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Projet de loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter)

Deuxième lecture--Suite du débat

6 juin 2024


L’honorable Pat Duncan [ + ]

Honorables sénateurs, le débat sur cet article est ajourné au nom de l’honorable sénatrice Martin, et je demande le consentement du Sénat pour qu’il reste ajourné à son nom après mon intervention d’aujourd’hui.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Le consentement est-il accordé?

La sénatrice Duncan [ + ]

Honorables sénateurs, je sais que le temps file, alors j’irai droit au but.

Je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-201, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum (âge de voter).

Hier soir, j’ai passé en revue mes notes sur cette question et mon discours précédent sur une version antérieure du projet de loi en regardant le bulletin de nouvelles national de CBC.

Le reportage sur la recherche et la préparation des histoires à raconter aux Canadiens à la veille du 80e anniversaire du jour J et de la libération de la Normandie était particulièrement émouvant, et cette information a évidemment été bien présentée par CBC, qui nous a habitués à des normes rigoureuses en matière de journalisme. Je vais réserver mes autres observations sur CBC/Radio-Canada pour l’interpellation du sénateur Cardozo.

Les honorables sénateurs m’ont souvent entendu parler du leadership des Premières nations du Yukon. Parmi les documents que j’ai sous la main, il y a un communiqué publié en 2021 par le Conseil des Premières Nations du Yukon, qui s’intitule « La campagne YFN Rock the Vote propose des initiatives visant à mieux outiller et informer les Premières Nations du Yukon en vue d’augmenter le taux de participation aux élections ».

Le communiqué comprend cette citation du grand chef Peter Johnson :

Nos aînés ont lutté avec acharnement pour obtenir le droit de vote. Le simple fait de voter peut contribuer à ce que le gouvernement tienne compte de l’avis des Premières Nations du Yukon et des changements qu’elles réclament.

Dans la section du communiqué qui présente des faits en bref, on dit ceci :

Le chemin vers l’obtention du droit de vote pour les Premières Nations a été long et difficile; ce n’est qu’en 1962 qu’elles se sont vu accorder le droit de vote sans conditions au Canada.

Il est particulièrement approprié que je commence mes observations en saluant avec déférence les Premières Nations du Yukon. Parmi les 14 Premières Nations du Yukon, trois ont une constitution établissant à 16 ans l’âge de voter.

Le Conseil des Kaska dénés n’a pas tranché clairement, et il inclut la Première Nation de Liard et le Conseil Dena de Ross River. Les membres de la Première Nation de Na-Cho Nyak Dun et des Premières Nations de Champagne et d’Aishikik peuvent voter pour leur chef et le conseil de leur gouvernement autonome à partir de 16 ans.

Avant de prononcer mon discours précédent sur le sujet, j’ai discuté de l’âge de voter des Premières Nations de Champagne et d’Aishikik avec celui qui en était alors le chef, Steve Smith.

Je vais répéter ce dont je vous avais fait part le 1er juin 2021 :

J’ai récemment eu l’occasion de demander au chef Steve Smith des Premières Nations de Champagne et d’Aishihik comment l’âge de voter avait été fixé à 16 ans pour les communautés qu’il représente, qui font également partie des quatre premières Premières Nations du Yukon à avoir conclu un accord sur les revendications territoriales. Il a attribué la décision à la perspective plus ouverte de ses prédécesseurs et reconnu que le vote n’a pas seulement évolué à cause du désir d’un jeune conseiller de susciter la participation de tous les jeunes et d’abaisser l’âge de voter. Il m’a également dit qu’étant donné que les jeunes votent plus tôt, ils continuent de participer activement à la vie politique de leurs Premières Nations.

Par ailleurs, chers collègues, je me dois de souligner l’importance des accords sur les revendications territoriales. Lorsqu’une Première Nation, le Canada et le Yukon parviennent à un accord définitif sur une revendication territoriale, cet accord s’accompagne de toutes les responsabilités liées aux relations entre les trois gouvernements. Dans une Première Nation où des jeunes de 16 ans votent pour leur gouvernement, ils ont voix au chapitre à savoir qui les représente au sein de l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon, laquelle examine tous les projets, un peu comme ce dont nous discutions aujourd’hui dans le cadre du projet de loi C-49. Cela leur donne également voix au chapitre concernant l’orientation des priorités de financement de la société de développement de leur Première Nation, qui investit et dépense les fonds alloués à la Première Nation dans le cadre de l’accord sur les revendications territoriales. De plus, cela leur donne voix au chapitre concernant la garde et l’entretien de leurs terres par leur gouvernement.

Je fais suivre mes commentaires sur les conseils du chef de l’époque, M. Smith, de cette remarque : « [N]otre ancien et estimé collègue, le sénateur Sinclair, a conseillé que l’éducation fasse partie de notre parcours vers la réconciliation. Profitons de l’éducation et tirons des leçons des Premières Nations et de leur respect pour la participation des jeunes. Accordons de l’importance à leurs opinions et poursuivons le débat sur l’abaissement de l’âge de voter [...] Poursuivons ensuite notre discussion et renvoyons le projet de loi [...] à un comité aux fins de discussion et d’étude plus approfondies. »

Honorables sénateurs, il me semble incohérent, voire hypocrite, de voir les jeunes découvrir et honorer les soldats tombés en Normandie, et de voir le respect que ces jeunes portent à ceux qui sont morts au combat pour protéger nos libertés, y compris le droit de vote, et de ne pas leur offrir le même respect que celui qu’ils manifestent envers ceux qui se sont battus pour ces libertés.

Alors que nous ne cessons de nous engager à emprunter la voie de la réconciliation et à apprendre des peuples autochtones qui ont pris soin du territoire pendant des millénaires, pourquoi ne pas suivre les enseignements des Premières Nations du Yukon, qui ont accordé le droit de vote aux jeunes de 16 ans? Ne devrions-nous pas, à tout le moins, entretenir une relation respectueuse, inclure ces enseignements et discuter du bien-fondé d’accorder à ces mêmes jeunes le droit de vote?

Ah oui, le droit de vote. Si vous visitez mon bureau ou que vous repensez à mon discours d’il y a trois ans, vous saurez que j’ai dans mon bureau un morceau de tissu mauve abîmé. Il est tiré d’un t‑shirt qui m’a été remis, et on peut y lire ceci : « Ni les femmes, ni les idiots, ni les déséquilibrés, ni les criminels n’ont le droit de voter. La Loi électorale du Canada de 1918. » Les femmes ont obtenu le droit de vote en 1918, les membres des Premières Nations en 1962 et les personnes incarcérées en 2002.

Je n’ai pas examiné les détails — l’historique — de l’élargissement du droit de vote à l’un ou l’autre de ces groupes de personnes. Je me souviens d’avoir voté, en tant que députée de l’Assemblée législative du Yukon, en faveur de l’accord du droit de vote aux personnes incarcérées au Centre correctionnel de Whitehorse. J’ai passé en revue certains des renseignements présentés lors de discussions avec des jeunes du Yukon et, notamment, lors des récentes discussions tenues dans le cadre du sommet national sur le vote à 16 ans, à Ottawa.

Puis-je souligner pour vous, honorables sénateurs, un seul des avantages du vote à 16 ans confirmés par la recherche et dont on a récemment discuté à Ottawa?

Mes collègues savent peut-être que mon père est né en Écosse. Il a également été membre de l’Aviation royale en 1944. L’Écosse, qui a conclu une entente sur le transfert des responsabilités, est très chère à mon cœur.

En Écosse, lors du référendum sur l’indépendance de 2014, on a abaissé l’âge du droit de vote de manière expérimentale. Au cours de ce référendum, le taux de participation des 16-17 ans a été de 75 %, celui des 18-24 ans de 54 % et celui des 25-34 ans de 72 %. Les recherches menées par Hübner et Eichhorn qui ont été présentées lors du sommet Vote16 ont démontré le succès de ce projet pilote et l’augmentation de l’appui du public envers le droit de vote des jeunes, qui est passé de 30 % à 60 %. L’Écosse a désormais fixé l’âge du droit de vote à 16 ans de manière permanente pour toutes les élections écossaises.

À la suite de l’abaissement de l’âge du droit de vote, les chercheurs ont également constaté une augmentation de la participation démocratique, ce que nous pouvons tous souhaiter. La passion et l’éloquence des jeunes lors du récent sommet, et plus particulièrement des participants yukonnais Juliette Belisle Greetham et Keegan Newnham-Boyd, ont été une véritable source d’inspiration.

Merci, sénatrice McPhedran, pour votre dévouement à ce projet de loi et pour votre engagement envers les jeunes du Canada.

Honorables sénateurs, il y a beaucoup d’autres informations qui méritent sans l’ombre d’un doute d’être étudiées en comité. Récemment, une personne qui est allée à l’école secondaire avec moi m’a dit qu’elle se souvenait de mon engagement actif à l’époque, et que j’avais un franc-parler à l’école. Elle m’a dit que je portais un macaron — et, honnêtement, je ne me souviens pas c’était pour quelle cause — qui disait : « Pourquoi pas? ». Je vous prie de garder cette idée en tête dans le cadre de ce débat, honorables sénateurs : pourquoi pas? Pourquoi ne pas renvoyer ce projet de loi au comité afin que nous puissions examiner les données probantes, entre autres celles que j’ai mentionnées? Surtout, écoutons ce que les jeunes ont à dire. Écoutons leurs voix et celles de tous les Canadiens.

Chers collègues, vous savez peut-être que j’ai siégé pendant un certain temps au Conseil consultatif canadien de la situation de la femme. En 1992, j’ai participé à la rédaction d’un rapport sur les jeunes femmes intitulé J’ai des choses à dire...écoutez-moi! Sondage auprès des adolescentes du Canada. Écoutons tous les jeunes Canadiens.

Chers collègues, je vous demande de soutenir le projet de loi S-201 à l’étape de la deuxième lecture. Je vous encourage à le renvoyer au comité pour une étude plus approfondie au moment du vote. Merci. Mahsi’cho.

La sénatrice Duncan accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Duncan [ + ]

Certainement.

Merci. J’ai beaucoup aimé votre référence à la situation en Écosse, l’un des pays à l’avoir fait récemment. Comme vous le savez, l’Autriche a abaissé l’âge de voter à tous les ordres de gouvernement à 16 ans en 2007. C’est de là que vient une grande partie de la recherche très positive sur une base longitudinale.

Ma question concerne la leader des conservateurs en Écosse; étiez-vous au courant qu’elle a changé publiquement de position sur ce sujet et qu’elle a également fait une déclaration publique selon laquelle son expérience du vote à 16 ans en Écosse était, pour la citer, « [...] entièrement positive ».

La sénatrice Duncan [ + ]

Merci, sénatrice McPhedran. Non, je n’étais pas au courant. Comme vous le savez, cependant, l’Écosse nous a également fourni d’autres exemples de mesures législatives et d’initiatives de premier plan en ce qui concerne la fourniture gratuite de produits d’hygiène féminine, que le gouvernement du Canada a maintenant adoptée dans tous les édifices fédéraux. Merci de votre question.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ + ]

Je n’avais pas prévu de faire un long discours. Je m’attarderai sur trois points pour participer au débat et inscrire ma position.

Sénatrice McPhedran, je vous remercie d’avoir présenté ce projet de loi. Ce n’est pas la première fois : vous l’avez déjà fait à quelques reprises. Le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis est le projet de loi S-201, qui a été présenté le 24 novembre 2021.

Je suis d’accord pour dire que les projets de loi doivent, à un moment donné, faire l’objet d’un vote. Aujourd’hui, j’expliquerai pourquoi, quand ce moment viendra, nous devrions voter contre cette mesure législative.

Je suis aussi d’accord pour dire que les projets de loi émanant de la Chambre des communes devraient également être mis aux voix, surtout parce qu’ils ont fait l’objet de trois lectures à l’autre endroit et qu’ils méritent d’être examinés par nous, les parlementaires non élus, car ils proviennent des parlementaires élus. Maintenant, comme vous le savez peut-être, des projets de loi semblables ont été présentés à la Chambre des communes neuf fois jusqu’à présent. Aucun n’a abouti.

En fait, la dernière version était le projet de loi C-210. Cette mesure législative a été rejetée par la Chambre des communes le 28 septembre 2022. En tout, 77 députés ont voté en faveur du projet de loi, et 246 ont voté contre. Le résultat n’était pas très serré.

Dans un discours précédent, le sénateur Tannas a demandé si c’était une bonne utilisation du temps du Parlement de débattre de ce projet de loi, de le renvoyer au comité, puis d’en faire la troisième lecture et de le renvoyer à la Chambre des communes, alors qu’il propose quelque chose que cette dernière a déjà refusé de faire, une initiative qu’elle a rejetée clairement par 246 voix contre 77.

Le sénateur Tannas a posé une très bonne question, mais je veux aller plus loin, parce que je suis d’accord avec lui au sujet de la réponse qu’il a donnée à ce moment-là : non, ce ne serait pas une bonne utilisation du temps du Parlement.

Je vais passer aux questions les plus fondamentales qui se posent ici : quel est l’âge de la sagesse? Quel est l’âge approprié pour voter?

C’est une question importante. Quel est l’âge de la sagesse, de la raison, de la compréhension et du raisonnement? Si vous regardez les enseignements de la Bible, il y a beaucoup de variations.

Prenons l’exemple de nos systèmes de santé. Au Québec, une personne de 14 ans peut consulter un médecin et peut subir une intervention chirurgicale, parce que son consentement est considéré comme étant parfaitement valide par une personne qui comprend sa situation et qui est en mesure de décider des traitements, y compris ceux qui, s’ils sont refusés, pourraient conduire à la mort.

Je ne sais pas quel est l’âge de la raison, l’âge approprié, mais c’est un choix qu’une société doit faire. Nous avons fixé l’âge à 14 ans pour les soins de santé. On dit que c’est 18 ans pour le droit de vote. Aux États-Unis, pour prendre un verre d’alcool, il faut avoir 21 ans, mais on peut voter à 18 ans et porter une arme à feu à 16 ans.

L’âge de la raison est parfois fixé en fonction de l’activité que l’on entend poursuivre. Je ne suis pas certain qu’on laisserait une personne de 16 ans opérer de la machinerie lourde sur un chantier de construction. Finalement, beaucoup de questions peuvent se poser et beaucoup d’explications peuvent être données pour fixer une limite d’âge.

Cela dit, la question est à la fois philosophique, pratique et, surtout, politique, ce qui m’amène à mon troisième point. Une question aussi politique peut-elle relever du Sénat, une Chambre non élue? À mon avis, il s’agit d’une question fondamentale.

Au Canada, la participation au système électoral se fait par l’entremise de partis politiques. Ce sont les partis politiques qui sont élus avec quelques députés indépendants, mais essentiellement, notre système démocratique est axé sur la participation des électeurs qui votent pour des partis politiques, lesquels proposent des options politiques parmi lesquelles les électeurs peuvent choisir.

Il appartient aux électeurs de voter pour le parti qui, selon eux, a le programme électoral avec lequel ils sont le plus à l’aise. Tous les partis à l’autre endroit — en fait, au moins 240 députés, donc probablement trois partis — estiment qu’abaisser l’âge du vote à 16 ans n’est pas vraiment une bonne idée, et ils ne sont pas prêts à présenter cette mesure aux Canadiens. C’est une considération importante pour nous.

Il ne nous revient pas de décider ce que les partis politiques doivent faire. Il revient aux partis politiques de prendre leurs propres décisions. Étant donné qu’ils représentent les Canadiens, c’est à eux de sonder les Canadiens pour déterminer ce que veulent ces derniers. Nous sommes une Chambre non élue, et je pense qu’il serait très délicat que des personnes qui ne sont pas élues décident ce qui est bon pour les élus et décident qui devraient être les élus.

Dans une démocratie, ce devrait être le contraire. Il appartient aux élus de décider qui sont les non-élus et la façon de les choisir. Pour moi, cette question relève entièrement et uniquement de la Chambre des communes. C’est à l’autre endroit de lancer ce type de réforme importante. Je ne dis pas que c’est une mauvaise réforme. Je dis simplement que nous sommes la mauvaise entité pour nous prononcer sur cette question. Pour faire campagne sur cette question, il faut se faire élire et en faire la promotion, ou travailler dans un parti politique et essayer de convaincre le parti de mettre cette question de l’avant. Cependant, en ce qui nous concerne — les membres non élus, les sages, le conseil des aînés —, je préférerais laisser à ceux qui présentent leur candidature et se font élire le choix de décider ce qui est bon pour la démocratie.

C’est pourquoi, chers collègues, je vous invite à voter contre le projet de loi lorsqu’il sera mis aux voix. Nous ne devrions pas non plus hésiter — non pas parce que nous n’avons pas de respect pour la marraine du projet de loi — à dire : « Renvoyons-le en comité; nous l’étudierons. » Ensuite, si nous laissons le comité l’étudier, il dira : « Cela laisse à désirer, mais puisque c’est une bonne personne, nous allons produire un rapport et le faire passer à l’étape de la troisième lecture. » Nous ne devrions pas agir de la sorte. Nous venons ici pour remplir une fonction importante. Il s’agit d’examiner les projets de loi et d’adopter ceux qui valent la peine d’être adoptés. En ce qui concerne les autres projets de loi qui ne fonctionnent pas, nous ne devrions pas les adopter. Pour ma part, je m’opposerai au projet de loi quand aura lieu le vote. Ce n’est pas une mesure pour le Sénat. Nous devrions mettre un terme à cette histoire et passer à un autre projet de loi. Merci.

L’honorable Frances Lankin [ + ]

Sénateur Dalphond, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Dalphond [ + ]

Bien sûr.

La sénatrice Lankin [ + ]

Merci. Une partie de votre discours portait sur la Chambre élue et son droit de tenir le haut du pavé en ce qui concerne l’examen des questions relatives à la démocratie et au processus démocratique.

Il se trouve que je suis d’accord avec vous pour dire qu’il faut respecter la Chambre des communes. Je l’ai dit à maintes reprises. Je tiens toutefois à souligner que le Sénat examine certaines questions liées aux droits fondamentaux, qu’il s’agisse ou non de droits garantis par la Charte, même si c’est lui qui les a soulevées.

Par exemple, bien qu’il ne s’agisse pas d’un projet de loi, nous sommes saisis d’une motion présentée par l’un de vos collègues concernant l’examen par le Sénat de l’utilisation de la clause dérogatoire et de son incidence sur nos délibérations à l’avenir. Vous opposez-vous également l’examen de ce genre de questions? D’une certaine manière, cette question porte encore plus fondamentalement sur la protection des droits démocratiques et des droits garantis par la Charte des Canadiens.

Le sénateur Dalphond [ + ]

Je vous remercie de votre question, sénatrice Lankin. Faites-vous référence au préavis de motion donné par le sénateur Harder? Si, c’est le cas, nous aurons amplement le temps de débattre de cette motion lorsqu’elle passera du Feuilleton des préavis à l’ordre du jour. Je serai enchanté d’en discuter à ce moment-là.

Une chose est claire : les droits fondamentaux sont protégés par notre Charte, mais le droit de voter à 16 ans ne l’est pas. Personne n’a demandé aux tribunaux de déclarer qu’il est inconstitutionnel de fixer l’âge de voter à 18 ans, sinon quelqu’un aurait tenté le coup. Cela n’a pas été le cas. Pourquoi? C’est parce que 18 ans est considéré comme une limite raisonnable, ce qui est nécessaire pour exercer son droit de vote.

Il ne s’agit pas d’une question constitutionnelle. C’est un choix politique et, dans la gamme des droits protégés par la Charte, il existe de nombreuses options qui sont aussi valables que d’autres. Il n’y a pas que deux options, ce qui voudrait dire que c’est inconstitutionnel. Souvent, plusieurs options sont constitutionnelles.

Selon ce que je comprends de la loi, cette question sur l’âge de voter n’est pas claire. Ce qui est clair, c’est que l’âge de voter à 18 ans n’est pas inconstitutionnel.

Serait-il inconstitutionnel de permettre le vote à 16 ans? Non, ce ne serait pas inconstitutionnel, mais à qui revient cette décision? Elle revient à la Chambre des communes. Les partis politiques comptent de jeunes membres qui peuvent voter dans le cadre des leurs activités. Les partis politiques peuvent accepter des membres de 14 ou de 16 ans, par exemple. Ils ont des commissions jeunesse. Ils organisent des congrès où les jeunes peuvent voter; ils peuvent même voter pour choisir le chef du parti. Tout cela relève des règles du parti. Par contre, au moment de l’élection générale, ces jeunes n’auront pas le droit de voter pour le chef qu’ils auront contribué à choisir.

Les droits sont importants, mais il faut bien comprendre que ce qui est en jeu ici, c’est une question de politique concernant le seuil choisi. Je laisse aux partis politiques le soin d’être les premiers à changer ce seuil. Merci.

Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Dalphond?

Le sénateur Dalphond [ + ]

Je le ferai avec plaisir, sénatrice McPhedran. Je sais que je dispose de 45 minutes. J’aurais dû y penser.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Dalphond, il vous reste 34 minutes.

Sénateur Dalphond, êtes-vous d’avis qu’il y a une règle de procédure qui empêche le Sénat d’entamer une discussion sur les droits, y compris les droits électoraux? Êtes‑vous d’avis que le Sénat ne doit pas prendre l’initiative sur la question des droits, en particulier lorsque l’élargissement potentiel des droits concerne des populations de notre pays qui ne sont habituellement pas représentées au Parlement?

Le sénateur Dalphond [ + ]

Je vous remercie de cette excellente question, mais là n’est pas l’enjeu. Par exemple, est-il interdit au Sénat de proposer un projet de loi sur l’ingérence étrangère? Le sénateur Housakos a présenté un projet de loi à ce sujet, qui a été conçu pour protéger le droit de vote et les droits démocratiques. Nous avons certainement un rôle à jouer à cet égard.

Ce qu’on propose, c’est un projet de loi sur un sujet qu’on a pleinement débattu à l’autre endroit, pas une fois, mais de nombreuses fois, et qu’on a rejeté. Les partis politiques nous disent que nous ne sommes pas prêts à aller dans cette direction, alors pourquoi le Sénat devrait-il dire aux représentants élus qu’ils ont tort, qu’ils devraient se pencher sur cette question et que nous allons l’étudier et publier un rapport pour tenter de les convaincre qu’ils ont tort? Je suppose que c’est ce que vous dites. Vous dites qu’il faut voter en ce sens, ne serait-ce que pour le renvoyer au Comité des affaires juridiques ou à un autre comité afin qu’il étudie la question.

Je ne suis pas convaincu que ce soit le rôle du Sénat ou une utilisation judicieuse des ressources parlementaires que de dire : « Les députés ont débattu de cette question et la réponse qu’ils ont donnée, c’est qu’il ne s’agit définitivement pas d’une question constitutionnelle, mais parce que nous sommes plus avisés qu’eux, nous pensons qu’ils doivent améliorer les choses pour permettre aux gens de voter à 16 ans ». Je ne pense pas que ce soit notre rôle en tant que Chambre haute non élue.

L’honorable Raymonde Saint-Germain [ + ]

Accepteriez-vous une question de ma part, sénateur Dalphond?

Le sénateur Dalphond [ + ]

Bien sûr, sénatrice Saint-Germain.

La sénatrice Saint-Germain [ + ]

Je vous remercie. Sénateur Dalphond, je vous ai écouté très attentivement et j’aimerais savoir si j’ai bien compris l’essentiel de votre argumentaire, qui est que vous ne niez aucunement que cette Chambre aurait, sur le plan de la légalité, tous les pouvoirs et toutes les prérogatives nécessaires pour examiner un tel projet de loi et l’adopter éventuellement.

Cependant, vous contestez plutôt la légitimité de cet examen en ce moment, dans le contexte où la Chambre des communes a — et le sénateur Tannas l’a bien fait valoir —, depuis les 20 dernières années, examiné cette question à une dizaine de reprises, notamment durant la législature actuelle, sans que l’on invoque la question au préalable, parce que nous sommes une Chambre indépendante. De plus, la Chambre des communes a rejeté un tel projet de loi à l’étape de la deuxième lecture.

Est-ce que je comprends bien que vous posez la question de la légitimité d’une telle intervention dans ce contexte?

Le sénateur Dalphond [ + ]

Merci, sénatrice Saint-Germain. J’ai pris la parole avec quelques notes griffonnées sur une page de papier. Je n’ai peut-être pas été assez clair, mais vous avez résumé très clairement ma position. Il ne s’agit pas de dire qu’il serait illégitime de le faire au Sénat à un moment donné, mais actuellement, nous n’avons pas la légitimité requise pour remettre en question le choix qu’ont fait des élus de la Chambre des communes avec une majorité écrasante.

L’honorable Donna Dasko [ + ]

Le sénateur Dalphond accepte-t-il de répondre à une autre question? Merci.

Je peux comprendre l’argument que vous avancez en ce qui concerne le fait que l’autre endroit se soit prononcé sur la question. Bien sûr, nous pourrions en débattre, mais je comprends votre argument. Ma question est plus large et concerne le rôle des institutions dans une démocratie et le rôle des institutions dans le renforcement de notre démocratie.

On peut faire valoir, comme nous l’avons entendu, que l’abaissement de l’âge du vote à 16 ans pourrait renforcer la démocratie. Je l’admets. Il est certain que le Sénat, ainsi que les tribunaux, les médias, les parlements et le système d’éducation ont tous un rôle à jouer dans le renforcement de la démocratie. Je me demande si vous êtes d’accord avec cela.

Seriez-vous également d’accord pour dire que nous pouvons jouer un rôle indépendant dans l’évolution de nos institutions démocratiques, en essayant de les renforcer? Je vous remercie.

Le sénateur Dalphond [ + ]

Merci, sénatrice Dasko. J’aimerais d’abord souligner que nous avons tous les deux été nommés au Sénat il y a six ans aujourd’hui. Je nous souhaite donc un bon anniversaire, à vous et à moi.

La sénatrice Dasko [ + ]

Joyeux anniversaire!

Le sénateur Dalphond [ + ]

C’est une belle façon de terminer la journée.

Je ne conteste pas la légitimité d’une interpellation sur cette question dans cette enceinte. Nous pourrions en débattre. C’est en quelque sorte ce qui est proposé ici. On dit : « Passons à l’étape de la deuxième lecture, adoptons le projet de loi et renvoyons-le au comité, juste pour en débattre. » Très bien, procédons à une interpellation. Débattons-en si vous le souhaitez. Cependant, je pense que le fait d’aller plus loin, de réclamer une mesure législative, alors que nous savons que l’autre endroit s’y est opposé avec une nette majorité l’année dernière, ne contribue pas au débat démocratique; cela remet en question la décision de l’autre endroit.

Si vous voulez faire une interpellation à ce sujet, si vous voulez proposer une motion qui amènerait l’autre endroit à reconsidérer son point de vue, c’est possible. Cependant, ce que nous disons maintenant, c’est : « Vous avez pris votre décision, mais nous ne l’acceptons pas et nous allons adopter un projet de loi qui tente de réaliser ce que vous avez refusé de faire. » Selon moi, ce n’est pas la bonne façon de procéder, surtout sur cette question qui, par définition, relève plutôt des partis politiques. Désolé, j’espère avoir répondu à une partie de votre question.

Le sénateur Dalphond accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Dalphond [ + ]

Oui, avec plaisir.

Merci beaucoup.

Il a été difficile d’entendre le sénateur Tannas dire que c’était une perte de temps que d’examiner ce projet de loi et cette question, mais, après son intervention, nous avons demandé à la Bibliothèque du Parlement s’il y avait eu des projets de loi émanant du Sénat qui portaient sur les élections. Il s’avère qu’il y a eu, dans l’histoire du Sénat, entre 10 et 12 projets de loi élaborés par le Sénat qui portaient sur les élections. Étiez-vous au courant, sénateur Dalphond? Si ce n’est pas le cas, cette information vous intéresse‑t‑elle d’une manière ou d’une autre?

Le sénateur Dalphond [ + ]

Merci beaucoup. Avez-vous vérifié si certains de ces projets de loi étaient des projets de loi du gouvernement ou des projets de loi d’intérêt privé? C’est ma première question.

La deuxième question a trait au contexte. La sénatrice Saint-Germain a résumé la situation mieux que je n’aurais pu le faire. Je ne conteste pas le fait que nous avons le droit de présenter des projets de loi sur à peu près tout, sauf des projets de loi d’ordre financier, parce que la Constitution dit que nous ne pouvons pas présenter ce genre de projet de loi. Il y a d’autres types de projets de loi que nous pouvons présenter. Ce que je conteste, c’est la légitimité de remettre en question l’âge du droit de vote, alors que, l’année dernière, l’autre endroit a décidé, par un vote de 240 voix contre 77, de ne pas ouvrir ce débat.

Si l’autre endroit adoptait un projet de loi pour fixer l’âge à 16 ans, selon vous, le Sénat aurait-il le droit de dire non et de modifier le projet de loi pour ramener l’âge à 18 ans? Posez-vous la question. Je pense que la réponse est non, parce que cette question relève de l’autre endroit. Si les députés de l’autre endroit avaient voté pour fixer l’âge à 16 ans, les sénateurs ne seraient pas en position de dire aux députés : « Vous faites erreur. Nous croyons que c’est à 18 ans qu’on a la sagesse nécessaire pour voter. Nous allons donc modifier le projet de loi pour ramener l’âge à 18 ans. » Je suppose que cela va dans les deux sens.

Sénateur Dalphond, auriez-vous l’obligeance de répondre à une autre question?

Le sénateur Dalphond [ + ]

Oui.

Je vous remercie. Sénateur, la sénatrice Saint-Germain et vous avez tous les deux parlé de projets de loi qui avaient été examinés et mis aux voix. J’aimerais savoir si vous vous rendez compte que, sur les neuf projets de loi à la Chambre des communes qui visent à réduire l’âge de voter à 16 ans, un seul a bel et bien été mis aux voix à l’autre endroit. Bref, considérez-vous que la présentation d’un projet de loi constitue une forme d’examen?

Le sénateur Dalphond [ + ]

Il y a environ 85 projets de loi qui ont été présentés au Sénat, alors non, la présentation et l’examen d’un projet de loi ne sont pas la même chose. Un grand nombre d’entre eux n’ont pas été étudiés en profondeur et ils ne le seront fort probablement jamais.

Cela dit, le 28 septembre 2022, un projet de loi très semblable a été débattu, mis aux voix et rejeté. C’est la réalité, et cela ne s’est pas passé il y a 10 ans.

Je sais que je ne peux pas vous poser de questions parce que c’est à moi de répondre en ce moment, mais j’aimerais vraiment vous entendre à ce sujet : si le projet de loi qui avait été adopté à la Chambre des communes avait établi l’âge de voter à 16 ans, le Sénat aurait-il eu la légitimité de dire que non, que ce devrait être 18 ans?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Le débat demeure ajourné au nom de la sénatrice Martin, tel qu’il a été convenu.

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