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Projet de loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter)

Deuxième lecture--Ajournement du débat

10 février 2022


Propose que le projet de loi S-201, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-201. Ce projet de loi vise à réduire l’âge de voter au fédéral de 18 à 16 ans.

Quoi de mieux que de déposer ce formidable projet de loi, qui vise à inclure les jeunes Canadiennes et Canadiens dans notre démocratie et qui a été développé au fil des années en collaboration avec mon équipe et mes conseillers jeunesse — le Conseil canadien de jeunes féministes — et une multitude de regroupements jeunesse de partout au pays et dans le monde?

Aujourd’hui, je suis heureuse d’entamer encore une fois le débat à l’étape de la deuxième lecture d’un projet de loi — appelé cette fois-ci le projet de loi S-201 —, qui modifierait la Loi électorale du Canada afin d’abaisser de 18 à 16 ans l’âge de voter aux élections fédérales. Ce projet de loi apportera également plusieurs modifications mineures à la même loi afin que le processus de vote tienne compte de l’abaissement de l’âge de voter à 16 ans et de l’enregistrement des électeurs potentiels de 14 et 15 ans.

C’est la troisième fois que je présente ce projet de loi. Bien que j’espère pouvoir le mener plus loin cette fois-ci, je vous dis en toute sincérité que je suis très inquiète pour notre démocratie. Le droit de vote à l’âge de 18 ans a été établi il y a plus de 50 ans; je suis convaincue que ce projet de loi relativement simple contribuera à revitaliser notre démocratie. Cette mesure législative demeure donc une priorité à mes yeux.

Je suis très reconnaissante aux nombreux sénateurs qui ont cru que ce projet de loi, alors appelé le projet de loi S-209, valait la peine d’être examiné et qui ont voté pour le renvoyer au comité durant les derniers jours de la législature précédente. Ce fut le premier projet de loi du genre à se rendre aussi loin au Parlement. Que les sénateurs aient été d’accord ou non pour accorder le droit de vote aux Canadiens de 16 et de 17 ans, il est encourageant que la plupart des sénateurs aient reconnu l’importance de permettre à un comité d’étudier, d’examiner et d’évaluer les mérites d’inclure les jeunes Canadiens dans notre système électoral.

Pour moi, cela indique clairement les deux choses suivantes. Premièrement, cela montre que nous reconnaissons et respectons la maturité, l’engagement et le rôle important des jeunes, et nous reconnaissons qu’ils méritent qu’on se penche sérieusement sur leur participation accrue au processus électoral au lieu de rejeter cette possibilité sans réfléchir. Deuxièmement, cela indique que nous honorons notre obligation d’étudier attentivement et équitablement des questions d’intérêt national.

Je suis consciente qu’il y a des opinions bien tranchées dans les deux camps, mais, en tant que sénateurs, nous devons veiller non seulement à ce que toutes les propositions législatives dont nous sommes saisis fassent l’objet d’un premier et d’un second examens objectifs, mais aussi à ce que ces mesures soient soumises à une étude approfondie. Après avoir entendu les interventions de mes collègues sur ce projet de loi, je vous demande de voter pour que le débat sur cette question se poursuive.

Par ailleurs, puisque je sais que tous les sénateurs sont des Canadiens intelligents et dévoués, je demande à ce que tous soient libres d’exercer leur droit de vote de façon indépendante au moment de se prononcer sur ce projet de loi.

Honorables collègues, ce projet de loi n’a rien de bien compliqué, mais il pourrait avoir une énorme incidence et servir de catalyseur et de multiplicateur de forces dans la revitalisation de notre démocratie. La justification est simple : nous devrions abaisser à 16 ans l’âge de voter parce que les jeunes du Canada sont suffisamment compétents, informés et motivés pour voter. Abaisser l’âge de voter augmentera la participation électorale en donnant aux jeunes l’occasion de voter pour la première fois dans un contexte encadré, dans la plupart des cas par leur école et leur famille.

En outre, les études confirment que plus les nouveaux électeurs commencent à voter jeunes, plus ils sont susceptibles de continuer à voter à l’avenir. Il est lamentablement paradoxal que les bureaux de vote soient souvent situés dans les écoles secondaires, et que la plupart des élèves doivent regarder de loin les autres exercer leur droit de vote.

Ce ne sont pas là des affirmations anecdotiques. Ce sont des faits confirmés par un nombre croissant d’études quantifiables réalisées dans plusieurs pays, notamment en Autriche, où les jeunes de 16 et 17 ans ont obtenu le droit de vote en 2007.

Cessons de servir des platitudes aux jeunes et de leur dire qu’ils sont « les leaders de demain », alors que, en vérité, nous savons tous que nous partageons déjà le leadership avec eux de nos jours, car ils sont de véritables participants aux institutions qui gouvernent le pays. C’est une occasion importante pour nous d’accroître leurs droits et de leur tendre la main afin qu’ils participent pleinement au façonnement de notre avenir commun.

Lorsque ce projet de loi a été débattu à la session précédente, certains sénateurs ont fait valoir que l’âge du droit de vote de 18 ans était de facto immuable et permanent. Mais nous savons que c’est faux. L’âge minimal pour voter est une construction sociale et juridique. Il a été changé il y a 50 ans par voie législative, sans avoir à modifier la Constitution. En outre, le consensus actuel sur l’âge de 18 ans n’est qu’une étape d’une évolution amorcée il y a plus d’un siècle, qui suit un mouvement descendant, c’est-à-dire de 21 à 18, et aujourd’hui, à 16 ans, dans divers pays occidentaux.

À l’époque de la Confédération, l’âge légal pour voter était de 21 ans. Toutefois, seuls les hommes blancs propriétaires fonciers pouvaient voter. Les femmes, les Autochtones, les personnes noires, les autres personnes de couleur, ainsi que les membres de certaines religions, ne pouvaient pas participer au processus démocratique. En 1917, pendant la Première Guerre mondiale, le droit de vote a été élargi à tous les militaires canadiens, y compris, avec certaines restrictions, aux femmes et aux Autochtones ayant le statut d’Indien au titre de la Loi sur les Indiens. Après que certaines Manitobaines ont obtenu, les premières, le droit de vote au Canada, au prix d’une dure bataille, ce droit a été accordé en 1918 à de nombreuses autres femmes âgées de plus de 21 ans, mais pas aux femmes autochtones.

En 1960, la Loi électorale du Canada donnait le droit de vote aux personnes ayant le statut d’Indien aux termes de la Loi sur les Indiens. Puis, après un grand débat national sur le fait que des personnes aussi jeunes ne pourraient certainement pas exercer une responsabilité aussi importante, la Loi électorale du Canada a été modifiée afin de faire passer l’âge du droit de vote de 21 ans à 18 ans en 1970, il y a plus d’un demi-siècle.

Nous sommes à la veille d’une nouvelle ère de changement. Le projet de loi à l’étude est une réponse aux demandes sans cesse croissantes pour l’élargissement du droit de vote. Ce sont des jeunes qui sont à l’origine de ce mouvement, mais pas seulement. Honnêtement, les jeunes d’aujourd’hui sont beaucoup plus impressionnants, engagés et responsables que nous l’étions probablement à leur âge. Ils nous regardent. Ils attendent que les parlementaires les écoutent. Peu importe les affiliations politiques, les sénateurs devraient écouter avec respect ce que les jeunes membres de la société ont à dire.

D’ailleurs, la Commission Lortie tenue en 1991 peut nous éclairer à ce sujet. Même si elle n’avait pas fait la recommandation de modifier l’âge du droit de vote à l’époque, la commission avait tout de même insisté dans son rapport, à la page 51, pour dire que cette décision était appelée à changer :

Depuis la Confédération, le droit de vote a été graduellement étendu pour inclure un nombre sans cesse croissant de Canadiens et Canadiennes. Au fil des ans, il est possible que l’abaissement de l’âge électoral devienne une revendication plus pressante de la part des intéressés et que ce projet finisse par recueillir l’appui des Canadiens et Canadiennes [...] Au Canada, l’âge électoral n’est pas inscrit dans la Constitution. Il est donc facile de le modifier. En conséquence, nous recommandons [...] que le Parlement revoie la question périodiquement.

Cela fait 52 ans que l’âge requis pour voter est passé à 18 ans, et cela fait 32 ans que la Commission Lortie a demandé au Parlement de revoir la question.

Pour illustrer les avancées en ce sens, je rappelle aux sénateurs qu’il y a actuellement au Parlement deux projets de loi sur l’abaissement de l’âge requis pour voter, et qu’en fait, depuis plus de 20 ans, il y a toujours eu un projet de loi à l’étude sur ce sujet. Sur le plan international, plus de 20 pays ont mis en place un droit de vote partiel ou intégral à 16 ans, et les résultats observés sont positifs. Par exemple, on a observé une augmentation de la participation civique chez les jeunes et chez les personnes de leur entourage.

Les campagnes de #Vote16 n’ont cessé de gagner du terrain dans les provinces et les municipalités, surtout en Colombie-Britannique et à l’Île-du-Prince-Édouard. Plus récemment, en décembre 2021, un groupe de jeunes Canadiens a déposé une requête à la Cour supérieure de justice de l’Ontario visant à contester l’âge requis pour voter. Ils avancent que la Loi électorale du Canada, qui empêche les citoyens de moins de 18 ans de voter aux élections fédérales, contrevient aux articles 3 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés et qu’elle est par conséquent anticonstitutionnelle. Il faudra un certain temps avant que la cour se prononce.

Les arguments avancés afin de contrer l’idée de diminuer l’âge légal pour voter et le faire passer à 16 ans sont semblables à ceux des années 1940, 1950 et 1960, alors qu’on souhaitait faire passer cet âge à 18 ans. En fait, ils sont remarquablement semblables aux arguments avancés contre le droit de vote des femmes.

Les critiques adressées aujourd’hui à la jeunesse nous renvoient à ces débats historiques. Les jeunes sont collectivement accusés d’être trop mal informés, trop indifférents et trop immatures. De nos jours, il y a abondance de preuves prouvant que ce stéréotype est faux. En effet, les preuves démontrent que les Canadiens de 16 à 17 ans sont plus que suffisamment mûrs, informés et prêts à exercer leur droit de vote aux élections fédérales, tout comme leurs pairs de 18 ans et des adultes plus âgés.

Examinons quelques préoccupations et stéréotypes soulevés jusqu’à maintenant dans le débat sur l’abaissement de l’âge du vote à 16 ans.

En ce qui concerne la question de maturité, les détracteurs affirment que les jeunes de 16 ans ne sont pas assez mûrs pour voter. Penchons-nous toutefois un peu plus sérieusement sur le concept de maturité, qui est souvent assimilé à l’âge.

Sarah Rohleder et sa sœur Megan Rohleder, deux élèves du secondaire manitobaines de 15 et 16 ans, respectivement, ont fait cette observation succincte dans le document de recherche qu’elles m’ont envoyé : « La maturité n’est pas une question d’âge. »

En dehors du vote, les législateurs canadiens sont déjà arrivés à la conclusion que les jeunes de 16 à 17 ans sont suffisamment mûrs pour se lancer dans de nombreuses activités qui requièrent de la maturité et la capacité de prendre des décisions responsables.

La société canadienne considère que les personnes de 16 ans sont suffisamment mûres pour s’enrôler dans la réserve des Forces armées canadiennes. On leur offre la possibilité d’assumer l’une des plus grandes responsabilités qui soient, celle de servir leur pays et d’accepter des responsabilités illimitées, quitte à devoir faire le plus grand des sacrifices.

Nous estimons que les jeunes de 16 ans sont assez mûrs pour conduire une voiture — en gros, un engin qui sème la mort — sur les mêmes routes que tout le monde. On leur fait confiance pour s’installer derrière le volant, une activité qui, statistiquement parlant, est l’une des plus dangereuses que l’on peut pratiquer au quotidien.

On considère qu’une personne de 16 ans a la maturité voulue pour donner son consentement à des actes sexuels ou pour se marier légalement, avec le consentement de ses parents. On considère que les jeunes ont la maturité voulue pour connaître leur corps et être en mesure de faire leurs propres choix de manière autonome concernant des questions liées à leur santé.

On considère que, à 16 ans, une personne est en âge de travailler, de gagner un salaire et de payer un impôt sur ce revenu. Les gouvernements prennent l’argent des travailleurs canadiens de 16 ans et ils créent des politiques et des lois qui les touchent, mais sans que ces derniers aient leur mot à dire. Dès l’âge 12 ans, les jeunes peuvent être accusés d’une infraction criminelle au titre du Code criminel du Canada. À l’âge de 14 ans, ils peuvent être jugés comme des adultes et condamnés à une peine d’emprisonnement. Nous tenons les jeunes responsables de leurs actes devant la loi et estimons qu’ils sont assez matures pour assumer les conséquences de leurs actes et purger les peines qu’ils encourent, et pourtant, nous les jugeons incapables de voter. Ils sont assez matures pour être des criminels, mais trop immatures pour voter.

En résumé, on considère que les jeunes de 16 et de 17 ans ont la maturité voulue pour assumer leurs responsabilités lorsqu’il est question de s’enrôler dans l’armée, de consentir à des rapports sexuels, de conduire une voiture, de payer de l’impôt, d’être jugé comme des adultes, de se marier et d’avoir des enfants. Pourtant, ils n’ont pas accès au moyen le plus fondamental et démocratique qui soit pour donner leur avis : le droit de vote. Cette vision contradictoire et incohérente de la maturité électorale des jeunes ne cadre pas avec les lourdes responsabilités que la société leur a déjà confiées.

Pourquoi tenons-nous les jeunes à l’écart du cœur de notre démocratie, qui englobe le droit de voter? Nous devons plutôt les mobiliser pour en faire des partenaires de la revitalisation de notre démocratie. Il s’agit d’une occasion incontournable de traiter les jeunes Canadiens avec le respect qu’ils méritent, car ils l’ont gagné. Les jeunes sont nos partenaires dans l’intendance de notre pays et des institutions qui nous gouvernent.

Regardez autour de vous. Même si 30 ans représente l’âge minimal pour être nommé au Sénat, il n’y a aucun sénateur sous la barre des 40 ans. Pour la première fois de notre histoire, le Canada est devenu un vieux pays. Je veux dire par là que les membres des générations plus âgées sont plus nombreux que ceux des générations plus jeunes. Selon Statistique Canada, ce déséquilibre dans la population va aller en augmentant et dans moins de 10 ans les aînés pourraient représenter près du quart de la population.

Songeons au fait que la dette fédérale dépasse 1,2 billion de dollars. Ce n’est pas notre génération qui va devoir supporter tous les effets à long terme de la longue reprise qui nous attend.

Au sujet des citoyens informés, certains détracteurs prétendent qu’à 16 ans, on n’est pas suffisamment informés pour voter. Les jeunes de 16 et 17 ans que je connais, ceux de 14, 15, 16 et 17 ans qui m’ont envoyé des mémoires en faveur de mon projet de loi ont rédigé des documents auxquels j’aurais donné avec joie une excellente note selon mes critères de professeur d’université. Selon les données recueillies, les jeunes de 16 et 17 ans sont capables de prendre une décision éclairée fondée sur leurs valeurs et leur vision de l’inclusion et du progrès.

Chers collègues, mon père s’est d’abord présenté sous la bannière conservatrice à l’invitation du regretté sénateur Dufferin Roblin, qui était alors premier ministre du Manitoba. Dès l’âge de 12 ans et pendant des années, j’ai fait du porte-à-porte pour plusieurs candidats représentant toutes sortes de partis politiques. Ceux qui ont vécu la même chose sauront que bon nombre d’électeurs beaucoup plus âgés que 16 ans n’ont pas la maturité nécessaire pour voter et ne sont pas vraiment informés, mais nous serions les premiers à nous battre pour qu’ils conservent leur droit de vote.

Ce n’est pas parce qu’un électeur a une position ambivalente dans certains dossiers qu’il est mal informé et qu’il est incapable de voter de manière éclairée le jour venu. Les électeurs informés connaissent leurs propres valeurs et peuvent les transposer dans leur vision du Canada lorsqu’ils déposent leur bulletin dans l’urne.

Vous n’avez pas à me croire sur parole. Depuis 10 ans, bon nombre de recherches ont permis d’établir que les jeunes de 16 et de 17 ans sont au moins autant sinon plus capables de voter de manière responsable que ceux de 18 ans.

Je me permets de citer un texte rédigé par Sarah et Meaghan Rohleder, qui n’ont pas encore l’âge de voter. Elles nous rappellent qu’en Autriche, à Malte et à Guernesey, qui ont toutes abaissé l’âge légal pour voter à 16 ans, le taux de participation aux élections fédérales tourne autour de 70 %, ce qui est très élevé. L’Autriche arrive même en tête de l’Eurobaromètre pour le taux de participation des 15 à 30 ans, qui est de 79 %, alors que le taux général de participation en Europe est de 64 %.

Une étude danoise a révélé que les jeunes de 18 ans sont plus susceptibles de voter pour la première fois que les jeunes de 19 ans. Plus les mois passent, moins les jeunes sont susceptibles d’aller voter pour une première fois. L’abaissement de l’âge du vote permettra aux gens de voter avant de quitter l’école secondaire et le domicile familial et d’établir des habitudes de vote pour la vie.

D’autres données recueillies en Autriche confirment que le taux de participation des nouveaux électeurs est plus élevé chez les jeunes et qu’il se maintient également dans le temps. Ces données montrent que les jeunes de 16 et 17 ans sont prêts à prendre des décisions judicieuses et à participer de manière constructive à la démocratie. Pouvoir voter et exprimer son opinion a quelque chose de puissant. C’est un geste simple, mais qui compte énormément.

Dans un autre document de recherche qui m’a été envoyé par trois élèves du secondaire du Manitoba, on cite plusieurs études, dont une publiée par la London School of Economics. Selon cette étude, les deux premières élections d’un électeur détermineront ses futures habitudes de vote. Chaque élection subséquente ne fera que renforcer davantage cette habitude.

Selon Avinash, Rooj et Shiven, ces élèves du secondaire, « c’est la recette d’un électeur à vie ».

Ces élèves ont aussi indiqué qu’une des formes de cognition est la cognition rationnelle. Elle est généralement liée à la pensée, à l’attention, à la mémoire et aux gestes du quotidien. Il s’agit en fait d’une cognition non émotionnelle. Il y a aussi la cognition émotionnelle, la cognition sociale.

Pour des décisions comme celle de voter, notre cerveau utilise la cognition froide. Bien que la cognition chaude continue de se développer jusqu’à la mi-vingtaine, des résultats de recherche en psychologie indiquent que la cognition froide est complètement développée et atteint sa pleine maturité avant l’âge de 16 ans. Cela mérite d’être répété. Selon des observations cliniques en neuroscience cognitive, une personne âgée de 16 ans a toutes les facultés intellectuelles nécessaires pour prendre des décisions politiques avec la même acuité mentale qu’un adulte.

Honorables collègues, ce sont des données et des arguments rationnels qui sont supérieurs aux données anecdotiques qui forment l’essentiel des arguments avancés par des experts invités à des émissions-débats et d’autres opposants pour justifier l’exclusion des jeunes électeurs.

Dans le cadre d’une étude de l’American Academy of Political and Social Science, on a vérifié l’exactitude des connaissances politiques des adolescents. Selon les résultats de cette étude, en moyenne, les personnes âgées de 16 ans ont obtenu des notes comparables à celles des personnes considérées comme des adultes en ce qui concerne les connaissances civiques, les compétences politiques, l’efficacité politique et la tolérance.

Encourager la participation des jeunes et abaisser l’âge du droit de vote sont des objectifs qui se renforcent mutuellement. Des études importantes réalisées dans les 20 dernières années tendent à démontrer l’effet corollaire de l’éducation et de la formation sur les habitudes et la confiance électorales. Le fait d’abaisser l’âge du droit de vote en le faisant passer de 21 à 18 ans, ou de 18 à 16 ans s’accompagne d’une augmentation des efforts d’éducation civique et du soutien connexe pour les nouveaux électeurs potentiels, ce qu’Élections Canada s’efforce de faire depuis plus de 100 ans.

Je souligne que tous les rapports de recherche sur l’abaissement de l’âge du droit de vote à l’échelon fédéral, quel que soit l’âge, recommandent d’accroître les efforts pour développer les connaissances, la conscience, le jugement, le dialogue et donc les capacités en matière politique.

La plupart des jeunes de 16 ans sont à l’école secondaire où ils bénéficient d’un cadre d’apprentissage qui leur permet d’acquérir les connaissances nécessaires pour voter de manière éclairée. Les Canadiens âgés de 16 ans ou de 17 ans sont dans une position particulièrement avantageuse et unique, car ils peuvent apprendre les rouages du processus politique, l’histoire de notre démocratie et l’importance de voter. Je suis d’accord avec ceux qui pensent que le droit de vote devrait être accordé à un plus jeune âge encore. Les jeunes d’aujourd’hui évoluent dans un environnement où ils passent leur temps à s’interroger sur les enjeux importants auxquels nous sommes tous confrontés.

Dans la classe, les jeunes se retrouvent dans un environnement structuré pour discuter des divers partis politiques aux échelons fédéral et provinciaux, en plus de connaître leurs programmes sur les enjeux nationaux et internationaux qui touchent l’environnement, l’économie et la société. Les élections offrent aux jeunes l’occasion de s’exercer à forger leur opinion et à l’exprimer au moyen du vote. L’école leur procure un environnement propice à la consultation des ressources dont ils ont besoin pour faire un choix éclairé dans le cadre d’une élection.

Pensons à la représentation effective, honorables sénateurs. Voter est un acte simple qui a un effet profond. C’est un acte qui reconnaît qu’une personne peut contribuer à une décision touchant sa collectivité et son pays. Il permet aux citoyens de participer au processus décisionnel et de tenir les personnes au pouvoir responsables de leurs actes. D’ailleurs, les jeunes citoyens portent le fardeau des décisions qui sont prises de nos jours. Jusqu’à un certain point, ce sont leurs futurs revenus que nous dépensons maintenant. En donnant le droit de vote aux jeunes, nous pourrions renforcer la représentation politique de la population et inciter les dirigeants de ce monde à prendre des décisions qui ne nuiront pas aux jeunes une fois qu’ils seront eux-mêmes des parents ou des grands-parents.

Il n’y a pas que les politiques sur l’éducation et les changements climatiques qui intéressent les jeunes, celles sur le logement les touchent on ne peut plus directement le jour où ils décident de quitter le nid familial. Lorsqu’un jeune doit se déplacer, il est touché par la planification des transports en commun et des infrastructures. Lorsqu’un jeune se demande comment il va s’occuper de ses parents âgés, il est touché par les politiques relatives aux aînés. Les politiques fiscales et budgétaires pèsent aussi dans la balance quand il fait son entrée sur le marché du travail. Lorsqu’un jeune doit acheter de la nourriture pour lui-même ou sa famille, il est touché par le prix des aliments. Lorsqu’un jeune cherche à se faire soigner, il est touché par le niveau de financement du système de santé. Le nombre de jeunes qui souhaitent poursuivre des études postsecondaires est beaucoup plus élevé que le nombre de jeunes qui sont en mesure de le faire; ils sont touchés par le financement de l’éducation.

Les jeunes sont confrontés à des enjeux qui rejoignent les responsabilités du gouvernement. Depuis 2018, les personnes de moins de 18 ans sont deux fois plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les personnes âgées. Historiquement, le taux de chômage chez les jeunes est supérieur à celui de la population en général. La pandémie a exposé au grand jour la vulnérabilité des jeunes et le fardeau disproportionné qu’ils sont forcés de porter. Pendant les premières vagues de la pandémie, le taux de chômage des jeunes a bondi jusqu’à 29,4 %. Les statistiques de janvier 2022 révèlent que ce taux se situe maintenant à 13,6 %, soit plus du double du taux national actuel.

À cause de l’incidence de plus en plus importante des changements climatiques et des coûts qui y sont liés, ce sont les jeunes qui seront les plus touchés par notre inaction dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et dans le développement de la résilience des infrastructures. Les conséquences de l’intervention du gouvernement touchent une cohorte de jeunes citoyens qui sont assez matures pour se faire une opinion éclairée, mais qui ne peuvent pas exercer leur droit démocratique de voter.

Pensons au renforcement de la démocratie, car le fait de faire passer l’âge du vote à 16 ans renforcera notre démocratie en augmentant le nombre de gens qui prennent l’habitude de voter. Des études ont montré que les électeurs qui votent lors des premières élections où ils peuvent le faire sont plus susceptibles de continuer à voter au cours de leur vie. Ne pas faire participer les jeunes au processus démocratique pourrait avoir des conséquences négatives sur la santé à long terme de notre démocratie. Au cours des 70 dernières années, le taux de participation aux élections fédérales n’a pas dépassé une seule fois les 70 %.

En examinant la ventilation démographique du taux de participation, il est facile de jeter un regard plein de désapprobation sur les jeunes de 18 à 24 ans, qui sont souvent les moins susceptibles de voter. Selon Élections Canada, ce sont les Canadiens de ce groupe d’âge qui ont montré le moins d’intérêt à voter; leur taux de participation en 2019 a été de 57,1 % au pays.

La mobilisation des jeunes est une responsabilité partagée. Il incombe dans une certaine mesure aux jeunes de s’impliquer. Par expérience, je sais que les jeunes sont prêts et disposés à participer à un dialogue constructif sur des questions sérieuses. Cependant, la société doit aussi assumer une responsabilité réciproque en permettant aux jeunes de participer au système démocratique et en les amenant à s’intéresser à leur milieu. Il faut aussi tenir compte du fait que le désengagement politique des jeunes s’explique notamment par leur exclusion du processus électoral. Comme le résume bien les jeunes auteurs du rapport National Youth Dialogue on Lowering the Voting Age :

Il est extrêmement frustrant d’être grandement touché par les politiques du gouvernement sans aucun moyen d’exercer une influence concrète sur le processus décisionnel derrière celles-ci [...] Se faire traiter comme si sa voix n’avait pas d’importance est un obstacle de taille à l’expression politique [...]

 — et à la participation.

Une étude portant sur le lien entre l’âge requis pour voter et le taux de participation aux élections au Danemark a montré que les jeunes sont plus susceptibles de voter à 16 ans, alors que leurs parents ont encore plus d’influence sur eux que leurs pairs. En comparaison, les jeunes sont moins susceptibles de voter à 18 ans, alors que l’influence de leurs pairs est plus importante que celle de leurs parents.

Une autre étude a révélé que l’avantage d’être parent d’un électeur nouvellement inscrit est que le parent est plus susceptible de voter à la même élection, ce qui augmente donc la participation électorale globale. Surtout, on a aussi découvert que la probabilité qu’une personne vote pour la première fois diminue avec l’âge. Une étude portant sur des élections autrichiennes a démontré que le taux de participation des jeunes âgés de 16 et 17 ans était supérieur de près de 10 % à celui des 18-20 ans.

Chers collègues, le constat est clair : le fait d’abaisser l’âge du droit de vote va permettre aux jeunes Canadiens de s’engager plus tôt dans le processus démocratique, de prendre cette bonne habitude et d’augmenter la participation électorale à long terme. Les faits le prouvent en Autriche, en Écosse, au Danemark et dans tous les autres pays concernés : l’abaissement de l’âge requis pour voter se traduit par une meilleure participation électorale.

En 2007, lorsque l’Autriche a abaissé l’âge du droit de vote à 16 ans, des chercheurs ont remarqué que les personnes âgées de 16 et 17 ans qui votaient pour la première fois avaient montré davantage d’empressement à aller aux urnes que ne l’avaient fait les personnes âgées de 18 à 20 ans dans les mêmes circonstances. Ils ont également relevé que le taux de participation des personnes de 16 et de 17 ans n’était pas beaucoup plus faible que le taux de participation moyen de l’ensemble de la population votante. Les chercheurs autrichiens ont également relevé que les personnes âgées de moins de 18 ans voulaient et pouvaient participer à la vie politique. Leurs valeurs se transposaient aussi efficacement en décisions politiques que les valeurs des personnes plus âgées. L’étude n’a rien trouvé pour prouver que faible taux de participation découlerait d’un manque d’intérêt ou d’une incapacité à aller voter.

Les jeunes sont intéressés. Ils participent. Posons un geste pour renforcer la démocratie en augmentant la participation du public au processus électoral. Invitons davantage de personnes qui pourraient contribuer aux décisions importantes sur les politiques et les dépenses qui les concernent. Faisons confiance aux jeunes et aidons-les à devenir de meilleurs leaders qui seront bientôt au centre de l’éventail dynamique de questions auxquelles est confrontée notre société.

L’année dernière, j’ai collaboré avec le Centre pour l’éducation mondiale, qui est établi en Alberta, et TakingITGlobal, de l’Ontario, qui ont mené une vaste consultation auprès de brillants élèves d’un océan à l’autre au sujet de l’abaissement de l’âge de voter. Le rapport final a été publié en 2021 et présenté aux parlementaires dans une série de séminaires en ligne. Beaucoup d’entre vous y ont participé, et je vous en remercie. Les conclusions du rapport incluaient la suivante :

Les jeunes veulent voter. Nous voulons pouvoir affirmer nos convictions politiques d’une façon qui a des effets concrets. Nous vivons dans ce pays, avons des opinions et voulons changer les choses tout autant sinon plus que les personnes plus âgées. Les obstacles qui se dressent aujourd’hui devant nous peuvent être surmontés pour favoriser une jeunesse plus instruite et plus mobilisée. Nous vous demandons de vous pencher sur ces obstacles et de nous aider à apporter les changements qui nous tiennent à cœur. Nous sommes la prochaine génération, et nous permettre de voter aidera à guider les changements dans le monde qui définiront notre avenir.

Pour ceux qui s’inquiètent que l’afflux de jeunes électeurs vienne perturber le paysage politique actuel, regardons les chiffres. Réduire l’âge du vote permettrait à environ 800 000 personnes d’exprimer leur voix lors d’une élection. Le Canada comptait au total un peu plus de 27 millions de personnes admissibles à voter en 2019. Si vous ajoutez les 800 000 jeunes de 16 et 17 ans à ce nombre, cela représente une augmentation de 2,9 % du nombre total d’électeurs admissibles. Honorables sénateurs, c’est une fraction d’électeurs par rapport à l’ensemble de l’électorat et cela ne perturbera pas la concurrence politique au Canada.

En ce qui concerne les critiques qui avancent que tous les jeunes vont simplement voter pour un certain genre de parti, je vous rappelle que les recherches contrent cette idée en la reconnaissant pour ce qu’elle est réellement : une forme d’obstructionnisme et d’entrave à l’exercice du droit de vote et un moyen d’empêcher une personne désignée apte à voter d’exprimer sa préférence politique par crainte qu’elles ne correspondent pas aux nôtres. La maturité et la responsabilité sociale devraient être le facteur décisif qui détermine si une personne est admissible ou non à voter, et non leurs allégeances politiques personnelles. Une telle façon de penser est contraire à l’éthique du principe même de la démocratie, où la libre expression des électeurs est la source du pouvoir légitime.

Cependant, si ce raisonnement éthique ne suffit pas à dissuader les critiques d’émettre de fausses hypothèses sur les partis pris électoraux des jeunes, alors je tiens à souligner un autre fait. Lors de la récente journée du Vote étudiant Canada — des élections simulées organisées par CIVIX en partenariat avec Élections Canada qui correspondaient aux élections fédérales de septembre 2021 et auxquelles plus de 780 000 étudiants ont voté —, devinez quel parti a reçu un plus grand pourcentage du vote populaire que le Parti libéral au pouvoir? Sénateur Plett, celle-ci est pour vous : c’était les conservateurs.

On a déjà présenté des projets de loi d’initiative parlementaire visant à abaisser l’âge du vote à 16 ans, mais ils émanaient tous de l’autre endroit. Le projet de loi S-201 donne aux sénateurs l’occasion unique d’encadrer le débat dès le début, débat qui concerne essentiellement la modernisation et la revitalisation de notre démocratie.

Je rappelle aux honorables sénateurs l’argument soulevé précédemment selon lequel le Sénat n’est supposément pas la tribune appropriée pour ce type de projets de loi et que les mesures législatives modifiant la Loi électorale du Canada devraient émaner de l’autre endroit. Je réfute la fausse prémisse de cette affirmation et j’en ai parlé dans ma réfutation à l’époque. Or, elle a été utilisée à tort auparavant comme une forte opposition à l’adoption du projet de loi, et je tiens vraiment à reprendre mon argument aujourd’hui à l’aide de trois points clairs.

Premièrement, le Sénat est tout à fait habilité à présenter et à étudier ce genre de projets de loi, à en débattre et à les adopter. D’ailleurs, la Loi constitutionnelle de 1982 accorde les mêmes pouvoirs législatifs au Sénat et à la Chambre des communes, à l’exception des projets de loi de crédits et des projets de loi fiscaux, qui doivent émaner de la Chambre des communes. Au cours des dernières années, plusieurs projets de loi visant à apporter différentes modifications à la Loi électorale du Canada ont été présentés au Sénat. Tous ces projets de loi ont suivi le processus législatif habituel, ils ont été débattus ouvertement et ils ont été adoptés ou rejetés en fonction de leur valeur, autant au Sénat qu’à l’autre endroit. De la même manière, les députés à l’autre endroit auront l’occasion de débattre du projet de loi à l’étude si nous décidons de leur renvoyer. C’est la même chose pour le projet de loi à l’étude à l’autre endroit. Nous aussi nous aurons l’occasion de l’étudier en détail s’il est soumis au Sénat.

Deuxièmement, à mon avis, le Sénat est l’endroit idéal pour étudier une modification au droit de vote aux élections fédérales. Dans sa nature même, le Sénat est conçu de façon à prendre part au processus législatif sans subir les pressions du cycle électoral et de la politique partisane.

Comme notre estimé collègue le sénateur Harder le soutenait dans le Revue nationale de droit constitutionnel :

Parce que les sénateurs étaient nommés pour un long mandat, il était prévu à l’origine qu’ils ne placeraient pas les intérêts et le sort des partis politiques au cœur de leurs délibérations. Les sénateurs adopteraient plutôt une approche indépendante et objective et exerceraient un jugement libre de toute pression électorale ou partisane.

Affranchis des pressions, des contraintes et des impératifs du cycle électoral, les sénateurs peuvent faire preuve de nuance et d’impartialité à l’égard de la réforme de l’âge de voter. Ce n’est peut-être pas possible pour un groupe d’élus qui doivent gérer les idées préconçues et les pressions, connues et inconnues, qui viennent avec leurs fonctions d’élus.

Troisièmement, et surtout, le Sénat a un rôle inestimable à jouer en tant qu’institution qui peut mener des études approfondies, tenir des débats et examiner des politiques afin de guider l’élaboration de futures mesures législatives du gouvernement et politiques publiques. On a pu constater de nombreux exemples de cette réalité au cours des trois dernières sessions du Parlement, où j’étais également sénatrice. Le Sénat est un acteur qui vient complémenter le processus législatif, il n’entre pas en concurrence avec lui, ce qui est profitable pour les Canadiens. Les projets de loi d’intérêt public du Sénat peuvent grandement influencer les politiques publiques simplement en étant présentés et débattus.

En ce qui touche la mobilisation des jeunes, on accuse souvent les jeunes d’être désintéressés, apathiques et inattentifs. Honorables sénateurs, ce n’est ni ce que je vois ni ce que j’entends. Les jeunes participent déjà activement à la vie dans leur collectivité. Ils s’impliquent dans leur école secondaire, où ils se joignent à des clubs et sont membres du conseil étudiant. Ils font partie d’équipes sportives, de troupes de théâtre et ils mènent des collectes de fonds pour des projets communautaires. De nombreux jeunes sont bénévoles dans les campagnes électorales, notamment en organisant des rassemblements et en défendant des causes qu’ils ont à cœur.

J’ai rencontré beaucoup de résistance de la part de gens qui ne croient pas que les jeunes ont une pensée ou des connaissances suffisamment développées. Laissez ces jeunes parler; vous serez étonnés par la profondeur et la complexité de leurs propos. Je suis éblouie par la façon dont nos jeunes leaders concrétisent les nouvelles visions des citoyens. Si vous prenez le temps d’écouter les jeunes de votre région, vous aussi vous serez conquis par leurs convictions et leur perspicacité.

Abaisser l’âge du droit de vote peut permettre aux jeunes d’être en contact avec des organisations ou des activités qui favorisent l’acquisition d’habitudes relatives à la participation à la vie civique. Créer davantage d’occasions de faire connaître aux jeunes des façons de consacrer temps et efforts à l’amélioration de leur collectivité est un objectif qui vaut la peine d’être défendu.

J’aimerais aussi ajouter qu’il faut comprendre qu’à de nombreux égards, le bénévolat est un luxe que de nombreux jeunes ne peuvent se permettre. De nombreux jeunes canadiens vivent sous le seuil de la pauvreté.

Quand j’ai commencé à travailler avec les jeunes de mon conseil jeunesse sur l’idée de réduire l’âge requis pour voter aux élections fédérales, ils m’ont fait savoir clairement qu’il faudrait une campagne nationale galvanisée par de jeunes chefs de file. Ils m’ont toutefois aussi fait remarquer que de nombreux jeunes voudraient pouvoir participer, mais que cela leur serait impossible.

C’est vrai aussi pour l’action communautaire et la participation à la vie démocratique au sens large. Le droit de vote prend relativement peu de temps à exercer. Si ce droit était réparti équitablement, il s’agirait d’un bon moyen pour un vaste éventail de jeunes de s’investir dans la collectivité et de participer à la vie démocratique.

De partout au Canada, les jeunes qui m’ont conseillé ont fait des recherches, mené des consultations et proposé des stratégies de communication afin que les jeunes du pays puissent participer à toutes les étapes du processus législatif. Le comité directeur du mouvement #Vote16, qui est composé de mes conseillers jeunesse, a été d’une aide inestimable, car il m’a expliqué le point de vue des jeunes à chacune des étapes et il m’a aussi transmis leurs commentaires.

J’attends ce moment depuis longtemps, c’est-à-dire depuis que j’ai été nommée sénatrice, en 2017, et je peux en dire autant de nombreux cercles jeunesse du Manitoba et aussi du reste du pays. Je me suis engagée à consulter les jeunes tout au long du processus législatif et à inviter les jeunes ainsi que les organismes qui les représentent et les défendent à se faire entendre.

Le projet de loi S-201 renforcera l’efficacité de la représentation démocratique au Canada en donnant une voix politique aux personnes qui sont touchées par la politique gouvernementale, mais qui n’ont pas de moyens importants pour l’influencer. Abaisser l’âge du vote revitalisera la démocratie canadienne en créant un environnement où plus de jeunes Canadiens voteront pour la première fois et seront donc plus susceptibles de voter à nouveau à l’avenir, ce qui augmentera la participation électorale à long terme. Cela permettra de renforcer l’engagement des jeunes. Si nous voulons que les jeunes soient des membres à part entière de notre société, nous devons leur faire une place à la table.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

J’ai bien peur que votre temps de parole soit écoulé, sénatrice McPhedran.

J’aimerais avoir plus de temps, s’il vous plaît.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

La sénatrice McPhedran demande cinq minutes de plus. Y a-t-il des objections? Nous vous écoutons, sénatrice McPhedran.

Pour ma part, c’est un honneur de porter le flambeau encore une fois, pour une démocratie juste et inclusive.

Honorables sénateurs, nos jeunes leaders sont des membres de notre société qui sont suffisamment matures, engagés et informés. La prise de décisions sera plus efficace s’ils y prennent part. Ils sont des partenaires et ils contribuent de façon cruciale à la croissance et à la vitalité de nos institutions. En leur accordant le droit de vote, nous faisons un investissement intelligent, peu coûteux et très rentable dans le renforcement de notre démocratie. S’il vous plait, écoutons ce qu’eux et les spécialistes internationaux ont à nous dire en comité. Joignez-vous à moi pour inviter les jeunes Canadiens à notre table. Merci, meegwetch.

L’honorable Rosemary Moodie [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-201, qui vise à abaisser de 18 ans à 16 ans l’âge de voter aux élections fédérales.

Chers collègues, le projet de loi S-201 reflète un mouvement grandissant visant à inclure les voix des jeunes dans la démocratie. Je remercie la sénatrice McPhedran de défendre ce projet de loi au Sénat.

Dans la réflexion sur la démocratie du Canada et ses institutions, un argument fondamental veut que chaque citoyen ait voix au chapitre. Or, l’un des mécanismes les plus puissants pour faire entendre cette voix est le droit de voter.

Au Canada, le vote est considéré comme un droit et non comme un privilège qu’il faut mériter — un droit qui ne dépend pas du sexe, de la race, de la religion, de l’origine ethnique ou de la situation socioéconomique.

Certes, on impose des limites raisonnables aux droits électoraux, mais la question qu’il faut examiner est la suivante : comment l’âge, qui est une des limites imposées au droit de vote, touche-t-il les jeunes du Canada de nos jours?

Dans le travail que j’ai accompli pour appuyer les jeunes et m’occuper des enfants avant et après mon arrivée au Sénat, j’ai constaté que les jeunes sont prêts, désireux et capables de prendre part à la prise de décisions et à la détermination des politiques.

Comme la sénatrice McPhedran l’a mentionné dans plusieurs de ses discours sur ce sujet, y compris aujourd’hui, les personnes âgées de 16 ou 17 ans ont déjà la possibilité de décrocher un emploi, de payer des impôts, de conduire, d’entrer dans les forces armées, d’accorder leur consentement sexuel, de se marier et d’avoir des enfants. Si nous accordons déjà ces droits et ces responsabilités à des jeunes, je dirais qu’ils sont prêts et capables d’assumer le droit de voter, le droit d’exercer leur influence sur la politique et le droit de participer à un processus parlementaire qui a une incidence directe sur leur vie.

Il est à souligner que, au Canada, le mouvement pour le droit de vote aux personnes de 16 ans et de 17 ans est mené par des jeunes de partout au pays, et non par la sénatrice McPhedran, par moi-même ou par d’autres de mes collègues au Sénat, ni par des groupes professionnels ou des militants pour les droits de la jeunesse. Il est mené par les jeunes eux-mêmes. Ce sont eux qui se prononcent dans ce débat, et ils le font clairement et avec conviction.

Je vais donner quelques exemples. Je vais citer deux jeunes femmes qui participent à la contestation judiciaire devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario au sujet de l’inconstitutionnalité de l’âge du droit de vote. Je vais d’abord citer Amelia Penney-Crocker, une résidante d’Halifax âgée de 16 ans, qui dit ceci :

Les jeunes sont notre avenir. Or, à l’heure actuelle, ils ne peuvent pas voter pour ceux qui façonneront cet avenir, et comme nous sommes aux prises avec une crise climatique sans précédent, ne pas accorder le droit de vote aux jeunes pourrait vouloir dire qu’ils n’auront tout simplement aucun avenir.

De façon similaire, Katie Yu, résidante d’Iqaluit, dit ceci :

Notre opinion ne devrait pas être ignorée, c’est nous qui savons quelles mesures sont requises pour corriger ces problèmes et améliorer le monde pour les générations futures, et nous apportons déjà des changements de nombreuses façons [...]

Chers collègues, les jeunes Canadiens sont éloquents, ils sont confiants et ils tiennent à faire partie du processus démocratique du pays. Ils veulent être consultés et cette initiative vient d’eux. Ils veulent pouvoir faire entendre leur opinion au sujet du droit de vote et je crois que, en tant que parlementaires et décideurs, nous avons la responsabilité de porter leur voix dans ce débat.

Regardons plus en détail la constitutionnalité de l’âge minimal pour voter, mais du point de vue des jeunes, car celui-ci est à l’origine de la contestation judiciaire présentée à la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Cette contestation judiciaire, menée par un groupe de jeunes de 12 à 18 ans, soutient que l’âge du droit de vote établi dans la Loi électorale du Canada, soit 18 ans, enfreint les articles 3 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés.

L’article 3 de la Charte garantit que tous les citoyens canadiens ont le droit de voter à une élection, sans préciser l’âge.

L’article 15 souligne que la loi s’applique également à tous, et que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Honorables sénateurs, il s’agit d’un argument important qui indique que la restriction actuelle quant à l’âge du droit de vote découle directement de la Loi électorale du Canada et que ce seuil a été modifié au fil des ans en fonction surtout des changements sociaux progressistes liés aux valeurs.

En vérité, l’émancipation progressiste — ou l’élargissement du droit de vote — a constitué une composante distincte de l’évolution de notre démocratie, puisque nous avons sans cesse élargi notre définition des droits des citoyens. Bien que nous y ayons réfléchi, nous avons aussi réfléchi à ceux qui devraient demeurer exclus de cette forme de participation civique, politique et sociale, et, dans le cadre de cette réflexion, nous continuons d’abandonner nos jeunes.

Je suis d’avis que tous les jeunes méritent d’avoir le droit de vote en tant que citoyens à part entière du Canada. De cette façon, nous les inclurions dans notre marche vers une démocratie plus inclusive, plus équitable et plus juste.

Honorables sénateurs, les jeunes Canadiens de moins de 18 ans s’impliquent actuellement dans d’autres formes d’engagement politique au sein de nos institutions et de nos systèmes démocratiques. Par exemple, le Parti libéral du Canada, le Parti conservateur du Canada, le Parti vert du Canada et le Nouveau Parti démocratique acceptent tous des membres aussi jeunes que 14 ans.

Le gouvernement reconnaît de plus en plus l’importance de donner la parole aux jeunes et de les consulter au sujet des politiques et des programmes. Même le Programme de contestation judiciaire — un programme qui a été rétabli en 2017 et qui soutient les particuliers et les groupes voulant saisir les tribunaux de violations présumées des droits constitutionnels de la personne — est accessible aux Canadiens, peu importe leur âge.

De plus, le gouvernement consulte activement les jeunes, que ce soit individuellement ou par l’entremise de groupes ou d’organisations, pour guider les processus décisionnels et les politiques du Canada.

En février 2018, le gouvernement a lancé un dialogue national avec les jeunes pour élaborer la première politique jeunesse du Canada — un mandat de la ministre des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse. C’est un autre exemple des façons dont nous reconnaissons de plus de plus les jeunes comme des partenaires égaux et les dirigeants de demain.

Tandis que nous traversons une pandémie, que le contexte est précaire sur le plan financier et sociopolitique, et que la reprise prendra probablement des années à venir — le droit de participer au processus démocratique est plus crucial que jamais.

Les jeunes ont aussi vécu cette pandémie avec nous. Ils ont fait face aux mêmes difficultés, comme l’insécurité financière, les conditions scolaires changeantes et le travail précaire. Les jeunes se sont montrés à la hauteur à de nombreux égards, en occupant des postes de première ligne, en continuant de travailler pour des entreprises de l’industrie des services et en s’engageant activement à faire progresser la démocratie.

Nous devons nous demander comment nous pouvons les remercier du soutien dont ils ont fait preuve à l’égard de leur famille, de leur pays et de la démocratie. Comment les incitons-nous à devenir les dirigeants de demain?

La meilleure façon de le faire, honorables sénateurs, est de respecter leur droit de participer entièrement au processus démocratique, et de les encourager à participer activement au processus parlementaire, à la création des lois, des politiques et des systèmes qui concernent leur avenir.

Le fait d’abaisser l’âge du droit de vote n’est qu’une des nombreuses mesures que nous devons prendre pour aider les jeunes. Comme nous l’avons entendu, cette décision permettra à 800 000 jeunes — soit 2,9 % de la population — de 16 à 19 ans de voter. Ce chiffre peut sembler modeste, mais une grande proportion de jeunes seront concernés.

En tant que sénateurs, nous devons faire entendre les voix et les besoins des jeunes Canadiens, car dans notre démocratie, ils comptent tout autant que le reste de la population. Ils font preuve de volonté. Ils sont engagés. Ils sont prêts à voter.

Merci, meegwetch.

L’honorable Ratna Omidvar [ + ]

Honorables sénateurs, je prends à mon tour la parole au sujet du projet de loi S-201, loi modifiant la Loi électorale du Canada afin de faire passer de 18 à 16 ans l’âge de voter. J’aimerais féliciter la sénatrice McPhedran de sa persistance au nom des jeunes, afin qu’ils aient voix au chapitre dans notre démocratie, et je suis contente que nous étudiions cette modification pour la troisième fois au Sénat.

Historiquement, la désignation de ceux qui peuvent voter n’a jamais été figée. En 1885, seuls les hommes britanniques âgés de 21 ans qui étaient propriétaires pouvaient voter. Aujourd’hui, tous les citoyens canadiens âgés de 18 ans ou plus peuvent voter, peu importe leur sexe, leur revenu ou leur origine ethnique. L’évolution est au cœur de la loi électorale.

Cela dit, chaque fois que le droit de vote a évolué, des gens s’y sont opposés. Par exemple, avant que certaines femmes obtiennent le droit de vote en 1918, le sénateur Hewitt Bostock a fait valoir ceci :

[Les femmes] seront exposées à des choses qu’elles n’aiment pas, donc il est fort probable qu’elles n’exerceront pas leur droit de vote.

Je suis certaine que de nombreuses femmes répugnent à lire ou à entendre ce genre de propos. J’ai entendu de nombreux arguments du genre contre l’abaissement de l’âge du vote à 16 ans.

Au lieu de vous vanter les vertus de cette idée, je vais plutôt m’employer à faire tomber les objections qui s’y rapportent.

La première objection porte sur le fait que les jeunes sont trop jeunes pour comprendre des questions complexes, comme le fait de voter. Par ailleurs, ils sont si jeunes qu’on ne peut raisonnablement pas s’attendre à ce qu’ils prennent des décisions éclairées. De plus, à 16 ans, leur cerveau n’est pas suffisamment développé pour leur permettre de faire des choix logiques. Enfin, à quoi cela servirait-il de toute façon, vu que les jeunes voteraient comme leurs parents?

Autrement dit, ils sont trop jeunes, trop immatures, trop impressionnables et trop inexpérimentés pour qu’on leur accorde le droit le plus précieux de la citoyenneté : celui de pouvoir voter.

Au lieu de simplement vous dire ce que j’en pense, je vais vous présenter des données provenant d’endroits où on a abaissé l’âge de voter.

En 2007, l’Autriche a accordé le droit de vote aux 16 ans et plus. Cela représente donc 13 années de données accumulées. Ce que ces données nous disent, c’est que le taux de participation des électeurs autrichiens âgés de 16 et 17 ans n’a pas été tellement moins élevé que le taux de participation général. À l’évidence, les jeunes iront voter si on leur en donne l’occasion.

Passons maintenant à l’objection portant sur l’immaturité.

On ne devrait pas faire confiance aux jeunes pour faire des choix éclairés, parce qu’ils risquent fort de voter simplement pour le principe de voter, sans comprendre les répercussions de leur choix. Autrement dit, ils n’ont pas les connaissances requises pour bien saisir les nuances du discours politique du jour. Honorables sénateurs, honnêtement, si cela vaut pour les jeunes, je dirais que c’est également le cas pour de nombreux adultes.

Encore une fois, je prends exemple sur les pays qui ont donné le droit de vote aux jeunes afin de déterminer si cet argument tient la route. Une étude menée en Autriche avant l’élection du Parlement européen de 2009 a démontré que les jeunes avaient voté selon leurs préférences politiques tout autant que les électeurs plus âgés. Ils n’étaient pas ignorants du contexte, bien au contraire : ils avaient une préférence politique distincte, qui se traduisait dans leur vote.

Ensuite, il y a l’argument selon lequel les cerveaux des adolescents ne maîtrisent pas les processus logiques qui sont nécessaires pour voter, alors qu’ils peuvent conduire une voiture, se joindre à la Force de réserve, travailler et payer des impôts. Cependant, ils ne maîtriseraient pas les processus logiques qui sont nécessaires pour voter.

Selon les neuroscientifiques, dans les scénarios où les tâches sont principalement cognitives, les adolescents présentent des niveaux de compétence semblables à ceux des adultes. C’est donc dire que lorsque le niveau de stress est faible et qu’ils ont le temps d’évaluer différents choix, les jeunes sont effectivement capables de prendre des décisions réfléchies. Voter est une activité à laquelle les adolescents, et en fait chacun d’entre nous, avons le temps de réfléchir. Les jeunes sont tout aussi capables de prendre des décisions raisonnables que les électeurs adultes.

Enfin, au sujet de l’influence parentale, certains se demandent à quoi bon permettre à des jeunes d’aller voter, puisque ceux-ci voteront comme leurs parents. Je ne peux pas me prononcer au sujet de vos enfants, chers collègues, mais dans ma famille, le contraire de ce nous disons est presque toujours vrai. Les enfants ont des points de vue, des priorités, des opinions et n’hésitent pas à dire, surtout à leurs parents, ce qui ne va pas dans le monde. En plus, l’influence n’est pas un phénomène à sens unique. Les jeunes ont une incidence sur l’engagement civique et sur l’attitude de leurs parents. Mes enfants m’ont influencée à coup sûr en ce qui concerne le réchauffement de la planète et les changements climatiques.

Il y a de nombreuses autres raisons d’examiner sérieusement cette proposition. Celle-ci aura un effet bénéfique sur la participation aux élections à long terme. En effet, les jeunes de moins de 18 ans sont probablement aux études et vivent encore chez leurs parents, deux facteurs qui favorisent la participation selon les études. À long terme, un taux accru de participation à un jeune âge peut faire en sorte que cette habitude d’aller voter perdure. Comme l’a dit Rick Mercer dans l’une de ses fameuses tirades : « Aller voter est un comportement appris qui cause une dépendance ». Je suis une ardente partisane du droit de vote à 16 ans, car nous savons que les personnes qui commencent à voter tôt conservent cette habitude toute leur vie.

Il est important également de tenir compte de l’influence que peuvent avoir les jeunes sur leur famille. Je pense particulièrement aux jeunes dont la famille n’est pas politiquement engagée. S’ils apprennent à aller voter à l’école et dans leur communauté, les jeunes pourront ensuite convaincre les membres de leur famille à faire de même. Les jeunes peuvent faire changer les comportements. En fait, ils le font déjà.

Dans cette enceinte, nous prenons des décisions qui ont une influence considérable sur la vie des jeunes. Pensons entre autres aux décisions sur le cannabis, l’étiquetage des aliments, l’aide médicale à mourir, le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement et, bien entendu, les changements climatiques. J’entends de nombreux jeunes me dire qu’ils n’aiment pas que des élites politiques âgées contrôlent leur avenir. Accorder le droit de voter à des jeunes de cet âge nous permettrait d’entendre leurs opinions et de les prendre au sérieux.

Même si je fais souvent référence à l’Autriche comme l’un des pays qui a émancipé ses jeunes citoyens, j’aimerais ajouter que l’âge du vote a été fixé à 16 ans en Écosse, au Brésil, en Argentine, à Cuba, en Équateur, au Nicaragua, à Malte, à Jersey, à Guernesey, au pays de Galles et à l’île de Man. De plus, de nombreux pays ont accordé le droit de vote aux jeunes pour certaines élections régionales et municipales, notamment en Allemagne, en Suisse, en Estonie et aux États-Unis. L’idée d’accorder le droit de vote aux jeunes n’est pas si irréaliste compte tenu du fait que c’est une pratique déjà répandue ailleurs dans le monde.

Les jeunes militent pour obtenir le droit de vote non seulement aux élections fédérales au Canada, mais aussi aux élections provinciales et municipales. La campagne Vote16BC jouit d’un vaste appui, notamment de la part de la Ville de Vancouver, de l’Union des municipalités de la Colombie-Britannique et de la Fédération des enseignantes et des enseignants de la Colombie-Britannique. Le Centre Samara pour la démocratie a découvert que, au-delà du vote, les jeunes sont ceux qui participent le plus activement à la vie civique et politique du Canada. Ils parlent de politique plus que quiconque, ils sont présents dans la sphère politique officielle, ils interviennent par le biais du militantisme et ils dirigent leurs collectivités grâce à la participation citoyenne. Quoi qu’il arrive aux urnes, les dirigeants politiques qui ne tiennent pas compte de la passion et de l’engagement des jeunes le font à leurs risques et périls. Il est donc logique de tirer parti de cet enthousiasme pour la politique afin qu’il se reflète lors des élections.

Je ne veux pas plaider pour l’abaissement de l’âge du droit de vote sans parler de l’éducation civique. À mon avis, l’un ne va pas sans l’autre. En Autriche, par exemple, l’abaissement de l’âge de voter a été assorti de campagnes de sensibilisation et d’un renforcement de la place de l’éducation civique dans les écoles. En ce qui concerne l’éducation civique, l’ensemble des provinces et des territoires incluent cette matière dans leurs programmes scolaires. Certaines provinces, dont l’Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec, ont même créé des cours d’éducation civique distincts. Les fondements pour tirer parti de l’éducation civique dans notre système existent déjà.

La meilleure façon de conclure mon discours est peut-être de me tourner vers l’avenir. Ce sont les jeunes qui hériteront de l’avenir, aussi incertain soit-il. Ce sont les jeunes qui vivront avec les conséquences des choix que nous faisons aujourd’hui. Ce sont les jeunes qui devront réparer les erreurs commises par les générations précédentes. Dieu sait que nous en avons fait beaucoup et que nous en ferons probablement encore plusieurs autres. Il est logique de laisser les jeunes voter, car l’avenir appartient à eux, pas à nous. Chers collègues, renvoyons ce projet de loi au comité dès que possible pour qu’il puisse l’examiner en profondeur. Merci.

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