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Le Code criminel

Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Rejet de la motion d'amendement

21 juin 2021


Honorables sénateurs, en tant que sénatrice indépendante du Manitoba, territoire du Traité no 1 et terre natale de la nation métisse, j’ai appuyé l’amendement proposé par le sénateur White et j’appuie cet amendement. Je félicite la sénatrice McCallum de l’avoir présenté et je vais donner mon appui si elle demande un vote par appel nominal. Il s’agit d’une mesure raisonnable pour répondre aux préoccupations des Premières Nations qui cherchent à obtenir des règles du jeu équitables, conformément à leurs droits en vertu de l’article 35 de la Constitution et conformément à la pratique établie par le gouvernement actuel par l’entremise des ministres des Relations Couronne-Autochtones et des Services aux Autochtones .

S’il y a bien une journée où nous pouvons être attentifs à la souveraineté des Premières Nations, c’est bien aujourd’hui. J’aborde ce débat sous le même angle que nous avons récemment adopté lors de notre débat précédant l’adoption du projet de loi C-15 la semaine dernière. Cette mesure législative vise à intégrer dans le système juridique canadien la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Je signale que cette approche a été adoptée tant par les sénateurs qui ont voté en faveur de ce projet de loi historique que par ceux s’y étant opposés.

Lors du débat sur le projet de loi C-15, le sénateur Plett a demandé si l’on sert mieux la cause de la réconciliation en lançant des accusations contre ceux qui ne souscrivent tout simplement pas à ce qui se dit dans la chambre d’écho, ou en optant plutôt pour le dialogue et le respect.

Cette question s’applique bien au projet de loi d’initiative parlementaire dont nous sommes saisis. Pouvons-nous nous arrêter et réfléchir? Aujourd’hui, ce qui se dit dans la chambre d’écho, c’est que nous devons adopter ce projet de loi d’initiative parlementaire, favorisé par le gouvernement pour des raisons plutôt nébuleuses, sans d’abord tenir dûment compte de ses répercussions sur les Premières Nations. Pour faire écho à ce qu’a dit le sénateur Woo lors d’un débat sur un autre projet de loi, nous devons soit corriger le projet de loi ou le renvoyer à l’autre endroit. Nous ne devrions pas nous faire bousculer.

Nous avons abondamment parlé de réconciliation. Cette mesure législative nous donne l’occasion d’agir. Les porte-parole des Premières Nations ont exprimé des doléances du fait que leur point de vue n’était pas pris en compte et certains d’entre eux ont même noté que le gouvernement accordait la priorité aux courses de chevaux, considérées comme relevant de la compétence du gouvernement fédéral comme les relations Couronne-Autochtones. Les partisans de ce projet de loi l’ont décrit comme une mesure simple qui vise à apporter une modification mineure à l’alinéa 207(4)b) du Code criminel. C’est peut-être effectivement le cas, mais l’amendement proposé est simple lui aussi. Il vise uniquement à ajouter une disposition qui reconnaît le droit des Premières Nations de négocier directement avec le gouvernement fédéral, de nation à nation.

Rappelons-nous que les Premières Nations n’ont pas été consultées ou incluses dans l’entente, et qu’elles n’ont pas non plus été mentionnées dans les modifications subséquentes au Code criminel. Or, on peut soutenir que le défaut de consulter les Premières Nations concernant les modifications apportées au Code criminel en 1985 et de tenir compte de leurs demandes constitue une violation de l’obligation fiduciaire de l’État envers les Premières Nations.

Quel est l’objet principal de ce projet de loi? On nous a dit qu’il vise à mettre un frein aux activités criminelles et aux détournements de fonds, à offrir aux joueurs canadiens ce qu’ils souhaitent apparemment et à fournir de nouvelles sources de recettes aux provinces en grandes difficultés financières, mais l’amendement proposé n’a aucune incidence sur ces objectifs. En fait, il appuie et accroît, globalement, les chances de les atteindre. L’adoption de cet amendement ne modifie en rien l’objet du projet de loi C-218 qui vise à ce qu’aucun Canadien ne se voit refuser le droit de faire des paris sportifs et, par ailleurs, les provinces engrangeraient encore des recettes par l’entremise de leurs sociétés de jeu de hasard, et les activités illégales seraient redirigées vers des établissements reconnus par la loi. La bonne nouvelle tient au fait que cet amendement renforcerait les objectifs visés en donnant aux Premières Nations un cadre stratégique pour exercer leur droit à l’autonomie gouvernementale, leur offrirait la reconnaissance juridique pour mener leurs activités sans être accusées de faire partie d’un marché gris, et élargirait leur capacité de diriger le développement économique dans l’intérêt des membres de leurs nations qui vivent sur leurs territoires respectifs.

Cet amendement garantit que les Premières Nations peuvent amorcer des négociations avec des tierces parties avec le même statut que les autres entreprises du Canada ou de l’étranger. Les Premières Nations ont déjà rapporté des communications trompeuses et des propos alarmistes laissant croire que leurs autorités qui régissent les jeux sont illégitimes. Nous savons que la modification apportée au Code criminel en 1985 n’inclut pas les Premières Nations dans la délégation des pouvoirs. Un rapport publié en 2020 par l’Institut Fraser a conclu que le transfert aux provinces, par le gouvernement fédéral, de la compétence dans le domaine des jeux s’avère être un facteur restrictif pour les Premières Nations puisque cela confère aux provinces un pouvoir législatif supérieur, qu’elles utilisent pour restreindre le rôle des Premières Nations.

Récemment, une lettre ouverte du Conseil des Mohawks de Kahnawake a fourni des exemples de la manière dont certains gouvernements provinciaux déploient plus d’effort qu’avant pour stigmatiser et marginaliser les droits des Premières Nations dans le domaine des jeux dans des communications destinées à des compagnies et à des entreprises tierces.

La plus grande source de préoccupation vient probablement du fait que les provinces se dressent contre les Premières Nations en prenant tous les moyens dont elles disposent sur le plan législatif et, parfois, militaire. En juin 2014, le casino Sand Hills, propriété à parts égales de 64 Premières Nations au Manitoba, a ouvert ses portes. Cependant, quelques années plus tard, l’Assemblée des chefs du Manitoba a intenté une action au civil de 1 milliard de dollars contre le gouvernement du Manitoba et la Société manitobaine des alcools et des loteries. Cette poursuite, qui est encore en cours, repose sur des allégations de rupture de contrat, de non-respect du devoir fiducial, de non-respect de l’obligation de consulter et de fausses déclarations faites par négligence en lien avec les jeux.

L’amendement de la sénatrice McCallum peut remédier au fait de ne pas avoir pris en considération les Premières Nations. N’est-ce pas une façon concrète et réalisable de promouvoir la réconciliation? Allons-nous volontairement rater cette occasion en toute connaissance de cause?

Ceux qui disent que cet amendement n’est pas du tout nécessaire ne doivent pas oublier que, même si le projet de loi C-218 éliminera l’interdiction des paris sur une seule épreuve sportive pour les provinces, s’il ne tient pas compte des gouvernements autochtones, il ne fera que creuser les désavantages considérables auxquels nombre de conseils autochtones doivent faire face.

Par ailleurs, sans cet amendement, le projet de loi C-218 n’établit aucun moyen concret pour que les Premières Nations puissent exercer leurs droits. Le fait que le projet de loi soit muet sur cette question pourrait amener des tiers à hésiter encore davantage à collaborer avec des Autochtones qui possèdent et exploitent des plateformes de paris sportifs.

La chef du Conseil des Mohawks de Kahnawake, Gina Deer, a dit ceci aux sénateurs :

[...] [D]es lois sont constamment créées pour nous chasser d’industries très lucratives. [...] Il est très difficile de croire en une véritable réconciliation et en un redressement des torts du passé.

La communauté de Kahnawake, au Québec, est reconnue comme un leader mondial en matière de réglementation.

Chers collègues, il y a peut-être un parallèle à établir avec le différend sur les pêches en Nouvelle-Écosse. Les pêcheurs des Premières Nations ont le droit de pratiquer la pêche pour s’assurer une subsistance convenable, mais le Parlement n’a jamais officiellement reconnu ce droit par voie législative, et ce droit est donc contesté et souvent bafoué, ce qui a entraîné des incidents violents et d’énormes préjudices économiques.

À ceux qui prétendent qu’il s’agit d’un dossier provincial, ce projet de loi vise le Code criminel du Canada, qui est certainement de compétence fédérale. Dans l’arrêt Furtney, la Cour suprême a jugé que les jeux peuvent être soumis à la fois aux lois fédérales et provinciales en vertu de divers chefs de compétence. Les provinces, qui tirent des revenus des jeux et des casinos, dont elles sont propriétaires, doivent composer avec un conflit d’intérêts intrinsèque. La compétence provinciale sur les entreprises de jeu des Premières Nations n’est pas une question de droit constitutionnel; elle est plutôt le résultat d’un transfert législatif qui peut être modifié par le Parlement et réglé dans cet amendement.

À ceux qui prétendent qu’il s’agit d’un dossier qui ne concerne que le Québec, je répondrai que c’est faux. Cette mesure législative aura une incidence sur le droit à l’autodétermination de centaines de groupes et de conseils autochtones partout au pays.

Comme le sénateur Cotter l’a indiqué, la Saskatchewan Indian Gaming Authority est un bon modèle de gestion de ce genre de négociations dans cette province. C’est louable, mais on ne retrouve pas un tel organisme dans toutes les provinces, et certaines Premières Nations n’en veulent pas.

Le sénateur Cotter nous a conseillé d’avoir « un peu confiance dans les provinces pour que tout se passe bien. » Malheureusement, je ne crois pas que la confiance suffise. Dans ses commentaires, il a fait allusion à une descente de police au Bear Claw Casino de la nation White Bear, en disant que :

[...] la GRC est arrivée, l’a fermé et a placé sous l’autorité de la justice tout le matériel de jeu et l’argent qui se trouvaient dans le casino.

Il a ajouté que la GRC avait exécuté ce raid avec le plus grand soin possible.

Le chef Bernard Sheppard, lui, a une autre version des faits. Il aurait vu une équipe d’intervention spéciale avec cagoules et fusils d’assaut, appuyée par des chiens, des hélicoptères et des barrages routiers, fondre sur le casino. Comme les policiers ne se sont pas identifiés, les employés ont cru qu’il s’agissait d’un vol à main armée. Le chef Shepherd a décrit la destruction des tables et de l’équipement de jeu, les boîtes de jeu fracassées et retournées et le rire des agents alors qu’ils confisquaient de l’équipement dans une semi-remorque.

Je suis consternée par le fait que la sécurité personnelle du sénateur Cotter ait été mise en danger pendant la crise. Je le félicite de son rôle de premier plan dans la résolution du problème au profit de la province et de la Saskatchewan Indian Gaming Authority. Cependant, les mesures musclées prises par les forces de l’ordre sont trop souvent la norme, et non l’exception, et il est donc difficile de faire pleinement confiance à la capacité de la province d’agir de manière juste et équitable. Cette modification permet aux Premières Nations d’uniformiser les règles du jeu.

En tant que sénatrice du Manitoba, dont la sœur est une ancienne jockey, je me réjouis de l’amendement de protection en faveur de l’industrie canadienne des courses à chevaux. Cependant, comme certaines personnes l’ont dit, ne signalons-nous pas une préférence pour les riches propriétaires de chevaux par rapport aux peuples autochtones?

Dans son discours du 15 juin sur le projet de loi C-15, le sénateur Plett a cité Shannon Joseph, qui a fait remarquer que les lois ambiguës rendent les investissements difficiles. En réalité, elle fait fuir les investissements en raison des craintes liées à l’incertitude.

Honorables sénateurs, ces arguments ne s’appliquent-ils pas tout autant à l’exclusion de la Première Nation dans le projet de loi C-218?

Je reconnais que des pressions considérables sont exercées pour faire adopter le projet de loi. Comme le sénateur Dagenais l’a éloquemment déclaré :

[…] j’ose espérer que la partisanerie et l’empressement d’accepter aveuglément les textes de loi de l’autre endroit ne seront pas aujourd’hui un frein à l’amélioration de ce projet de loi, dans l’esprit qui devrait toujours guider un gouvernement fédéral responsable.

La Commission du droit du Canada a fait valoir que le droit pénal canadien a été utilisé afin de consolider l’autorité des provinces sur le jeu en tant qu’instrument de génération de revenus, et pour en étendre l’accessibilité plutôt que de le restreindre véritablement. Sommes-nous en train de précipiter l’adoption du projet de loi parce que nous sommes redevables envers les grandes équipes professionnelles sans le savoir vraiment? Notre loi en matière de lobbying comporte une échappatoire qui a été déplorée par les commissaires au lobbying, actuelle et passée, qui permet aux compagnies de ne pas inscrire les contacts de lobbyistes à l’interne s’ils représentent moins que 20 % des heures d’un employé. Combien de temps faut-il pour faire quelques appels téléphoniques stratégiques?

Le commissaire de la Ligue canadienne de football a indiqué aux sénateurs que la légalisation des paris sportifs représentait une énorme possibilité et affirmé que la ligue serait prête d’ici la fête du Travail, sinon avant. La British Colombia Lottery Corporation a affirmé qu’elle serait prête presque immédiatement.

À ce stade-ci, nous ne pouvons pas supprimer cette échappatoire, mais nous pouvons rendre le projet de loi C-218 plus juste pour les Premières Nations du Canada. Je vous exhorte à voter pour cet amendement. C’est ce qu’il convient de faire. Si cela nous oblige à renvoyer le projet de loi à l’autre endroit, tant pis. Nous avons la responsabilité de fournir un second examen objectif, et non de nous plier à l’ordre du jour en matière de jeu. Idéalement, nous avons tous entendu les propos directs de la députée Mumilaaq Qaqqaq, qui a indiqué que sans action, la réconciliation n’est qu’un mot vide. L’amendement est un moyen concret, réalisable et simple d’honorer collectivement notre parole.

Merci. Meegwetch.

L’honorable Vernon White [ + ]

Honorables sénateurs, il est bon de nous revoir pour discuter du projet de loi C-218. Je vais maintenant parler de l’amendement proposé par la sénatrice McCallum.

Même si l’amendement proposé porte expréssement sur les droits des Autochtones, je dirais que les préoccupations soulevées rappellent franchement ce nous avons vu tout au long du cheminement du projet de loi C-218.

Quelques 29 mémoires ont été déposés et quelque 32 témoins ont comparu à l’autre endroit. Sur les 29 mémoires présentés, deux l’ont été par des Premières Nations et les deux ont recommandé des changements au projet de loi sous la forme d’amendement ou d’un report de la mise en œuvre afin que les provinces et les territoires consultent les Premières Nations afin de prendre en compte leurs intérêts lors de la mise en œuvre.

Parmi les 27 autres témoins, il y avait un représentant du Centre canadien pour l’éthique dans le sport. Il a formulé un certain nombre de recommandations, lesquelles ont été largement ignorées, notamment des recommandations en vue de changer le Code criminel concernant le trucage des matchs. Il y a aussi eu un représentant du Conseil pour le jeu resposables qui a parlé de la nécessité de travailler sur le lien entre la santé mentale et les jeux de hasard.

Bien que je comprenne la nécessité d’envisager des modifications au Code criminel du Canada en ce qui concerne les paris sur une seule épreuve sportive, ce qui devrait nous préoccuper avant toute chose et ce que nous devrions vraiment nous demander, c’est si l’autre endroit — et en son absence, le Sénat —a effectué un examen approfondi de cette mesure législative qui a été proposée mais n’a pas encore été adoptée.

Comme je l’ai mentionné dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, cette mesure législative a de nombreuses ramifications qui auraient pu et dû être examinées de plus près. Comme j’ai parlé des matchs truqués et exprimé mon opinion à cet égard, je ne vais pas me répéter aujourd’hui. Toutefois, nous pourrions aborder d’autres angles comme la santé mentale et l’incidence des micro-paris sur les joueurs, les moyens utilisés par les systèmes de mise en ligne pour retenir les joueurs ou l’éthique dans les sports. Je pourrais continuer, mais j’aimerais parler de l’amendement proposé puisqu’il s’agit du sujet de notre débat.

En 2019, l’Assemblée des Premières Nations avait demandé au gouvernement du Canada de se pencher sur l’article 207 du Code criminel, le même article que nous examinons aujourd’hui. La seule différence c’est que l’Assemblée des Premières Nations demandait au gouvernement du Canada de modifier le Code criminel afin d’inclure les Premières Nations dans les dispositions relatives au jeu. Au fond, au titre de la version actuelle du Code criminel, les casinos sont interdits sur les terres autochtones, sauf s’ils sont autorisés par le gouvernement provincial. Les chefs des Premières Nations veulent bâtir un plus grand nombre de casinos, car ils estiment que l’industrie du jeu pourrait aider les communautés autochtones ayant le moins de ressources à se sortir de la pauvreté.

Je vous cite Perry Bellegarde, le chef national de l’Assemblée des Premières Nations :

Il s’agit avant tout de reconnaître et de respecter la compétence des Premières Nations [...] Tous les programmes des partis devraient contenir un engagement à respecter la compétence des Premières Nations. Il s’agit de créer de très bons emplois bien rémunérés pour tous, et non seulement les Premières Nations, et c’est une autre façon de favoriser la stabilité économique.

Le jeu a des répercussions énormes sur l’économie. Il n’y a qu’une économie, les Premières Nations doivent en faire partie de façon concrète et substantielle, et cette mesure n’est qu’une des pièces du casse-tête. Envisager des modifications au Code criminel est tout simplement logique sur le plan économique.

Il en a beaucoup été question dans les dernières semaines.

Le gouvernement du Canada a refusé de revoir l’article 207 du Code criminel pour des raisons économiques en ce qui a trait aux Premières Nations du Canada, mais il est maintenant prêt à le faire pour les provinces, les territoires et, bien sûr, ceux qui ont le plus à gagner advenant l’autorisation des paris sur une seule épreuve sportive, c’est-à-dire les grandes entreprises, l’Association canadienne du jeu et d’autres intervenants de l’industrie.

D’ailleurs, à l’autre endroit, le seul amendement qui a été proposé à la suite des 29 mémoires et des 32 témoins du comité concernait directement les courses attelées au Canada. Il ne s’agit pas d’une mince affaire, et je suis entièrement d’accord avec l’amendement, mais qu’en est-il de l’argument que les dirigeants des Premières Nations font valoir depuis des années et qu’ils continuent de faire valoir? Qu’en est-il de l’argument que l’Assemblée des Premières Nations a fait valoir au gouvernement du Canada en 2019, et que les Premières Nations ont répété au Sénat et à l’autre endroit? Cela ne compte-t-il pas tout autant?

J’essaie de comprendre pourquoi le gouvernement n’a pas présenté son projet de loi comme prévu. Il l’a proposé environ au même moment. Il dirait que le projet de loi C-218 constitue un pas en avant dans le processus parlementaire, mais était-ce pour cette raison ou était-ce parce que le gouvernement ne souhaitait pas faire face à la multitude de questions qui doivent être envisagées avant qu’un tel projet de loi soit adopté, surtout en ce qui a trait à la discussion d’aujourd’hui à propos des questions d’accès équitable aux loteries et aux jeux, discussion qu’ont amenée le chef national de l’Assemblée des Premières Nations en 2019 et d’autres dirigeants des Premières Nations actuellement?

Le parrain et porte-parole pourrait dire que les ententes et les changements doivent être négociés entre les provinces et les Premières Nations. C’est un bon argument. Après tout, c’est précisément ce que le Code criminel indique, essentiellement :

[...] le gouvernement d’une province, seul ou de concert avec celui d’une autre province, peut mettre sur pied et exploiter une loterie dans la province [...]

Il précise qu’une province ou un groupe de provinces peuvent travailler ensemble.

Il semble donc que les Premières Nations, si une province le leur permet, peuvent exploiter une entreprise de jeu. Ce serait donc une question de volonté de la province. Depuis quand les droits des Premières Nations relèvent-ils d’une telle volonté?

Au cours des derniers mois et depuis des années, nous discutons de l’importance de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Maintenant, à la première occasion de prouver que nous pensions vraiment ce que nous avons dit, je dirais que nous balayons du revers de la main tout ce travail si nous n’apportons pas des changements importants à ce projet de loi pour répondre aux revendications de l’Assemblée des Premières Nations en 2019 et à celles d’autres Premières Nations qui se sont ajoutées.

Je ne pense pas que nous ayons réfléchi à un certain nombre d’enjeux qui ont été soulevés. Il y a notamment la sénatrice Simons qui a parlé des micro-paris et des problèmes de dépendance qui y sont associés, ainsi que la sénatrice Batters qui a soulevé des questions sur la maladie mentale à l’intention du parrain à l’étape de la deuxième lecture, sans oublier les enjeux entourant l’éthique sportive selon des experts.

De toute évidence, ce qui me dérange dans ce projet de loi, c’est que nous n’avons pas fait notre travail, le travail que la population attend de nous. Elle s’attend à ce que nous présentions une mesure législative qui tient compte des enjeux soulevés; en l’occurrence les droits des Premières Nations. Si nous convenons que les peuples et les gouvernements autochtones ont le droit de créer leurs propres débouchés économiques — ces mêmes débouchés dont profitent les autres gouvernements au titre de la loi fédérale et de l’article 207 du Code criminel intitulé « Loteries autorisées » —, nous avons la possibilité, en cette Journée nationale des peuples autochtones, de faire ce qui s’impose et d’accepter l’amendement présenté, le plus tôt possible après l’adoption du projet de loi de mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénatrice Batters, avez-vous une question à poser?

L’honorable Denise Batters [ + ]

Oui. Sénateur White, la dernière fois que nous nous sommes occupés de ce projet de loi, le sénateur Cotter a fait référence à un avis juridique qu’il avait demandé au sujet de l’amendement que vous proposiez. Je n’ai reçu cet avis que ce week-end, après coup, malheureusement. Dans son avis juridique, l’auteur, qui est un professeur de droit pénal déclare que le principal :

[...] préjudice causé au système de justice pénale par l’infraction qu’est le trucage des matchs, c’est que cela pourrait amener la police à déposer deux accusations pour la même infraction et il faudrait éviter cela.

Ce n’est pas quelque chose dont le sénateur Cotter a parlé la semaine dernière. Cependant, sénateur White, selon mon expérience de la pratique du droit — je suis sûre que vous êtes d’accord avec moi, après des décennies dans la police — est que la police porte plus d’une accusation pour le même motif tous les jours. Prenons l’exemple d’un taux d’alcoolémie supérieure à 0,08 mg et la conduite avec facultés affaiblies ou bien, la « fraude » et le « vol ». Seriez-vous d’accord pour dire qu’il s’agit de quelque chose de courant? J’aurais aimé que nous ayons cet avis juridique plus tôt.

Le sénateur White [ + ]

Je vous remercie beaucoup de la question. En fait, j’aurais aimé avoir l’avis juridique plus tôt. J’aurais pu en parler lors de la dernière séance concernant les épreuves truquées. En fait, dans le seul cas qui a été présenté par le parrain lors des audiences du comité, deux accusations ont été portées pour la même infraction : « tricherie au jeu », que la Cour suprême a décidé de renvoyer, et « fraude ». Il n’est pas rare d’avoir plusieurs accusations. Je crois que si nous avions eu l’avis juridique plus tôt, nous aurions pu avoir une discussion plus approfondie sur la nécessité de modifier le Code criminel.

L’honorable Brent Cotter [ + ]

Honorables sénateurs, je serai bref. J’appuie le sentiment général qui sous-tend l’amendement de la sénatrice McCallum. Toutefois, j’ai des réserves à trois égards et, pour ces raisons, je m’y opposerai.

Premièrement, l’amendement propose un cadre énormément élargi de réglementation qui s’appliquerait au jeu en général et non uniquement aux paris sur une épreuve sportive simple, le sujet précis et étroit de ce projet de loi. Une telle démarche aurait de vastes ramifications, puisque l’on propose d’apporter une modification de fond à l’une de nos lois les plus puissantes et les plus tentaculaires, le Code criminel. À mon avis, c’est problématique.

Deuxièmement, l’amendement vise à intégrer à une disposition du Code criminel un aspect du droit inhérent à l’autogouvernance qui se trouve à l’article 35 de la Loi constitutionnelle. Le progrès vers l’autodétermination est important, mais le moyen d’y parvenir n’est pas une simple disposition du Code criminel traitant des paris sportifs. Cela ne correspond pas au but principal du Code criminel. Une modification de dernière minute à une loi aussi importante nécessite d’être étudiée beaucoup plus minutieusement que ne le permet cet amendement.

Troisièment, je crains que tout amendement adopté aussi tard dans le processus ne retarde la progression du projet de loi pour une période indéterminée. Ce projet de loi représente, à tous les points de vue, une occasion pour de nombreuses Premières Nations de ma province. D’ailleurs, les 74 Premières Nations de la Saskatchewan appuient toutes ce projet de loi dans sa forme actuelle.

Les Premières Nations en Saskatchewan représentent moins de 20 % de la population, mais reçoivent pourtant 50 % des avantages liés au jeu dans la province. Elles recevront une proportion équivalente des avantages qui découleront de l’adoption de ce projet de loi en ce qui a trait aux emplois et aux retombées économiques pour leurs communautés.

À moins que le projet de loi ne comporte une grave lacune — ce qui n’est pas le cas, à mon avis —, je ne vois pas ce qui justifierait qu’on nuise à la possibilité de créer des emplois et d’augmenter les ressources de ma province, en particulier pour les membres et les communautés des Premières Nations, qui appuient entièrement cette initiative.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

À mon avis, les non l’emportent.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Je vois deux sénateurs se lever. Nous tiendrons donc un vote par appel nominal. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Quinze minutes. Les sénateurs sont-ils d’accord pour 15 minutes? Le vote aura donc lieu à 17 h 11.

Convoquez les sénateurs.

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