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Projet de loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale

Troisième lecture--Ajournement du débat

9 mai 2024


Propose que le projet de loi C-226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole pour lancer le débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale.

Je remercie l’ancienne députée Lenore Zann, qui a présenté une version précédente de cette mesure législative, l’ancien projet de loi C-230, le 26 février 2020. Je remercie également la députée Elizabeth May, la marraine du projet de loi à l’autre endroit, des années qu’elle a passées à collaborer avec des organisations communautaires et des défenseurs de cette cause pour jeter les bases nécessaires à la présentation du projet de loi. Je remercie les témoins qui ont comparu devant le comité ainsi que les nombreux groupes qui ont soumis des mémoires. Enfin, je remercie les sénateurs du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles de leur engagement, de leur ouverture d’esprit, de leurs délibérations et de leur collégialité dans le cadre de notre examen du projet de loi.

Chers collègues, c’est intentionnellement que le projet de loi C-226 n’inclut pas de définition pour les termes « racisme environnemental » et « justice environnementale », et j’expliquerai dans mon discours les raisons qui expliquent cette décision. C’est également à dessein que le projet de loi C-226 n’est pas contraignant en ce qui concerne l’élaboration et la mise en œuvre de la stratégie nationale, car celle-ci doit être élaborée de concert avec les personnes et les collectivités concernées. Il est essentiel que les gens puissent parler en leur nom de leurs expériences directes du racisme environnemental et qu’ils puissent participer directement aux décisions relatives à l’environnement et au processus d’élaboration des politiques. C’est pourquoi ce sont leurs expériences qui doivent façonner le cadre, car elles permettent d’informer les gens sur la façon dont le racisme environnemental s’est manifesté et continue de se manifester sur leur territoire.

Au comité, nous avons appris que certaines personnes ignorent ce qu’est le racisme environnemental, ce qui a été très révélateur du degré de sensibilisation nécessaire pour permettre aux Canadiens de mieux comprendre cette forme de racisme. Grâce au projet de loi, les personnes et les collectivités concernées pourront proposer leurs solutions afin d’élaborer une stratégie qui leur permettra d’être mieux outillés pour lutter contre le racisme qu’il subisse directement. La plupart d’entre eux veulent seulement répondre à leurs besoins fondamentaux et obtenir des choses que nous tenons tous pour acquises quotidiennement : l’accès à de l’eau propre et salubre, le droit à la santé, des protections environnementales, le développement communautaire et l’atténuation des effets de la destruction de l’environnement.

Honorables sénateurs, après avoir entendu d’excellents témoignages, le comité a convenu à l’unanimité qu’aucun amendement ne devait être apporté au projet de loi. J’aimerais souligner qu’il y a eu des discussions sur la possibilité d’inclure une référence à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le préambule; toutefois, il convient de noter que le projet de loi dont nous sommes saisis ne profitera pas seulement aux collectivités des Premières Nations et des Inuits qui vivent ce type de racisme. Le projet de loi contribuera aussi à améliorer la vie d’innombrables Afro-Canadiens, Noirs, Asiatiques et membres d’autres communautés racialisées, sans parler des femmes, des membres de la communauté 2ELGBTQIA+, des personnes handicapées et d’autres personnes qui souffrent de marginalisation et de discrimination au Canada.

Toutefois, au paragraphe (2) de l’article 3 intitulé « Consultation », on peut lire qu’en élaborant la stratégie, le ministre doit s’assurer qu’elle est conforme au cadre de reconnaissance et de mise en œuvre des droits des peuples autochtones du gouvernement du Canada.

Chers collègues, je cite Elizabeth May qui, lors de son témoignage, a dit qu’elle avait pris conscience du racisme environnemental lorsqu’elle s’était occupée du plus grand site de déchets dangereux du Canada, les étangs bitumineux de Sydney, qui sont situés là où se trouvait la seule communauté noire de l’île du Cap-Breton et ce qui était autrefois un lieu de pêche autochtone dans l’estuaire du ruisseau Muggah. Ce travail communautaire pour la justice environnementale a été documenté dans un film intitulé Toxic Partners, réalisé par le cinéaste Neal Livingston, du cap Breton, en 1999.

La députée May a aussi cité Mme Ingrid Waldron — titulaire de la chaire HOPE en paix et en santé du programme sur la paix et la justice sociale dans le monde de la Faculté des sciences humaines de l’Université McMaster —, ainsi que d’autres universitaires canadiens qui ont abondamment documenté la proximité disproportionnée et l’exposition plus importante des Autochtones, des Noirs et d’autres communautés racialisées à des industries polluantes et à d’autres activités dangereuses pour l’environnement au Canada.

Voici ce que Mme Waldron a déclaré lors de son allocution au comité :

Depuis l’automne 2012, je m’intéresse aux impacts écologiques, sanitaires, politiques et sociaux du racisme environnemental au moyen d’une approche de collaboration sur une base communautaire qui comprend la recherche; des publications, notamment un livre et des articles dans des revues spécialisées; des projets d’analyse de l’eau; la mobilisation locale; des consultations auprès des personnes touchées; la défense des intérêts des collectivités; des communications multimédias, y compris un documentaire sur Netflix et des entrevues avec les médias; une analyse cartographique au moyen du Système d’information géographique; la sensibilisation dans le cadre d’ateliers, de symposiums et d’autres événements; et la législation.

Elle a ajouté ceci :

Le projet de loi C-226 a l’avantage de s’inscrire dans une optique de justice environnementale qui ne se concentre pas seulement sur l’industrie, les déchets, les contaminants et les polluants, mais qui s’intéresse également au contexte historique, sociopolitique et économique dans lequel se manifeste le racisme environnemental au sein de ces communautés partout au Canada. On y précise en outre très clairement les mesures à prendre pour parvenir à la justice environnementale. Il s’agit notamment de la recherche, des consultations auprès des communautés touchées, de la participation de ces dernières à l’élaboration des politiques et de leur indemnisation. Après 12 années de lutte pour la justice environnementale en faveur de ces communautés, il est gratifiant de constater que le projet de loi C-226 fera bientôt l’objet d’un vote en troisième lecture au Sénat. Je vous demande instamment d’adopter ce projet de loi. Il est grand temps d’agir.

Chris Plain, chef de la Première Nation Aamjiwnaang, a fait part au comité de l’histoire de la dégradation constante des aspects environnementaux dans sa collectivité. Voici ses paroles :

Aamjiwnaang est située à l’épicentre de ce que l’on appelle la vallée chimique du Canada, ainsi nommée parce que la région abrite 40 % de l’industrie chimique canadienne.

Au cours des 100 dernières années, les terres et les eaux d’Aamjiwnaang ont été appauvries par la surexploitation. Toutes les facettes de l’environnement d’Aamjiwnaang sont polluées, notamment l’air, le sol et l’eau.

Aamjiwnaang est entourée, sur trois côtés, par plus de 60 raffineries industrielles, dont les plus proches se trouvent littéralement en face, surtout, d’importants lieux de rassemblement communautaire comme le bureau du conseil de bande, notre église, notre cimetière, notre centre de ressources et de nombreuses résidences. Ces installations représentent 40 % des raffineries chimiques du Canada. Il en est ainsi depuis de nombreuses générations. Alors que les communautés de colons ont été relogées ailleurs gratuitement, nous sommes restés sur nos terres. Pour nous, cette expérience dénote un profond racisme environnemental.

Le chef Plain a également dit ceci au comité :

[...] nous devons rétablir les relations fondées sur les traités entre les Aamjiwnaang et la Couronne, de sorte que notre peuple dispose d’une voix égale dans la prise de décisions qui concernent ses terres et ses eaux et qui touchent directement ses membres. Nous devons avoir une place à la table, et nos préoccupations doivent éclairer la voie à suivre. Nous voulons faire partie de la solution. Nous voulons être certains que l’air que nous respirons n’est pas en train de nous tuer à petit feu. Nous voulons vivre avec la certitude que nos enfants ne tomberont pas malades et ne mourront pas avant nous.

Nous espérons que votre travail sur le racisme environnemental marquera le début d’une nouvelle relation honorable où les Aamjiwnaang pourront voir des résultats mesurables de la part d’un gouvernement qui s’est engagé à faire mieux.

Honorables sénateurs, ce sont des mots très puissants. Un autre témoin du comité, Rueben George, de la Nation des Tsleil-Waututh, a déclaré ce qui suit dans son mémoire au Comité de l’énergie :

Dans un tronçon de 10 km de la partie est de Burrard Inlet, le territoire central de la Nation Tsleil-Waututh, on retrouve six installations de stockage de pétrole en surface à l’échelle industrielle, avec l’infrastructure de pipelines connexe, ainsi que des activités de transport maritime et ferroviaire. La raffinerie de pétrole de Parkland, qui produit du carburant pour le Lower Mainland, est située directement en face de la communauté Tsleil-Waututh, de l’autre côté de l’inlet. Une torche y brûle des gaz résiduels 24 heures sur 24, 365 jours par an. Le terminal maritime de Westridge, le terminus du pipeline Trans Mountain, est également situé juste de l’autre côté de l’inlet. Il est prévu que des pétroliers transportant du bitume dilué y passeront tous les jours à compter du mois prochain. Ces sites ont des antécédents de déversements et d’incidents environnementaux. Ces installations ne sont pas situées dans les quartiers les plus riches de West Vancouver ou de Kitsilano, elles sont adjacentes à notre réserve.

M. George poursuit :

Le gouvernement fédéral s’est engagé à se réconcilier avec les Premières Nations, mais la Nation Tsleil-Waututh a observé que les organismes fédéraux continuent de prendre des décisions et d’élaborer des lois, des politiques et des programmes qui ont des répercussions négatives disproportionnées pour les peuples autochtones. Le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain […] en est un exemple. La Nation Tsleil-Waututh a démontré au gouvernement du Canada, à la Régie de l’énergie du Canada […] et à l’Office national de l’énergie […] que le projet violerait de façon injustifiable le titre, les droits et les intérêts ancestraux de Tsleil-Waututh avec notre évaluation du projet fondée sur le droit autochtone. Ne tenant pas compte des conclusions de l’évaluation, le Canada a approuvé le projet, accordant la priorité aux avantages économiques ténus plutôt qu’aux répercussions sur les droits et les intérêts de la Nation Tsleil-Waututh. La Nation Tsleil-Waututh […] fourni de nombreuses données, preuves et dialogues au Canada — y compris l’extinction probable de la population d’épaulards résidents du sud en raison des impacts du transport maritime.

Chers collègues, un autre témoin qui a comparu devant le Comité de l’énergie au sujet du projet de loi C-226, M. Les Dysart, a parlé dans sa note d’information des dommages considérables qu’Hydro‑Manitoba a causés dans sa collectivité, South Indian Lake. Parmi ces dommages, soulignons l’inondation permanente d’une surface de 837 kilomètres carrés, ce qui a entraîné une hausse du niveau du lac Southern Indian de 3 mètres, ou presque 10 pieds, en moyenne. M. Dysart mentionne également :

[...] des déversements d’eau dévastateurs dans le bras inférieur de la rivière Churchill en période de crue [ces inondations soudaines peuvent faire croître le volume de l’eau de 50 % par rapport aux débits les plus élevés enregistrés durant les 15 années précédant la dérivation — souvent durant la débâcle du printemps — affouillent le lit de la rivière, battent les rives, inondent les cabanes et les habitats riverains, et font temporairement augmenter le niveau des lacs et du réseau des rivières d’un maximum de 5,8 m, ou 19 pieds] [...]

M. Dysart a décrit les répercussions étendues et pénibles qu’a eues sur sa communauté le racisme environnemental lié à l’activité hydroélectrique. Il s’agit notamment des effets sur les poissons et la faune, y compris la quasi-extinction d’une espèce d’esturgeon distincte d’une grande importance culturelle, une hausse du taux de mercure dans les poissons qui les rend impropres à la consommation humaine et la décimation des pêches en eaux intérieures les plus productives des régions nordiques — le lac Southern Indian abritait la troisième plus grande pêche de grand corégone de l’Amérique du Nord. Au cours de la décennie précédant la dérivation, le volume des prises annuelles atteignait environ 400 000 kilogrammes en moyenne. Au cours des dix dernières années, il a chuté à moins d’un dixième de ce chiffre.

Je mentionne d’autres effets. Les inondations et les fluctuations imprévisibles tuent les castors et les rats musqués. Les inondations et l’érosion ont fait disparaître des centaines d’îles sur le lac Southern Indian. Les débris de bois provenant de l’affaissement des rives se retrouvent dans les filets, et ce « bois canard » partiellement submergé est un danger pour les plaisanciers. La collectivité de South Indian Lake a été déplacée de force et son ancien village a été brûlé. Lorsque ces habitants ont été déplacés, on leur a permis d’apporter seulement qu’une valise. Enfin, des centaines de lieux dont l’importance culturelle a été documentée (y compris des tombes) de la collectivité de Southern Indian Lake ont été inondées.

Dans son mémoire, M. Dysart écrit :

Nous n’avons jamais voulu du canal de dérivation de la rivière Churchill. Il n’aurait jamais dû être construit. L’eau devrait encore être libre de suivre son cours naturel. Les poissons devraient encore être libres de fréquenter leurs frayères naturelles. Nos terres ancestrales bien-aimées n’auraient pas dû être sacrifiées. Or, nous ne demandons pas que le canal de dérivation soit démoli; nous voulons seulement que les dommages causés soient reconnus et que nous ayons notre mot à dire sur l’utilisation du canal de dérivation.

Honorables sénateurs, une autre témoin qui a comparu devant le Comité sénatorial de l’énergie, Sarah Wiebe, de l’Université de Victoria, recommande l’adoption du projet de loi C-226, la création d’un bureau de justice environnementale qui suit un modèle de gouvernance multigouvernemental collaboratif, et l’adoption d’une optique planétaire intersectionnelle de la santé pour guider les futurs développements réglementaires et les programmes administratifs en matière de justice environnementale.

Dans un mémoire qu’elle a présenté au comité, Mme Wiebe a écrit : « La santé environnementale et la santé humaine sont inséparables, mais elles sont souvent traitées en silos. »

Elle a poursuivi ainsi :

Une optique intersectionnelle de la santé planétaire reconnaît la nécessité de rendre des comptes aux êtres humains et aux êtres plus qu’humains. Comme le dit Mme Waldron, une stratégie à plusieurs volets doit sans réserve mettre au premier plan : la race et comment elle entrecoupe les enjeux de classe, de sexe et d’autres identités sociales pour façonner les expériences des communautés touchées de manière disproportionnée par un réseau d’inégalités et d’industries dangereuses pour l’environnement; une politique environnementale qui reconnaît et aborde les déterminants structurels et environnementaux de la santé et les approches de démocratie participative culturellement pertinentes; des partenariats entre les organisations de justice environnementale dirigées par les Blancs et les communautés autochtones et noires; et les alliances et les solidarités entre les communautés autochtones et noires. Cette optique est essentielle à l’épanouissement d’écologies entières — cours d’eau, plantes, animaux et atmosphères — aux côtés de la santé humaine.

Chers collègues, ces défenseurs de l’environnement n’abandonnent pas. Il y a une mobilisation des communautés, des alliés et des militants dans leur lutte contre les entreprises, les lois, les politiques et les autres forces qui menacent de fragmenter, de déplacer ou d’assimiler les communautés et les peuples touchés, ou de les pousser à la désintégration culturelle et sociale. Il est temps de nous joindre à eux et de soutenir leur travail en faveur de la justice.

En ce qui concerne les injustices environnementales, au cours des six années pendant lesquelles j’ai siégé au Comité de l’énergie, j’ai entendu et vu des choses au sujet des situations qui se sont produites au Canada et des appels à la justice qui ont suivi et qui révèlent les effets négatifs que cette forme de racisme en particulier a eus sur la vie de ces gens et sur leurs communautés. Ces appels à la justice allaient bien au-delà des injustices environnementales ou du choix de déverser des substances toxiques là où vivent des communautés marginalisées. Ils s’inscrivaient dans une plus vaste lutte qui touche des questions comme l’oppression et le racisme institutionnels, le génocide culturel et spirituel, la dépossession des terres, la protection contre la contamination, le droit à une participation égale, l’autodétermination, l’utilisation éthique et durable des terres, le droit à un milieu de travail et à un milieu communautaire sains, l’insécurité alimentaire, le respect des traités, les violations des droits de la personne et des droits civils, les vides en matière de compétence et les pratiques non durables en matière d’extraction des ressources. La liste est longue. C’est pourquoi il est très difficile de définir le racisme environnemental; ce concept est très vaste.

Dans leur article intitulé Luttes autochtones, justice environnementale et capacités communautaires, David Schlosberg et David Carruthers citent Bunyan Bryant, qui propose une définition comprenant de nombreux aspects de la justice et de la justice environnementale tout en montrant comment la justice environnementale pourrait contribuer à revitaliser et reconstruire des collectivités pour les rendre fonctionnelles.

Selon la définition proposée par M. Bryant, la justice environnementale :

[...] désigne les normes et valeurs culturelles, les règles, les réglementations, les comportements, les politiques et les décisions qui soutiennent les communautés durables, où les gens peuvent interagir en ayant la certitude que leur environnement est sûr, nourricier et productif. La justice environnementale est assurée lorsque les gens peuvent réaliser leur plein potentiel, sans être confrontés à tous ces mots qui se terminent en « isme ». La justice environnementale est soutenue par des emplois sûrs et bien rémunérés, des écoles et des loisirs de qualité, des logements décents et des soins de santé adéquats, une prise de décision démocratique et une autonomisation personnelle, ainsi que des collectivités exemptes de violence, de drogue et de pauvreté. Il s’agit de collectivités où la diversité culturelle et biologique est respectée et vénérée et où la justice distributive prévaut.

Bunyan Bryant propose une notion large et intégrée de la justice environnementale qui va au-delà de la simple équité distributive. Les différents groupes touchés au Canada vivent le racisme environnemental de différentes manières; leurs définitions respectives seront donc reflétées dans les réflexions et les informations à venir.

Honorables sénateurs, 17 principes de justice environnementale ont été adoptés par l’organisation People of Color lors de son sommet du leadership qui s’est tenu du 24 au 27 octobre 1991 — les gens mènent cette lutte depuis toutes ces années —, à Washington, D.C. Dans le même article mentionné ci-dessus, les auteurs Schlosberg et Carruthers citent Mme Dorceta Taylor, professeure de justice environnementale à Yale. Mme Taylor a examiné ces 17 principes de justice environnementale et a cerné 25 enjeux dont il faut tenir compte, y compris : la protection contre la contamination et les industries polluantes; une politique environnementale fondée sur le respect mutuel; et des demandes de participation égale, d’autodétermination et d’utilisation éthique et durable des terres. Il convient de noter que l’équité n’est qu’une des nombreuses préoccupations soulevées par ces tentatives d’opérationnalisation de la justice environnementale.

Chers collègues, le commissaire à l’environnement et au développement durable a récemment publié ses rapports de 2024. Dans le rapport 1, intitulé Les sites contaminés dans le Nord et publié la semaine dernière, on peut lire ceci :

Les sites contaminés représentent des risques importants pour l’environnement et la santé humaine et entraînent des coûts se chiffrant en milliards de dollars pour la population canadienne […] Des travaux ont été réalisés pour assainir les sites contaminés; cependant, le passif financier total au titre des sites contaminés fédéraux s’élève maintenant à plus de 10 milliards de dollars.

[…] [L]e [Plan d’action pour les sites contaminés fédéraux] ne fournissait pas aux gardiens un soutien adéquat de manière à inclure l’adaptation aux changements climatiques et la réconciliation avec les peuples autochtones dans les efforts d’assainissement, qui sont des priorités clés liées à la gestion des sites contaminés.

Le rapport ajoute : « Il y avait plus de 24 000 sites contaminés au Canada […] ».

L’absence de rapports et le manque de renseignements utiles sur les sites contaminés, y compris sur les grandes mines abandonnées, signifient que le gouvernement du Canada, les décisionnaires et la population canadienne ne disposent pas d’un portrait clair des effets environnementaux et financiers de ces sites contaminés.

Chers collègues, le racisme environnemental se manifeste de nombreuses façons dans des lieux très précis. L’article intitulé Environmental Racism and First Nations: A Call for Socially Just Public Policy Development, écrit par Christina Dhillon et Michael Young, indique ceci :

Bien que le mouvement pour la justice environnementale américain ait évolué à un rythme exponentiel, les efforts canadiens ont été beaucoup moins efficaces; en conséquence, l’attention accordée à la justice environnementale et les mesures prises à cet égard ont été inégales [...] il n’existe pour l’essentiel aucune loi canadienne qui traite directement des inégalités créées par l’injustice environnementale [...] on a besoin de la politique publique actuelle concernant la justice environnementale pour les peuples des Premières Nations afin d’assurer l’égalité des droits à un environnement sûr pour tous les Canadiens, indépendamment de leur race ou de leur situation économique. Le défaut de s’engager à apporter un tel changement équivaut à l’approbation du maintien de pratiques racistes, ce qui est bien loin de l’objectif d’une société juste.

Honorables sénateurs, des témoins ont expliqué aux membres du Comité de l’énergie leurs propres réalités quant à la façon dont le racisme environnemental découlant du capitalisme colonial a gravement perturbé leur communauté, leur famille, leur gouvernance, leur vie, leur santé, leur autodétermination, leur culture et ainsi de suite. C’est pourquoi la justice sociale pour les Premières Nations suppose des relations fondées sur le respect, le maintien du système de connaissances, de la vision du monde, de l’identité et de la culture des Premières Nations, et la compréhension de ce que la colonisation a fait à notre peuple.

Dans son livre intitulé It’s All About the Land, Alfred Taïaiake déclare ceci :

Depuis le début, le projet est de nous retirer de nos terres [...] là où les Autochtones s’opposent à l’aménagement des terres à des fins d’exploitation, on rend ces Autochtones inexistants par définition ou on les expulse dans l’inexistence. Le but ultime de la colonisation est que nous nous en remettons à cette notion d’Autochtones et que nous tentions de nous structurer et de conceptualiser nos processus et nos objectifs en conséquence.

Chers collègues, il est temps de s’attaquer au racisme environnemental, qui crée systématiquement des iniquités en conférant des avantages à un groupe au détriment des autres. Le pouvoir et les privilèges sont distribués de façon inégale; ainsi, l’industrie et le gouvernement peuvent permettre le contrôle privé des systèmes d’extraction, alors que, dans la quête de profits et de terres, certains groupes sont exposés à des risques et à des effets disproportionnés connus sans qu’aucune mesure de protection ou de prévention ne soit prise.

Aujourd’hui, alors que les industries extractives comme les industries pétrolière, minière, hydroélectrique, gazière et forestière continuent de provoquer une destruction généralisée de la terre, de l’air et de l’eau en employant des pratiques non durables d’extraction des ressources, les communautés des Premières Nations doivent redoubler d’efforts pour protéger les terres qui leur appartiennent depuis des siècles et atténuer les dommages qui leur sont infligés. Comme l’a dit un témoin, alors que les sociétés d’exploitation des ressources commencent à atténuer les effets du pétrole sur leurs eaux et leur approvisionnement alimentaire, elles ont déjà endommagé d’autres sites.

Il s’agit d’une action continue qui consiste non seulement à prendre, mais à prendre sans rendre. Prendre comme s’il n’y avait pas de limites à ce qui peut être retiré; pas de limites à ce que les corps bruns et noirs peuvent endurer; pas de limites à ce qu’une société qui fonctionne peut endurer; pas de limites à ce que la Terre mère peut endurer. Ces pratiques non durables ont pour effet d’épuiser les réserves d’eau propre, ce qui a un impact négatif sur nos cousins non humains, de détruire les forêts qui donnent la vie et de provoquer l’instabilité du climat lui-même. On ne saurait trop insister sur les effets de cette réalité sur la santé humaine : morbidité et mortalité prématurées, violences sexuelles, poursuite de l’histoire douloureuse qui fait que nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins.

Honorables sénateurs, nous devons reconnaître que ce type de racisme a longtemps été possible à cause de la valorisation persistante de l’économie au détriment de la santé et de la vie. Dans l’article intitulé The Environment as Freedom: A Decolonial Reimaging, l’auteure Malini Ranganathan cite Myron Ebell, du Competitive Enterprise Institute, qui a dit lors d’un rassemblement de climatonégationnistes à Londres au début de l’année 2017 : « Le mouvement écologiste est, à mon avis, la plus grande menace pour la liberté et la prospérité dans le monde moderne. »

L’auteure poursuit :

Donald Trump, qui avait recruté auparavant Ebell pour diriger l’équipe de transition de l’Environmental Protection Agency, a fait écho à cette vision en déclarant ceci dans son discours inaugural, en mai 2017 : « J’ai libéré notre pays et notre économie des chaînes environnementales qui les étranglaient. » Selon cette vision [...] protéger l’environnement serait une forme de violation des libertés. Ce n’est qu’une fois libérés des préoccupations environnementales que nous, comme la société, pouvons être réellement « libres ».

Pour mettre en perspective la dynamique sociétale qui sous-tend cette vision, le célèbre critique du fascisme Theodor Adorno avait déploré dans l’Europe du milieu du XXe siècle que :

Les gens ont tellement manipulé le concept de liberté qu’il se résume finalement au droit des plus forts et des plus riches de prendre aux plus faibles et aux plus pauvres ce qui leur reste.

Honorables sénateurs, le désir de changement, un changement qui serait amené par le projet de loi à l’étude, est justifié — et je ne parle pas seulement du Sénat et de ses comités. Au contraire, il faut également respecter la vague de soutien provenant de l’extérieur. Une pétition ouverte pour signature de la Fondation David Suzuki demande au Sénat d’adopter le projet de loi C-226. Elle a été signée par plus de 10 000 personnes qui défendent les améliorations que ce projet de loi apportera à la vie d’innombrables Canadiens.

Dans un mémoire soumis au Comité de l’énergie par l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, la Dre Ojistoh Horn, membre du conseil d’administration de cette association, explique que :

Le racisme environnemental est soutenu par des facteurs systémiques en amont — des valeurs et des croyances sociétales conformes à une économie capitaliste, voulant que les humains n’aient pas droit à un environnement sain en pratique, une législation qui ne protège pas équitablement les communautés autochtones, noires et de couleur, des institutions dont les mandats cloisonnés et concurrents ne protègent pas ces collectivités et qui ne sont pas tenues de rendre compte de façon uniforme des lois déjà en place et des programmes qui ont été conçus sans la participation de tous les intervenants.

De plus, dans son mémoire, l’association note également que :

À Akwesasne, à la frontière de l’Ontario, du Québec et des États-Unis, la population de la Première Nation [...] (Mohawk) est soumise à l’exposition à des substances toxiques, dont les biphényles polychlorés (BPC), qui sont liés à la dysfonction thyroïdienne, aux troubles de l’appareil reproducteur, aux cancers, aux maladies auto-immunes, aux troubles de santé mentale et plus encore. Les expositions ne sont pas fixes, mais changent au fil du temps, à mesure que les BPC dégénèrent et perdent du chlore, ce qui les rend plus légers, puis volatils.

Dans le Nord de la Colombie-Britannique, les opérations de fracturation hydraulique sont liées à la leucémie infantile, aux maladies cardiovasculaires, à des effets neurologiques et aux maladies respiratoires. [...] La fracturation hydraulique contribue également de façon importante aux émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre, ce qui mine les efforts de lutte contre les changements climatiques.

L’Association canadienne des médecins pour l’environnement souligne également que l’exposition de la Première Nation des Chipewyans d’Athabasca aux résidus miniers des bassins de décantation des boues résiduaires contaminées en Alberta et la fuite des bassins de résidus toxiques de la mine Kearl d’Imperial Oil dans les bassins hydrographiques des rivières Athabasca et de la Paix ont eu une incidence importante sur la capacité des communautés autochtones à exercer leurs droits inhérents et issus de traités, en plus d’avoir de profondes répercussions sur la santé physique et mentale.

L’Association des femmes autochtones du Canada a soumis au Comité de l’énergie un mémoire sur le projet de loi C-226 où on peut lire ceci :

Le racisme environnemental n’est pas nouveau. Au Canada, les communautés autochtones ont lutté contre les lois et les politiques coloniales pour protéger l’air, la terre, l’eau, les espèces et les liens culturels avec la terre. Le racisme environnemental est une forme de racisme systémique, qui découle de politiques et de pratiques institutionnelles. Le racisme systémique est ancré dans les lois, les politiques et les institutions qui régissent nos vies, et ce depuis que les colons européens ont colonisé ces terres.

L’organisme ajoute :

Les femmes autochtones subissent des préjudices sexospécifiques liés au racisme environnemental systémique. Les changements dans les rôles domestiques et familiaux, les perceptions du genre et de l’identité, l’éducation des enfants et les normes parentales, la vie spirituelle, le travail et les activités sociales entravent leur droit de pratiquer et de revitaliser leurs traditions culturelles. Un nombre disproportionné de femmes autochtones sont victimes de violences, d’abus, de la perte de leur culture, de leurs traditions et de leur langue, du chômage, de la pauvreté, d’un niveau de scolarité inférieur et d’un accès réduit aux ressources.

Chers collègues, dans un mémoire envoyé au Comité de l’énergie, le Women’s Healthy Environments Network écrit ceci :

La notion de racisme environnemental dans le projet de loi C-226 vient du fait que les sites dangereux pour l’environnement (y compris les décharges et les industries polluantes) sont établis dans des zones habitées par des membres d’une collectivité autochtone, racialisée ou d’une autre collectivité marginalisée. Robert Doyle Bullard, expert en justice environnementale, résume le racisme environnemental comme suit :

l’emplacement disproportionné et l’exposition plus importante des collectivités autochtones et de personnes racialisées qui, parce qu’elles vivent à proximité d’industries polluantes et d’autres risques environnementaux, sont plus grandement exposées à la contamination et à la pollution;

le fait que ces communautés ne possèdent pas suffisamment de pouvoir politique pour résister à l’installation de pollueurs industriels sur leur territoire;

la mise en œuvre de politiques qui autorisent la présence nocive et, dans bien des cas, potentiellement mortelle de poisons dans ces communautés;

les répercussions négatives disproportionnées des politiques environnementales qui donnent lieu à des différences dans les taux de nettoyage des contaminants environnementaux dans ces communautés;

l’habitude d’exclure les Autochtones et les personnes racialisées des grands groupes environnementaux, des conseils décisionnaires, des commissions et des organismes de réglementation.

Honorables sénateurs, je vais conclure avec ces dernières observations. Ce projet de loi dont nous sommes saisis nous amène à déterminer l’avenir de notre nation. Notre première obligation est donc de comprendre et de reconnaître la véritable histoire du racisme environnemental dans ce pays.

Le racisme environnemental est un aspect méconnu de l’histoire canadienne. Ce n’est pas enseigné dans les écoles. Ce n’est commémoré nulle part au pays, pas même dans la capitale nationale. La longue histoire du racisme environnemental n’a pas été inscrite dans la mémoire nationale. Les gens ne l’ont pas apprise ou, pire encore, ils en ont fait abstraction.

Ce que la plupart des Canadiens connaissent, ce sont les conséquences actuelles de ce racisme qui empêche les peuples autochtones et les personnes marginalisées d’avoir la même qualité de vie que la plupart des autres Canadiens. Les Canadiens tombent facilement dans le piège qui consiste à blâmer les personnes marginalisées pour les conditions dans lesquelles elles doivent vivre et pour leur incapacité à trouver des solutions adéquates à leurs problèmes.

Ces reproches mènent inévitablement au manque de respect. Cependant, ce manque de respect découle également de politiques établies au fil des générations qui reposaient sur l’idée selon laquelle les gens de couleur étaient en quelque sorte inférieurs. Cette conversation tant attendue sur le racisme environnemental nous amène à nous demander pourquoi, sur cette terre d’abondance, on trouve une pauvreté rappelant cette du tiers-monde. La raison est la suivante : « Il n’y a pas vraiment de pauvreté dans ce pays, simplement trop de cupidité. »

Alors, je tends la main tout doucement,

Laissez-moi retrouver ma langue

Pour que je puisse vous apprendre qui je suis.

C’était un extrait d’un poème de Rita Joe écrit en 1988.

Je vous invite donc à en apprendre davantage sur le racisme environnemental. Je tiens à vous remercier de m’avoir écoutée et d’avoir pris le temps d’être ici. Kinanâskomitin. Merci.

L’honorable Julie Miville-Dechêne [ + ]

Chers collègues, je serai relativement brève.

Je prends la parole pour appuyer à l’étape de la troisième lecture le projet de loi C-226, visant à évaluer et à prévenir le racisme environnemental, projet de loi dont la sénatrice McCallum est la marraine dans cette Chambre.

Ce projet de loi a le potentiel de changer les choses, à condition que la bonne volonté soit au rendez-vous. Tout dépendra donc des décideurs en place, car le projet de loi C-226 n’est pas un texte prescriptif.

Le paragraphe 3(2) dit ce qui suit : « Le ministre élabore la stratégie en consultation ou en coopération avec les personnes, collectivités, organismes et organisations intéressés [...] ». Ce genre de formule laisse beaucoup de latitude aux pouvoirs en place sur le type de consultation qui sera menée, comme nous l’a expliqué en comité Madeleine Redfern, une juriste inuite inspirante, experte en technologie. Dans son témoignage, elle a dit ce qui suit :

Pour qu’une consultation soit pertinente, il faut que l’on écoute, que l’on retienne des choses et que l’on adopte les mesures proposées à la suite de cet engagement. Trop souvent, d’après mon expérience, une consultation se résume à une séance d’information où on remercie les gens, on leur dit qu’on est là et qu’on les écoute, mais qu’on fera tout de même ce qu’on a l’intention de faire. On ne fait que répéter une formule apprise par cœur. Il s’agit simplement de cocher les cases appropriées.

Par exemple, à l’alinéa 3(3)b) du projet de loi, les mesures à prendre pour évaluer et prévenir le racisme environnemental sont des suggestions, et non des obligations. C’est le cas de l’indemnisation des particuliers et des collectivités ou de la participation de groupes locaux dans l’élaboration des politiques en matière d’environnement.

Alors, pourquoi un projet de loi visant l’élaboration d’une stratégie suscite-t-il tant d’espoir et une quasi-unanimité parmi les groupes autochtones et les experts que nous avons entendus? Parce que, pour la première fois, on nomme dans un texte de loi le concept jusqu’ici peu connu de racisme environnemental. On ne définit pas cette expression dans le projet de loi par prudence, j’imagine, car elle peut évoluer, mais on donne enfin un nom à ce que beaucoup d’Autochtones et d’autres minorités racisées connaissent instinctivement depuis des décennies. Nommer les choses, c’est le début d’une prise de conscience plus large.

J’ai toujours été consciente de la présence d’usines, de raffineries polluantes ou de dépotoirs dans les quartiers plus défavorisés, loin des résidences cossues. Oui, j’ai entendu parler au Québec, il y a longtemps, de la contamination au mercure des poissons, qui empêchait les Autochtones de pêcher et de se nourrir. Toutefois, à vrai dire, j’étais plutôt mal informée sur l’étendue du problème. Ce n’est que récemment que j’ai réalisé que les résidants de Sarnia, en Ontario, n’étaient pas les seules victimes de ce qu’on surnomme la « vallée chimique du Canada ». La communauté de la Première Nation Aamjiwnaang, située sur ce même territoire, a été littéralement sacrifiée à la pétrochimie dès les années 1940. On parle ici de 2 500 êtres humains, dont 900 enfants! Déjà vulnérables et marginalisées, ces familles ont été tenues dans l’ignorance pendant des décennies au sujet des accidents, des déversements, des fuites et des incendies survenus autour des usines. Les Autochtones tombaient malades et on qualifiait cela d’anecdotique jusqu’à ce que la communauté elle-même se mobilise. Des études ont démontré l’effet de cette pollution industrielle toxique sur les taux de fausses couches, d’asthme infantile et de cancer.

Le chef Chris Plain a expliqué en comité que ses citoyens ne pouvaient plus pêcher ni chasser à cause de l’accumulation de produits chimiques dans les animaux et les poissons et que l’odeur d’œufs pourris causée par la pollution provoquait des vertiges et des nausées. Le chef autochtone Chris Plain définit le racisme environnemental comme étant :

[...] l’implantation délibérée ou intentionnelle de sites de déchets dangereux, de décharges, d’incinérateurs et d’industries polluantes dans des communautés habitées par des minorités ou des pauvres.

Au Québec, un cas beaucoup plus récent a fait les manchettes, et certains y voient une forme de racisme environnemental en raison de la lenteur des autorités fédérales et provinciales à intervenir. Un centre de recyclage situé dans le territoire mohawk de Kanesatake, situé au nord de Montréal, ne dispose d’aucun système de récupération et de traitement des eaux conforme aux normes, et ce, malgré les rappels à l’ordre. Des milliers de litres d’eau contaminée s’échappent ainsi illégalement depuis 2016 et coulent jusqu’au lac des Deux Montagnes. De plus, la communauté mohawk a peur des deux propriétaires du site illégal, Robert et Gary Gabriel, qui, malgré leur passé criminel, ont obtenu un permis d’exploitation d’un centre de tri de matériaux de construction.

Ce ne sont que deux exemples.

La sénatrice Wanda Thomas Bernard a soulevé, à l’étape de la deuxième lecture, le cas du dépotoir à ciel ouvert qui a privé d’eau potable le quartier d’Halifax baptisé Africville, en Nouvelle-Écosse.

Comme l’indique son préambule, ce projet de loi touche non seulement les communautés autochtones, mais aussi les communautés racisées ou autrement marginalisées, donc défavorisées. La portée de cette stratégie pourrait donc être assez étendue. Par exemple, est-ce que l’absence de végétation et d’arbres dans des quartiers défavorisés et denses constitue du racisme environnemental?

La professeure de l’École de travail social de l’Université de Montréal André-Anne Parent a calculé qu’il y a moins de 4 % de surface recouverte d’espace vert dans le quartier de Montréal-Nord, comparativement à plus de 11 % dans l’ensemble de la ville. Presque la moitié des habitants de Montréal-Nord appartient à une minorité visible et une personne sur cinq a un faible revenu. Les îlots de chaleur, le peu d’arbres et de jardins, tout cela affecte la santé physique et mentale, selon la professeure Parent.

La juriste inuite Madeleine Redfern et d’autres auraient souhaité quelques amendements pour renforcer le projet de loi. La portée du projet de loi C-226 est limitée, a-t-elle dit, mais c’est une base pour que l’on commence à documenter l’étendue du problème, notamment en répertoriant tous les sites canadiens suspects et les autres lois qu’il faudrait modifier pour prévenir ce racisme environnemental. Toutefois, à ce stade-ci, le consensus que nous avons entendu est qu’il faut adopter ce projet de loi tel quel afin d’aller de l’avant.

Je cite à nouveau Me Redfern :

Quiconque affirme que le racisme environnemental n’existe pas vit manifestement dans une bulle; une bulle très privilégiée, très urbaine, probablement très blanche, de classe moyenne et de classe moyenne supérieure. Il ne faut pas se le cacher. Si vous venez de cette bulle, vous ne parlez pas à ceux qui vivent dans les régions rurales, éloignées ou nordiques ou celles qui sont habitées par des membres des communautés autochtones ou par des populations minoritaires.

En terminant, je souhaite donc que, après les dénonciations, la collaboration s’installe pour éliminer et prévenir le racisme environnemental.

Merci.

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