La Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador—La Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture
6 juin 2024
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-49, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
Je tiens à dire clairement, dès le départ, que le projet de loi C-49 traite d’un sujet important et essentiel pour l’avenir énergétique du Canada. Vous savez, chers collègues, que je suis en faveur de l’exploitation responsable des ressources et de la poursuite de l’exploration et de l’exploitation de la zone extracôtière de Terre‑Neuve, ce qui inclut tous les secteurs relevant de la compétence de l’Office Canada—Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers.
Il en va de même pour la Nouvelle-Écosse. Je suis aussi très favorable au développement responsable d’autres sources d’énergie extracôtières, comme les énergies éolienne, solaire, marémotrice et géothermique, sans oublier les carburants de transition comme le biodiésel, l’éthanol et le gaz naturel, ainsi que le développement de l’hydrogène comme carburant le long de toutes les côtes canadiennes et partout où ce potentiel existe. L’important, c’est que tout cela se fasse d’une manière responsable, conforme à la réglementation et équitable en ce qui concerne les débouchés associés au développement.
Si je soutiens le principe de ce projet de loi, je ne suis pas d’accord pour que le Sénat l’examine avec autant d’empressement. Il a été présenté en première lecture à l’autre endroit le 30 mai 2023, il y a plus d’un an. La deuxième lecture a eu lieu cinq mois plus tard, en octobre, et c’est à ce moment-là qu’il a été renvoyé au Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre des communes.
Ce comité a consacré 12 audiences à ce projet de loi. Il est arrivé ici un an après sa première lecture à la Chambre, et on nous demande d’y apporter le second examen objectif dont nous aimons nous vanter en trois semaines de travail au comité et dans cette enceinte.
Ce projet de loi propose des changements importants aux cadres réglementaires et aux lois existantes concernant le développement de l’énergie pétrolière et éolienne en mer, ainsi que d’éventuelles autres possibilités d’énergie en mer. Le projet de loi C-49 ne porte pas exclusivement là-dessus, mais il ouvre la voie à ce développement, et je suis pour.
Ces changements auraient pour effet de restructurer et d’élargir notre approche actuelle en intégrant les initiatives en matière d’énergies renouvelables tout en redéfinissant la gestion des ressources pétrolières et gazières.
Le projet de loi C-49 comprend plusieurs mesures clés que je vais résumer de façon claire afin de mieux en expliquer les répercussions. Premièrement, le projet de loi propose de renommer l’Office Canada—Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers et l’Office Canada—Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, qui deviendraient respectivement la Régie Canada—Terre-Neuve-et-Labrador de l’énergie extracôtière et la Régie Canada—Nouvelle-Écosse de l’énergie extracôtière. Ces nouvelles entités, qu’on appelle des « régies », seront maintenant responsables de la réglementation des projets d’énergie renouvelable, en plus des projets pétroliers qu’elles réglementent déjà.
Deuxièmement, le projet de loi met en place un nouveau cadre décisionnel pour les ministres fédéraux et provinciaux en ce qui concerne l’octroi de permis pour des terres submergées. Ce processus commence par l’évaluation des projets par les régies, qui font des recommandations aux ministres fédéraux et provinciaux responsables de l’énergie et de l’environnement. Ces ministres ont ensuite 60 jours pour examiner ces recommandations et rendre une décision. Cette période peut être prolongée de 30 jours si les ministres en font la demande par écrit.
Le projet de loi permet de conférer au gouverneur en conseil, avec l’autorisation du ministre provincial, le pouvoir de déterminer les modalités des activités pétrolières et gazières et d’interdire de nouvelles activités dans les zones désignées comme des zones de protection marine. Ces dispositions s’appliquent aussi aux futurs projets d’énergie renouvelable extracôtiers.
Enfin, le projet de loi permet au gouvernement fédéral de recourir à la régie pour consulter des peuples autochtones. Cela pourrait donner lieu à des contestations judiciaires si l’obligation de consultation de la Couronne n’est pas adéquatement respectée, car, selon ce projet de loi, la décision finale relève des ministres.
Lorsqu’il a présenté le projet de loi C-49, le gouvernement a dit très clairement que ce projet de loi a comme objectif fondamental d’harmoniser les dispositions des lois de mise en œuvre des accords avec celles de la Loi sur l’évaluation d’impact. Voici ce qui est écrit dans le document d’information du gouvernement qui accompagne le projet de loi :
En plus de modifier les lois de mise en œuvre des accords afin de moderniser et d’élargir les mandats des offices des hydrocarbures extracôtiers pour y inclure la réglementation sur l’exploitation des énergies renouvelables, les autres modifications présentées aujourd’hui amélioreront leur harmonisation avec la Loi sur l’évaluation d’impact (LEI), établiront de nouveaux outils pour soutenir le programme de conservation marine du gouvernement du Canada et moderniseront le régime foncier actuel pour les hydrocarbures extracôtiers [...]
Les modifications présentées aujourd’hui sont une réponse à l’engagement du gouvernement du Canada de travailler en collaboration avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et‑Labrador pour mettre en œuvre la LEI dans la zone extracôtière de l’Atlantique. Plus précisément, les modifications proposées éliminent les références désuètes à l’ancienne Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) [...]
— aussi appelée la LCEE 2012 —
[...] clarifient les rôles et les responsabilités des offices au cours du processus d’évaluation d’impact afin d’harmoniser les lois de mise en œuvre des accords avec le régime d’évaluation d’impact et assurent simplement que les lois de mise en œuvre des accords tiennent compte de la façon dont les organismes de réglementation et l’Agence canadienne d’évaluation d’impact travaillent ensemble tout en respectant les principes de la gestion conjointe.
Le document d’information précise ensuite ce qui suit :
Il est important de noter qu’aucune des modifications proposées ne modifierait la Loi sur l’évaluation d’impact ou les pouvoirs de l’Agence canadienne d’évaluation d’impact ou du ministre de l’Environnement, et que les protections environnementales solides prévues par cette loi continueront d’être maintenues. Le gouvernement du Canada continuera à travailler en étroite collaboration avec les gouvernements de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador ainsi qu’avec les organismes de réglementation pour mettre en œuvre la Loi sur l’évaluation d’impact dans la zone extracôtière de l’Atlantique.
Chers collègues, une chose intéressante s’est produite alors que nous tentions de procéder à cette harmonisation. Le document d’information en question est daté du 31 mai 2023, le lendemain du jour où ce projet de loi a été présenté en première lecture à l’autre endroit. Alors que la Chambre en achevait la deuxième lecture en octobre, la Cour suprême du Canada a jugé que le projet de loi C-69, la mesure législative avec laquelle il fallait harmoniser le projet de loi C-49, était « en grande partie inconstitutionnel ». Ce sont là les mots de la Cour suprême.
La Cour d’appel de l’Alberta était parvenue à une conclusion similaire avant elle, jugeant que le projet de loi était complètement inconstitutionnel. Le procureur général a interjeté appel de cette décision à la Cour suprême, qui a jugé que les articles 81 et 91 du projet de loi étaient constitutionnels, mais pas le reste.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-49 comprend 32 renvois à des articles du projet de loi C-69 que la Cour suprême a jugé inconstitutionnels : les articles 1 à 89, ainsi que les articles 92 à 188. Il comprend aussi le pouvoir décisionnel discrétionnaire d’un ministre et l’ensemble du régime des projets désignés, qui sont tous deux inconstitutionnels, de sorte que certains éléments du projet de loi pourraient également l’être. D’ailleurs, chers collègues, il est clair qu’ils le sont.
Dans le peu de temps dont nous disposons pour étudier le projet de loi, il se peut que nous ne soyons pas en mesure d’examiner cet aspect. Après réflexion, ces éléments du projet de loi devraient être renvoyés au Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles.
Nous savons que le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, l’honorable Steven Guilbeault, a publié des orientations provisoires pour tenir compte de la décision de la cour jusqu’à ce que des modifications puissent être apportées à la Loi sur l’évaluation d’impact. Bien sûr, la Chambre a eu le temps d’étudier l’impact de ces questions, mais le Sénat est la Chambre du second examen objectif et je pense qu’il aurait été préférable que nous ayons le temps d’étudier cet aspect. Une semaine au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles pourrait permettre d’éviter des années de contestations judiciaires.
Lorsqu’il a publié ses orientations, le ministre a assuré à la population de ma province et de la Nouvelle-Écosse que l’évaluation régionale de l’exploitation de l’énergie éolienne extracôtière à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse se poursuivra. Honorables sénateurs, quand il a défendu le projet de loi C-49, le gouvernement a déclaré que le potentiel de développement de l’énergie éolienne extracôtière était particulièrement prometteur dans le Canada atlantique, puisque la vitesse des vents en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador est l’une des plus élevées au monde. Le Canada, a déclaré le gouvernement, peut utiliser ce qu’il appelle ses « ressources éoliennes de premier ordre » pour desservir les marchés locaux et internationaux de l’hydrogène propre. En outre :
L’intérêt de l’industrie pour l’élaboration de projets d’énergie éolienne extracôtière et d’hydrogène s’est aussi considérablement accru au cours de l’année écoulée, de nombreux projets étant désormais envisagés au large des côtes de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador.
C’est très bien, évidemment, mais tant que la constitutionnalité de la Loi sur l’évaluation d’impact ne sera pas établie et qu’une décision ne sera pas prise concernant les projets envisagés, ils resteront dans l’incertitude. Chers collègues, les investisseurs mondiaux aiment la certitude en matière de réglementation. Ici, c’est tout le contraire.
Honorables sénateurs, comme beaucoup d’entre vous le savent, l’hydrogène que le Canada et une grande partie du monde produisent actuellement est de l’hydrogène gris, et sa production est gourmande en carbone. Je félicite les gouvernements provinciaux de s’être fait les champions du mouvement en faveur de l’hydrogène vert grâce à l’énergie éolienne.
Comme vous le savez, le Comité sénatorial de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a rédigé l’an dernier un rapport sur l’hydrogène, dans lequel il demandait si cette option était viable pour atteindre l’objectif de carboneutralité d’ici 2050. De nombreux témoins, y compris ceux du gouvernement, se sont montrés peu optimistes quant à la manière dont l’hydrogène peut nous permettre d’atteindre l’objectif de carboneutralité d’ici 2050, ou même de contribuer à son atteinte. Voici un extrait de la page 37 du rapport :
Les témoins représentant Ressources naturelles Canada, le ministère responsable de la Stratégie canadienne pour l’hydrogène, nous ont dit qu’il n’y avait pas encore de plan clair pour réaliser la vision de la stratégie.
À la page 37 du rapport, on cite le témoignage de plusieurs témoins qui ne font pas partie du gouvernement :
Mark Kirby, de l’Association canadienne de l’hydrogène et des piles à combustible, et Sabina Russell de Zen Clean Energy Solutions, ont chacun donné au gouvernement fédéral la note de « C+ » pour sa stratégie sur l’hydrogène, à cause du manque d’objectifs intelligents avec des paramètres définis.
Jeff Griffin, des Laboratoires Nucléaires Canadiens, a dit estimer que la stratégie pour l’hydrogène est un « cadre solide [pour atteindre l’objectif de ZEN2050] » plutôt qu’un plan détaillé pour y arriver.
Finalement :
Julia Levin, de l’Association de défense de l’environnement, a toutefois prévenu que la stratégie pour l’hydrogène exagère le rôle de l’hydrogène et laisse « trop de place à l’hydrogène fossile. »
Plus grave encore, le Bureau du commissaire à l’environnement et au développement durable a vérifié les affirmations du gouvernement du Canada concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre que permettrait l’adoption de l’hydrogène aux niveaux envisagés dans la Stratégie canadienne pour l’hydrogène. Voici ce qu’on peut lire dans le rapport du Comité de l’énergie :
Nous avons été déçus d’apprendre que la vérification effectuée par le CEDD a révélé de nombreux problèmes méthodologiques dans la modélisation de RNCan et d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC). De plus, il a soulevé d’autres questions sur la façon dont le gouvernement fédéral modélise et projette les réductions d’émissions de gaz à effet de serre de ses programmes et politiques.
Chers collègues, je ferai preuve d’une certaine prudence au sujet des prétentions du gouvernement concernant l’hydrogène en relation avec le projet de loi C-49, à savoir qu’il permettra de décarboner les réseaux électriques provinciaux et de passer à un réseau électrique sans émissions d’ici 2035. Je reste toutefois favorable à l’idée d’essayer, tout comme j’étais en faveur d’une exploration précoce dans le secteur pétrolier extracôtier avant que la moindre garantie ne soit proposée. Cet élargissement des responsabilités des offices des hydrocarbures extracôtiers est une bonne mesure, et elle est nécessaire.
Honorables sénateurs, nous devons également être conscients de l’incidence sur la pêche. Le comité de la Chambre a entendu de nombreux représentants de l’industrie de la pêche, qui ont tous communiqué leurs vives inquiétudes quant aux conséquences que le projet de loi C-49 pourrait avoir sur leurs activités. J’ai aussi appris que les Premières Nations, en particulier celles de la Nouvelle‑Écosse, sont fortement préoccupées par l’absence de consultations.
Ces préoccupations méritent toute notre attention. On a vivement critiqué l’absence de consultation adéquate auprès des pêcheurs. L’industrie de la pêche, qui est essentielle à l’économie de nombreuses communautés côtières, n’a pas été suffisamment impliquée dans l’élaboration de ce projet de loi. Il est quasi certain que le manque de consultation se retournera contre nous.
La sénatrice Petten, qui est la marraine de ce projet de loi, a fait référence, dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, à un organisme appelé One Ocean. C’est un bon organisme. J’ai représenté pendant trois ans l’Office Canada—Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers au conseil de One Ocean. Cet organisme est un système d’alerte précoce qui contribue à maintenir l’harmonie entre le secteur dynamique et important de la pêche et le secteur dynamique et important du pétrole. Il ne permet pas de résoudre aisément les effets réels d’intérêts opposés. Nous introduisons maintenant une autre industrie qui exercera des activités près des côtes, là où la pêche côtière se pratique depuis 500 ans. L’installation et l’exploitation d’éoliennes auront indéniablement un effet sur l’industrie de la pêche, surtout si ces activités se déroulent dans des lieux de pêches traditionnelles pendant des saisons de pêche d’une durée limitée.
Le comité de la Chambre, pendant son étude, a entendu des témoins qui ont déclaré que ces projets pourraient perturber les écosystèmes côtiers marins, réduire la productivité des pêcheries et mettre en péril la viabilité économique des communautés côtières. En outre, le manque de données scientifiques solides et d’évaluations complètes a été un autre point de discorde.
Ruth Inniss, qui représente l’industrie de la pêche, a parlé de l’incertitude entourant les effets à long terme des parcs éoliens sur les populations de poissons et les autres espèces marines. Elle a demandé des garanties pour que les projets soient correctement évalués avant d’être mis en œuvre. Les régies de l’énergie extracôtière devront développer une expertise interne pour de telles évaluations, comme ils l’ont fait pour le secteur pétrolier.
Honorables sénateurs, je voudrais également parler du nouveau cadre réglementaire visant les recommandations faites par les régies sur l’octroi de permis au sujet des projets extracôtiers d’énergie renouvelable. Il est important de souligner que cette étape introduit une couche supplémentaire de réglementation, ce qui risque de retarder considérablement les projets et d’accroître le fardeau administratif. Le transfert des pouvoirs d’approbation des permis aux ministres fédéraux et provinciaux, prévu à l’article 19 du projet de loi, pourrait tripler le temps nécessaire à la prise de décision. Dans le cas d’un appel d’offres, les délais peuvent être prolongés indéfiniment jusqu’à la conclusion de l’appel d’offres. Cette approche complique inutilement le processus décisionnel et impose des obstacles supplémentaires aux projets énergétiques à venir. Le fardeau administratif accru et les délais prolongés risquent de décourager les investisseurs et d’entraver notre développement économique.
La même critique peut être faite au sujet du processus d’autorisation de l’organisme de réglementation, tel que proposé par les articles 61 et 62 du projet de loi C-49 en lien avec la Loi sur l’évaluation d’impact. En effet, le projet de loi C-49 intègre les exigences de la Loi sur l’évaluation d’impact dans le processus d’autorisation de l’organisme de réglementation, ce qui oblige ce dernier, dans le cas d’un projet désigné, à attendre une décision de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada avant de pouvoir délivrer des autorisations. Si une évaluation est nécessaire, cela peut retarder considérablement le processus. En outre, cela permet au ministre de l’Environnement et du Changement climatique d’imposer « toute condition qu’il estime indiquée » en tenant compte de l’intérêt public. Ces conditions supplémentaires peuvent prolonger indéfiniment la période d’autorisation. En pratique, cela signifie que les autorisations requises pour commencer à travailler sur des projets énergétiques pourraient être retardées de plusieurs mois, voire de plusieurs années. Il s’agit là, chers collègues, d’une incertitude réglementaire classique.
Honorables sénateurs, je suis également préoccupé par l’article 28 du projet de loi C-49, qui pose une grave menace à l’industrie pétrolière extracôtière de la région atlantique du Canada. Étant donné que cette disposition permet au ministre fédéral, avec l’accord du ministre provincial, d’interdire le forage dans certaines zones et de suspendre des projets en cours, elle pourrait entraîner d’importantes pertes d’emplois et nuire à l’économie régionale. Cette disposition n’a rien à voir avec les possibilités offertes par l’énergie éolienne, mais donne plutôt au ministre fédéral la capacité de mettre fin à des activités existantes approuvées et bien réglementées, y compris la production. Chers collègues, il est certain que cela entraînera des poursuites judiciaires de plusieurs milliards de dollars.
Les revenus générés par cette industrie sont essentiels pour les collectivités locales, les gouvernements provinciaux et, bien sûr, le gouvernement fédéral, car ils leur permettent de financer des services publics essentiels et de contribuer à l’économie. Chers collègues, pas plus tard que cette semaine, lors de la conférence annuelle d’Energy NL, ma province, par l’entremise de son premier ministre, a envoyé un message fort : en tant que future « capitale de l’énergie en Amérique du Nord », Terre-Neuve-et-Labrador ne s’attend pas à un déclin de son intérêt pour le pétrole extracôtier. Le premier ministre a déclaré ceci :
Nous nous engagerons à fond dans l’industrie pétrolière et gazière au cours des prochaines décennies, parce que c’est ce dont le monde a besoin.
Comme je l’ai déjà mentionné au Sénat, la demande pour le pétrole et le gaz de Terre-Neuve-et-Labrador se maintiendra pendant des années. Compte tenu de cette réalité, comment le projet de loi C-49, qui accorde au gouvernement fédéral le pouvoir d’interrompre ou de suspendre les activités de forage, peut-il soutenir cette industrie vitale? Il s’agit d’une autre tentative du gouvernement Trudeau d’éliminer progressivement l’industrie pétrolière et gazière. Il n’est probablement pas nécessaire de dire — mais, bien sûr, je le ferai — que cette industrie fournit à la classe moyenne des emplois bien rémunérés, qui subviennent aux besoins des familles de la classe moyenne et des collectivités canadiennes de la classe moyenne.
Honorables collègues, je vous ai fait part de mes sérieuses préoccupations au sujet du projet de loi C-49. Peut-être qu’il existe des réponses valables à chacune d’elles, mais je ne les ai pas encore entendues. Mes préoccupations et celles d’autres personnes devraient faire l’objet d’une analyse juste et approfondie par le comité. Ma province n’est donc pas pressée. Le gouvernement provincial devra adopter une loi semblable — tout comme le gouvernement de la Nouvelle-Écosse — avant d’aller de l’avant. La dernière fois que j’ai parlé aux décideurs de Terre-Neuve-et-Labrador, ils n’avaient pas encore commencé à préparer ce projet de loi.
Chers collègues, j’ai commencé par dire que je suis favorable à l’intention du projet de loi C-49. En effet, je suis en faveur de la création d’un régime réglementaire pour l’exploitation de plus amples ressources énergétiques en zone extracôtière afin de répondre aux besoins de notre pays et des marchés mondiaux. Cependant, j’ai des inquiétudes légitimes parce que certains éléments de ce projet de loi, qui n’ont rien à voir avec les possibilités additionnelles, agiraient comme un cheval de Troie en nuisant à l’analyse de rentabilité du secteur pétrolier, non pas en raison de faiblesses sur le plan de l’approvisionnement, d’insuffisance de la demande ou des coûts élevés, car Terre-Neuve-et-Labrador figure parmi les endroits où l’extraction des hydrocarbures est la moins coûteuse dans le monde. En fait, c’est l’incertitude entourant la réglementation qui ferait fuir les investissements du secteur pétrolier vers d’autres grands pays producteurs, comme la Russie, le Venezuela, l’Iran et l’Arabie saoudite. Or, ces pays n’ont pas les mêmes normes que nous en matière de protection des travailleurs et de l’environnement et, contrairement à nous, ils ne créeront pas d’emplois pour les Canadiens.
Chers collègues, j’espère que des réponses pourront être fournies pour certaines de ces questions grâce à la poursuite des travaux en comité et d’éventuels débats.
Sénateur Wells, je vous remercie de votre discours, d’avoir accepté d’être le porte-parole pour le projet de loi C-49, et de votre longue expérience auprès de l’Office Canada—Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, qui a contribué à l’essor de notre province.
Sénateur Wells, comme vous le savez, non seulement les deux premiers ministres soutiennent le projet de loi C-49, mais les deux provinces ont participé à son élaboration. Les premiers ministres provinciaux ont publiquement demandé que nous adoptions cette mesure législative le plus rapidement possible afin qu’ils puissent présenter et adopter les projets de loi parallèles nécessaires. Bien entendu, il faut d’abord que ce projet de loi soit adopté ici.
Sénateur Wells, vu les circonstances, n’êtes-vous pas d’accord pour dire que ce projet de loi mérite d’être étudié dans les meilleurs délais, comme l’ont demandé les deux premiers ministres provinciaux?
Merci, sénatrice Petten. C’est une excellente question.
Je ne pense pas qu’il devrait être adopté sans avoir fait l’objet d’une étude convenable. Je pense également que des consultations adéquates doivent avoir lieu. Si cela ne se fait pas avec les Premières Nations, en particulier en Nouvelle-Écosse, et avec les groupes de pêcheurs en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador, il y aura peut-être plus d’ennuis que cela n’en vaut la peine.
Je reconnais que les premiers ministres de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse sont impatients de voir ce projet se concrétiser, car ils ont hâte d’avoir de l’énergie éolienne.
Je connais très bien cette industrie et j’ai travaillé 30 ans dans le secteur de la pêche, presque autant d’années que vous, sénatrice Petten. Je connais très bien les deux industries et je sais que, sans une consultation adéquate, ce projet de loi pourrait revenir nous hanter, en particulier les dispositions qui n’ont rien à voir avec l’énergie éolienne et qui ont tout à voir avec l’arrêt de l’exploitation pétrolière et gazière. C’est comme les saucisses. Je pourrais vous demander : « Aimez-vous les saucisses? » Votre réponse ne devrait pas être « oui ». Votre réponse devrait être : « Qu’est-ce qu’il y a dedans? » Je pense que c’est le cas de ce projet de loi.
Le sénateur Wells accepterait-il de répondre à une question?
Je le ferais volontiers, sénatrice McPhedran.
Je vous remercie, sénateur Wells.
Si je comprends bien l’un des principaux points que vous soulevez, vous êtes plutôt froissé qu’on demande aux sénateurs de traiter ce dossier très rapidement. Pourriez-vous me dire si votre préoccupation concerne seulement le projet de loi à l’étude ou si vous êtes aussi préoccupé par le fait que le Sénat ait adopté, très récemment, des projets de loi qui n’avaient fait l’objet d’aucun débat?
Je vous remercie de votre question, sénatrice McPhedran. À l’heure actuelle, je suis seulement préoccupé par le projet de loi C-49, pour lequel je joue le rôle de porte-parole. Je crois qu’environ 70 projets de loi d’intérêt public du Sénat se trouvent à différentes étapes du processus parlementaire en ce moment. Nous avons aussi des projets de loi d’initiative parlementaire, je ne sais pas combien il y en a, que nous aimerions voir progresser. Je ne sais pas si cela répond à votre question. Nous aimerions que tous les projets de loi reçoivent, à un moment donné, l’examen minutieux qu’ils méritent. Cela dit, c’est sur le projet de loi C-49 que je me concentre aujourd’hui.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)