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Projet de loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale

Deuxième lecture--Suite du débat

18 mai 2023


Honorables sénateurs, bonjour, tansi.

En tant que sénatrice du Manitoba, je reconnais que je vis sur le territoire du Traité no 1, le territoire traditionnel des Anishinabes, des Cris, des Oji-Cris, des Dakotas, des Dénés et de la patrie de la nation métisse.

Je souligne que le Parlement du Canada est situé sur le territoire du peuple algonquin anishinabe, non cédé et non restitué.

Je prends la parole pour exprimer mon appui au projet de loi C-226, présenté à l’autre endroit par la députée Elizabeth May, co-cheffe du Parti vert, et parrainé au Sénat par mon estimée collègue du Manitoba la sénatrice M. J. McCallum.

Honorables sénateurs, il est réconfortant de constater qu’il s’agit de l’un des rares projets de loi d’initiative parlementaire à avoir obtenu le soutien du gouvernement, comme vous l’avez entendu lorsque le sénateur Gold s’est prononcé en faveur de ce projet de loi plus tôt cette semaine.

J’espère pouvoir exprimer au mieux mon soutien à ce projet de loi — qui demande au ministre de l’Environnement et du Changement climatique d’élaborer une stratégie nationale de lutte contre le racisme environnemental — en soulignant comment son adoption permettra au Canada de mieux remplir ses obligations internationales, notamment en ce qui a trait à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Rappelons que le Canada a présenté des excuses aux peuples autochtones et qu’il doit maintenant agir en conséquence. Le projet de loi C-226 pourrait bien donner une impulsion à ces actions.

J’ai écouté les autres discours faits dans le cadre de ce débat. On a déjà fait mention du contexte international, mais j’espère pouvoir ajouter des précisions utiles à ce sujet pour montrer que le projet de loi C-226 mérite notre appui.

Permettez-moi de commencer par une explication des raisons qui font que le respect et la mise en œuvre des obligations du Canada en matière de droits de la personne sont importants et pertinents pour ce projet de loi de lutte contre le racisme environnemental.

Voici ce que l’Institut de recherche en politiques publiques a affirmé pas plus tard qu’hier :

Le Canada jouit depuis longtemps d’une bonne réputation internationale en matière de droits de la personne, mais notre bilan national est moins reluisant qu’il n’y paraît. Nos décideurs ont plus d’une fois échoué à mettre en application les recommandations et les traités de l’ONU sur des questions raciales, d’égalité de genre, de droits des peuples autochtones, de réfugiés, de migrants, d’handicaps, d’accès au logement, de forces de l’ordre et de redditions de compte des grandes entreprises.

La ratification par le Canada de tout traité international relatif aux droits est motivée par notre engagement constitutionnel en faveur des droits à l’égalité et par le fait que la mise en œuvre de tels traités permettra aux Canadiens de faire valoir leurs droits, et pas uniquement de les connaître et de les revendiquer.

Sur la scène internationale, le Canada a ratifié ou signé sept traités de l’ONU sur les droits de la personne reconnaissant les effets néfastes des substances et des déchets dangereux sur divers droits de la personne. Aux termes de ces traités, le Canada a des obligations précises. Ces obligations, assumées volontairement par le Canada en signant et en ratifiant ces traités, définissent clairement les engagements à protéger, respecter et réaliser les droits universels de la personne, notamment les droits à la vie et à la dignité; à la santé; à la sécurité de la personne et à l’intégrité physique; à la salubrité des aliments et à l’eau potable; à un logement adéquat; et à des conditions de travail sûres et saines.

Le Canada a des obligations précises en matière de protection des droits de tous ses citoyens, obligations qui reposent toutes sur la protection contre la discrimination. C’est en raison de ces droits et obligations que le Canada est tenu de lutter contre le racisme environnemental.

Le projet de loi C-226 est une mesure concrète et raisonnable qui permettra au Canada de se conformer beaucoup plus à ses obligations internationales en matière de droits de la personne.

Sous le titre abrégé de « Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale », ce projet de loi prévoit que la stratégie nationale doit comprendre des mesures visant à examiner le lien entre la race, le statut socioéconomique et le risque environnemental; à recueillir des renseignements et des statistiques sur l’emplacement des dangers environnementaux; à recueillir des renseignements et des statistiques sur les effets négatifs sur la santé dans les collectivités qui ont été touchées par le racisme environnemental; et à évaluer l’administration et l’application des lois environnementales dans chaque province. Elle doit également comprendre des mesures visant à s’attaquer au racisme environnemental en ce qui concerne les modifications possibles des lois, des politiques et des programmes fédéraux; la participation des groupes communautaires à l’élaboration des politiques environnementales; l’indemnisation des personnes ou des communautés; le financement continu des collectivités touchées; et l’accès des collectivités touchées à de l’air et à de l’eau propres.

Dans son rapport de 2020 sur le Canada, le rapporteur spécial de l’ONU sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux, après avoir visité un certain nombre de communautés racisées et rencontré des représentants du gouvernement en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Québec, a noté ce qui suit :

[...] Le Canada a des obligations concernant les droits à l’information, à la participation, à l’accès à la justice et aux voies de recours, ainsi que des obligations spécifiques concernant les droits des peuples autochtones, des enfants, des personnes de sexes différents, des travailleurs, des minorités, des migrants et des personnes handicapées, parmi d’autres groupes vulnérables [...]

Ensemble, ces droits et obligations créent un devoir pour le Canada de prévenir l’exposition aux substances toxiques et autrement dangereuses. La seule façon d’empêcher les violations des droits de l’homme mentionnés ci-dessus est de prévenir l’exposition [...] Cela dit, les entreprises ont également des responsabilités essentielles dans la prévention de l’exposition.

Pour respecter le temps de parole qui m’est accordé aujourd’hui, je vais limiter le nombre de références au rapport sur le Canada de Baskut Tuncak, ancien rapporteur spécial des Nations unies. Je vais toutefois noter qu’il a souligné que le Canada a ratifié tous les traités internationaux sur les produits chimiques et les déchets et qu’il est en voie d’appuyer la modification d’interdiction à la Convention de Bâle, laquelle a été adoptée par le Canada en 1992 et dont l’objectif principal est de protéger la santé humaine et l’environnement contre les effets négatifs des déchets. Si le Canada respecte et met en œuvre la modification d’interdiction à la Convention de Bâle, les déchets dangereux ne peuvent plus être exportés vers d’autres pays à partir d’ici.

Le rapporteur spécial des Nations unies soulève également de nombreuses inquiétudes. Par exemple, il souligne le « bourbier juridictionnel » auquel sont confrontés les peuples autochtones, où les réserves sont souvent laissées pour compte dans le fouillis des compétences fédérales et provinciales, ce qui présente un risque d’exposition non réglementée. Par exemple, à l’échelle du Canada, les normes provinciales de qualité de l’eau potable ne s’appliquent pas aux réserves, et les normes fédérales ne sont pas juridiquement contraignantes, comme elles n’ont pas encore été établies. Comme le dit le rapporteur spécial des Nations unies : « Le partage des compétences juridictionnelles n’excuse pas les lacunes du gouvernement pour ce qui est d’agir rapidement afin de contrer l’exposition aux substances toxiques. »

Il a aussi noté ce qui suit :

[...] Les groupes marginalisés, et les peuples autochtones en particulier, se retrouvent du mauvais côté d’un fossé toxique, soumis à des conditions qui ne seraient pas acceptables ailleurs au Canada.

Honorables collègues, le racisme environnemental a deux composantes principales : l’injustice liée à la distribution spatiale et l’injustice procédurale. La première concerne principalement l’emplacement inéquitable des pollueurs industriels et d’autres projets dangereux pour l’environnement, alors la seconde a trait aux mécanismes institutionnels et aux politiques qui perpétuent la distribution inéquitable de ces activités.

Près de chez moi, année après année, les dirigeants autochtones du Manitoba présentent des actions bien documentées de Manitoba Hydro, qui — comme ils l’ont fait remarquer — montrent comment ces deux composantes de l’injustice fonctionnent de manière systémique au détriment des collectivités des Premières Nations et, bien trop souvent, à leur destruction.

Selon l’organisme Wa Ni Ska Tan, une alliance des Premières Nations du Manitoba :

Depuis plus de 100 ans, Manitoba Hydro profite de la situation aux dépens de ses partenaires des Premières Nations. Elle encourage le développement de mégaprojets hydroélectriques dévastateurs pour gagner des millions de dollars en exportant de l’électricité vers les États-Unis, et les collectivités autochtones en paient 1 000 fois le prix. Les nouveaux partenariats [...] ne font que répéter la même chose, les collectivités se retrouvant avec des millions de dollars de dettes — en plus des coûts culturels et environnementaux — pour une centrale qui n’apporte que peu ou pas d’avantages économiques.

Chers collègues, il y a une ironie cruelle dans le fait que de nombreuses familles des Premières Nations rapportent devoir payer de grosses factures d’électricité, souvent supérieures à 500 $ par mois. Cela semble particulièrement injuste vu que l’énergie provient de leurs terres ancestrales maintenant détruites.

Bref, au Manitoba, les modes de vie traditionnels sont souvent minés ou détruits par le racisme environnemental. Par exemple, la sénatrice McCallum a parlé ici des effets négatifs des camps de travailleurs et de la façon dont cet afflux de travailleurs venus de l’extérieur pour des travaux hydroélectriques peut entraîner une hausse de l’exploitation sexuelle, de la toxicomanie et des bouleversements sociaux, le tout exacerbé par des incidents marqués par le racisme et le sexisme qui ont mené à de la violence et à des pertes.

Dans la conclusion de son rapport sur le Canada, la rapporteuse spéciale de l’ONU a fait une série de recommandations auxquelles le projet de loi C-226 donne suite de manière positive. En voici une qui concerne directement l’adoption de ce projet de loi : « Établir un solide cadre de justice environnementale fondé sur les principes de la justice procédurale, de la justice géographique et de la justice sociale. »

Chers collègues, compte tenu de l’importance des sujets abordés et consciente du fait que le temps que nous pourrons consacrer à l’étude de projets de loi non gouvernementaux s’amenuisera au cours de ces précieuses et intenses dernières semaines avant l’ajournement en juin, je vous invite à appuyer activement ce projet de loi. Renvoyons-le au comité afin de pouvoir l’examiner plus en profondeur dès que possible.

Merci. Meegwetch.

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