduire le risque que les retombées soient plus négatives que positives pour les personnes les plus marginalisées de la collectivité, y compris les femmes, les filles et les personnes handicapées ».

Honorables sénateurs, il ne suffit pas, pour régler ce problème, de reconnaître sa portée et d’en parler. Ce n’est là qu’un tout petit pas dans la bonne direction. Ne rien faire de plus, c’est faire un mauvais usage de notre privilège et contribuer à la création et au renforcement d’un système bancal. Nous avons le devoir d’aller plus loin chaque fois que nous le pouvons.

Le projet de loi S-209 aurait des répercussions dans deux domaines, selon moi. Tout d’abord, il favoriserait l’équité parmi toutes les femmes du Canada. Pour répondre aux besoins individuels et aux problèmes sous-jacents qui touchent les populations vulnérables et mal desservies, nous devons nous assurer que les politiques ne sont pas discriminatoires à l’endroit de groupes marginalisés. On pense ici notamment aux besoins particuliers des femmes et des filles, des Premières Nations, des Métis et des Inuits; de la communauté LBGTQ2 et des non-conformistes sexuels; des résidants des régions éloignées, rurales et nordiques; des personnes handicapées; des nouveaux arrivants; des enfants, des jeunes et des aînés. Je suis sûre que les femmes et les hommes peuvent, à la lumière de leurs parcours et de leurs expériences, imaginer comment ce projet de loi pourrait être source d’équité pour les groupes que j’ai nommés et pour d’autres groupes silencieux.

En plus d’assurer l’équité entre toutes les Canadiennes, la deuxième mesure prise par ce projet de loi sera d’assurer l’équité entre les femmes et les hommes. Naturellement, les deux étapes se produiront en même temps, puisque chaque fois que l’analyse comparative entre les sexes est appliquée à la loi, elle garantira que les femmes de tous les horizons seront davantage protégées contre des conséquences négatives, voulues ou non. Une fois que ces mesures seront prises et l’équité atteinte, c’est alors que nous pourrons commencer à mener nos activités à un niveau soutenu d’équité entre tous les Canadiens. L’équité est le fondement d’une vie saine, heureuse et épanouie pour tous.

On dit que la marée montante soulève tous les bateaux. Je considère le projet de loi comme étant cette marée montante, qui soulèvera inévitablement toutes les femmes et, par extension, tous les Canadiens à de nouveaux sommets d’égalité et de justice, sans discrimination ni désavantage individuel et collectif.

Honorables sénateurs, mieux vaut prévenir que guérir. Prévenons certains de ces problèmes discriminatoires évitables fondés sur les politiques, dès le départ, afin d’éviter que les générations futures doivent corriger nos erreurs.

Comme peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits, nous voulons l’égalité avec les autres Canadiens. Il ne doit pas y avoir de place pour l’iniquité dans ce pays de possibilités. Malheureusement, la mise à l’écart des peuples autochtones, et surtout des femmes autochtones, des activités économiques, de l’emploi et d’une éducation adaptée à la culture est un problème qu’il faut régler.

Je crois que régler ce problème fait partie des nombreuses choses que ce projet de loi permettra de réaliser. Sénateurs, je vous demande instamment de vous joindre à moi pour appuyer le projet de loi S-209 et l’application d’une analyse comparative entre les sexes à toutes les futures mesures législatives. Merci.

Son Honneur la Présidente suppléante [ + ]

Sénatrice Martin, avez-vous une question?

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) [ + ]

Sénatrice, je vous remercie beaucoup pour votre discours. Il me suffit de vous écouter pour savoir à quel point ces questions vous tiennent à cœur. Vous avez parlé avec tant de sincérité, du fond du cœur, et je l’ai senti. J’applaudis l’attention que vous portez à l’analyse comparative entre les sexes et je sais que, pour le présent gouvernement, le gouvernement précédent et les sénateurs qui ont siégé ici — y compris l’ex-sénatrice Nancy Ruth — c’est une question qu’elle posait toujours à chaque réunion du comité et à chaque occasion que nous avions de discuter de ces questions. Je veux simplement que vous sachiez que je suis d’accord avec vous sur cette question.

J’ai une question sur une partie de votre discours concernant une question que j’ai posée à la période des questions. Il s’agit d’un enjeu que j’estime très important pour nous tous, Canadiens.

Vous avez dit que ce qui se passait sur la côte Ouest était attribuable à un mouvement pour se réapproprier une force.

Son Honneur la Présidente suppléante [ + ]

Sénatrice Martin, un instant s’il vous plaît. Sénatrice McCallum, votre temps de parole est écoulé. Aimeriez-vous avoir encore cinq minutes?

Oui, s’il vous plaît.

La sénatrice Martin [ + ]

Lorsque vous avez parlé de la situation sur la côte Ouest en ce qui a trait à votre projet de loi, j’ai seulement réagi parce que je sais qu’un grand nombre de Wet’suwet’en appuient le projet et qu’il est très complexe. Ils organisent un événement demain dans la région pour appuyer les possibilités et échanger des points de vue dans un endroit sûr où les gens pourront se faire entendre au sujet du projet Coastal GasLink. J’entends parler de ce que les habitants de la région veulent pour leur région — la prospérité et des débouchés — et puis nous voyons aux nouvelles des reportages sur la fermeture et son incidence sur le Canada.

J’aimerais vous poser une question sur ce que vous avez dit dans votre discours, à savoir que la situation dans l’Ouest est attribuable à un mouvement vers la force. En ce qui concerne le projet de loi, je trouve la situation très troublante et je voulais donc vous demander des éclaircissements à ce sujet.

Je vous remercie de votre question. Quand vous examinez des enjeux autochtones, qu’ils concernent les chefs traditionnels ou les chefs et les conseils reconnus par Affaires autochtones et du Nord Canada, vous devez garder à l’esprit que tous ces enjeux sont enracinés dans l’histoire et que nous portons cette histoire avec nous. Le problème qui existe actuellement sur la côte Ouest, c’est que les chefs traditionnels et les chefs des Premières Nations désignés en vertu de la Loi sur les Indiens doivent se rencontrer et avoir une conversation dans un contexte sécuritaire, à l’extérieur, sans avoir à se presser, mais qu’ils n’y sont pas parvenus jusqu’à maintenant.

Je vois des gens dire que cela suffit, qu’ils veulent être entendus et faire connaître leurs enjeux. Nous voulons que les Canadiens nous écoutent, et nous vous demandons de nous laisser avoir la conversation dont nous avons besoin. Je m’interroge sur certains aspects de la situation, et j’ai posé la question que voici : s’il s’agit de terres non cédées, les chefs et les conseils reconnus par Affaires autochtones et du Nord Canada ne détiennent aucune autorité. Dans ce cas, pourquoi les écoute-t-on au lieu d’écouter les autres chefs?

Je pensais poser une question pendant la période des questions. Je la poserai demain. Elle porte sur cette situation.

Quand nous examinons ce qui se passe là-bas, nous n’avons par une image complète de la situation. Je comprends toutefois que, quand je soulève des questions au Sénat, je parle de l’histoire qui s’y rattache. Il arrive parfois que les gens ne veulent pas prendre le temps d’écouter ou que nous n’ayons pas le temps d’en parler. C’est ce qui se passe en ce moment. Nous devons comprendre ce qui se passe là-bas pour le groupe — non seulement à cet endroit, mais aussi dans d’autres régions au Canada — afin d’être en mesure d’unir nos efforts et de s’entendre sur la voie à suivre.

À titre d’information, dans certaines des communautés qui ont connu un développement économique et qui ont commencé à toucher de l’argent, le taux de suicide a augmenté parce que la croissance du potentiel humain n’a pas suivi, ce qui aurait permis aux gens de comprendre ce qui s’était passé au cours de leur histoire, pourquoi ils portent la cicatrice de leurs traumatismes et comment ces traumatismes se sont manifestés. Par conséquent, l’argent ne réglera pas le problème. Cette situation s’est produite partout au Canada.

Le problème dépasse les considérations économiques. Il est question de savoir pourquoi j’étais forte. Aujourd’hui, je suis désavantagée, mais je lutte pour m’en sortir. Voilà pourquoi j’ai dit que nos communautés sont fortes. Nous avons entamé une conversation que nous n’aurions jamais pu avoir auparavant.

Ai-je répondu à votre question?

La sénatrice Martin [ + ]

Honnêtement, vous n’avez pas répondu à la question, en ce sens que la situation actuelle a une incidence sur le pays dans son ensemble et sur de nombreuses personnes qui perdent leur travail et leur gagne-pain. Il semble que pour se renforcer, il faudrait aussi examiner l’impact très positif que cette situation a sur tout le monde.

J’ai eu un peu de mal à accepter l’idée à cause de votre façon de vous exprimer et à la lumière de ce qui se passe au pays. Vous avez répondu à la question, mais je cherche encore à comprendre ce que vous venez de me dire.

Son Honneur la Présidente suppléante [ + ]

Sénatrice McCallum, votre temps de parole est écoulé. Désirez-vous cinq minutes de plus? Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Son Honneur la Présidente suppléante [ + ]

Certains disent oui; d’autres disent non. Je suis désolée, mais le consentement n’est pas accordé.

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