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La Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat

3 novembre 2020


Propose que le projet de loi S-213, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je tiens à remercier Élise Hurtubise-Laranger et Charles Feldman, conseillers parlementaires au sein du Bureau du légiste, de leur expertise, de leurs conseils et de leur aide relativement au projet de loi S-213. J’aimerais également remercier mes collaborateurs James Campbell et Ovadia Lawrenchuk, de leur aide et de leur soutien. Je tiens à souligner le rôle que jouent de nombreuses femmes au Canada pour défendre les droits des femmes, y compris en faisant valoir ce projet de loi.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour proposer la deuxième lecture du projet de loi S-213, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres. Je souligne d’abord pourquoi cette mesure législative modeste, mais puissante et opportune, est essentielle.

Le projet de loi inscrirait dans la loi l’obligation du ministère des Femmes et de l’Égalité des genres de déposer, pour tout projet de loi du gouvernement, un énoncé qui indique les effets possibles du projet de loi sur les femmes, en particulier les femmes autochtones.

Cette analyse ou cet énoncé examinant le projet de loi sous l’angle des genres serait dorénavant obligatoire pour tous les projets de loi afin d’évaluer l’incidence propre au genre des politiques, des lois et des programmes pour les femmes et les hommes. Cela permet aux décideurs de tenir compte des différences entre les sexes.

Vous noterez qu’il est explicitement question de « femmes autochtones » dans le projet de loi. Je tiens à illustrer l’importance de ce fait en citant une analogie décrite à la page 151 de l’ouvrage Demarginalizing the Intersection of Race and Sex de Kimberlé Crenshaw :

[…] Imaginez un sous-sol qui contient toutes les personnes qui sont désavantagées en raison de leur race, de leur sexe, de leur classe sociale, de leur préférence sexuelle, de leur âge et de leurs capacités physiques. Ces personnes sont empilées les unes sur les autres — les pieds sur les épaules — et celles qui se trouvent en bas sont désavantagées par toute une série de facteurs, tandis que celles qui sont au sommet et dont la tête se heurte au plafond sont désavantagées par un seul facteur. Leur plafond est en fait le plancher sur lequel ne résident que les gens qui ne sont aucunement désavantagés. Afin de corriger certains aspects de la domination, les gens qui se trouvent au-dessus du plafond n’admettent du sous-sol que les personnes qui peuvent dire qu’elles résideraient aussi dans la pièce supérieure si ce n’était du plafond. Une trappe est aménagée par laquelle ceux qui se trouvent immédiatement sous le plafond peuvent ramper. Cependant, cette trappe n’est généralement accessible qu’aux personnes qui, en raison de la singularité de leur fardeau et de leur position privilégiée par rapport aux gens en dessous d’elles, sont en mesure de ramper par la trappe. Les personnes sur lesquelles pèsent de multiples fardeaux sont généralement laissées en bas, à moins qu’elles ne puissent d’une manière ou d’une autre se glisser parmi les groupes qui sont autorisés à passer par la trappe.

En tant que parlementaires, est-ce que nos efforts facilitent uniquement l’inclusion des personnes qui sont en mesure de se faufiler dans cette trappe d’évacuation, ou est-ce qu’ils aident également les groupes marginalisés pour qui nous pouvons dire « lorsqu’ils entrent, nous entrons tous »? Quel est ce plafond auquel, en tant que parlementaires, nous devons accorder une attention particulière? Il est important de le savoir, car ce plafond empêche de nombreuses personnes d’être prises en compte à la Chambre haute et de pouvoir bénéficier d’une véritable égalité dans leur vie.

Nous, les sénateurs, prenons des décisions au sujet de mesures législatives et y apportons des modifications qui ont des répercussions sur les Canadiens. Nous avons recours à un système pour évaluer l’incidence d’un projet de loi sur les Canadiens : les comités. C’est pour cette raison que le choix des témoins est si important, car ces derniers nous aident à évaluer les répercussions possibles, positives ou négatives, des initiatives sur les Canadiens, sur les communautés et sur le pays. Ils aident à cerner les risques et à formuler des recommandations sur les stratégies d’atténuation. Tout le travail que nous effectuons a une incidence sur les Canadiens, et le fait d’examiner les questions sous un angle sexospécifique nous permet de calculer l’ensemble des conséquences des projets de loi et des initiatives du gouvernement du point de vue de personnes d’origines diverses, et de cerner rapidement les problèmes éventuels.

C’est sous cet angle que j’ai examiné le projet de loi C-69 et que j’ai cerné les conséquences négatives que l’extraction des ressources aurait sur les femmes autochtones en particulier. Nous savions tous que l’extraction des ressources n’entraînerait pas les mêmes conséquences pour tout le monde et qu’une certaine tranche de la population, à savoir les femmes autochtones, serait touchée différemment. Il nous incombait de savoir quels éléments faisaient obstacle à l’égalité. C’était aussi essentiel que nous n’ajoutions pas aux injustices du passé.

Grâce à la mention « en particulier les femmes autochtones », le projet de loi vise à combler les lacunes découlant d’une perspective axée sur un seul type de désavantage en facilitant l’inclusion des personnes qui sont désavantagées à plusieurs égards. Ainsi, la mesure législative tient compte des voix qui sont les mieux placées pour expliquer les lacunes et les enjeux qui sont pertinents à leur situation, notamment les femmes des Premières Nations, les femmes métisses, les femmes inuites et les femmes non inscrites.

Les femmes autochtones, métisses et inuites ainsi que celles qui n’ont aucun statut subissent encore trop durement les conditions sociales qui sont leur lot et qui ont été façonnées directement ou indirectement par la Loi sur les Indiens. Ces conditions sociales comprennent non seulement les caractéristiques des personnes et des ménages, comme le revenu, le niveau d’éducation, la structure familiale, les ressources en matière d’habitation et de transport, mais aussi les caractéristiques des communautés, dans les réserves et ailleurs, comme la prévalence et la gravité de la pauvreté, la ségrégation résidentielle et géographique, le taux de criminalité, l’accès à des lieux pour jouer et faire de l’exercice en toute sécurité, la disponibilité du transport en commun pour se rendre au travail et occuper un emploi offrant un salaire suffisant, l’aide sociale dont on peut bénéficier, et la proximité de bonnes écoles et de sources d’aliments nutritifs.

Comme on a pu le constater dans les témoignages concernant le projet de loi C-69, les communautés autochtones se trouvent souvent à proximité d’un site d’extraction des ressources ou d’installations d’élimination de déchets toxiques, et leur environnement naturel se dégrade. Aucun autre groupe n’est obligé de subir constamment des traumatismes semblables qui lui sont infligés par autant d’institutions différentes.

Martha Cabrera, qui travaille dans des programmes de rétablissement après un traumatisme au Nicaragua, a trouvé les bons mots pour décrire la situation. Elle parle de sa société comme étant « blessée à maintes reprises, traumatisée à maintes reprises [et] vivant maints deuils » après avoir vécu plusieurs décennies de conflits. Les répercussions que continue de subir cette société maintes fois traumatisée et éprouvée par le deuil sont visibles dans le nombre de femmes et de filles autochtones portées disparues ou assassinées, le nombre d’enfants vivant dans une famille d’accueil, la surreprésentation des Autochtones dans les prisons, le nombre de suicides, la traite des personnes exploitées sexuellement, la dégradation de l’environnement et du climat ainsi que l’augmentation de la prévalence des cancers et des problèmes de santé mentale.

Voici ce que dit l’auteure Carolyn Yoder à la page 13 de l’ouvrage Little Book of Trauma Healing: When Violence Strikes And Community Security Is Threatened :

On entend par « traumatisme historique » l’« accumulation, tout au long de la vie d’une personne et au fil des générations, de blessures émotionnelles et psychologiques qui découlent d’un traumatisme collectif ».

Elle ajoute :

L’« événement » ou l’institution en question fait partie du passé, mais ses effets sont cumulatifs et sont perceptibles dans les attitudes et les comportements individuels et collectifs des générations subséquentes [...] Des traumatismes culturels se produisent quand on tente d’éradiquer, complètement ou en partie, une culture ou un peuple. C’est ce qu’ont vécu beaucoup de groupes autochtones du monde entier.

Honorables sénateurs, revenons maintenant au projet de loi. Il exigerait la production d’énoncés indiquant si une mesure législative pourrait avoir des effets sur les femmes, particulièrement sur les femmes autochtones, et si c’est le cas, quels seraient ces effets.

Cet énoncé serait déposé devant la chambre où le projet de loi du gouvernement a pris naissance au plus tard deux jours de séance après la date de dépôt du projet de loi. Dans le cas des projets de loi d’initiative parlementaire, le ministre serait tenu de les évaluer sous l’angle de l’équité entre les sexes lorsqu’ils sont renvoyés à un comité de la chambre où le projet de loi a pris naissance. Nous avons choisi que l’analyse soit faite à cette étape parce qu’elle signifie que le projet de loi d’initiative parlementaire progresse bien dans sa chambre d’origine. Pour ces projets de loi, l’analyse devra être déposée devant la chambre où le projet de loi a pris naissance au plus tard 10 jours de séance après la date de dépôt du projet de loi.

Afin d’éliminer toute échappatoire possible, le ministre devra enfin déposer un énoncé supplémentaire sur les amendements apportés au projet de loi, garantissant théoriquement que les effets possibles sur les femmes sont identifiés de la première lecture à la sanction royale. Tout aussi important, le ministre sera tenu de publier chaque énoncé sur le site Web de son ministère afin que tous les Canadiens y aient accès.

Il y a un précédent récent pour la nouvelle responsabilité conférée au ministre. Plus précisément, une disposition semblable est prévue au paragraphe 4.2(1) de la Loi sur le ministère de la Justice, qui exige que le ministre évalue s’il y a des dispositions des nouvelles lois qui sont incompatibles avec les fins et les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. Ce ministre est aussi tenu de faire rapport à la Chambre des communes de toute incompatibilité dans les meilleurs délais possible.

On avait déjà laissé entendre que cet énoncé lié à la Charte comprendrait l’analyse comparative selon les sexes pour les projets de loi du gouvernement. C’est faux. Soyons clairs : les énoncés concernant la Charte ne dressent pas la liste de toutes les répercussions qu’un projet de loi pourrait avoir sur les droits et les libertés prévus dans la Charte. Ils se concentrent plutôt sur les plus importantes et les plus évidentes. En revanche, une analyse au titre du projet de loi S-213 exige que l’on mette l’accent sur l’incidence qu’une mesure législative proposée a sur les femmes, particulièrement les femmes autochtones, ce qui pourrait garantir qu’on ne néglige pas les droits de ces personnes dans le cadre d’analyses plus larges de projets de loi. Qui plus est, étant donné que les droits des Autochtones ne font pas partie de la Charte, les énoncés concernant la Charte ne soulignent pas l’incidence qu’un projet de loi aurait sur ces droits. Ils ne tiendraient pas nécessairement compte non plus des questions d’égalité concernant les droits qui pourraient être touchés par un projet de loi.

Honorables collègues, j’aimerais maintenant expliquer pourquoi ce projet de loi ne mentionne pas expressément les instruments qui doivent servir à entreprendre cette analyse, qu’il s’agisse de l’analyse comparative entre les sexes, de la Charte, de la Déclaration de Beijing ou de tout autre instrument de portée nationale ou internationale. C’est par prudence qu’ils n’ont pas été mentionnés. J’ai voulu m’assurer que les dispositions de ce projet de loi allaient résister au changement; je voulais essentiellement en assurer la pérennité. Si la loi mentionnait expressément l’analyse comparative entre les sexes du gouvernement, alors il faudrait modifier et mettre à jour la loi dès qu’une approche nouvelle ou meilleure serait mise au point. En accordant un pouvoir discrétionnaire au ministre, le projet de loi lui permet de veiller à ce que l’analyse des politiques ne se fasse pas au moyen d’une approche décalée par rapport aux nouvelles tendances. Le ministre sera tenu de procéder à l’analyse comparative entre les sexes en employant les instruments les plus récents et les plus pertinents, qu’il s’agisse d’autres lois et mesures législatives, de déclarations, d’ententes, de traités ou d’autres outils.

Chaque fois que l’on confère un pouvoir discrétionnaire à un ministre, on s’expose au risque qu’un ministre à l’esprit fermé interprète cette disposition de manière trop restrictive. Cependant, c’est dans une telle situation que le Parlement peut jouer un rôle en questionnant le ministre et en le pressant de rendre des comptes sur son énoncé, s’il devient évident que le ministre ne s’engage pas dans ce processus avec conviction.

Honorables collègues, le rapport 1 des rapports du vérificateur général du Canada de l’automne 2015, qui porte sur la mise en œuvre de l’analyse comparative entre les sexes, contient la conclusion suivante :

Dans l’ensemble, nous avons constaté que 20 ans après que le gouvernement ait pris l’engagement d’appliquer l’analyse comparative entre les sexes (ACS) à ses décisions politiques, seulement quelques ministères et organismes fédéraux ont instauré un cadre d’ACS. Par ailleurs, nous avons constaté que les ministères et organismes qui disposaient d’un cadre d’ACS ne réalisaient pas toujours des analyses exhaustives, et que la qualité des analyses était variable. Cette constatation s’inscrit dans la même ligne que la constatation formulée en 2009.

Le vérificateur poursuit ainsi :

Le gouvernement n’a cependant pas rendu l’ACS obligatoire et il n’a pas donné à Condition féminine Canada les pouvoirs nécessaires pour faire respecter son application.

À la recommandation 1.61, le vérificateur affirme ceci :

Le Bureau du Conseil privé, Condition féminine Canada et le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada devraient, dans les limites de leur mandat respectif et en collaboration avec tous les ministères et organismes fédéraux, prendre des mesures concrètes pour recenser et supprimer les obstacles qui empêchent la réalisation systématique d’analyses comparatives entre les sexes rigoureuses. Ces mesures devraient éliminer les obstacles qui empêchent les ministères et organismes fédéraux de prendre en considération les analyses comparatives entre les sexes lors de l’élaboration, du renouvellement ou de l’examen des projets de politiques, de mesures législatives et de programmes, en vue d’informer les décideurs publics des enjeux hommes-femmes réels ou possibles de leurs initiatives.

Les trois étaient d’accord. À la recommandation 1.63, le vérificateur recommande ceci :

Condition féminine Canada devrait évaluer les ressources qui lui sont nécessaires pour s’acquitter de son mandat relatif à l’analyse comparative entre les sexes (ACS) et affecter suffisamment de ressources aux examens des ACS et à la communication d’information périodiques à cet égard.

Condition féminine Canada était d’accord.

En 2019, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, en consultation avec Femmes et Égalité des genres Canada, a rédigé un guide d’introduction intitulé : Intégration de l’analyse comparative entre les sexes plus dans l’évaluation : un guide d’introduction (2019). Le guide contient des directives à l’intention des évaluateurs, particulièrement ceux des niveaux junior et intermédiaire, sur la façon d’intégrer l’ACS+ dans chaque étape des évaluations réalisées par le gouvernement du Canada afin d’appuyer les engagements et les orientations. Il s’agit d’une discussion générale sur chaque étape de l’évaluation : la planification, la réalisation et la production de rapports.

Honorables sénateurs, à l’heure actuelle, le mémoire au Cabinet indique que les propositions pour de nouveaux projets de loi doivent inclure une analyse comparative entre les sexes. Certes, il s’agit d’un pas dans la bonne direction, mais c’est insuffisant, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, comme l’analyse n’est pas une obligation légale, le gouvernement actuel ou n’importe quel gouvernement futur peut mettre fin à la pratique à tout moment. Par ailleurs, les résultats de l’ACS interne ne sont pas publics et rien n’empêche le Cabinet d’aller de l’avant avec une proposition pour laquelle l’ACS n’est pas favorable ou n’est pas faite du tout — de mauvaises pratiques qui ont peut-être lieu à l’heure actuelle. Enfin, l’analyse interne, si elle est effectuée, n’est entreprise que pour des mesures législatives du gouvernement en ce moment et non pour les initiatives parlementaires.

Le projet de loi à l’étude aurait pour effet d’inscrire dans la loi l’obligation de mener une analyse comparative selon les sexes, qui ne dépendrait donc plus du bon vouloir du gouvernement. De plus, il exigerait que l’analyse soit rendue publique et qu’on procède à une analyse pour tous les projets de loi, qu’ils soient présentés par le gouvernement ou non.

Chers collègues, comme la vision que nous avons du monde est teintée par nos différentes expériences, j’estime qu’il est important de bien comprendre l’application concrète du projet de loi. Pour assurer l’égalité et l’équité pour les femmes autochtones et non autochtones, il faut que ces concepts s’appliquent dans des conditions réelles et qu’ils se traduisent en résultats concrets. Il est donc nécessaire d’effectuer systématiquement des analyses comparatives entre les sexes. Je crois et j’espère que d’autres femmes — et des hommes, d’ailleurs — dans cette enceinte se joindront à moi au cours du débat sur le projet de loi pour faire part de leurs propres expériences et dire pourquoi, à leur avis, cette mesure législative est cruciale.

Quant à moi, chers collègues, je m’exprime en tant que femme issue des Premières Nations qui a grandi dans une réserve et dont la vie a été contrôlée par la Loi sur les Indiens. Je ne voyais pas l’inégalité et la marginalisation comme quelque chose de répréhensible. Nous étions traités différemment dans les pensionnats autochtones et dans les réserves par rapport aux autres qui vivaient avec nous, comme les enseignants, les infirmiers, les sœurs et les prêtres. J’en suis venue à accepter l’idée que l’inégalité était normale pour nous, les Indiens, et je n’ai pas cherché à la remettre en question.

Il est primordial que nous ayons une analyse comparative entre les sexes afin d’offrir une protection et une surveillance supplémentaires à toutes les Canadiennes. Dans ce contexte, l’oppression historique et actuelle des Premières Nations, des Métis et des Inuits est unique au Canada, d’où la nécessité de souligner que cela s’applique surtout aux femmes autochtones.

L’extrait suivant est tiré de la page 4 du document Un protocole d’application culturellement pertinent selon les sexes, produit par la sénatrice Boyer en 2015 :

L’article 35(4) de la Loi constitutionnelle de 1982 stipule que nonobstant toute autre disposition, les droits autochtones et issus de traités auxquels fait référence le paragraphe (1) sont garantis de façon égale aux hommes et aux femmes. Ceci est une reconnaissance fondamentale constitutionnelle de l’égalité des femmes autochtones et nous trouvons une reconnaissance fondamentale similaire de cette égalité dans la Charte des droits et libertés. L’article 25 de la Charte prévient la détransposition des garanties de la Charte des traités autochtones et autres droits et libertés; l’article 25 est assujetti à l’article 28 de la Charte, qui stipule que tous les droits dans le cadre de la Charte sont garantis de façon égale aux femmes et aux hommes. Par conséquent, les droits autochtones protégés par l’article 25, comme ceux protégés par l’article 35(1) doivent être disponibles sur une base égale aux femmes. Non seulement les articles 35(4) et 28 protègent la position des femmes autochtones dans le cadre de politiques autochtones, mais l’article 15 de la Charte protège les femmes autochtones de la discrimination vis-à-vis les Allochtones. Par conséquent, pour les femmes autochtones, l’élaboration d’une analyse comparative culturellement appropriée selon les sexes est une obligation constitutionnelle.

Honorables sénateurs, en tant que parlementaires, nous devons revoir et mettre en question l’idée d’égalité et la prétention de l’équité, ainsi que la croyance que cet idéal s’applique à tous. Ce n’est pas le cas. Il faut se défaire des idées de monoculture, notamment celles liées à l’assimilation, et de recherche de solutions fondées sur des approches universelles ou pancanadiennes. Ce genre d’approches n’ont jamais fonctionné en raison du manque d’équité envers les groupes qui ont besoin des ressources nécessaires pour surmonter les obstacles et relever les défis qui se présentent sur leur chemin. Quand on traite toutes les femmes comme un groupe homogène ayant des intérêts homogènes, on contribue à l’invisibilité des femmes autochtones et à la marginalisation de leurs préoccupations et de leurs opinions.

Le droit de vote et le statut d’Indien étaient aussi une question de genre. Les femmes autochtones étaient exclues du mouvement canadien des suffragettes, qui était dominé par les Blanches des classes moyenne et supérieure. Malgré tout ce qu’elles ont pu faire de bien, les dirigeantes du mouvement canadien des suffragettes, dont Nellie McClung et Emily Murphy, ont tout fait pour exclure les femmes autochtones de leur cercle.

Lorsque j’ai quitté le pensionnat indien, j’étais une jeune femme sans connaissances pratiques, sans pensée critique, sans compétences parentales, sans compétences budgétaires, sans filet de sécurité et sans notion de ce qu’est la condition humaine ou féminine. Lorsque je suis entrée dans la société, j’étais une proie facile pour les prédateurs, tout comme les enfants qui sont pris en charge aujourd’hui. La marginalisation et la vulnérabilité engendrent des proies plus faciles pour les personnes qui commettent des actes de violence contre les Autochtones, et ce, sans subir de conséquences. Il y a un lien étroit entre la violence fondée sur le sexe et l’analyse comparative entre les sexes. La violence fondée sur le sexe est un obstacle considérable à l’égalité des genres. Cette forme de violence est une réalité avec laquelle j’ai dû composer pour la première fois au pensionnat indien et qui demeure fort répandue dans la société actuelle, y compris ici, sur la Colline du Parlement.

Cette situation est expliquée dans le livre de Cynthia Wesley-Esquimaux, intitulé Restoring the Balance, qui dit ceci, à la page 19 :

Alors que les gens des Premières Nations ont été privés de contacts significatifs avec le monde externe, en plus de perdre de plus en plus leurs conceptions sociales traditionnelles, leur vision du monde a été ébranlée et diminuée. Dans les faits, les gens des Premières Nations ont commencé à reculer vers l’avenir, dépourvus des aptitudes sociales et psychologiques qui auraient été transmises à leurs enfants si leurs sociétés étaient demeurées intactes.

Elle continue à la page 23 :

Pour les gens des Premières Nations, la perte de leur identité culturelle n’a pas été soudaine. Elle a plutôt pris une forme ou une autre pendant des siècles de douleurs et de souffrances. Ainsi, ils n’ont jamais pu se rétablir pleinement à la fin d’un cycle de deuil.

Toujours dans le livre Restoring the Balance, à la page 16, on peut lire ce qui suit :

On a retiré aux femmes autochtones leurs responsabilités et leurs rôles traditionnels, ce qui les a reléguées aux marges de leurs propres sociétés. Les missionnaires ont importé dans le Nouveau Monde une hiérarchie sociale du Vieux Continent, selon laquelle « la place d’une femme est sous l’autorité de son mari et la place d’un homme est sous l’autorité des prêtres ».

Chers collègues, à notre sortie du pensionnat, nous n’avions pas les outils pour fonctionner en tant que femmes au sein de notre culture ou au sein de la culture occidentale. La présentation de ce projet de loi est un pas vers la transformation du chaos socioéconomique en stabilité pour les femmes des Premières Nations. Il s’agit d’un effort pour transformer les circonstances défavorables que les politiques et les lois nous ont imposées en une nouvelle réalité sociale. On donne aux législateurs la possibilité d’inverser ce qui a été fait et de faire ce qui s’impose.

Dans un document intitulé Indigenous Gender-based Analysis for Informing the Canadian Minerals and Metals Plan, Adam Bond et Leah Quinlan, de l’Association des femmes autochtones du Canada, déclarent, à la page 4 :

Les femmes autochtones entretiennent avec la nature une relation sociale et culturelle unique plus étroite que les groupes non autochtones. L’intersectionnalité de leur sexe et de leur identité autochtone confère aux femmes et aux filles autochtones des rôles, un savoir et des responsabilités spéciaux, mais les expose également à des risques accrus. La relation socioculturelle des femmes autochtones avec la nature ainsi que leur physiologie exacerbent chez elles les effets négatifs de l’incidence de l’exploitation minière locale sur l’environnement.

Ils poursuivent plus loin à la même page en disant :

L’exclusion délibérée des femmes autochtones de la prise de décisions communautaire, des consultations et des négociations avec le secteur privé perpétue les effets négatifs disproportionnés des activités industrielles sur les femmes et les filles autochtones, tant sur le plan environnemental que socioéconomique. Le gouvernement et les membres de la communauté doivent faire preuve de bonne foi dans les processus de consultation. La marginalisation des points de vue et des préoccupations des femmes autochtones mine la légitimité des décisions et des accords définitifs.

Les femmes autochtones doivent souvent composer avec la violence sexuelle, le harcèlement et la discrimination, réalités qui sont souvent exacerbées par la présence de projets industriels, y compris miniers, dans leur communauté. Le maintien d’une culture masculine dominante dans les camps de travail et dans les mines elles-mêmes perpétue une forme de racisme et de misogynie qui mine la valeur humaine des femmes autochtones et les expose à des actes odieux et tout à fait intolérables de violence sexuelle et de discrimination. Quels que soient les effets économiques positifs des activités minières, l’omniprésence de ces infractions a pour effet de réduire nettement les avantages socio-économiques des projets industriels pour les femmes autochtones.

L’incapacité des sociétés minières à mettre fin à la culture masculine dominante et l’incapacité des gouvernements à imposer des conditions administratives adéquates et des exigences législatives et réglementaires pour protéger les femmes autochtones ne sont pas seulement un fardeau titanesque pour celles-ci. Ces échecs représentent aussi un obstacle majeur qui empêche l’industrie d’accéder à une main-d’œuvre dont elle a grandement besoin et d’adopter une approche solide pour développer des liens fondés sur la confiance avec les communautés locales. Au bout du compte, tant et aussi longtemps que la présence d’activités minières constitue une menace de violence sexuelle, on ne peut pas raisonnablement conclure que l’industrie est une force positive pour les femmes et les filles autochtones. On ne peut pas s’attendre raisonnablement à ce qu’une communauté appuie un projet qui expose ses femmes et ses enfants au risque de subir un viol.

Honorables sénateurs, cette situation montre qu’il est d’autant plus important, lorsqu’un projet de loi a des visées ouvertement capitalistes, que les importantes considérations liées à l’égalité des sexes soient appliquées aux futures politiques et lois fédérales. Même si j’utilise l’exemple des répercussions de l’industrie des ressources sur les femmes autochtones, il importe de souligner que de nombreux autres aspects — comme la santé, le droit et la géographie — ont des effets sur différents groupes de femmes de façons uniques et complexes. Dans certains cas, l’intersectionnalité du capitalisme, de la santé, de la géographie et du droit avec l’identité, le genre et la condition autochtone a des répercussions sur la population, comme je viens de le démontrer. Dans le numéro 6 d’une publication du Centre de recherche interdisciplinaire sur la violence familiale et la violence faite aux femmes, publiée en janvier 2011, on dit ceci :

Par conséquent, les filles et les jeunes femmes se retrouvent souvent à la croisée des chemins (carrefours intersectionnels) entre divers systèmes d’oppression comme le patriarcat, le capitalisme et le colonialisme, où elles sont exposées simultanément à différentes formes de violence liées à ces systèmes.

Honorables sénateurs, la nature toujours changeante de la relation entre les gouvernements et les Premières Nations, les Métis et les Inuits, ainsi qu’entre l’industrie et ces groupes autochtones, fait en sorte qu’il est difficile de contester le statu quo. Quel est le statu quo? C’est l’état de dépendance constant des populations autochtones, et cette situation persiste malgré des efforts concertés pour y remédier.

Dans son article intitulé Separate but Unequal: The Political Economy of Aboriginal Dependency, Frances Widdowson dit ceci, à la page 1 :

Malgré la gravité et l’omniprésence de l’état de dépendance des Autochtones, la question n’a pas été étudiée en détail dans le contexte de l’économie politique canadienne. Le...

Son Honneur le Président [ + ]

Excusez-moi, sénatrice McCallum. Je suis désolé de vous interrompre, sénatrice, mais comme il est maintenant 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, selon un nouvel ordre, à moins que nous consentions à ne pas tenir compte de l’heure.

Que les sénateurs qui s’opposent à ne pas tenir compte de l’heure veuillent bien dire non.

Très bien, nous allons donc continuer. Sénatrice McCallum, je m’excuse de vous avoir interrompue.

Frances Widdowson poursuit ainsi :

[...] Le plus souvent, l’analyse de la marginalisation et de la dépossession des Autochtones se fait plutôt à l’extérieur de cette discipline, où les principales raisons avancées pour expliquer cette situation sont la façon dont les Autochtones ont été dépossédés de leurs terres par les colons européens et la destruction des traditions autochtones par l’État canadien. Ainsi, on se concentre sur les attitudes racistes des non‑Autochtones au lieu de se demander de quelle façon les impératifs capitalistes du passé ont eu une incidence sur les circonstances actuelles des peuples autochtones.

L’auteure pose ensuite la question suivante :

[...] pourquoi les peuples autochtones se sont-ils marginalisés après la traite des fourrures, alors que le reste du pays s’est développé? Puisqu’il y avait des pénuries de main-d’œuvre au Canada durant le XIXe siècle, pourquoi les Autochtones n’ont-ils pas été prolétarisés et intégrés dans l’économie émergente, au lieu d’être écartés par des travailleurs de l’Europe?

À l’heure actuelle, des divisions tragiques et complexes règnent au Canada. Le Canada ne cesse d’accroître ses richesses déjà grandes, mais ce n’est pas le cas des Premières Nations et surtout pas le cas des femmes des Premières Nations. Des politiques et des lois restrictives les ont empêchées de profiter elles aussi de ce grand dynamisme économique et social. Le fossé entre les riches et les pauvres est devenu l’un des problèmes les plus tragiques et urgents au Canada de nos jours, et les femmes autochtones continuent d’être les plus durement touchées par cette réalité, comme le démontre la recherche.

Honorables sénateurs, les changements désordonnés que le colonialisme a provoqués dans les communautés autochtones n’ont pas produit une nouvelle forme de société cohérente comme cela a été le cas dans d’autres régions du Canada. Le colonialisme a causé des problèmes auxquels il est extrêmement difficile de trouver des solutions. Il y avait et il y a encore des obstacles placés par des ministères fédéraux et provinciaux, ce qui rendait et rend encore le changement de l’environnement social et politique au sein des Premières Nations difficile. Le résultat est la formation d’une société binaire. Les Premières Nations étaient prises entre un monde qui n’existait plus et un nouveau monde qui n’existait pas encore; une situation qui produit assurément des tensions sur le plan psychologique et social. Aujourd’hui, les Premières Nations continuent d’être suspendues entre deux mondes contradictoires créés par d’autres, tout cela à cause de la terre et de ses ressources — le plus grand atout du Canada — et parce que le Canada n’a pas respecté les traités.

Dans les régions riches en ressources, les Premières Nations restent dans une impasse dont il est apparemment impossible de sortir. Sortir de cette impasse permettrait aux forces de la modernisation de se répandre dans les communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Pourtant, mettre délibérément les Premières Nations dans une position d’impuissance a permis à l’industrie d’écraser ces dernières lorsqu’elles se mettaient sur son chemin. Des recherches ont démontré que, lorsqu’un projet d’exploitation des ressources est situé à proximité d’une communauté autochtone, les effets sociaux, économiques, culturels et sanitaires sont surtout négatifs pour les femmes autochtones et non autochtones. On parle notamment de problèmes de garde d’enfants, d’emplois temporaires peu spécialisés et mal payés, d’une augmentation de la violence et du harcèlement, d’une augmentation du travail du sexe et de l’itinérance, du manque de logements abordables et de la diminution des ressources en santé en raison du flot de travailleurs. Il ne s’agit là que d’une dimension où les politiques discriminatoires entraînent des difficultés disproportionnées pour les femmes.

Steve Lerner décrit certains lieux en les qualifiant de « zones de sacrifices ». Il s’agit de collectivités racialisées à faible revenu auxquelles on impose plus que leur juste part du fardeau des dommages environnementaux causés par la pollution, la contamination, les déchets toxiques et les industries lourdes. Au Sénat, créons-nous nos propres zones de sacrifices ou perpétuons-nous l’existence des zones actuelles en ignorant la manière dont les mesures que débattons et que nous adoptons touchent les personnes marginalisées ou opprimées? De quelle manière nous servons-nous du pouvoir et du privilège qui nous sont accordés pour remédier à la répartition inégale du fardeau environnemental? Nous devons prendre au sérieux la résistance des Premières Nations, des Métis et des Inuits, plutôt que de traiter leurs préoccupations et leurs manifestations comme étant simplement des tactiques d’obstruction.

Honorables sénateurs, reconnaître l’ampleur du problème et attirer l’attention sur lui n’est que l’étape la plus élémentaire pour y remédier véritablement. Ce serait un abus flagrant des privilèges qui créent et qui renforcent les problèmes du système que de s’arrêter là. Il nous incombe d’aller plus loin à chaque occasion qui se présente. Ainsi, je considère les répercussions du projet de loi S-213 comme étant à deux volets. Le premier consiste à favoriser l’égalité entre toutes les Canadiennes. Comment les privilèges d’un groupe de femmes lui permettent-ils de jouir de l’égalité, tandis que d’autres groupes sont laissés pour compte?

Il faut s’occuper des questions sous-jacentes et des besoins individuels des populations mal servies et vulnérables, en garantissant que les politiques ne sont pas discriminatoires envers les groupes marginalisés. Il faut notamment voir aux besoins uniques de toutes les femmes et les filles, des Premières Nations, des Métis, des Inuits, des membres de la communauté LGBTQ2, des personnes qui ne se conforment pas, des résidants des communautés nordiques, rurales ou éloignées, des personnes vivant avec un handicap, des nouveaux arrivants, des enfants, des jeunes, et des aînés. Je suis certaine que des hommes et des femmes de différents horizons qui ont vécu des expériences diverses pourraient trouver des moyens de garantir l’égalité à ces groupes ainsi qu’à d’autres groupes qui n’arrivent pas à se faire entendre.

En plus d’assurer l’équité entre toutes les Canadiennes, la deuxième mesure prise par ce projet de loi sera d’assurer l’équité entre les femmes et les hommes. Naturellement, les deux étapes se produiront en même temps, puisque chaque fois que l’analyse comparative entre les sexes est appliquée à la loi, elle garantira que les femmes de tous les horizons seront davantage protégées contre des conséquences négatives, voulues ou non. Une fois que ces mesures seront prises et l’équité atteinte, c’est alors que nous pourrons commencer à mener nos activités à un niveau soutenu d’équité entre tous les Canadiens. L’équité est le fondement d’une vie saine, heureuse et épanouie pour tous.

On dit que la marée montante soulève tous les bateaux. Je considère le projet de loi comme étant cette marée montante, qui soulèvera inévitablement toutes les femmes et, par extension, tous les Canadiens pour les emmener vers de nouveaux sommets d’égalité et de justice, sans discrimination ni désavantage individuel et collectif.

Honorables sénateurs, mieux vaut prévenir que guérir. Il est temps de prévenir ces problèmes discriminatoires évitables fondés sur les politiques, dès le départ, afin d’éviter que les générations futures doivent corriger nos erreurs.

Comme peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits, nous voulons l’égalité avec les autres Canadiens. Il ne doit pas y avoir de place pour l’iniquité dans ce pays de possibilités où des traités historiques encadrent nos relations.

Je vous exhorte à vous joindre à moi pour appuyer le projet de loi S-209 et l’application d’une analyse comparative entre les sexes à toutes les futures mesures législatives. Merci.

L’honorable Marilou McPhedran [ + ]

La sénatrice McCallum accepterait-elle de répondre à une question?

Oui.

La sénatrice McPhedran [ + ]

Sénatrice McCallum, je vous remercie de votre analyse très approfondie de la question, ainsi que d’avoir présenté ce projet de loi.

Ma question porte sur l’expérience que vous avez vécue aujourd’hui lors de votre intervention. À plusieurs reprises, j’ai entendu certains de vos collègues d’en face chuchoter et avoir des échanges soutenus. J’ai aussi remarqué que, à maintes reprises, les sénateurs n’avaient pas désactivé les avertissements sonores de leurs téléphones, et qu’on pouvait les entendre. Je me demande si vous pourriez nous dire si cela a eu une incidence sur votre intervention.

Je vous remercie de la question. En réalité, j’étais si absorbée par mon discours, par mon désir de le prononcer dans l’esprit approprié et avec l’émotion requise, que je n’ai pas remarqué qu’il y avait des conversations. Je sais que cela se produit. Cependant, j’ai pris l’habitude d’écouter les sénateurs qui se sont efforcés de prononcer des discours de 45 à 50 minutes parce que cela honore le travail qu’ils font et que nous sommes ici pour nous soutenir mutuellement. Merci.

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