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Projet de loi sur la réaffectation des biens bloqués

Deuxième lecture--Suite du débat

30 mai 2019


Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour exprimer mon appui au projet de loi S-259, Loi sur la réaffectation de certains biens saisis, bloqués ou mis sous séquestre.

Je tiens à remercier la sénatrice Omidvar et ses collègues du Conseil mondial pour les réfugiés du leadership dont ils ont fait preuve dans le cadre de cet important projet de loi.

Chers collègues, ce projet de loi nous donne l’occasion de mieux rendre justice aux victimes de violations des droits de la personne. Il offre une solution innovatrice pour répondre aux préoccupations internationales en ce qui concerne le nombre de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur de plusieurs pays.

Comme l’a mentionné la sénatrice Omidvar, le projet de loi donne suite à un rapport du Conseil mondial pour les réfugiés, qui est intitulé Appel à l’action : Transformer le système mondial d’aide aux réfugiés. Le rapport a été soumis aux Nations Unies en janvier dernier.

Honorables sénateurs, je tiens à souligner la contribution du Conseil mondial pour les réfugiés à cette mesure législative. Le projet de loi montre très bien que les organisations de la société civile, qui sont fortement engagées et bien informées, peuvent avoir un effet important sur les gouvernements et les législateurs. Pour atteindre les objectifs prévus dans le droit international en matière de droits de la personne, les groupes de la société civile de partout dans le monde et les gouvernements doivent collaborer. Non seulement le projet de loi est le produit d’une telle collaboration, mais il faciliterait la coopération future entre la société civile et les gouvernements, s’il est mis en œuvre.

La création du registre public prévu dans le projet de loi renforcerait la mobilisation internationale. La société civile a besoin de transparence et d’ouverture pour pouvoir demander des comptes aux gouvernements, y compris le nôtre, en ce qui concerne les mesures prises en cas de violation des droits de la personne. Plus la société civile disposera d’information, plus elle sera efficace pour pousser les gouvernements à respecter les obligations et les normes en matière de droits de la personne.

La Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, aussi connue sous le nom de loi de Sergueï Magnitski, est entrée en vigueur au Canada en 2017. Cette loi, qui a été présentée par la sénatrice Raynell Andreychuk, permet au Canada de bloquer les biens de dirigeants étrangers corrompus qui sont reconnus comme étant responsables de violations des droits internationaux de la personne.

Sur demande du procureur général, le projet de loi permettrait aux cours supérieures provinciales de redistribuer ces biens bloqués. Par la suite, ces biens pourraient être réaffectés dans le but de rebâtir des communautés touchées par des violations des droits de la personne et de répondre à leurs besoins. Il incomberait à des juges canadiens indépendants de prendre les décisions relatives à la réaffectation des biens bloqués. Il s’agit d’une façon novatrice et intelligente de tirer profit de l’indépendance de l’appareil judiciaire au Canada afin de venir en aide aux victimes de violations des droits de la personne à l’échelle internationale.

Comme l’a souligné la sénatrice Omidvar, les principes de ce projet de loi sont la reddition de comptes, la justice, l’application régulière de la loi, l’ouverture, la compassion et la bonne gouvernance. J’ai aussi relevé un autre principe important dans ce projet de loi, soit celui qui consiste à fournir des recours efficaces et appropriés dans les cas de violation des droits de la personne. L’accès à ces recours est une caractéristique fondamentale du droit en matière de droits de la personne, tant à l’échelle internationale qu’au Canada.

Notre réponse aux violations des droits de la personne ne se limite pas à l’imposition de sanctions aux coupables. Elle doit aussi tenir compte de l’importance de fournir des recours aux victimes.

Grâce à ce projet de loi, il serait beaucoup plus facile de fournir de tels recours. Compte tenu de la situation géographique du Canada, et contrairement à ce que certains politiciens alarmistes voudraient nous faire croire, nous n’avons pas à composer avec les conséquences de l’arrivée massive de réfugiés comme doivent le faire des pays comme le Bangladesh, l’Ouganda et la Colombie. Dans le monde, 85 p. 100 des personnes déplacées se trouvent dans des pays démunis et en développement. Une personne est déplacée de force toutes les deux secondes. Ces chiffres sont stupéfiants.

Le Canada a accueilli 44 000 réfugiés réinstallés en 2017, mais ce sont surtout les pays plus défavorisés qui portent le fardeau de la crise mondiale des réfugiés, une crise d’une ampleur sans précédent dans l’histoire.

Parmi les 25,4 millions de réfugiés dans le monde, plus de la moitié sont des enfants de moins de 18 ans. Partout dans le monde, la situation des réfugiés peut maintenant durer en moyenne jusqu’à 26 ans. Des millions de personnes passent leur enfance dans des camps de réfugiés, sans accès à des soins de santé adéquats ou à une éducation, et souvent sans la possibilité de faire quoi que ce soit. Ce sont donc les droits fondamentaux de toute une génération de jeunes extrêmement vulnérables qui sont bafoués tous les jours.

Comme la sénatrice Pate l’a expliqué, la violence sexuelle est un problème endémique chez les réfugiés et dans les situations de conflit; c’est un facteur de vulnérabilité supplémentaire qui touche principalement les femmes et les filles. À cause de cette vulnérabilité accrue, les femmes et les filles qui se retrouvent dans un camp de réfugiés ou dans une situation de conflit deviennent des proies faciles pour ceux qui font la traite des personnes.

En 2018, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime a publié un rapport global sur la traite des personnes qui explique que ceux qui font la traite des personnes vont souvent cibler tout particulièrement les personnes qui se retrouvent dans une situation difficile, y compris les gens qui vivent dans les camps de réfugiés. Les trafiquants mentent ou font de fausses promesses pour recruter leurs victimes, qui sont habituellement des femmes et des enfants. Par exemple, ils peuvent leur promettre qu’elles recevront un paiement ou qu’on les amènera dans un lieu plus sûr à l’extérieur du camp.

La rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la traite des êtres humains a noté des exemples de cette pratique et précise que la traite des personnes touche plus particulièrement les femmes et les enfants. Par exemple, la rapporteuse dit ceci :

Dans certains camps de réfugiés du Moyen-Orient, par exemple, on sait que des filles et des jeunes femmes sont « mariées » sans leur consentement et font l’objet d’exploitation sexuelle dans les pays voisins.

Les personnes qui grandissent dans un camp de réfugiés sont exposées à toutes sortes de choses. La réaffectation des fonds prévue par le projet de loi S-259 contribuerait probablement à atténuer les conséquences de certaines des difficultés vécues par les plus vulnérables des vulnérables.

Ce projet de loi offre au Canada la possibilité de consolider son leadership international en matière de droits de la personne. La Suisse a déjà adopté une loi de ce genre. Le Royaume-Uni et la France l’envisagent. En mettant en œuvre le projet de loi S-259, le Canada donnerait l’exemple et encouragerait ainsi d’autres pays à adopter une loi semblable.

Les violations des droits de la personne vont en augmentant dans le monde. Or, l’adoption d’une mesure législative de ce genre nous aiderait à y réagir. Le projet de loi S-259 nous permettrait d’offrir une réparation aux victimes et de montrer aux auteurs de ces violations que les abus de pouvoir peuvent avoir des conséquences concrètes. Merci. Meegwetch.

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