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Le Sénat

Motion tendant à exhorter le gouvernement à mettre en œuvre la huitième recommandation du premier rapport du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance--Suite du débat

2 mai 2023


En tant que sénatrice du Manitoba, je reconnais que je vis sur le territoire du Traité no 1, les territoires traditionnels des Anishinabes, des Cris, des Oji-Cris, des Dakotas et des Dénés, et de la patrie de la nation métisse.

Je tiens à souligner que le Parlement du Canada est situé sur un territoire algonquin anishinabe non cédé et non restitué.

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler de la motion no 3 de la sénatrice Omidvar, qui nous demande de mettre en œuvre la huitième recommandation du rapport de 2019 du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance, dont le président était l’ancien sénateur Terry Mercer et la vice-présidente, la sénatrice Ratna Omidvar.

La huitième recommandation est simple et facile à mettre en pratique. Elle exige que l’Agence du revenu du Canada inclue, dans les formulaires de déclaration de revenus pour les organismes de bienfaisance enregistrés et les organismes sans but lucratif constitués en vertu d’une loi fédérale, des questions sur la représentation de la diversité dans les conseils d’administration. Je félicite la sénatrice Omidvar d’avoir présenté cette motion. Trop souvent, d’excellents rapports du Sénat qui proposent des stratégies pour apporter des changements raisonnables et nécessaires ne se traduisent pas en mesures aussi concrètes.

Le secteur sans but lucratif est un moteur et un catalyseur économiques au pays. Le Canada compte plus de 170 000 organismes de bienfaisance et sans but lucratif; ils sont dirigés en grande partie par des conseils d’administration qui ne représentent souvent pas la diversité des populations qu’ils desservent et du Canada dans son ensemble. En appuyant cette motion, je ne veux pas diminuer le travail que ces organismes font. Je veux plutôt souligner le fait qu’un manque de diversité et de représentation sape la légitimité, limite les voix et les idées, et creuse un fossé entre les groupes et les populations que ces conseils d’administration desservent.

L’efficacité du secteur de la bienfaisance est minée lorsqu’on a l’impression que des préjugés ou des formes d’exclusion ou de méfiance sont à l’œuvre. De plus, lorsque les conseils d’administration ne se préoccupent pas de la diversité, un fossé se creuse inévitablement avec les populations qu’ils desservent, ce qui entraîne des réseaux restreints, des sources de financement limitées et une difficulté à développer de nouvelles idées. Un manque de diversité peut créer un préjugé de conformité ou une pensée de groupe, ce qui peut mener à des décisions stratégiques nuisant à l’efficacité.

La sénatrice Omidvar a fourni une explication détaillée sur le manque de diversité dans le secteur, surtout dans les postes de gestion. C’est ce qu’on appelle parfois « l’effet couche de neige ». Cet effet se produit lorsque les employés racisés occupent les postes de première ligne, alors que les postes de direction sont occupés par des personnes non marginalisées. Une autre conséquence imprévue est « l’effet de clonage », qui a trait aux préjugés, inconscients ou autres, qui existent quand, en recrutant de nouveaux membres aux conseils d’administration, les commissaires ont tendance à chercher des candidats dans leur entourage immédiat, se clonant presque, en réalité, avec des personnes qui leur ressemblent, qui pensent comme eux et qui mènent une vie semblable à la leur. Cela crée des conseils d’administration homogènes qui risquent d’être déconnectés des communautés dans le besoin.

Les conseils d’administration qui ne représentent pas leurs communautés desservent mal les populations et créent des obstacles, pour les groupes qui méritent l’équité, à l’accession à des postes d’autorité. En revanche, un conseil diversifié peut apporter un point de vue réaliste sur la communauté, renforcer ses liens, accroître sa crédibilité auprès de sa clientèle, recueillir davantage de fonds et contribuer à la création et la mise en œuvre de politiques efficaces. Essentiellement, la diversité permet au conseil d’être plus efficace dans l’accomplissement de sa mission.

Notamment, le Canada ne dispose pas de mécanismes élaborés de rapports et de statistiques sur la diversité dans le secteur caritatif. En 2021, Statistique Canada a lancé son premier questionnaire volontaire pour recueillir des renseignements sur la diversité au sein des organismes de bienfaisance et des conseils d’administration des organismes sans but lucratif du Canada. Bien que les données n’aient pas été recueillies à l’aide d’un échantillonnage probabiliste, les résultats démontrent le manque d’équité dans le secteur caritatif canadien. Plus de 40 % des répondants ont indiqué que leur organisme n’avait même pas de politique en matière de diversité. À l’inverse, les organismes qui ont fait état d’une politique de diversité ont indiqué qu’ils comptaient une proportion plus élevée de représentants de la diversité au sein de leurs conseils d’administration, notamment des personnes vivant avec un handicap, des membres des Premières Nations, des Métis, des Inuits, des minorités visibles et des personnes LGBTQ+.

Les évolutions récentes dans le secteur privé du Canada indiquent que des exigences accrues en matière de rapports sur la diversité peuvent se traduire par des avancées concrètes en matière de diversité pour les conseils d’administration. Depuis que des modifications ont été apportées à la Loi canadienne sur les sociétés par actions en 2020, exigeant des organisations cotées en bourse qu’elles publient des renseignements sur la diversité de leur conseil d’administration et sur leurs politiques en matière de diversité, des évolutions substantielles, mesurables et positives ont été observées. Les modifications ont probablement contribué à susciter un changement normatif, les conseils d’administration ayant enregistré une augmentation de la représentation des minorités, des femmes et des Autochtones.

Pour pouvoir adopter des politiques ou des réformes judicieuses, il faut d’abord s’appuyer sur des données et promouvoir la transparence et la reddition de comptes. L’adoption de la motion no 3 permettrait de renforcer les exigences nécessaires en matière de reddition de comptes sur la diversité au sein des conseils d’administration du secteur de la bienfaisance et de jeter les bases d’une réforme plus ciblée et axée sur l’information et les données recueillies. On pourrait aussi pousser le secteur à changer ses normes en exigeant que les organisations se penchent sur la composition de leur conseil d’administration et sur leurs politiques en matière de diversité ou sur l’absence de telles politiques.

Je félicite la sénatrice Omidvar du leadership qu’elle exerce depuis longtemps dans le secteur sans but lucratif. Cette motion s’appuie sur le travail crucial de la société civile pour indiquer dans quels domaines il serait essentiel de faire plus d’études, de collecte de données et d’enquêtes en vue de promouvoir la croissance et les changements nécessaires pour faire du Canada une société plus juste et efficace dotée d’une économie plus inclusive, ce qui contribuerait aussi à renforcer la démocratie.

Merci, meegwetch.

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