
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — L'usurpation de l'identité autochtone
14 décembre 2022
Honorables sénateurs, je tiens à remercier le Groupe des sénateurs canadiens de m’avoir permis de prendre la parole aujourd’hui. En collaboration avec le Groupement des femmes autochtones, je prends la parole pour aborder un problème omniprésent et grave auquel notre nation est confrontée : l’usurpation de l’identité autochtone, ou le fauxtochtonisme.
Il ne s’agit pas d’un crime sans victime. Ce problème nuit à tous les Autochtones, mais plus particulièrement aux femmes autochtones. Il permet à des intrus de nous voler notre voix, notre pouvoir et notre place durement gagnée dans la société. Ces fauxtochtones sont rusés. Ils trouvent les fissures laissées par des siècles de colonialisme et ils s’y faufilent. Ils s’appuient ensuite sur l’ambivalence de ces institutions coloniales et sur le silence de nombreux dirigeants autochtones masculins pour revendiquer du soutien et de la légitimité.
Cette tromperie a permis aux fauxtochtones d’infiltrer le monde universitaire, la politique, la magistrature, les services correctionnels et divers autres secteurs du pouvoir. Ce vol d’identité et cette mise en scène du traumatisme à des fins personnelles constituent un racisme opportuniste flagrant. Si ces activités ne sont pas dénoncées et combattues ouvertement, elles sont encouragées, car c’est le silence qui entoure la violence coloniale contre les femmes autochtones qui nous tue. La marginalisation continue des femmes autochtones que cette usurpation engendre nous rend encore plus vulnérables à toutes les formes de violence. Elle nous maintient dans le silence et dans l’isolement, avec des effets dévastateurs.
Or, ces fauxtochtones ne nuisent pas seulement aux Autochtones. Ils nuisent aux gens avec qui ils ont travaillé et à ceux qu’ils ont côtoyés. Ces fraudeurs nuisent aux causes qu’ils prétendent soutenir et aux gens qui dépendent de ce travail. Ils nuisent à la réconciliation au Canada.
Cependant, nous, les femmes autochtones, en avons assez de garder le silence pendant que ces abuseurs demeurent impunis. Nous avons une valeur. Nos voix ont de l’importance. Nous continuerons de prendre la parole et de dénoncer les diverses formes de violence qui nous oppriment — que la violence soit systémique, latérale, patriarcale, fondée sur le genre ou autre.
Si le Sénat a à cœur la réconciliation, nous devons briser le silence assourdissant entourant le fauxtochtonisme. Nous devons dénoncer ce comportement honteux, y mettre fin et reconnaître les répercussions qu’il a sur les Autochtones, en particulier sur les femmes et les enfants autochtones. Chers collègues, nous devons tous unir nos forces pour renoncer à notre attitude complaisante et faire en sorte que cette forme de violence ne serve plus à marginaliser davantage les femmes autochtones, en volant leur voix et leur pouvoir. Ayons le courage d’être de bons alliés et de faire front commun contre ces actes sournois.
Kinanâskomitin. Merci.