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Projet de loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter)

Deuxième lecture--Ajournement du débat

22 juin 2020


Propose que le projet de loi S-219, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole ce soir à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-219, qui vise à abaisser de 18 à 16 ans l’âge de voter lors des élections fédérales.

Cette soirée marque pour moi un moment herstoric, comme on dirait en anglais, puisque c’est le premier projet de loi que je dépose au Sénat. Je ne pourrais déposer un meilleur projet de loi que celui-ci, qui porte sur l’inclusion des jeunes Canadiennes et Canadiens dans notre démocratie et qui est le fruit d’une collaboration de plusieurs mois entre mon équipe et mes conseillers jeunesse, le Conseil canadien de jeunes féministes et une multitude de regroupements jeunesse à travers le pays. Je leur dis mille fois merci.

Voilà maintenant 50 ans que l’âge de voter est passé de 21 ans à 18 ans. Aujourd’hui, je suis heureuse d’entamer le débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-219, qui modifierait la Loi électorale du Canada afin d’abaisser de 18 à 16 ans l’âge de voter aux élections fédérales. Le projet de loi apportera également plusieurs modifications mineures à la même loi afin que le processus de vote tienne compte de l’abaissement de l’âge de voter à 16 ans.

Honorables collègues, ce n’est pas un projet de loi compliqué, mais je vous invite à faire comme moi et à considérer son potentiel pour la revitalisation de la démocratie canadienne. Nous devrions abaisser l’âge de voter à 16 ans parce que les jeunes sont suffisamment matures, informés et motivés pour voter. Abaisser l’âge de voter augmentera la participation électorale en donnant aux jeunes la possibilité de voter pour la première fois dans un contexte encadré par leur école, leur famille et leur communauté.

En effet, les bureaux de vote sont souvent situés dans les écoles secondaires, mais la plupart des élèves doivent regarder de loin les autres exercer leur droit de vote. Nous savons que plus les nouveaux électeurs commencent à voter jeunes, plus ils sont susceptibles de continuer à voter à l’avenir.

De surcroît, on dit souvent aux jeunes qu’ils sont les leaders de demain, mais la vérité, c’est qu’ils sont déjà des leaders, de véritables participants aux institutions qui gouvernent le pays, et c’est une occasion importante pour nous de leur montrer que nous reconnaissons leurs droits et que nous les prenons au sérieux.

Quand le Canada s’est formé en confédération, l’âge légal pour voter était de 21 ans. À l’époque, seulement les hommes blancs qui étaient propriétaires fonciers pouvaient voter. Les femmes, les Autochtones, les Noirs, les autres personnes de couleur ainsi que les adeptes de certaines religions n’avaient pas le droit de participer au processus démocratique.

En 1917, alors que la Première Guerre mondiale faisait rage, le droit de vote a été accordé à tous les militaires canadiens, y compris les femmes. La même année, les Autochtones ont été reconnus comme « Indiens » en vertu de la Loi sur les Indiens.

Certaines Manitobaines ont été les premières femmes au Canada à obtenir le droit de vote. Par la suite, en 1918, ce droit a été accordé à beaucoup plus de femmes de plus de 21 ans, mais pas aux femmes autochtones.

En 1960, la Loi électorale du Canada a accordé le droit de vote aux élections fédérales aux personnes reconnues comme étant des « Indiens » en vertu de la Loi sur les Indiens. En 1970, au terme d’un grand débat national, où certains disaient que des gens aussi jeunes ne pouvaient absolument pas assumer une telle responsabilité, la Loi électorale du Canada a été modifiée pour faire passer de 21 ans à 18 ans l’âge auquel on a le droit de voter. C’était il y a 50 ans.

Les arguments avancés aujourd’hui afin de diminuer l’âge légal pour voter et le faire passer à 16 ans sont semblables à ceux des années 1940, 1950 et 1960, alors qu’on souhaitait faire passer cet âge à 18 ans. Les critiques adressées aujourd’hui à la jeunesse nous renvoient à ces débats historiques.

Les jeunes sont collectivement accusés d’être mal informés, indifférents et immatures. Il y a abondance de preuves prouvant que c’est faux. En effet, chers collègues, les preuves tendent à démontrer que les Canadiens de 16 à 17 ans sont suffisamment mûrs, informés et prêts à exercer leur droit de vote aux élections fédérales.

J’espère que mes honorables collègues soutiendront ce projet de loi en permettant à nos jeunes de participer au processus démocratique pour assurer une représentation plus efficace de notre société et la viabilité économique et sociale à long terme de notre pays.

Les détracteurs affirment que les jeunes de 16 ans ne sont pas assez mûrs pour voter. Penchons-nous un peu plus sérieusement sur ce concept de maturité, qui est souvent assimilé à l’âge.

Sarah et Megan Rohleder, deux étudiantes manitobaines de 15 et 16 ans, ont fait cette observation succincte dans le document de recherche qu’elles m’ont envoyé : « La maturité n’est pas une question d’âge. »

En dehors du vote, les législateurs canadiens sont déjà arrivés à la conclusion que les jeunes de 16 à 17 ans sont suffisamment mûrs pour se lancer dans de nombreuses entreprises qui requièrent de la maturité et sont considérées comme parfaitement capables de prendre des décisions responsables.

La société canadienne considère que les jeunes de 16 ans sont suffisamment mûrs pour s’engager comme réservistes dans les Forces armées. Nous leur donnons la possibilité d’assumer l’une des plus grandes responsabilités que l’on puisse avoir, à savoir servir son pays et accepter une obligation illimitée pouvant aller jusqu’au sacrifice ultime pour son pays, suivant le principe selon lequel il faut obéir aux ordres, même au risque d’y laisser la vie.

Nous estimons que les jeunes de 16 ans sont assez mûrs pour conduire une voiture — en gros, un engin qui sème la mort — sur les mêmes routes que tout le monde. On considère qu’ils ont les capacités et le jugement nécessaire pour conduire une voiture, une activité qui, statistiquement parlant, est l’une des plus dangereuses que l’on peut pratiquer. On considère qu’une personne de 16 ans a la maturité voulue pour donner son consentement à des actes sexuels ou pour se marier légalement, avec le consentement de ses parents. On considère que les jeunes ont la maturité voulue pour connaître leur corps et être en mesure de faire leurs propres choix de manière autonome concernant des questions liées à leur santé. On considère que, à 16 ans, une personne est en âge de travailler, de gagner un salaire et de payer un impôt sur ce revenu. Les gouvernements prennent l’argent des Canadiens de 16 ans qui travaillent et ils adoptent des politiques et des lois qui affectent les jeunes de 16 ans, sans que ces derniers aient leur mot à dire.

En résumé, on considère que les personnes de 16 ans et de 17 ans ont la maturité voulue pour assumer leurs responsabilités lorsqu’il est question de s’enrôler dans l’armée, d’avoir des rapports sexuels, de conduire une voiture, de payer de l’impôt, d’être marié et d’avoir des enfants. Leur refuser le droit de vote sous prétexte qu’ils sont immatures est en contradiction avec toutes les responsabilités que leur accorde présentement la société. Même s’ils paient de l’impôt et des taxes et que les politiques gouvernementales les touchent, les personnes de 16 ans et de 17 ans n’ont pas accès au moyen le plus fondamental et démocratique qui soit pour donner leur avis sur les enjeux qui les concernent : le droit de vote.

Nous ne devons pas tenir les jeunes à l’écart du cœur de notre démocratie, qui englobe le droit de voter. Plutôt, nous devons les inviter à participer, à titre de partenaires, à la revitalisation de notre démocratie. Il s’agit d’une occasion incontournable de traiter les jeunes Canadiens avec le respect qu’ils méritent, car ils l’ont gagné. Les jeunes sont nos partenaires dans l’intendance de notre pays et des institutions qui nous gouvernent. Regardez autour de vous. Bien que l’âge minimal pour être nommé au Sénat soit de 30 ans, aucun sénateur n’est dans la trentaine ni même la jeune quarantaine.

Pensez maintenant au fait que le déficit fédéral a dépassé le billion de dollars la semaine dernière. Ce n’est pas notre génération qui portera, à long terme, le poids du long redressement qui s’annonce.

Certains détracteurs font valoir qu’une personne âgée de 16 ans n’est pas suffisamment informée pour voter. Les adolescents de 16 ans et de 17 ans que je connais, les adolescents de 15 ans, de 16 ans et de 17 ans qui m’ont fait parvenir des mémoires de recherche à l’appui de mon projet de loi, ont remis des documents auxquels, à titre de professeure d’université, j’aurais volontiers accordé une note élevée. Les preuves montrent que les personnes de 16 ans et de 17 ans sont capables de prendre une décision éclairée fondée sur les valeurs qu’elles prônent et leur vision à l’égard de la démocratie inclusive en laquelle nous croyons tous.

Chers collègues, mon père s’est présenté pour la première fois comme candidat conservateur à l’invitation du regretté sénateur Duff Roblin, qui était alors premier ministre du Manitoba. Dès l’âge de 12 ans, à l’occasion de nombreuses campagnes électorales, j’ai fait du porte-à-porte pour des candidats de divers partis politiques. Ceux d’entre nous qui ont vécu cette expérience savent qu’il y a beaucoup d’électeurs âgés de nettement plus de 16 ans qui ne sont ni mûrs ni bien informés, mais nous nous battrions néanmoins pour leur droit de voter.

Un électeur n’a pas besoin d’avoir un avis sur tous les enjeux pour être averti et pour voter. Un électeur averti a conscience de ses propres valeurs et, en participant au scrutin, il peut les traduire en une vision de ce que le Canada doit être en tant que démocratie inclusive. Un électeur averti peut être celui qui se passionne pour une cause unique ou un ensemble de causes, ou encore qui est capable de traduire ses valeurs par une décision, en votant pour la personne qu’il veut comme représentant dans sa circonscription, à Ottawa et à l’étranger.

J’interviens aujourd’hui sur ce projet de loi pour faire valoir que les jeunes de 16 et 17 ans sont prêts à voter. Il n’est pas nécessaire de me croire sur parole. Il suffit de se fier aux conclusions tirées par des chercheurs au cours de la dernière décennie : ils ont établi que les jeunes de 16 et 17 ans ont des capacités égales ou supérieures à celles des jeunes de 18 ans en matière de vote responsable, tant en ce qui concerne la capacité de réflexion critique que les connaissances politiques générales.

Je cite un article rédigé par Sarah et Meaghan Rohleder, toutes deux trop jeunes pour voter, dans lequel elles disent qu’en fait, en Autriche, à Malte et à Guernesey — des pays qui ont déjà abaissé l’âge du vote à 16 ans —, les élections fédérales ont donné lieu à une forte participation de l’ordre de 70 %. L’Autriche arrive même en tête de l’Eurobaromètre pour ce qui est de la participation des 15 à 30 ans avec 79 %, alors que la participation moyenne en Europe est de 64 %.

Une étude danoise a révélé que les jeunes de 18 ans sont plus susceptibles de voter pour la première fois que les jeunes de 19 ans. Plus les mois passent, moins les jeunes sont susceptibles d’aller voter pour une première fois. L’abaissement de l’âge du vote permettra aux gens de voter avant de quitter l’école secondaire et le domicile familial et d’établir des habitudes de vote pour la vie. Les données recueillies en Autriche confirment que le taux de participation des nouveaux électeurs est plus élevé et qu’il se maintient également dans le temps. Ces données montrent que les jeunes sont prêts à prendre des décisions judicieuses et à participer de manière constructive à la démocratie. Pour Sarah et Meaghan, pouvoir voter et exprimer leur opinion a quelque chose de puissant. C’est un geste simple, mais qui compte énormément.

Dans un autre document de recherche qui m’a été envoyé par trois autres étudiants du secondaire, tous âgés de moins de 18 ans, on cite plusieurs études, dont une publiée l’an dernier par la London School of Economics. Selon cette étude, les deux premières élections d’un électeur détermineront ses futures habitudes de vote. Chaque élection subséquente ne fera que renforcer davantage cette habitude.

Selon Avinash, Rooj et Shiven, ces étudiants du secondaire, « c’est la recette d’un électeur à vie ».

Ces étudiants ont aussi indiqué qu’une des formes de cognition est la cognition rationnelle. Elle est généralement liée à la pensée, à l’attention, à la mémoire et aux gestes du quotidien. Il y a aussi la cognition émotionnelle, la cognition sociale. Pour la prise de décisions telles que le vote, notre cerveau fait appel à la cognition rationnelle. Même si le développement de la cognition émotionnelle se poursuit jusqu’au milieu de la vingtaine, celui de la cognition rationnelle est déjà terminé dès l’âge de 16 ans.

À 16 ans, les jeunes sont entièrement capables, scientifiquement et intellectuellement, de prendre des décisions politiques, comme l’ont également souligné d’autres auteures, les étudiantes Sarah et Meaghan.

Chers collègues, voilà des preuves et des arguments rationnels qui démolissent ces préjugés condescendants à l’égard des jeunes électeurs que j’ai entendus de la part de certains animateurs d’émissions-débat et autres détracteurs. Une étude de l’American Academy of Political and Social Science a par ailleurs confirmé que les adolescents ont des connaissances adéquates en matière de politique. On peut y lire ceci :

Dans les domaines des connaissances civiques, des habiletés politiques, de l’efficacité politique et de la tolérance, les jeunes de 16 ans obtiennent en moyenne des notes comparables à celles des adultes.

La plupart des jeunes de 16 ans sont à l’école secondaire. Ils se trouvent donc dans un cadre qui leur permet d’assimiler les connaissances nécessaires pour voter de façon éclairée.

À l’âge de 16 ou 17 ans, les Canadiens ont la chance de pouvoir s’instruire sur le processus politique, l’histoire de notre démocratie et l’importance du vote. Ce sont des votants qui seraient dans un environnement où ils peuvent étudier les problèmes complexes du monde d’aujourd’hui.

En classe, les jeunes ont la possibilité de discuter de façon encadrée des différents partis fédéraux et provinciaux, ainsi que de leurs opinions sur les questions environnementales, économiques et sociales aux niveaux national et mondial. Les élections offriraient aux élèves l’occasion de s’exercer à former leurs propres opinions et à agir à partir de ces opinions et le contexte scolaire leur fournit l’information nécessaire pour prendre une décision éclairée quand vient le temps de voter.

Honorables sénateurs, voter est un acte simple qui a un effet profond. C’est un acte qui reconnaît qu’une personne peut contribuer à une décision touchant sa collectivité et son pays. Il permet aux citoyens de participer au processus décisionnel et de tenir les personnes au pouvoir responsables de leurs actes.

Ce sont les jeunes qui vont subir le plus longtemps le contrecoup des décisions que nous prenons, que prend le gouvernement, aujourd’hui. Si nous fournissons aux jeunes un mécanisme qui leur permet de donner leurs points de vue, nous améliorerons notre représentation politique, puisque ce sont les décisions que les dirigeants mondiaux prennent aujourd’hui qui auront les plus grandes répercussions sur le monde dans lequel les jeunes vivront demain.

Ce ne sont pas uniquement les politiques gouvernementales en matière d’éducation et de changements climatiques qui ont une incidence sur les jeunes. Lorsqu’un jeune envisage de déménager, il est touché par les politiques sur le logement. Lorsqu’un jeune décide d’un moyen de se déplacer, il est touché par la planification des transports en commun et des infrastructures. Lorsqu’un jeune se demande comment il va s’occuper de parents âgés, il est touché par les politiques relatives aux aînés. Lorsqu’un jeune cherche à entrer sur le marché du travail, il est touché par les politiques fiscales et économiques. Lorsqu’un jeune doit acheter de la nourriture pour lui-même ou sa famille, il est touché par le prix des aliments. Lorsqu’un jeune cherche à se faire soigner, il est touché par le niveau de financement du système de santé. Le nombre de jeunes qui souhaitent poursuivre des études postsecondaires est beaucoup plus élevé que le nombre de jeunes qui sont en mesure de le faire; ils sont touchés par le financement de l’éducation.

Les jeunes sont confrontés à des questions graves et importantes qui sont en lien avec le rôle du gouvernement. Depuis 2018, les personnes de moins de 18 ans sont deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les personnes âgées. Historiquement, le taux de chômage chez les jeunes est supérieur à celui de la population en général. Cependant, en raison de la COVID-19, les jeunes sont frappés de plein fouet par les perturbations économiques. En mai, le taux de chômage au Canada a grimpé à 13,7 %, mais le taux de chômage chez les jeunes a monté en flèche et atteint 29,4 %.

À cause de l’incidence de plus en plus importante des changements climatiques et des coûts qui y sont liés, ce sont les jeunes qui seront les plus touchés par notre inaction dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et dans le développement de la résilience des infrastructures. Les conséquences de l’intervention du gouvernement touchent un groupe de gens qui sont assez matures pour se faire une opinion éclairée, mais qui ne peuvent pas exercer des droits démocratiques.

Honorables sénateurs, le projet de loi vise à réparer cet affront démocratique et à améliorer la représentation de la société canadienne dans les isoloirs en permettant à davantage de gens d’exprimer leur opinion sur la façon dont le gouvernement touche leur vie.

Faire passer l’âge du vote à 16 ans renforcera notre démocratie en augmentant le nombre de gens qui prennent l’habitude de voter. Des études ont montré que les électeurs qui votent lors des premières élections où ils peuvent le faire sont plus susceptibles de continuer à voter au cours de leur vie.

Ne pas faire participer les jeunes au processus démocratique pourrait avoir des conséquences négatives sur la santé à long terme de notre démocratie. Au cours des 70 dernières années, le taux de participation aux élections fédérales n’a pas dépassé une seule fois les 70 %.

En examinant la ventilation démographique du taux de participation, il est facile de jeter un regard plein de déception sur les jeunes de 18 à 24 ans, qui sont souvent les moins susceptibles de voter. Selon Élections Canada, ce sont les Canadiens de 18 à 24 ans qui ont montré le moins d’intérêt à voter; le taux de participation en 2019 n’a été que de 57,1 %.

La mobilisation des jeunes est une responsabilité partagée. Il incombe dans une certaine mesure aux jeunes de s’impliquer. Par expérience, je sais que les jeunes sont prêts et disposés à participer à un dialogue constructif sur des questions sérieuses, ainsi qu’à passer à l’action.

Cependant, la société doit aussi assumer une responsabilité réciproque en permettant aux jeunes de participer au système démocratique et en les amenant à s’intéresser à leur milieu.

Les auteurs d’études sur l’incidence de la décision de faire passer à 16 ans l’âge de voter ont constaté qu’elle favorise le taux de participation aux élections non seulement des jeunes, mais aussi des adultes qui vivent dans leur entourage. Une étude réalisée par l’Université de Copenhague a révélé que l’influence des parents et des pairs est l’un des facteurs qui permettent le mieux de prédire la probabilité qu’un électeur se rende aux urnes pour la première fois. Les données empiriques de l’étude contredisent l’hypothèse voulant que les jeunes votent moins souvent. En effet, l’étude a révélé que les jeunes qui vivent avec un ou deux parents qui votent sont plus susceptibles de se rendre aux urnes qu’un jeune de 18 ans qui ne vit plus chez ses parents.

L’étude a aussi révélé que, lorsqu’ils quittent le foyer familial pour travailler ou poursuivre des études supérieures, les jeunes subissent de la part de leurs pairs une influence égale ou supérieure à celle de leurs parents. Ils sont moins susceptibles d’aller voter que s’ils vivaient encore chez leurs parents.

Bref, les jeunes qui vivent à la maison avec le soutien de leurs parents sont beaucoup plus susceptibles de voter que les jeunes de 18 ans qui, souvent, ont déménagé loin de la maison familiale et sont plus influencés par leurs pairs que par leur famille.

Une autre étude a révélé que l’avantage d’être parent d’un électeur nouvellement inscrit est que le parent est plus susceptible de voter à la même élection, ce qui augmente donc la participation électorale globale. Fait important, plus un électeur est âgé avant de voter pour la première fois, moins il y a de chances qu’il vote pour la première fois.

Une étude portant sur des élections autrichiennes a démontré que le taux de participation des jeunes âgés de 16 et 17 ans était supérieur de près de 10 % à celui des 18-20 ans. Le constat est clair : le fait d’abaisser l’âge du droit de vote va permettre aux jeunes Canadiens de s’engager plus tôt dans le processus démocratique et d’augmenter la participation électorale à long terme.

L’abaissement de l’âge minimal requis pour voter a permis d’augmenter la participation électorale en Autriche et en Écosse, pour ne citer que ces deux pays.

En 2007, l’Autriche a abaissé l’âge du vote à 16 ans. Les chercheurs ont constaté une hausse plus forte du nombre de jeunes qui votaient pour la première fois chez les 16 à 17 ans que chez les jeunes de 18 à 20 ans. Ils ont également constaté que le taux de participation des 16 et 17 ans n’était pas sensiblement inférieur au taux de participation moyen de l’ensemble de la population votante.

Il a également été constaté en Autriche que les moins de 18 ans étaient capables et désireux de participer à la politique et que leurs valeurs pouvaient être reflétées fidèlement dans les décisions politiques — aussi fidèlement que celles des personnes âgées de 18 à 21 ans. L’étude a également révélé que rien ne prouvait que le faible taux de participation était dû à un manque d’intérêt ou de capacité à participer.

Les jeunes sont intéressés. Ils sont prêts à participer. Posons un geste pour renforcer la démocratie en améliorant la participation au processus électoral. Invitons davantage de personnes qui devraient contribuer aux décisions importantes concernant les politiques et les dépenses qui les concernent. Faisons confiance aux jeunes et aidons-les à devenir les leaders qui seront bientôt au centre de l’éventail dynamique des questions auxquelles est confrontée notre société.

Les jeunes sont prêts et aptes à voter à 16 ans. Les données recueillies dans les pays qui ont abaissé l’âge de voter montrent que l’abaissement à 16 ans de l’âge de voter a des effets positifs. Les jeunes sont des personnes engagées, intéressées et mûres qui souhaitent et devraient être entendues sur les enjeux importants qui les concernent, eux et leur communauté.

Il y a déjà eu des projets de loi d’initiative parlementaire visant à abaisser à 16 ans l’âge de voter, mais ils ont tous été présentés à l’autre endroit. Le projet de loi S-219 nous donne l’occasion, en tant que sénateurs, de moderniser et de revitaliser la démocratie.

Et pour ceux qui s’inquiètent que le vote des jeunes vienne perturber le paysage politique actuel, regardons les chiffres. Réduire l’âge du vote permettrait à environ 800 000 personnes d’exprimer leur voix lors d’une élection. Le Canada comptait au total un peu plus de 27 millions de personnes admissibles à voter en 2019. Si vous ajoutez les 800 000 jeunes de 16 et 17 ans à ce nombre, cela représente une augmentation de 2,9 % du nombre total d’électeurs admissibles. C’est une fraction d’électeurs par rapport à l’ensemble de l’électorat et cela ne perturbera pas la concurrence politique au Canada.

Si les critiques avancent que les jeunes vont seulement voter pour un genre de parti, je vous rappelle le principe qu’il faut respecter le fait qu’une personne désignée apte à voter a le droit d’exprimer sa préférence politique. Le facteur décisif qui détermine si une personne est admissible ou non à voter est si elle possède la maturité et la responsabilité sociale sur lesquelles repose la capacité de voter. Nous ne devrions pas élargir le droit de voter à un groupe de citoyens simplement en fonction de leurs allégeances politiques. Une telle façon de penser est contraire à l’éthique du principe même de la démocratie, où la voix du peuple est la source du pouvoir légitime.

Les gens disent souvent que les jeunes sont désintéressés. Ce n’est pas ce que je vois ni ce que j’entends. Les jeunes participent déjà activement à la vie dans leur collectivité. Ils s’impliquent à l’école secondaire, où ils se joignent à des clubs et sont membres du conseil étudiant. Ils pratiquent des sports collectifs et s’intéressent au théâtre. Ils organisent des collectes de fonds pour des projets communautaires.

Les taux de participation aux élections ne confirment pas nécessairement l’idée que les jeunes se désintéressent de la politique. La seule chose dont nous puissions être certains concernant la faible participation aux élections est que, pendant une certaine période, après avoir atteint l’âge de 18 ans, les jeunes sont moins portés à s’engager sur le plan politique et à aller voter. Cela ne veut pas dire que les jeunes ne s’intéressent pas à la politique ou aux causes sociales dont les gens ordinaires peuvent se sentir investis au point d’exprimer leurs opinions et de consacrer temps et énergie à façonner la société dans laquelle ils souhaitent vivre.

Nous devons offrir aux jeunes qui n’ont pas encore trouvé une façon de faire leur contribution de citoyens selon leurs intérêts à eux un moyen de participer au renforcement des collectivités canadiennes. Réduire l’âge minimum pour voter permettrait aux jeunes de s’intéresser aux enjeux qui touchent leur collectivité, de comprendre comment le gouvernement interagit avec elle et de connaître les organismes qui œuvrent pour les améliorer.

Réduire l’âge minimum pour voter permettrait aux jeunes qui en auraient envie de connaître des organisations ou des activités grâce auxquelles ils acquerraient de saines habitudes de participation citoyenne. Je pense qu’il vaut la peine de créer plus d’occasions pour les jeunes de découvrir comment ils peuvent consacrer temps et énergie au développement de leurs collectivités.

Quand j’ai commencé à travailler avec les jeunes de mon conseil jeunesse sur l’idée de réduire l’âge requis pour voter aux élections fédérales, ils m’ont fait savoir clairement qu’il faudrait une campagne nationale galvanisée par de jeunes chefs de file. Le conseil jeunesse, dont les membres viennent de partout au Canada, travaille avec diligence, mène des recherches et des consultations et propose des stratégies de mobilisation pour que les jeunes Canadiens participent à toutes les étapes du projet de loi. Le Comité de directeurs des jeunes sur le vote à 16 ans, formé de membres du conseil jeunesse, m’offre une aide précieuse. Il m’a offert, jusqu’ici, des points de vue et des commentaires approfondis à chaque étape de l’élaboration du projet de loi. C’est un chantier qui dure déjà depuis longtemps. Depuis ma première année au Sénat, j’ai consulté de nombreux cercles de jeunes au Manitoba et ailleurs au pays. Je suis résolue à continuer de consulter de jeunes chefs de file pendant les différentes étapes du processus parlementaire. J’invite donc les jeunes, les mouvements de jeunes et les organismes centrés sur les jeunes à s’investir. Ils peuvent devenir mobilisateurs pour le vote à 16 ans et prendre part au processus.

Je conclurai avec les mots de la présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne-française, un organisme porte-parole pour la jeunesse franco-canadienne qui a été primordial dans le développement de la campagne pour le vote à 16 ans. Sue Duguay a dit ce qui suit :

Le projet de loi [proposé] remet sur la table un sujet de la plus grande importance. Je suis heureuse que la considération du vote à 16 ans soit toujours d’actualité. Les jeunes d’expression française s’engagent dans leur communauté — ce qui veut dire en politique — souvent bien avant la majorité. Autant de personnes qui ont un regard critique envers le système politique canadien, la voix des jeunes mérite d’être entendue et considérée.

La question du vote à 16 ans est bien plus large que d’exercer son droit de vote. Nous devons travailler ensemble, de concert avec les provinces et territoires, pour accroître l’éducation civique pour tous les jeunes Canadiennes et Canadiens. Nous implorons le gouvernement fédéral de considérer ce projet de loi attentivement puisqu’il adresse positivement un enjeu qui est prioritaire pour les jeunes depuis longtemps.

Encore une fois, c’est un honneur pour moi de porter le flambeau pour une démocratie juste et inclusive.

Nous devons inviter les jeunes chefs de file à participer aux décisions, car ce sont des membres de la société qui sont mûrs, engagés et bien informés. Ce sont nos partenaires et des acteurs essentiels dans la gouvernance à long terme de nos institutions et la revitalisation de la démocratie canadienne. Ils méritent d’avoir le droit de vote.

Merci, meegwetch.

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