Projet de loi sur l’assurance médicaments
Troisième lecture
10 octobre 2024
Honorables sénateurs, je vais faire un bref résumé, puis je continuerai mon discours.
Tant que le soutien financier ne sera pas uniforme d’un bout à l’autre du Canada, les gens devront se fier à des réseaux de défense des droits, comme Action Canada, pour obtenir des informations factuelles et fiables sur les formes de contraception disponibles dans leur province ou leur territoire et pour être en mesure de faire des choix qui leur conviennent.
Ce projet de loi est essentiel parce que les différences dans l’accès à la contraception d’une région à l’autre du Canada ne peuvent plus durer. Ainsi, alors que les provinces et les territoires ont tous élargi le pouvoir de prescription à un plus grand nombre de professionnels de la santé, dont les pharmaciens, les sages-femmes et les infirmières autorisées, seulement 46 % d’entre eux offrent un soutien financier à cet égard à l’ensemble de leur population. Un projet de recherche intersectoriel et interdisciplinaire mené par le Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, en collaboration avec Action Canada et des chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique a permis de produire l’Atlas mondial des politiques en matière de contraception afin de suivre l’évolution des politiques, de l’éducation et de l’accès à la contraception dans les différents pays.
Selon cet atlas comparatif, la Colombie-Britannique se classe au premier rang au Canada, tandis que Terre-Neuve-et-Labrador se classe au dernier rang, tout près de ma province, le Manitoba, qui occupe la dixième place. Le projet de loi C-64 vise à ce que les Canadiens aient accès à une gamme complète de médicaments et de dispositifs contraceptifs, ce qui procurera à quelque 9 millions de Canadiens en âge de procréer une autonomie accrue en matière de procréation, tout en éliminant des coûts qui sont payés le plus souvent par les femmes et les personnes de diverses identités de genre.
Selon des chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique, les contraceptifs peuvent coûter plus de 19 000 $ au cours de la vie d’une femme. Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés qui a pour mandat de suivre et de surveiller les prix des médicaments pour s’assurer qu’ils ne sont pas excessifs, a affirmé que le Canada se classe actuellement au troisième rang des pays où les prix sont les plus élevés à l’échelle mondiale, et que, pour les médicaments, le Canada dépense davantage par habitant que tout autre pays de l’OCDE, à l’exception des États-Unis.
Les opposants à l’assurance-médicaments qui sont préoccupés par l’adoption d’une stratégie nationale d’achat en gros tentent souvent de minimiser ce fardeau financier excessif en disant que le prix des médicaments au Canada se situe tout simplement à la médiane des pays de l’OCDE. C’est de la mésinformation. Il est vrai que les prix au Canada se situent à la médiane des prix des sept pays de l’OCDE que le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés utilise comme point de comparaison, mais c’est dans cet ensemble de pays que les prix sont les plus élevés au monde.
Pendant que nous examinons les coûts, j’aimerais dire en toute honnêteté que les coûts prévus dans le projet de loi C-64 seront inférieurs au coût de l’inaction. Les études indiquent constamment que les programmes de contraceptifs gratuits permettent de réaliser des économies en réduisant les coûts associés aux accouchements et aux avortements ainsi que les coûts élevés des soins offerts aux mères et aux bébés après l’accouchement.
Les opposants au projet de loi C-64 suggèrent que la couverture universelle est inutile, car ils soutiennent que seuls 3 % des Canadiens n’ont aucune assurance pour couvrir le coût des médicaments sur ordonnance. Cet argument provient d’un rapport financé par l’industrie, qui se fonde sur des données fournies par le principal lobby de l’industrie des assurances au Canada. Le lobby en question considère comme techniquement admissibles à une assurance des gens ayant droit à une assurance-médicaments — privée ou publique — assortie de franchises ou de primes élevées, même si beaucoup d’entre eux n’ont pas les moyens de se permettre une telle couverture.
Le Conference Board du Canada et d’autres témoins ayant comparu devant le Comité des affaires sociales ont fait remarquer que le chiffre de 3 % avancé par le lobby ne tient pas compte des prix exorbitants des médicaments, qui rendent financièrement impossible l’achat de médicaments pour plus de 30 % des ménages canadiens, qu’ils soient techniquement admissibles ou non à une couverture.
L’équipe de recherche sur la contraception et l’avortement de l’Université de la Colombie-Britannique a constaté que 70 % des femmes ont du mal à accéder à des moyens de contraception. Un véritable accès à la contraception est plus qu’une simple question de santé. Ce n’est pas un enjeu qui concerne uniquement les femmes. C’est une question d’injustice reproductive. D’une génération bien plus jeune que la mienne, Meghan Doherty, codirectrice de la politique globale et défense des droits à l’organisme Action Canada pour la santé et les droits sexuels — le partenaire de la société civile de l’Association canadienne des parlementaires pour la population et le développement — m’a transmis ce commentaire qu’elle aimerait que je vous lise aujourd’hui.
Quand on pense aux causes profondes de l’injustice en matière de genre, de sexualité et de reproduction, il s’agit en réalité de certaines des causes profondes qui peuvent être interprétées à la lumière des normes patriarcales de genre ancrées dans toutes les dimensions de la vie sociale, économique et culturelle et qui se manifestent dans le droit, les politiques et les budgets. Fondamentalement, elles sont conçues pour créer une situation où le genre est utilisé pour soumettre, exclure et marginaliser certaines personnes en raison de leur genre et pour mettre en avant les hommes et toutes les normes associées à la masculinité et leur donner la priorité. L’idée que toute sexualité devrait être une question de reproduction débouche sur de réelles violations des droits de la personne et sur un blocage de l’accès aux soins en matière de santé sexuelle et reproductive dont beaucoup de gens ont besoin.
Chers collègues, on n’insistera jamais assez sur les répercussions de la contraception gratuite dans les domaines sanitaire, économique, social et de l’équité, répercussions qui profitent tout le monde. En écho aux notes historiques utiles que le sénateur Cardozo a ajoutées à ce débat, j’aimerais conclure en citant un Canadien tenu en haute estime, Stephen Lewis, qui a occupé de nombreux postes multilatéraux de haut niveau, dont celui d’ambassadeur du Canada aux Nations unies en tant que membre de la Commission des déterminants sociaux de la santé de l’Organisation mondiale de la santé. Il y a 30 ans, voici ce qu’il a dit :
Le bien-être économique d’une femme, sa santé et celle de ses enfants, ses aspirations, ses espoirs pour une amélioration de la situation familiale, son niveau d’éducation, les possibilités réalistes d’emploi ou de garde des enfants, la salubrité des logements, de la nourriture et de l’eau disponibles, tous [...] ces facteurs et bien d’autres encore entreront en ligne de compte dans ses choix en matière de procréation [...] Le choix d’une femme en matière de procréation est soumis à un millier d’influences et de pressions. Elle est manifestement la mieux équipée pour prendre des décisions flexibles.
Chers collègues, appuyons le projet de loi et l’avènement d’un régime universel d’assurance-médicaments pour tous les Canadiens et pour un Canada plus fort.
Merci. Meegwetch.
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de cet important projet de loi. J’ai dû me creuser la tête au cours des derniers jours pour essayer de décider ce que j’allais dire.
Au bout du compte, j’ai décidé de ne pas lire plus de statistiques ou de données publiées à maintes reprises déjà. J’ai choisi de raconter ma propre histoire, de raconter comment je suis arrivé ici et d’expliquer pourquoi.
En 2017, dans ma carrière précédente de président du Congrès du travail du Canada, l’assemblée générale a adopté une résolution qui disait que le congrès devait mener une campagne pour demander que le pays mette en place un régime national d’assurance-médicaments. Comme c’est le cas pour tout processus, après l’adoption de la résolution, nous sommes retournés au quartier général de l’organisation. Je me disais que ce n’était pas simple. Je n’étais pas certain que cela nous concernait et je me suis dit que je ne pourrais pas m’en assurer sans consulter les membres.
J’ai donc entrepris une tournée d’une trentaine de villes du Canada, des grandes et d’autres plus modestes. À titre de membre du mouvement syndical, je croyais bien sûr que nous étions très bons pour défendre les intérêts de nos membres et pour leur négocier une bonne couverture. J’étais donc loin de m’attendre à me faire dire qu’ils avaient un problème. Ce fut un choc, parce que, dans ce qu’ils me disaient, il ne s’agissait pas de savoir s’ils avaient une assurance-médicaments. Selon la convention collective, ils pouvaient me dire : « Oui, nous en avons une. » Une mère de famille monoparentale m’a raconté que, selon sa convention collective, elle était censée avoir accès au médicament dont son enfant avait besoin. Toutefois, pour y avoir droit, elle devait payer une franchise de 700 $. Elle m’a dit que, si elle avait 700 $, elle aurait payé le médicament directement. Elle m’a alors demandé : « Qu’est-ce que je dois dire à mon enfant? » Je ne savais pas quoi lui répondre.
Je sais que ses représentants syndicaux n’ont pas fait mettre une franchise dans la convention collective par manque d’intelligence. C’était le résultat de négociations visant à établir au moins un seuil d’accès minimal aux prestations. Cette mesure était évidemment destinée à avoir un effet dissuasif. La majorité des membres qui n’avaient pas un emploi très bien rémunéré ne pouvaient pas avoir accès aux médicaments dont ils avaient besoin.
Des gens m’ont raconté avoir bénéficié d’une couverture à leur travail, mais avoir quitté cet emploi pour un autre. Pendant les 60 ou 90 jours de leur période probatoire à leur nouvel emploi, ils ne pouvaient pas recevoir de médicaments. Ils ont donc cherché, bien avant de quitter leur premier emploi, des moyens de faire durer les médicaments qu’ils avaient pendant ce laps de temps.
Bien sûr, en ne prenant pas leurs médicaments aux doses prescrites, ils ont détruit leur santé. Leur état de santé est aujourd’hui pire qu’avant. Alors ils se demandent : « Pourquoi est-ce ainsi? »
À la fin de la tournée des 30 villes, je suis revenu à mon bureau. À plusieurs reprises, j’ai pleuré en écoutant ces gens. Je n’arrivais pas à croire qu’un pays aussi riche que le nôtre traite ses citoyens de la sorte.
Je vous raconte tout cela aujourd’hui en tant que personne qui, depuis l’âge de 18 ans, a toujours eu un accès complet à des médicaments chaque fois que j’en avais besoin parce que j’avais de bonnes conventions collectives et que j’étais couvert. Pendant toutes ces années, je n’ai jamais eu à prendre de médicaments pour ma santé. J’ai de la chance. Mais je ne dois pas laisser ma chance orienter nos efforts dans ce domaine.
Notre pays a maintenant 157 ans. J’ai dit il y a longtemps qu’il n’est jamais facile d’édifier un pays, mais que c’est ce à quoi nous participons ici, chers collègues : nous édifions un pays pour tous ses citoyens. Les gens assez riches n’auront jamais besoin d’être couverts par un régime, et les gens assez pauvres ne devraient jamais avoir à s’inquiéter de leur capacité à se procurer des médicaments s’ils tombent malades.
En parcourant le pays, j’ai bien compris que les régimes provinciaux et territoriaux au sein de la fédération ne sont pas tous pareils. Si on vit au Québec, les règles sont différentes. Ce régime est-il parfait? Pas du tout. Si on vit en Colombie-Britannique, c’est différent. Les programmes provinciaux sont tous différents d’un bout à l’autre du pays.
Toutefois, voici la triste réalité. Si on tombe malade et qu’on va à l’hôpital au Canada, on recevra tous les médicaments nécessaires pour aller mieux, jusqu’à ce qu’on se fasse mettre à la porte. Ensuite, on doit se débrouiller seul, car on n’a plus accès aux médicaments, à moins d’être couvert ou d’avoir les moyens de les acheter. Comment est-ce possible? Quand on est malade, on s’occupe de nous, mais, au bout du compte, dès qu’on se fait mettre à la porte de l’hôpital, on n’a plus accès aux médicaments. C’est inacceptable, chers collègues.
Je sais que nous sommes en plein débat. Je tiens d’abord à remercier les membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour le travail qu’ils ont accompli ainsi que tous les témoins, les personnes qui appuient le projet de loi et celles qui formulent des critiques. Cela fait partie de la démocratie.
Je remercie aussi la sénatrice Pate pour le travail diligent et acharné qu’elle a déployé à titre de marraine de ce projet de loi. Chers collègues, je sais que nous ne serons pas tous du même avis quand nous arriverons à la fin du débat aujourd’hui et que nous voterons sur ce projet de loi.
Or, j’ai mûrement réfléchi à la question. J’ai un bon ami qui a été victime d’une crise cardiaque à Windsor. Je suis allé lui rendre visite à l’hôpital. Pendant qu’il reposait dans un lit d’hôpital, on l’a informé que son entreprise venait de déclarer faillite. Il est dans la cinquantaine. Deux choses se sont produites lorsque l’entreprise a fait faillite. Premièrement, son régime de pension n’est pas pleinement capitalisé et, à l’époque, on n’accordait pas la superpriorité aux pensionnés touchés par des procédures de faillite. Il n’allait donc pas obtenir la pension qu’on lui avait promise. Il était allongé dans un lit d’hôpital à la suite d’une crise cardiaque. Deuxièmement, on lui a également dit, lorsqu’il était allongé dans ce lit, que sa couverture pour les médicaments prendrait fin 30 jours plus tard. Il m’a regardé, et il m’a demandé ce qu’il devait faire, comment il pourrait subvenir aux besoins de sa famille et comment il allait prendre soin de lui-même à sa sortie de l’hôpital. En bon ami, je lui ai dit honnêtement que je ne le savais pas et que je ne pouvais pas répondre à ses questions.
J’ai eu la chance d’être ici. Grâce à mon ami le sénateur Plett et à ses collègues, nous avons adopté un projet de loi et modifié la loi sur les faillites. Cette mesure législative prévoit que si une entreprise fait faillite, les travailleurs bénéficieront d’une superpriorité pour garantir que leur régime de pension sera pleinement capitalisé à l’avenir.
Cependant, nous n’avons pas réglé l’autre partie du problème, à savoir la couverture de ses médicaments. Cette couverture provenait de son entente contractuelle. Or, lorsqu’une entreprise fait faillite, cette entente prend fin.
Je vais conclure mes observations. J’ai suivi de près le Dr Hoskins lorsqu’il travaillait sur son rapport et qu’il parcourait le pays avec son équipe. À mon avis, ils ont produit un très bon rapport pour le Canada. Les provinces et les territoires font tout ce qu’ils peuvent pour trouver des moyens de venir en aide à leurs citoyens. Cependant, la réalité, c’est que notre grand pays présente un ensemble de mesures disparates. Il faut reconnaître que nous pouvons faire mieux.
En Nouvelle-Zélande, on peut acheter du Lipitor, un médicament qui est produit au Canada, à un coût moindre qu’au Canada. Comment cela est-il possible? Je pense que nous sommes en train d’essayer de bâtir un meilleur système en achetant en gros certains des meilleurs médicaments que nous pouvons nous procurer.
Pour terminer mon intervention, je veux soulever deux points importants. Ma mère, qui a eu 100 ans en mai, n’a jamais eu d’assurance-médicaments. Elle n’a jamais eu assez d’argent pour cela et elle n’a jamais travaillé pour un employeur qui lui a procuré une assurance-médicaments. Elle a 100 ans. L’an prochain, elle aura 101 ans. Malgré tout, elle s’en tire bien.
Ce projet de loi porte sur la façon de changer les choses. J’espère qu’au cours des 100 prochaines années, ma fille de 16 ans, qui sera bientôt adulte, n’aura pas à attendre jusqu’à 100 ans comme sa grand-mère pour avoir une assurance-médicaments.
Ce projet de loi jette les bases nécessaires pour que nous puissions bâtir un meilleur système en travaillant avec l’ensemble des provinces et des territoires du pays ainsi qu’avec les employeurs du secteur privé pour déterminer leurs responsabilités. On a beaucoup parlé des employeurs du secteur privé. Vont-ils retirer leur couverture en raison de ces mesures? J’ai représenté des travailleurs toute ma vie. Il est vrai que certains pourraient essayer de faire cela. Cependant, comme vous le savez, une entente contractuelle ne donne pas à un employeur le droit de retirer quelque chose aux travailleurs à moins que ceux-ci n’y consentent. Malgré tout le battage médiatique que nous avons entendu sur le fait que les travailleurs allaient perdre leur couverture, le mouvement syndical est à l’avant-garde de la lutte, il défend la mise en place du projet de loi et il appuie l’élargissement de la couverture. Dans les provinces où ils sont en mesure de s’exprimer et de soutenir le gouvernement, le gouvernement leur a dit : « Vous devez étendre votre couverture. »
Je sais que nous pouvons faire mieux, chers collègues, mais je pense que nous devons réfléchir à la situation. Ce n’est pas parce que vous jouissez d’un privilège que vous ne devez pas penser à vos concitoyens qui ne le possèdent pas. J’espère que le privilège dont j’ai joui dans ma vie deviendra un droit pour tous les citoyens canadiens. Je pense que ce projet de loi jette les bases qui permettront d’y parvenir.
Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour exposer officiellement mes inquiétudes quant aux répercussions de ce régime d’assurance-médicaments sur le Programme des services de santé non assurés auquel les bénéficiaires des Premières Nations et des Inuits ont actuellement accès.
Lors des délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, la nation crie d’Onion Lake a fait état de ses préoccupations concernant le programme national d’assurance-médicaments. Bien que les représentants d’Onion Lake n’aient pas pu témoigner devant le comité malgré leur demande, ils ont tout de même soumis un mémoire aux membres aux fins d’examen. Dans ce mémoire, on demande que la nation crie d’Onion Lake soit exclue du projet de loi parce que ce dernier ne respecte pas l’esprit et l’intention de la clause relative aux médicaments du Traité no 6.
Pour donner suite à cette demande, j’ai écrit au ministre Holland le 8 octobre. J’ai précisé que c’était urgent en raison de l’étude très écourtée du projet de loi à l’étape de la troisième lecture. Dans ma lettre, je confirmais les inquiétudes exprimées par la nation crie d’Onion Lake et je demandais des précisions quant aux possibles répercussions du projet de loi C-64 sur le régime d’assurance-médicaments auquel les Premières Nations et les Inuits ont actuellement accès. Je demandais au ministre ce que le gouvernement allait faire pour atténuer les possibles effets de ce genre. Je voulais aussi connaître les possibles effets négatifs des dispositions du projet de loi sur les droits ancestraux et issus de traités des Premières Nations et des Inuits. La réponse informelle que le cabinet du ministre m’a transmise hier m’indiquait que la réponse officielle viendrait ce matin, mais je n’ai toujours rien reçu.
Chers collègues, le Programme des services de santé non assurés de Services aux Autochtones Canada est un programme national qui offre aux membres des Premières Nations et aux Inuits une couverture pour divers services médicaux nécessaires. Ces services ne sont pas couverts par les régimes d’assurance-maladie privés, provinciaux ou territoriaux ni par les programmes sociaux. Le régime d’assurance-médicaments sera-t-il considéré comme un régime d’assurance ou comme un programme social? On ne le sait toujours pas, ce qui est préoccupant.
Honorables sénateurs, lorsque j’occupais le poste de responsable en chef des soins dentaires pour le Manitoba, c’est-à-dire de 1996 à 2000, j’ai travaillé avec les bases de données des services pharmaceutiques et dentaires pour superviser le programme de soins dentaires. À ce titre, je sais à quel point ces changements dans les prestations et dans le paiement des prestations sont fluctuants pour les Premières Nations et les Inuits, et à quel point c’était préoccupant à l’époque. Cela demeure préoccupant aujourd’hui. Je ne sais toujours pas à quoi va ressembler le régime d’assurance-médicaments prévu par le projet de loi C-64, quels seront les frais et comment le programme des services de santé non assurés sera arrimé aux régimes d’assurance-médicaments.
Les services de santé non assurés pour les Premières Nations seront-ils inclus ou pris en compte dans ce programme d’assurance-médicaments? Comment ces deux programmes seront-ils administrés et en quoi diffèrent-ils? Quels sont les frais négociés et qui a participé à leurs négociations?
Les « frais d’exécution », les « honoraires habituels et coutumiers », ou toute variante de ceux-ci peuvent faire l’objet d’un remboursement jusqu’à concurrence du maximum régional alloué par le programme. Les fournisseurs de services de médicaments du Québec devraient se référer à l’entente entre Services aux Autochtones Canada et leurs représentants. Ces frais d’exécution sont-ils pris en compte dans le programme? Sinon, qui les absorbera?
Il incombe au pharmacien de vérifier si le client est admissible aux services, au moment de l’exécution de l’ordonnance, et de s’assurer qu’aucune des limites fixées par le programme ne sera dépassée et que les politiques et critères du programme sont respectés.
Assurance médicaments, services non assurés, programmes sociaux : les programmes varient selon les provinces. Les pharmaciens n’auront pas la tâche facile. Je le sais, parce que c’est exactement ce qui s’est produit avec le programme de soins dentaires. Celui-ci va-t-il fonctionner de la même manière?
Les bénéficiaires du programme des services de santé non assurés ne paient ni franchise ni copaiement si les frais négociés sont trop bas. Or, ils le sont année après année, et beaucoup de fournisseurs choisissent de ne pas adhérer à ce programme. Cette modalité fera‑t‑elle aussi partie du nouveau programme?
Les décisions relatives aux régimes d’assurance-médicaments sont fondées sur le jugement de professionnels de la santé reconnus et elles respectent les pratiques exemplaires du domaine et des normes éprouvées. En sera-t-il ainsi pour le nouveau programme?
Vous vous rappellerez qu’au départ, c’est Revenu Canada qui administrait le programme de soins dentaires, ce qui était une grande source d’inquiétude.
Quels sont les avantages de la liste des médicaments couverts? Ce n’est pas moi qui vous apprendrai qu’il y a beaucoup de médicaments pour traiter le diabète. Y aura-t-il des exceptions dans certaines circonstances? Devront-elles être autorisées au préalable? En quoi consistera ce processus et combien de temps prendra-t-il?
À l’époque où j’avais des patients, je faisais les démarches pour les exceptions liées aux régimes d’assurance au début de la semaine, mais quand je quittais, à la fin de la semaine, je n’avais rien reçu, pas même une réponse.
Dans certaines circonstances particulières, il est possible que l’ordonnance soit rédigée pour une indication clinique reconnue et que la dose prescrite soit étayée par des données probantes publiées ou par l’opinion d’une autorité reconnue, et qu’il existe des preuves importantes que le médicament demandé est d’une efficacité supérieure aux autres produits de la liste. Lorsqu’un nouveau médicament contre le diabète arrivait sur le marché et qu’il ne figurait pas sur la liste, les gens devaient demander une exception. Cela pouvait aussi se produire lorsqu’un patient avait souffert d’effets indésirables lors de la prise du médicament de substitution le moins cher et qu’un autre médicament plus cher était demandé par le prescripteur.
Les patients diabétiques qui sont admissibles à l’assurance-médicaments sont peut-être en fin de vie. À quoi ressemble alors la liste des médicaments? Auront-ils besoin de médicaments supplémentaires? Feront-ils partie de la liste des médicaments admissibles?
Honorables sénateurs, selon le Programme des services de santé non assurés, lorsque le Centre d’exception des médicaments est informé qu’un patient nécessite des soins de fin de vie, un formulaire de demande de la liste des médicaments pour les soins de fin de vie est envoyé par télécopieur au prescripteur. Je songe par exemple aux patients sous dialyse. C’est le cas de nombreux membres des Premières Nations.
Les personnes qui n’ont pas pris de médicaments pour leur diabète de type 2 parce qu’elles ne pouvaient se le permettre peuvent déjà avoir des problèmes de santé, comme une cardiopathie ou une néphropathie ou avoir eu un AVC. Il est important de demander quels médicaments pour traiter le diabète sont couverts par ce programme.
Une fois que ce formulaire de demande de la liste des médicaments pour les soins de fin de vie a été rempli et retourné, le patient sera admissible — selon le Programme des services de santé non assurés — à tous les produits figurant sur la liste des médicaments pour les soins de fin de vie s’il répond aux critères suivants : le patient ne reçoit pas de soins dans un hôpital ou dans un centre de soins de longue durée financé par un gouvernement provincial; et il a reçu un diagnostic de maladie terminale ou de maladie liée à son diabète qui devrait être la cause première de son décès dans un délai de six mois ou moins.
Dans le programme des services de santé non assurés, une fois que le bénéficiaire est approuvé, il a droit à tous les produits inscrits sur la liste des médicaments pour les soins de fin de vie pendant six mois sans avoir à obtenir d’autres approbations préalables. S’il a besoin d’une assurance au-delà des six mois initiaux, il peut obtenir une prolongation de six mois sur réception d’un nouveau formulaire de demande de la liste des médicaments pour les soins de fin de vie.
Chers collègues, qui absorbe les coûts en cas de refus pour les frais d’exécution — pour chaque médicament, il y a des frais d’exécution; à l’heure actuelle, je crois qu’ils sont d’environ 7 $ pour chaque ordonnance —, en particulier en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et au Manitoba, s’il est déterminé que le médicament ne sert pas l’intérêt du patient?
Il reste beaucoup d’enjeux qui ne semblent pas clairs dans le programme proposé, notamment en ce qui a trait aux annulations pour les médicaments sur ordonnance non récupérés par le bénéficiaire — dans la base de données à ce sujet, il y avait des patients qui ne sont jamais allés récupérer les médicaments prescrits. Sous le régime du programme des services de santé non assurés, quand un bénéficiaire ne va pas chercher ses médicaments prescrits dans un délai de 30 jours, la demande de paiement initiale doit être annulée et être présentée de nouveau, mais seulement pour les frais d’exécution. Dans les cas où le bénéficiaire ne récupère pas son médicament sur ordonnance, lequel peut être réintégré aux stocks, la soumission d’une demande de paiement de frais d’exécution ne s’applique qu’aux médicaments pour lesquels les frais d’exécution ont une valeur pécuniaire. Ce n’est pas un problème quand le produit ne peut pas être réintégré aux stocks.
Quel est le processus prévu dans le programme proposé dans le projet de loi C-64?
Il y a également des questions concernant la coordination des services dans le cadre de ce nouveau programme. On peut voir ce que les services de santé non assurés apportent aux Premières Nations et pourquoi ces dernières sont préoccupées par le fait que ces questions n’ont pas été abordées. Les personnes admissibles aux services du Programme des services de santé non assurés doivent avoir accès à d’autres régimes de santé publics ou privés, ou à des programmes provinciaux ou territoriaux auxquels elles sont admissibles, avant de pouvoir accéder aux services du Programme des services de santé non assurés.
Les fournisseurs de médicaments doivent confirmer avec chaque client l’existence ou non d’une autre couverture, et une demande de remboursement doit d’abord être soumise à l’autre partie aux fins de traitement. Une fois que cette partie a traité la demande de règlement, le fournisseur peut ensuite soumettre le solde au Programme des services de santé non assurés.
Qui sera le payeur de dernier recours pour ces programmes? Pour ce qui est de notre régime administré par Canada Vie, la compagnie d’assurance dit aussi qu’elle est le payeur de dernier recours. Nous avons souvent eu ce problème par le passé. Qui va payer et qui va se retrouver dans la ligne de mire?
Dans le cadre du Programme de médicaments de l’Ontario, les demandes de règlement ne peuvent pas être coordonnées. Les patients peuvent avoir accès à la couverture des médicaments du Programme des services de santé non assurés ou, s’ils y sont admissibles, au programme de l’Assurance-santé Plus.
Lorsqu’un client admissible indique qu’il n’a plus de couverture d’assurance par l’entremise d’un autre régime de soins de santé privé ou public ou d’un autre programme social, on demande au fournisseur ou au client de communiquer cette information au Programme des services de santé non assurés afin que son dossier puisse être mis à jour.
Comment le régime d’assurance-médicaments s’appliquera-t-il aux Premières Nations et autres clients? En fait, les Premières Nations et les Inuits sont-ils exemptés ou exclus du régime en raison de la couverture supérieure dont ils bénéficient dans le cadre du programme des Services de santé non assurés? Inversement, dans le cadre du régime, comment les fournisseurs vérifieront-ils que la personne est admissible aux prestations du programme des Services de santé non assurés de Services aux Autochtones Canada et comment détermineront-ils toute autre couverture auquel le client a droit, s’il y a lieu?
Honorables sénateurs, étant donné les chevauchements et les conflits possibles entre les programmes, les fournisseurs devront être très bien renseignés quant à leurs critères d’admissibilité. Par conséquent, il faudra mettre en place un processus d’appel rigoureux. En quoi consistera ce processus d’appel? Sera-t-il en ligne? Si c’est le cas, cela créera un problème d’accessibilité pour de nombreuses populations vulnérables.
Une dernière préoccupation est de savoir si la prédominance du régime entrainera la suppression de prestations offertes aux Premières Nations, qui, je le répète, ont accès à une couverture plus vaste que celle offerte par le régime proposé.
Chers collègues, bien que je comprenne les avantages du régime d’assurance-médicaments, j’espère que mon discours montre clairement que de nombreuses questions fondamentales concernant le projet de loi à l’étude sont toujours sans réponse, tant sur le régime lui-même que sur la manière dont il interagira, ou interférera, avec le programme des Services de santé non assurés en vigueur.
Kinanâskomitinawow. Merci.
La sénatrice Osler souhaite poser une question, mais le temps est écoulé. Sénatrice McCallum, demandez-vous plus de temps?
On refuse d’accorder plus de temps. Nous poursuivons le débat.
Honorables sénateurs, au moment où je prends la parole, l’honorable sénateur d’en face vient de refuser à une sénatrice le temps de parole supplémentaire qu’elle n’avait même pas encore demandé. Certaines personnes considèrent que les règles sont inflexibles, mais pour certains d’entre nous, les circonstances peuvent quelquefois justifier des écarts.
Honorables sénateurs, j’ai longuement réfléchi avant de me lancer dans ce débat, et j’ai l’intention de me limiter à quelques minutes. Je suis tellement heureuse et fière d’être ici aujourd’hui, à un moment où, si tout se passe comme convenu, nous voterons pour cet important projet de loi et nous vivrons un moment historique dans notre cheminement vers un système de soins de santé véritablement universel et vers une population canadienne en meilleure santé.
Mon père a toujours voté pour le Parti progressiste-conservateur. Avec ma mère, il m’a inculqué dès mon plus jeune âge un ensemble de valeurs qui me poussent à poser des questions, à comprendre et à prendre mes propres décisions. Il a planté des graines dans mon esprit. Je me souviens — pour être brève — qu’il était sur la route du lundi au vendredi. Lorsqu’il rentrait à la maison la fin de semaine, nos conversations à table portaient souvent sur l’actualité et sur les événements dans le monde entier, mais aussi au Canada. Il m’a également transmis l’habitude de regarder le téléjournal avec lui les vendredis, les samedis et les dimanches soir.
Très jeune, alors que je ne savais pas ce qu’était la politique ni qui étaient les politiciens, chaque fois que Tommy Douglas apparaissait à l’écran et qu’il faisait l’objet d’un reportage ou d’une entrevue, mon père disait : « Tu sais, Frances Louise » — ma mère s’appelait Frances, alors on m’appelait Frances Louise —, « si cet homme était le chef d’un autre parti politique, il serait le premier ministre de notre pays. » Merci, papa. Je ne savais pas pourquoi c’était important ni ce que cela signifiait.
Mes parents m’ont inculqué des valeurs qui, de manière à la fois intéressante et étonnante, ont guidé ma vie. Comme vous le savez tous, lorsque j’ai commencé à faire de la politique, je l’ai fait en tant que fervente partisane du merveilleux Tommy Douglas, reconnu comme le plus grand Canadien, et, bien entendu, du Nouveau Parti démocratique. C’est là que j’ai commencé ma vie politique en tant qu’indépendante.
Tout au long de ces années, la lutte pour l’assurance-maladie, les soins dentaires et l’assurance-médicaments a été une force motrice. J’ai eu l’occasion et l’honneur d’être ministre de la Santé de l’Ontario à une époque de récession, de déficits astronomiques et de prudence budgétaire nécessaire. Les dépenses ministérielles les plus importantes dans les budgets étaient celles du ministère de la Santé, en grande partie à cause de l’augmentation du coût des médicaments. J’ai eu des relations très intéressantes avec les représentants de l’industrie des médicaments d’origine et ceux de l’industrie des médicaments génériques, en particulier avec le regretté Barry Sherman. Lorsque je travaillais pour Centraide, je faisais appel à lui, et il prenait le temps de me parler des soins de santé. Il était toujours généreux. C’était son principal centre d’intérêt. Je demeure préoccupée par la question de savoir comment, en période de contraintes budgétaires difficiles, nous pouvons assurer une plus grande couverture et un meilleur accès aux médicaments, aux procédures et aux services qui préservent la vie et favorisent la santé.
En Ontario — et, de façon semblable, au Québec —, la population était si importante que les listes de médicaments — leur fonctionnement et la limitation des coûts, sans oublier la bonification de l’accès — étaient une préoccupation des ministres de la Santé, bien sûr, mais aussi des Cabinets tout entiers. Lors de la mise en place des programmes, j’ai eu l’occasion de travailler, en période de déficit, sur ce que nous appelions en Ontario la couverture des médicaments onéreux — il s’agissait des médicaments qui n’étaient pas couverts par une assurance-médicaments, dans les cas où les gens avaient accès à un tel programme, et qui dépassaient les capacités de payer de la grande majorité des Ontariens. C’était un élément essentiel de notre réflexion et un coût important. En même temps, à l’échelle du gouvernement, nous consacrions toute notre attention sur la possibilité de déplacer des ressources, dans le cadre d’un budget limité, du traitement des maladies vers la prévention des maladies, la promotion de la santé et du bien-être et les déterminants sociaux de la santé. Tous ces éléments se rejoignent et nous amènent aujourd’hui, avec ce projet de loi, à un moment que je considère comme une nouvelle étape historique.
Je remercie le sénateur Cardozo de nous avoir rappelé tout le temps qu’il a fallu pour en arriver là. Or, nous sommes encore loin d’un véritable régime d’assurance-médicaments. Toute la série de dispositions sur l’accès aux services et aux mesures de soutien — notamment les principes philosophiques et les conditions budgétaires du régime d’assurance-médicaments — continue d’évoluer, notamment celles qui sont contre ces régimes. Nous n’en sommes qu’au début du régime de soins dentaires, et aux balbutiements du régime d’assurance-médicaments.
Je remercie ces sénateurs. Nous ne sommes pas tous du même avis, mais je crois que les sénateurs qui se sont exprimés admettent qu’il s’agit d’un point de départ. Ils ont dit qu’il y a plein de failles. Selon moi, la série de questions que la sénatrice McCallum a soulevées est très utile. Imprimez ces idées, conservez-les et ramenez-les souvent au cours du processus. Il s’agit de questions importantes.
Dans les multiples interventions qui ont été faites, des sénateurs ont dit que le projet de loi n’allait pas assez loin, qu’il ne s’agit pas d’un régime universel, qu’il n’y a pas telle chose ou telle chose, mais ils ont quand même admis qu’il s’agit d’une mesure législative importante et qu’ils allaient l’appuyer. Selon ce que je vois en général dans notre assemblée, je ne peux pas le prédire, mais j’estime que, lorsque nous nous prononcerons aujourd’hui, le projet de loi sera adopté. Je serai ici pour le vote et pour la sanction royale. C’est important.
J’aimerais dire une chose aux témoins, et plus particulièrement au groupe d’universitaires qui, lorsque ce sujet a été abordé dans le cadre de l’étude sénatoriale, ont affirmé que ce projet de loi a tellement de défauts et qu’il y a tellement de questions sans réponse qu’il est pire que l’inaction. Que tout ce qu’il va faire, c’est créer des problèmes qui vont nécessiter d’autres lois pour les corriger, par exemple parce que les définitions ne sont pas adéquates, ce genre de chose. Selon eux, c’est pire que de ne rien faire du tout. Je comprends les inquiétudes de ces gens et ce qui les a poussés à adopter ce point de vue. Je pense que leur position a peut-être évolué depuis, mais je tiens à dire que je les comprends.
Je partage leurs réserves de départ, mais je ne partage aucunement leurs conclusions. Je le dis de manière tout à fait respectueuse. Par nos fonctions, nous avons tous une manière différente d’étudier les projets de loi et les politiques. Les avis que nous donnons découlent de notre expertise personnelle. Je crois que les perceptions et les positions de ce groupe d’universitaires ne tiennent pas compte du fait qu’en politique, il faut trouver un consensus afin que les grandes politiques publiques puissent avancer. Elles ne tiennent pas compte non plus des relations avec les provinces, du fait que la situation varie d’une province à l’autre et des problèmes causés par la mosaïque actuelle de mesures. Elles ne tiennent pas compte des cadres financiers à l’intérieur desquels nous devons agir. Elles oublient que certains autres dossiers sont tout aussi urgents et que nous devons nous y intéresser aussi, en même temps. Bref, on ne tient pas compte de l’aspect politique des choses.
Je ne cherche pas ici à critiquer ces personnes. Mes propos reflètent plutôt ma perception de ce qu’elles ont dit ainsi que ma perception de la réalité dans laquelle j’ai travaillé à titre d’ancienne ministre de la Santé de l’Ontario. J’ai précédé de quelques années le Dr Eric Hoskins à ce poste, et j’ai suivi le travail du groupe d’intervention d’urgence qu’il a dirigé ainsi que ses recommandations. Bref, je comprends comment tout cela a évolué.
Je comprends qu’il ne s’agit pas simplement de tâter le terrain. C’est beaucoup plus, un peu comme sauter d’un quai et se jeter dans l’eau glaciale sans savoir exactement ce qu’on y trouvera, qui sait, peut-être même que des maskinongés vivent sous le quai. Toutes les questions qui sont soulevées, sur lesquelles il faut se pencher et auxquelles il faut trouver une réponse sont importantes.
Pourquoi se concentrer seulement sur ces deux éléments? Sénatrice McPhedran, je me réjouis d’avoir entendu votre exposé au sujet des enjeux liés à la santé sexuelle et reproductive et de tous les éléments connexes. Comme vous le savez, je suis aussi une amie de longue date et une disciple de Stephen Lewis. J’adore qu’on le cite. Je vous remercie de l’avoir fait.
J’ai aussi beaucoup travaillé sur l’accès aux médicaments contre le diabète et je connais l’énorme fardeau financier associé à cette maladie qui peut être contrôlée et atténuée. Si on donne aux gens la possibilité de prendre des décisions importantes pour leur vie avec des conseils, du soutien et les bons médicaments, on peut transformer leur situation pour qu’ils vivent en santé.
À mes yeux, il s’agit d’une pierre d’assise pour mettre en place une approche pancanadienne. Il y a encore beaucoup de choses à régler. Ce n’est pas l’universalité, mais c’est un premier pas vers ce principe. Ce premier pas est extrêmement important.
Chers collègues, comme je l’ai dit, j’ai l’impression que nous ferons front commun et que nous serons une majorité à voter en faveur du projet de loi. Je crois que la présentation réfléchie des mesures nécessaires et des points qu’il faut régler informera les décideurs quant au chevauchement entre les orientations stratégiques et la politique. Je suis impatiente de voir cela.
Je suis heureuse d’avoir pu intervenir sur ce sujet. Je remercie la sénatrice Pate pour le travail qu’elle a accompli, pour le leadership qu’elle a exercé dans cette enceinte, et pour sa collaboration avec des personnes de tous les points de vue et de toutes les communautés afin de faire avancer ce dossier. Je la remercie d’avoir accepté ce projet de loi comme un pas en avant et une étape fondamentale. Elle est une femme qui — comme ma collègue d’en face — sait se battre parce qu’elle veut aller aussi loin que possible quand elle est persuadée d’avoir raison. J’admire cela. Je ne veux pas en faire tout un plat ici, mais je l’admire vraiment parce que je comprends les gens qui sont vraiment impatients de faire ce qui s’impose. Je suis une idéaliste. Par contre, j’ai aussi appris à être pragmatique. Il s’agit d’un extraordinaire premier pas vers la réalisation de l’idéal, et c’est un premier pas pragmatique qui nous permettra de bâtir l’avenir et d’atteindre nos objectifs.
Si vous n’aviez pas l’intention de voter pour cette mesure, je vous prie de reconsidérer votre décision. J’espère qu’elle sera adoptée aujourd’hui, qu’elle recevra la sanction royale et que nous nous relèverons ensuite les manches pour passer aux prochaines étapes. Merci beaucoup.
Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à titre de porte-parole de l’opposition pour parler du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments, à l’étape de la troisième lecture.
Tout d’abord, je voudrais remercier la présidente du comité, la marraine du projet de loi — la sénatrice Pate —, et tous mes collègues du comité pour les efforts qu’ils ont consentis afin d’écouter et de répondre aux témoignages des experts, des parties prenantes et des témoins qui ont une expérience personnelle de la situation au sujet d’un projet de loi difficile. Aujourd’hui, je vais tenter d’explorer ce que le terme « universel » peut signifier, étant donné qu’il en existe de nombreuses définitions.
Il y a beaucoup d’autres endroits dans le monde qui ont des régimes d’assurance-médicaments. Aujourd’hui, j’aimerais revenir sur certaines des questions que j’ai posées à l’étape de la deuxième lecture et sur lesquelles j’espérais que l’étude du comité fasse la lumière. Pour terminer, je vous ferai part de certaines questions posées par les provinces et les territoires concernant le partage des compétences.
Pour commencer, honorables sénateurs, voyons s’il est exact d’affirmer que le Canada est le seul pays qui, ayant adopté l’universalité pour les soins de santé, ne l’a pas aussi adoptée pour les médicaments sur ordonnance. Quand les parlementaires répètent cette affirmation, j’aimerais qu’ils aillent plus loin et définissent ce qu’ils entendent par « universalité ».
Dans le contexte canadien, nous parlons souvent de couverture universelle comme s’il s’agissait forcément d’un régime à payeur unique. Or, selon le rapport Une ordonnance pour le Canada : l’assurance-médicaments pour tous, qu’on surnomme parfois aussi « rapport Hoskins » et qui a été publié en 2019 par le Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance‑médicaments, de nombreux pays de l’Organisation de développement et de développement économiques, dont la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, se sont dotés d’une « assurance à payeurs multiples prévue par la loi » afin de « fournir une assurance-maladie universelle (y compris la couverture des médicaments) à leurs résidents ».
L’annexe 5 de ce même rapport résume les grandes caractéristiques des régimes d’assurance-médicaments de ces pays et des régimes de divers pays de comparaison. Or, on constate à la lecture de cette annexe que ce n’est pas parce qu’un régime universel d’assurance-médicaments existe dans un État donné que celui-ci est le seul responsable du coût des médicaments sur ordonnance ni même qu’il est en l’administrateur.
Le régime d’assurance-médicaments de l’Australie, qui est universel, complet et public, prévoit des quote-parts correspondant au coût total du médicament ou de 37 $, selon le moindre de ces deux montants. Dès qu’un ménage a payé 1 425 $ en quote-parts au cours de l’année, cette quote-part baisse à 6 $. Près de la moitié des adultes cotisent à un régime d’assurance privé complémentaire à participation volontaire.
La France est dotée d’un régime d’assurance universel et complet prévu par la loi. Ce régime rembourse de 15 % à 100 % des ordonnances, selon les avantages cliniques du médicament. Plus de 90 % des Français cotisent à un régime d’assurance privé complémentaire à participation volontaire.
Le régime de l’Allemagne, qui est universel, complet et prévu par la loi, prévoit des quote-parts de 7 $ à 15 $, environ, et permet aux personnes qui gagnent plus de 90 000 $ par année de cotiser plutôt à un régime d’assurance-maladie privé de remplacement.
Le régime néerlandais, qui est universel et prévu par la loi, prévoit une franchise annuelle de 584 $. Plus de 80 % des Néerlandais cotisent à un régime privé complémentaire à participation volontaire.
Régime universel ne veut pas dire la même chose que régime à payeur unique. Bon nombre de pays comparables au Canada se sont dotés d’un régime d’assurance-médicaments prévu par la loi et à payeurs multiples qui est beaucoup plus près du modèle québécois que du modèle proposé dans le projet de loi C-64. À titre de rappel, je cite directement le rapport Hoskins :
Le Québec est la seule province canadienne qui a réussi à mettre sur pied un régime d’assurance-médicaments universel, ce qu’il a fait en rendant la couverture des médicaments d’ordonnance obligatoire pour tous ses résidents. Les employeurs qui offrent des prestations de soins de santé à leurs employés sont tenus d’offrir une assurance-médicaments qui atteint ou dépasse le niveau de couverture offert par le régime public d’assurance-médicaments de la province. Les résidents qui ne sont pas admissibles à l’assurance privée par l’entremise de leur employeur ou de leur profession sont tenus de s’inscrire au régime provincial d’assurance-médicaments et de payer des primes (certains groupes vulnérables, comme les aînés à faible revenu, sont exemptés du paiement des primes).
L’adoption du modèle québécois permettrait d’atteindre l’objectif d’offrir aux Canadiens une assurance-médicaments universelle, mais dans le projet de loi C-64, le gouvernement propose plutôt un régime beaucoup plus coûteux qui réduira les choix offerts aux Canadiens.
De plus, le projet de loi C-64 semble conçu pour semer la confusion dans l’esprit des Canadiens. Ni le sommaire ni l’objet du projet de loi ne font mention des médicaments sur ordonnance destinés à la contraception ou au traitement du diabète. On y parle d’un « régime d’assurance médicaments national et universel ».
Comme je l’ai souligné à l’étape de la deuxième lecture, le projet de loi C-64 semble proposer deux politiques : premièrement, un modèle de régime d’assurance-médicaments prétendument universel que le gouvernement devrait mettre en œuvre et, deuxièmement, la structure visant à combler les lacunes et les processus nécessaires à la mise en œuvre d’une couverture « en ce qui concerne des médicaments sur ordonnance et des produits connexes destinés à la contraception ou au traitement du diabète ».
Pourquoi est-ce que je parle de « combler les lacunes »? Cela pourrait bien être l’intention. Après tout, le paragraphe 6(1) prévoit clairement que le ministre « effectue des paiements à une province ou à un territoire [...] dans le but d’élargir toute couverture existante d’un régime d’assurance médicaments public ».
En fait, le projet de démonstration de l’Île-du-Prince-Édouard, qui a précédé le projet de loi, était un modèle visant à combler les lacunes. Trouvez-vous qu’il est difficile de s’y retrouver? Les Canadiens méritent une mesure législative transparente. Le projet de loi C-64 ne l’est pas.
Chers collègues, je vais donner un aperçu des questions principales que j’ai soulevées à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-64 et des réponses obtenues — ou pas — par le comité.
À l’étape de la deuxième lecture, j’ai demandé si un régime national et universel d’assurance-médicaments à payeur unique pourrait avoir une incidence négative sur la pratique des pharmaciens. Lors d’une réunion du comité, la Dre Shelita Dattani, de l’Association canadienne des pharmacies de quartier, est revenue sur les défis liés à la mise en œuvre de l’Assurance-santé Plus en Ontario. Elle a dit ce qui suit :
[...] en 2018, le programme OHIP+ en Ontario a cherché à fournir une couverture complète des médicaments aux Ontariens de moins de 25 ans, détenteurs ou non d’une couverture à cet égard, en se basant sur la liste provinciale de médicaments de l’Ontario. Cette initiative partait d’une bonne intention, à savoir veiller à ce qu’aucun jeune ne soit laissé pour compte, mais en réalité, le gouvernement a payé des millions de dollars de plus que nécessaire pour des médicaments auxquels les Ontariens avaient déjà accès. Beaucoup de ces jeunes adultes ont dû faire face à des bouleversements lorsque leur couverture a changé ou que le médicament qu’il prenait [...] a cessé d’être couvert en vertu de la liste provinciale.
Danielle Paes, pharmacienne en chef de l’Association des pharmaciens du Canada, a également fait état de son point de vue en tant que pharmacienne de première ligne :
Je crois qu’une grande partie des tâches des pharmaciens ne sont pas visibles. Nous parlons au téléphone avec les représentants des régimes d’assurance. [...] Il ne s’agit pas simplement d’une liste. Il faut s’assurer que tout concorde, de sorte que le patient reçoive ses médicaments.
En ce qui concerne les répercussions financières potentielles du projet de loi C-64, Benoit Morin, de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires, a prévenu que certaines pharmacies québécoises ne survivront pas si elles ne peuvent facturer qu’un type de frais d’exécution ordonnance, fixé par la province ou le territoire. Les régimes privés paient des frais d’exécution d’ordonnance plus élevés; par conséquent, la situation financière des pharmacies dépend d’une combinaison de frais liés aux ordonnances remplies par le régime public et de frais liés aux ordonnances remplies par les régimes privés. Il a dit ceci :
C’est précisément cette flexibilité qui permet aux pharmacies québécoises de se développer, d’être présentes dans toutes les régions et d’offrir une multitude de services aux patients. Sans cette souplesse, la santé financière du réseau des pharmacies serait mise à mal avec des répercussions encore plus importantes en région éloignée.
Mme Dattani, de l’Association canadienne des pharmacies de quartier, a souligné ce point lorsqu’elle a dit : « Une conséquence involontaire de l’assurance médicaments à payeur unique pourrait bien être un recul de l’offre de services pharmaceutiques et de l’accès aux médicaments. »
À l’étape de la deuxième lecture, j’ai demandé : « Dans l’écosystème de santé actuel, pouvons-nous nous permettre de mettre en péril le succès des pharmacies et des pharmaciens? » Il semble que c’est ce que le gouvernement fédéral s’apprête à faire.
À l’étape de la deuxième lecture, j’ai exprimé ma crainte qu’un régime national et universel d’assurance-médicaments à payeur unique érode l’accès aux médicaments et exacerbe les pénuries de médicaments. Au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, Joelle Walker, de l’Association des pharmaciens du Canada, a parlé de cette préoccupation :
Les pharmaciens passent environ 20 % de leur temps à gérer des pénuries de médicaments [...] L’achat de médicaments en grande quantité permet peut-être de faire des économies à proprement parler, mais cela a également de nombreuses conséquences. Les Canadiens sont plus vulnérables lorsque nous n’avons qu’un seul médicament disponible pour un usage donné.
Mme Walker a aussi fait remarquer qu’on pense souvent à tort que les gouvernements achètent des médicaments. Elle a dit :
Les pharmacies achètent des médicaments et sont ensuite remboursées par les gouvernements. L’achat en gros repose [...] sur un concept, à savoir que vous devez acheter un médicament particulier en gros, et c’est ce qui nous rend vulnérables aux pénuries de médicaments.
Angelique Berg, présidente et cheffe de la direction de l’Association canadienne de la gestion de l’approvisionnement pharmaceutique, a informé le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie que le projet de loi C-64 pourrait avoir comme conséquence imprévue d’aggraver les pénuries de médicaments et de réduire la disponibilité des médicaments sur les tablettes des pharmacies. Elle a averti le comité qu’une liste nationale restrictive et un accord d’achat en gros pourraient perturber l’approvisionnement en médicaments du Canada. Voici ce qu’elle avait à dire au sujet de ces perturbations possibles :
On peut déjà le constater avec la liste nationale des médicaments contre le diabète proposée par le régime d’assurance médicaments, qui n’inclut que la moitié des médicaments actuellement sur le marché. Les Canadiens concernés seraient contraints de remplacer leur traitement actuel par un médicament figurant sur la liste, ce qui aurait un effet domino sur la chaîne d’approvisionnement. À mesure que les stocks tampons des distributeurs s’épuisent et que les fabricants des médicaments qui ne figureront pas sur la liste quitteront le marché, l’approvisionnement en médicaments deviendra de plus en plus vulnérable aux pénuries.
Jim Keon, président de l’Association canadienne du médicament générique, a souligné que le terme « achat en gros » n’est pas défini dans le projet de loi C-64 et que, par conséquent, on ne peut savoir ce que cela veut dire. M. Keon a rappelé au comité que les instances gouvernementales au Canada unissent déjà leur pouvoir d’achat, par l’entremise de l’Alliance pharmaceutique pancanadienne, pour négocier des prix concurrentiels afin d’acheter les médicaments des Canadiens sur le marché international. Je le cite :
Il est essentiel que le régime d’assurance médicaments respecte l’infrastructure existante de fixation des prix pharmaceutiques pour assurer la stabilité de l’approvisionnement en médicaments au Canada [...]
Ajouter des pressions sur la tarification des médicaments génériques entraînera de nouvelles pénuries de médicaments, et ce nombre est déjà passablement élevé.
[...] limiter le nombre de fournisseurs d’un médicament donné, [...] viendrait augmenter les risques de pénuries de médicaments. Si le ou les fournisseurs choisis se retrouvent avec d’autres problèmes, par exemple sur la chaîne de production, nous risquerions de nous retrouver avec peu ou pas de solutions de rechange pour combler les besoins des patients.
À l’étape de la deuxième lecture, j’avais posé une question pour savoir si le coût d’un régime national universel d’assurance-médicaments à payeur unique pourrait être beaucoup plus élevé que les estimations actuelles. Le directeur parlementaire du budget a estimé que la première phase d’un tel programme augmenterait les dépenses du gouvernement fédéral de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans.
Le budget de 2024, quant à lui, prévoyait un engagement de 1,5 milliard de dollars sur cinq ans pour Santé Canada afin de soutenir le lancement d’un régime national d’assurance-médicaments. Par conséquent, le comité savait, avant même le début des audiences, que l’assurance-médicaments était sous-financée d’au moins 400 millions de dollars. Or l’estimation du directeur parlementaire du budget part du principe que tous les médicaments actuellement couverts par les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que par les assureurs privés, le resteront dans les mêmes conditions. En d’autres termes, il a supposé qu’il s’agissait d’un programme d’assurance-médicaments destiné à combler les lacunes — il a lu le projet de loi, lui aussi. Si les médicaments actuellement couverts par les gouvernements provinciaux et territoriaux et les assureurs privés ne restent pas couverts aux mêmes conditions, le programme coûtera 5,7 milliards de dollars sur cinq ans, et non 1,5 milliard de dollars.
Je me demandais si les employeurs continueraient à fournir à leurs employés leur couverture d’assurance actuelle pour les médicaments une fois que ceux-ci seraient entièrement pris en charge par le gouvernement. Lorsque le directeur parlementaire du budget a comparu devant le Comité des affaires sociales, je lui ai demandé s’il y avait un incitatif, fondé sur le marché, pour les assureurs à réduire ou à supprimer leur couverture des médicaments qui seraient couverts par un régime public universel. M. Giroux, le directeur parlementaire du budget, a répondu ceci :
Tout à fait. Si le gouvernement offre un régime qui couvre 100 % des médicaments d’ordonnance pour le diabète et les contraceptifs, alors que les régimes privés doivent supporter ces coûts, il est évident [que les employeurs] seront tentés de dire qu’ils suppriment cette couverture dans le cadre de négociations collectives, par exemple, et de dire aux employés [que s’ils s’adressent] au gouvernement fédéral pour obtenir les 20 % qui ne sont pas couverts; on pourrait tout aussi bien se rendre à 100 %. […] C’est l’incitation dont je parle et à laquelle vous faites […] référence dans votre question.
Le 27 septembre, moins d’une semaine avant l’étude article par article, la présidente du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, la sénatrice Omidvar, a reçu une lettre du ministre Mark Holland qui a été distribuée à tous les membres du comité. Dans sa lettre, le ministre écrivait ceci :
Pour plus de clarté, cette norme de couverture signifie que tous les résidents d’une province ou d’un territoire participant pourront bénéficier d’un accès gratuit, sans co-paiement ni franchise, à une gamme de médicaments contraceptifs et contre le diabète. Dans le cadre de ce programme, le coût de ces médicaments sera pris en charge et administré par le régime public, plutôt que par une combinaison de payeurs publics et privés.
Euh, trouvez-vous qu’il est encore plus difficile de s’y retrouver?
Il semblerait donc que les médicaments qui sont actuellement couverts par des assureurs privés ne seraient plus couverts selon les mêmes conditions. Le directeur parlementaire du budget prévoit que les coûts recouvrés en raison de régimes privés d’assurance-médicaments s’élèveraient à 2,5 milliards de dollars. Sans ce recouvrement de coûts, on estime que cette phase du régime d’assurance-médicaments coûterait 4,4 milliards de dollars et qu’elle serait donc sous-financée d’environ 2,9 milliards de dollars.
À l’étape de la deuxième lecture, j’ai fait remarquer que la liste de médicaments pour soigner le diabète proposée était très limitée. Le 29 février 2024, soit le jour où le projet de loi C-64 a été présenté à l’autre endroit, Santé Canada a publié sur son site Web un document d’information qui dresse la liste des contraceptifs et des médicaments pour soigner le diabète qui feront l’objet de discussions avec les provinces et les territoires lors de la négociation d’accords bilatéraux. D’après mes calculs, cette liste comprend 70 médicaments ou dispositifs de planification des naissances, mais seulement 18 médicaments pour soigner le diabète.
Dans le mémoire qu’elle a présenté au comité des affaires sociales, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes analyse la liste qui figure dans le document d’information de Santé Canada. Selon ce mémoire, en 2023, les régimes collectifs d’assurances en milieu de travail ont remboursé pour environ 1,7 milliard de dollars de médicaments pour soigner le diabète. D’après son analyse, 85 % de ces coûts ne seraient pas couverts si on se fie au formulaire qui figure dans le document d’information de Santé Canada. Pour ce qui est de la contraception, en 2023, les régimes d’avantages sociaux en milieu de travail ont remboursé pour environ 217 millions de dollars de contraceptifs. Selon le document d’information de Santé Canada, à peine 21 % de ces coûts ne seraient pas couverts.
Bref, les organismes qui militent pour la couverture des produits contraceptifs sont contents de la liste. Ceux qui représentent les Canadiens diabétiques, par contre, la trouvent inadéquate.
Voici ce que l’agente principale des relations externes à la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile, Monica Kocsmaros, a dit au comité des affaires sociales :
[...] à la lumière des consultations menées auprès des fournisseurs de soins de santé et des personnes atteintes de diabète de type 1, nous voudrions que la liste finale élaborée reflète la teneur des Lignes directrices de pratique clinique établies par Diabète Canada. Il est important que les médecins aient des options thérapeutiques pour tenir compte des grandes variations dans les réactions et la tolérance de chaque patient à un médicament donné afin que les patients puissent y avoir accès, vu qu’un type d’insuline peut bien fonctionner pour un patient et pas pour un autre. Il s’agit de soins très personnalisés. Et comme les fournisseurs de soins se réfèrent à ces Lignes directrices de pratique clinique, les insulines qui y figurent devraient être disponibles pour tous les soins aux patients.
De son côté, Laura Syron, de Diabète Canada, a déclaré ceci :
La liste de médicaments limitée proposée rend les soins individualisés presque impossibles et peut avoir un impact négatif sur notre système de santé et sur la santé des personnes vivant avec le diabète en proposant des thérapies sous-optimales [...] un programme national d’assurance-médicaments assorti d’une liste de médicaments limitée peut avoir une incidence sur le choix; les professionnels de la santé pouvant considérer cette liste de médicaments comme définitive sans collaborer avec la personne vivant avec le diabète ni discuter de toutes les options thérapeutiques.
Dans le mémoire qu’elle a transmis au comité, l’Association canadienne du médicament générique s’inquiète elle aussi du caractère limité de la liste de médicaments. Je cite :
L’ACMG et sa division Biosimilaires Canada craignent que la liste restreinte des médicaments couverts par le régime d’assurance médicaments mène à des prescriptions non optimales des médicaments mis gratuitement à la disposition du public, ce qui pourrait conduire à des résultats de santé sous-optimaux pour les patients. Nous craignons également que l’absence d’une approche globale de la couverture universelle ne dissuade les régimes publics d’assurance médicaments de continuer à couvrir une large gamme de médicaments sur ordonnance et d’étendre la couverture à de nouveaux médicaments à l’avenir. Ces mêmes préoccupations s’appliquent également aux régimes privés d’assurance médicaments payés par les employeurs.
Au comité, j’ai demandé ce qui suit à M. McKeon :
Qu’arrive-t-il à un patient diabétique, par exemple, qui a essayé peut-être 10 médicaments différents? Aucun n’a été très efficace. Puis, il essaie le 11e médicament qui, lui, est efficace, et il veut continuer de le prendre. Or, à ce moment-là, on instaure le régime universel d’assurance-médicaments, mais ce médicament ne figure pas dans la liste de médicaments couverts.
M. Keon a répondu : « Nous craindrions qu’ils ne bénéficient pas d’une couverture totale. »
Cette initiative pourrait avoir une importante conséquence imprévue : les employeurs pourraient arrêter de couvrir les médicaments contre le diabète et les contraceptifs dans leurs régimes d’assurance au travail. Mme Syron, de Diabète Canada, s’est citée en exemple. Elle a déclaré :
[J]e prends deux médicaments pour gérer mon diabète. L’un d’eux figure sur la liste de médicaments actuellement incluse dans le projet de loi, mais pas l’autre. Celui qui est absent de la liste est couvert par mon assurance privée.
Si mon assurance privée cessait de couvrir ce médicament, il faudrait que je paie moi-même la facture.
Sur le plan financier, par voie de conséquence involontaire, les gens pourraient trouver encore plus difficile de payer les médicaments. L’objectif même de ce projet de loi est d’amener plus de gens à prendre les bons médicaments, mais il pourrait arriver, par voie de conséquence involontaire, que moins de gens prennent le bon médicament [...]
Stephen Frank, président et chef de la direction de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, a dit ceci :
Pour la majorité des Canadiens, le projet de loi, dans sa forme actuelle, éliminera la couverture des médicaments sur ordonnance payée par l’employeur pour ces médicaments. Cela limitera les choix. On utilisera les maigres fonds fédéraux pour remplacer la couverture existante, ce qui créera un énorme vide pour les Canadiens non assurés qui ont besoin d’autres médicaments que les médicaments contre le diabète et les contraceptifs.
Lorsque je l’ai interrogé au sujet de ces préoccupations, le ministre a dit : « Quant à l’idée que des personnes ne seraient plus couvertes, je ne pense pas que ce sera le cas. Les Canadiens ont un choix. »
J’ai répondu ceci :
[...] il se peut que cette personne n’ait pas le choix parce que son assureur lui dira peut-être qu’il ne peut plus l’assurer et lui conseillera de s’adresser à la province ou au gouvernement fédéral.
Voilà le problème. Vous dites que j’ai, personnellement, par exemple, une assurance privée et que j’ai le choix de rester avec mon assureur privé ou de passer à l’assureur public, autrement dit au gouvernement fédéral et à l’arrangement provincial. Cependant, il se peut que l’assureur privé ne veuille plus me couvrir. En fait, l’assurance-médicaments risque de déclencher un processus de perte progressive de l’assurance privée.
Le ministre a maintenu que cela ne se produirait pas. Toutefois, dans sa lettre datée du vendredi 27 septembre et adressée in extremis à la présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le ministre indique que les Canadiens bénéficiant d’une assurance privée sont déjà en passe de perdre leur couverture pour les médicaments contre le diabète et les contraceptifs.
À l’étape de la deuxième lecture, j’ai souligné que le projet de loi C-64 contient peu de définitions d’importants concepts du programme, ce qui a entraîné une confusion inutile.
En effet, presque tous les témoins entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie ont dit que le projet de loi C-64 aurait été bien meilleur s’il avait inclus des définitions importantes pour clarifier les choses au lieu d’entretenir la confusion. Même les termes clés « universel », « payeur unique » et « au premier dollar » n’ont pas été définis. Il a été suggéré d’élargir la définition du terme « assurance médicaments » pour y inclure le rôle essentiel des services pharmaceutiques, ce qui a été complètement omis.
Lorsqu’on lui a demandé si un projet de loi limitant l’assurance-médicaments aux personnes qui n’ont aucune assurance allait à l’encontre du principe d’universalité, M. Giroux, le directeur parlementaire du budget, a répondu : « C’est une bonne question. Cela dépend de votre définition de l’universalité. »
Le professeur Matthew Herder, directeur du Dalhousie Health Justice Institute de l’Université Dalhousie, a abondamment étudié l’assurance-médicaments et beaucoup écrit à ce sujet. Il a déclaré que ce projet de loi est « fondamentalement ambigu ».
Lorsque la présidente lui a demandé si, malgré toutes ses imperfections et ses ambiguïtés, ce projet de loi ne valait pas mieux qu’aucun projet de loi, Steven Morgan, économiste et professeur dans le domaine des politiques de santé, à l’Université de la Colombie-Britannique, a répondu ceci :
Étant donné son libellé actuel, je pense qu’il serait préférable de n’avoir aucun projet de loi plutôt que d’adopter celui-ci. Je me fonde sur mon expérience de personne qui travaille sur ce dossier au Canada depuis 30 ans.
À la même question, le professeur Marc-André Gagnon, économiste politique à l’École d’administration et de politique publique de l’Université Carleton, a répondu « Malheureusement, je ne sais pas. »
Ce projet de loi manque de définitions, ce qui ne fait qu’ajouter à son opacité et son ambiguïté.
À l’étape de la deuxième lecture, j’avais dit être préoccupée par le fait que le régime national d’assurance-médicaments universel envisagé dans le projet de loi C-64 empiète sur les champs de compétence des provinces et complique ou entrave les programmes que les provinces et les territoires ont déjà mis en place.
Dans un communiqué de presse publié à l’issue des réunions du Conseil de la fédération à Halifax, en juillet dernier, les premiers ministres du Canada ont dit qu’ils espéraient toujours que le gouvernement fédéral reste dans les limites de ses champs de compétence. Ils ont déclaré :
Les interactions entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires sont devenues de plus en plus limitées et incohérentes, alors que le gouvernement fédéral déploie unilatéralement des programmes dans des domaines de compétence provinciale ou territoriale.
Notre fédération fonctionne mieux lorsque tous les ordres de gouvernement respectent les pouvoirs constitutionnels. Ces dernières années, le gouvernement fédéral a régulièrement empiété sur les champs de compétence provinciaux, et ce, sans consultation, sans collaboration ni financement adéquats. Lorsque le gouvernement fédéral s’ingère unilatéralement par le biais de lois, de règlements, d’investissements sélectifs ou de champs de taxation dans des domaines de responsabilité provinciale ou territoriale, les Canadiens se retrouvent devant des programmes uniformes, mal adaptés et sous-financés qui ne répondent pas aux besoins des résidents de toutes les régions du pays.
Lors d’une conférence de presse tenue à l’issue de leur réunion d’été, le premier ministre du Québec, François Legault, a fait remarquer :
Les empiètements du fédéral dans les champs de compétence des provinces sont un problème qui s’aggrave de budget en budget. [...] Ces empiètements-là créent des problèmes de gestion. Ils doublent la taille de la bureaucratie. Ce n’est pas souhaitable [...]
Le premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard, Dennis King, a déploré ce qu’il a appelé le « dérapage des compétences ». Il a déclaré :
Je pense que tous les Canadiens s’attendent à ce que tous les niveaux de gouvernement s’efforcent de faire tout ce qu’ils peuvent pour leur rendre la vie un peu plus facile, mais cela devient [...] un peu frustrant quand le gouvernement fédéral crée des dédoublements et empiète [...]
Dans une entrevue accordée à CPAC, le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey, a déclaré :
Si le gouvernement fédéral décide d’agir dans ce qui pourrait être considéré comme un champ de compétence provincial [...] dites-nous alors comment nous pouvons être des partenaires. Or, l’idée d’apprendre en se levant un matin qu’il pourrait y avoir un régime d’assurance-médicaments ou un régime de soins dentaires — ce qui relève pourtant des provinces — sans aucune collaboration ni consultation... C’est là où les conditions à géométrie variable de la Constitution commencent à m’inquiéter.
Dans une entrevue avec le Telegraph-Journal du Nouveau-Brunswick, le premier ministre Blaine Higgs dit ce qui suit au sujet des relations entre le gouvernement fédéral et les provinces :
Les relations sont tendues, c’est le moins qu’on puisse dire [...] Je dirais même qu’elles sont dysfonctionnelles à bien des égards.
Il ajoute qu’il n’y a pas eu de réunion générale des premiers ministres depuis des années. La dernière réunion, en février 2023, portait exclusivement sur la santé.
Le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, réclame aussi une réunion des premiers ministres. Il a dit ceci aux journalistes :
Ce n’est pas une question d’argent. Ce n’est pas une question de fonds supplémentaires. Ne pourrions-nous pas plutôt nous coordonner, à l’échelle nationale, à propos de ces intérêts communs?
Il ajoute que c’est là qu’il a parfois l’impression qu’on se heurte à un mur.
La ministre de la Santé de l’Alberta, Adriana LaGrange, a déclaré ceci au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie :
Le gouvernement fédéral continue de présenter des initiatives en matière de santé comme un moyen de poursuivre ses propres objectifs politiques, alors que sa responsabilité réelle est d’agir en bon partenaire pour la viabilité à long terme des initiatives en matière de santé et l’amélioration des résultats connexes. Les provinces et les territoires ont la compétence exclusive en matière de planification, d’organisation et de gestion de nos systèmes de soins de santé.
Le gouvernement fédéral doit respecter les compétences provinciales et territoriales et les décisions que nous prenons. Les initiatives fédérales, telles que l’assurance-médicaments, doivent être élaborées dans le cadre d’une véritable collaboration, en tenant compte des priorités provinciales et territoriales et dans le respect des compétences.
Mardi, dans notre enceinte, le sénateur Gignac s’est exprimé à propos du projet de loi. Je le cite : « [...] à Ottawa on devrait se montrer moins critique et se garder une petite gêne avant d’empiéter sur le champ de compétence des provinces avec de nouvelles initiatives. » Je suis tout à fait d’accord.
Le projet de loi C-64 soulève également d’autres préoccupations, comme l’administration de l’assurance-médicaments, la composition du comité d’experts et divers aspects de l’Agence des médicaments du Canada, notamment ses pouvoirs, ses fonctions et sa structure de gouvernance. Je remercie ma collègue, la sénatrice Osler, de nous avoir signalé avec compétence ces lacunes dans le projet de loi.
En conclusion, chers collègues, je ne suis pas convaincue que l’approche du projet de loi C-64 en matière d’assurance-médicaments soit prudente, ni sur le plan financier, ni sur le plan politique. J’aurais appuyé sans réserve un projet de loi qui aurait offert une assurance-médicaments aux plus vulnérables, ceux qui n’ont pas de couverture d’assurance ou qui sont sous-assurés. Or, avec ce projet de loi, le gouvernement dépensera au moins la moitié de son budget d’assurance-médicaments pour les Canadiens qui bénéficient déjà d’une couverture complète grâce à leur régime privé. Le directeur parlementaire du budget a fait clairement valoir ce point dans son témoignage devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Il convient de rappeler ce que j’ai dit précédemment au sujet de l’universalité. L’universalité de l’assurance-médicaments ne signifie pas que l’État est exclusivement responsable du coût des médicaments sur ordonnance ni que le régime doit être administré par l’État. La France, l’Allemagne et les Pays-Bas ont des régimes d’assurance-médicaments universels à payeurs multiples établis par la loi qui ont plus en commun avec le modèle québécois qu’avec le modèle proposé dans le projet de loi C-64.
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a entendu des témoignages convaincants selon lesquels le projet de loi C-64 pourrait entraîner l’érosion de l’assurance privée, ce qui placerait de nombreux Canadiens dans une situation pire qu’aujourd’hui : ils auraient accès à une liste de médicaments très restreinte et à des services pharmaceutiques réduits, et ils devraient composer avec des pénuries de médicaments.
Bien franchement, chers collègues, j’estime que la situation est on ne peut plus claire : je ne peux pas appuyer le projet de loi C-64 dans sa forme actuelle. Merci.
La sénatrice Seidman accepterait-elle de répondre à une question?
Bien sûr.
Merci, sénatrice Seidman, pour votre discours très réfléchi. Il est évident que ce projet de loi est beaucoup plus idéaliste que logique, à l’image du gouvernement Trudeau en général, je suppose.
Hier, un collègue a évoqué les fondateurs de l’assurance-maladie dans cette enceinte, Tommy Douglas ainsi que les premiers ministres Diefenbaker et Pearson. Je me demandais ce que diraient les fondateurs de l’assurance-maladie sachant qu’aujourd’hui, nous avons un gouvernement qui, au cours des neuf dernières années et demie, n’a jamais transféré de fonds qui étaient équitables par rapport à ce que les provinces dépensent en santé? En fait, il a considérablement réduit les paiements de transfert en matière de santé au cours des neuf dernières années et, bien sûr, il n’a pas respecté la Loi canadienne sur la santé, qui contient un certain nombre de principes fondamentaux, comme l’intégralité, l’accessibilité et, surtout, l’universalité.
Comme plus de 6 millions de Canadiens et de familles sont sans médecin aujourd’hui, en 2024, que diraient Tommy Douglas, le premier ministre Diefenbaker et le premier ministre Pearson de l’état du régime de santé?
Merci. C’est toute une question. Je dois vous dire qu’ils diraient probablement ce que nous disons tous, à savoir que le système de santé nous laisse cruellement tomber. Je pense que les Canadiens commencent enfin à avoir le courage de dire que le système ne fonctionne pas. Combien d’entre nous ont des membres de leur famille, des amis et des voisins qui éprouvent des difficultés avec le système de santé? Ils n’ont pas de médecins généralistes, par exemple. Je connais d’innombrables personnes qui se rendent dans des cliniques et qui, de ce fait, ne bénéficient pas de la continuité des soins. Nous l’entendons tous et nous le lisons tous. Je pense que nous reconnaissons peu à peu que le système nous laisse tomber.
Nous avons été très sensibles à notre système de santé. Nous l’avons loué et aimé et il ne fait aucun doute que le concept était excellent. Toutefois, si nous regardons ce qui se passe actuellement dans le reste du monde, nous constaterons que de nombreux pays qui ont commencé avec le même système que le Canada ont passé à autre chose et ont trouvé d’autres moyens de fournir à leur population le type de soins dont elle a besoin.
Sénatrice Seidman, au cours de l’étude du projet de loi C-64 par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, nous avons reçu des mémoires de l’Organisation canadienne pour les maladies rares et du Forum canadien des innovateurs spécialisés dans les maladies rares. Ces organismes nous ont fait part de leurs préoccupations quant au fait que la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments pourrait retarder davantage la mise en œuvre de la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares, dont il est question à l’article 5 du projet de loi C-64. Avez-vous pris connaissance de ces mémoires et rencontré l’un de ces groupes, et pouvez-vous aussi nous faire part de vos réflexions ou de vos inquiétudes concernant le report de la mise en œuvre de la stratégie sur les maladies rares?
En effet, je les ai lus et j’ai aussi rencontré des représentants de l’Organisation canadienne pour les maladies rares, dont sa présidente, la Dre Durhane Wong-Rieger. Je rappelle qu’à l’étape de la deuxième lecture, j’ai fait remarquer que le gouvernement avait annoncé des investissements pouvant atteindre 1,5 milliard de dollars sur trois ans pour la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares. C’était en mars 2023. La distribution de 1,4 milliard de la somme totale devait se faire par l’entremise d’ententes bilatérales. Le milieu des maladies rares jubilait. Or, plus d’un an et demi s’est écoulé, et une seule entente bilatérale a été signée.
Devant le Comité permanent de la santé de l’autre endroit, la présidente et cheffe de la direction de l’Organisation canadienne pour les maladies rares, la Dre Durhane Wong-Rieger s’est posé la question suivante : « [É]tant donné que les progrès promis dans le dossier des maladies rares ne se sont pas concrétisés, qu’est-ce que cela signifie en ce qui concerne les chances de succès [des] dispositions législatives sur l’assurance-médicaments? » Elle a même ajouté que, selon l’organisme qu’elle représente, il est déraisonnable et contraire à l’éthique qu’un régime conçu pour transformer et sauver des vies soit adopté sans être mis en œuvre par la suite.
Je suis tout à fait d’accord. À mon avis, le gouvernement doit honorer les promesses qu’il a faites au milieu des maladies rares et faire en sorte que le financement des ententes bilatérales sur le financement des médicaments servant à les traiter ne soit pas mis de côté parce qu’il faut désormais négocier les ententes bilatérales prévues dans le projet de loi C-64.
Merci, sénatrice Seidman, de cet excellent discours et de nous avoir permis d’entendre clairement certaines des préoccupations concernant le projet de loi C-64. Je n’ai que quelques mots à dire. Hier, le sénateur Cardozo semblait penser que ce qui ne pouvait pas être dit en 15 minutes ne valait pas la peine d’être dit, et cela pourrait bien être exact, sauf que quand votre public n’est pas attentif, vous devez parfois parler un peu plus longtemps.
Comme vous vous en souviendrez peut-être, j’ai pris la parole au sujet de ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture et, sans surprise, mes préoccupations ont été validées pendant l’examen du projet de loi par le comité. Ce projet de loi du gouvernement a déjà été qualifié de malavisé, ce qui devrait inquiéter grandement les Canadiens.
Le Sénat a reçu le projet de loi C-64 le 4 juin dernier, après que le gouvernement néo-démocrate—libéral eut interrompu le débat à l’autre endroit et limité tout véritable débat à l’étape de l’étude en comité et à l’étape de la troisième lecture. Cela a permis au gouvernement de se soustraire à un examen minimal de ce projet de loi, ce qui, chers collègues, est regrettable.
À l’étape de la deuxième lecture, j’ai souligné que ce projet de loi était d’abord et avant tout une manœuvre insolente de Justin Trudeau pour répondre aux exigences de Jagmeet Singh concernant une mesure législative sur l’assurance-médicaments afin de s’accrocher au pouvoir un peu plus longtemps.
À ce moment-là, j’ai aussi posé la question suivante : s’agit-il d’une coquille vide qui ne fera que décevoir les personnes qui réclament un régime universel à payeur unique ou plutôt d’un cheval de Troie qui privera des millions de Canadiens des assurances privées dont ils bénéficient?
Comme il le fait souvent, le gouvernement a réussi assez longtemps à jouer sur tous les tableaux : il s’agira d’un régime universel, mais qui ne s’appliquera pas à tous; il n’y aura qu’un seul payeur, mais les compagnies d’assurance pourront aussi en être. La logique libérale à son meilleur.
En juin dernier, j’ai déclaré que ce projet de loi ne serait rien d’autre qu’une mesure législative obligeant le ministre de la Santé à inviter ses homologues provinciaux et territoriaux à discuter, tout en sachant qu’au bout du compte, il se pourrait que rien ne ressorte de cette réunion. Il n’a fallu que quelques mois à la coalition néo‑démocrate—libérale pour me donner raison.
Évidemment, le 12 septembre, soit moins d’une semaine avant sa comparution devant le Comité des affaires sociales, le ministre de la Santé, Mark Holland, a annoncé la conclusion d’un protocole d’entente sur quelques contraceptifs et médicaments contre le diabète avec le premier ministre néo-démocrate de la Colombie-Britannique, qui était en chute libre dans les sondages et risquait de ne pas être réélu aux prochaines élections provinciales.
Mark Holland a bien choisi son moment pour se présenter devant le comité avec ce qu’il a dit être un accord conclu avec la Colombie-Britannique, alors qu’il ne s’agissait en fait que d’un coup de relations publiques. Dans ses remarques préliminaires, le ministre a ouvert son jeu en disant :
Mesdames et messieurs, si j’ai pensé qu’il était si important d’avoir un protocole d’entente avec la Colombie-Britannique, c’était notamment pour aider le Sénat — parce que je sais qu’il y avait beaucoup de questions — et pour montrer à quoi cela ressemblerait.
Selon la citation du ministre, le protocole d’entente a été signé et publié à dessein comme un coup de relations publiques pour tenter de montrer que ce projet de loi est bien réel. En réalité, ce qu’ils ont signé avec la Colombie-Britannique n’est rien de plus qu’un accord entre deux parties pour qu’elles finissent par se mettre d’accord.
Il s’agit d’une autre tentative des libéraux de tromper les Canadiens. Stephen Frank, de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, l’a confirmé en déclarant :
Ce protocole d’entente n’a pas encore été signé, et ce programme n’existe pas encore. On a annoncé l’intention d’aller de l’avant si cette mesure législative est adoptée. Ce type d’annonce suscite des questions de la part des employeurs que nous rencontrons aujourd’hui.
J’étais donc quelque peu rassuré. Je pensais que le projet de loi C-64 n’était en fait qu’une coquille vide — juste un autre de ces exercices de relations publiques dont les libéraux sont si friands.
Le 1er juin, j’ai également demandé comment le gouvernement avait pu élaborer ce projet de loi à ce moment précis.
Nous savons maintenant que c’est le NPD qui tenait le stylo. Lors de sa comparution devant le comité, le ministre Holland n’a pas caché comment le NPD et les libéraux en étaient venus à s’entendre sur le projet de loi C-64. Même après que Jagmeet a « déchiré » l’entente avec le gouvernement libéral, Mark Holland était fier du travail qu’il a fallu pour s’entendre sur le projet de loi C-64 avec le NPD. Il l’a d’ailleurs librement admis devant le comité en déclarant :
Il s’agit, de loin — et j’ai pris part à quantité de tâches complexes — de la tâche la plus difficile à laquelle j’ai jamais participé. Chaque syllabe et chaque mot de ce projet de loi ont été débattus et discutés. C’est le résultat d’une très importante collaboration. Ce n’est pas un parti, mais deux, aux points de vue très différents, qui ont réussi à trouver un terrain d’entente.
Chers collègues, on pourrait penser qu’en parlant d’un projet de loi aussi important, qui touche à la santé de chaque Canadien, le ministre ne mettrait pas l’accent sur la façon dont il a discuté de chaque syllabe et de chaque mot avec un autre parti politique, mais plutôt sur le fait que le projet de loi repose sur des décennies de recherche et des tonnes de données. On pourrait penser que le projet de loi est le résultat d’années de consultations, de recherches et de réflexions menées par des experts, et non le produit de négociations en coulisses entre politiciens sur des syllabes et des mots.
On pourrait penser que l’objectif du projet de loi est d’apporter ce qui est important pour les Canadiens, et non ce qui est important pour que Justin Trudeau reste au pouvoir.
Steve Morgan, de l’Université de la Colombie-Britannique, l’a affirmé très clairement devant le comité :
Il faut admettre que l’entente de soutien et de confiance arrivait à son terme. En fait, après les négociations de l’automne dernier, elle avait été prolongée jusqu’en février et mars. Les deux partis souhaitant prolonger la durée de vie du gouvernement actuel se sont entendus sur une recommandation finale convenue à la hâte. Lorsque le ministre a témoigné, chaque mot a fait l’objet d’un débat.
Même si la coalition néo-démocrate—libérale s’est soi-disant dissoute, le NPD jouera toujours un rôle dans la mise en œuvre de ce projet de loi. Lorsque le ministre Holland a été interrogé au comité sur la composition du comité d’experts et sur le risque de conflits d’intérêts, le ministre n’aurait pas pu être plus clair. Encore une fois, ce sont ses paroles :
Nous avons eu de très bonnes conversations à ce sujet avec le NPD, qui, dans ce cas, sera le parti avec lequel nous sélectionnerons les membres de ce comité. Par conséquent, je ne pense pas qu’il y ait de problème de conflit d’intérêts. Ce n’est pas ce que nous cherchons.
Cela soulève la question de savoir comment les nominations seront effectuées. Seront-elles fondées sur le mérite ou s’agira-t-il de faveurs politiques?
Cela ne me rassure pas du tout de savoir que c’est la coalition néo-démocrate—libérale, et non le ministre, qui nommera un comité d’experts pour formuler des recommandations sur le fonctionnement et le financement du régime d’assurance-médicaments. Nous connaissons déjà la conclusion du comité. Il remettra son rapport au plus tard le 10 octobre 2025, et, sans surprise, les recommandations cadreront toutes avec l’idéologie néo-démocrate—libérale, ce qui aggravera l’érosion de l’assurance-maladie privée.
J’en suis plus qu’inquiet. Si c’est le NPD qui conduit l’autobus, on peut être certain qu’on aboutira quelque part très loin dans le champ gauche.
Comme je l’ai dit plus tôt, le ministre était ambivalent au début au sujet du programme et a insisté pour dire que les Canadiens continueraient d’avoir le choix entre leurs régimes privés et le régime public. Mais finalement, à la dernière minute, le chat est sorti du sac quand le ministre Holland a révélé que l’objectif politique du projet de loi C-64 était d’enlever aux Canadiens leur couverture privée en matière de santé.
Voilà un exemple classique de quelqu’un qui est aveuglé par l’idéologie et qui n’arrive pas à voir les conséquences réelles de ses actes. Le gouvernement néo-démocrate—libéral semble prêt à détruire le système actuel pour faire avancer son programme idéologique. C’est la seule explication pour laquelle le gouvernement néo-démocrate—libéral voudrait mettre en péril la couverture de santé de 27 millions de Canadiens.
Permettez-moi de répéter que le projet de loi C-64 a été conçu de manière à promettre tout à tout le monde. C’était un moyen pour Justin Trudeau de maintenir la coalition néo-démocrate—libérale au pouvoir sans effrayer la classe moyenne. Grâce à notre travail au Sénat, nous connaissons maintenant la vérité.
Le projet de loi C-64 est en réalité un cheval de Troie. J’ai dit dans mon discours de deuxième lecture que c’était bien ce que je craignais. Le ministre Holland a officiellement confirmé par écrit au comité que le but ultime du projet de loi est que le gouvernement fédéral prenne en charge tous les médicaments au Canada, ce qui fermerait la porte aux soins de santé privés pour des millions de Canadiens.
Il a écrit ceci :
Dans le cadre de ce programme, le coût de ces médicaments sera pris en charge et administré par le régime public, plutôt que par une combinaison de payeurs publics et privés.
Lors de sa comparution au Comité de la santé de la Chambre des communes, le ministre Holland a dit qu’aucun Canadien ne devrait perdre l’assurance-médicaments offerte par son employeur en raison du régime national d’assurance-médicaments. Puis, il a ajouté ceci : « Personne ne va perdre [l]a couverture » des régimes existants. « [N]ous nous assurons que les personnes peuvent choisir [...] »
Chers collègues, ces propos sont tout simplement des mensonges flagrants.
La lettre du ministre adressée au comité sénatorial est tout simplement le contraire de ce qu’il a dit à la Chambre des communes. C’est une approche typiquement libérale : on dit une chose à un groupe, puis autre chose à un autre groupe. Le problème, c’est que les Canadiens ont accès aux travaux des deux Chambres du Parlement et ils peuvent constater par eux-mêmes que Mark Holland les induit en erreur.
Cette volte-face du ministre Holland confirme le résultat redouté par la plupart des gens : un régime d’assurance-médicaments administré par l’État commencerait par éroder l’assurance-maladie privée, puis il l’éliminerait, et ce, sans que l’on sache comment il fonctionnera et à quel prix.
Selon le directeur parlementaire du budget, le projet de loi C-64 pourrait coûter 1,9 milliard de dollars par année au gouvernement fédéral seulement pour couvrir le coût des médicaments contre le diabète et les contraceptifs.
Imaginez lorsque les partisans du projet de loi C-64 auront terminé leur travail de destruction de nos régimes de santé actuels et que le gouvernement remboursera tout pour tout le monde. Du moins, il prétendra le faire. Combien tout cela va-t-il coûter? Dans quelle mesure faudra-t-il augmenter les impôts? Car il faudra augmenter les impôts. Sinon, comment un gouvernement fédéral avec un déficit de 40 milliards de dollars et une dette de 1 billion de dollars pourrait-il financer cette expérience? Cela doit passer par les impôts.
On a démontré les conséquences qu’aurait le projet de loi C-64 sur les Canadiens lors de la dernière réunion du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Des intervenants de divers secteurs, dont l’assurance-maladie, avec l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes; les employeurs, avec la Chambre de commerce du Canada; et le secteur pharmaceutique, avec Médicaments novateurs Canada, ont été unanimes : l’incertitude entourant le projet de loi C-64 aura un effet négatif sur l’assurance-médicaments au Canada.
Des Canadiens qui se fient à leur assurance-médicaments privée pour obtenir leurs médicaments quotidiens se demandent maintenant ce qui va arriver à leur couverture. Par ailleurs, des employeurs qui offrent actuellement une assurance-médicaments à leurs employés se demandent ce qui va arriver à la couverture qu’ils offrent.
Chers collègues, permettez-moi de vous lire quelques faits saillants de cette réunion.
En ce qui concerne le sort de la couverture actuelle des médicaments sur ordonnance, Stephen Frank, de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, a dit ceci :
Pour la majorité des Canadiens, le projet de loi, dans sa forme actuelle, éliminera la couverture des médicaments sur ordonnance payée par l’employeur pour ces médicaments. Cela limitera les choix. On utilisera les maigres fonds fédéraux pour remplacer la couverture existante, ce qui créera un énorme vide pour les Canadiens non assurés qui ont besoin d’autres médicaments que les médicaments contre le diabète et les contraceptifs.
Bettina Hamelin, présidente de Médicaments novateurs Canada, a déclaré ce qui suit sur le potentiel réel du projet de loi C-64 :
La première observation est qu’il faut s’appuyer sur les régimes d’assurance-médicaments actuels au Canada plutôt que de le remplacer par des listes de médicaments remboursés par un régime public universel. Le projet de loi actuel risque fort de réduire l’accès des Canadiens aux médicaments dont ils ont besoin et à ceux auxquels ils ont déjà accès.
Enfin, sur la question de savoir si les Canadiens sont mieux servis par le projet de loi C-64, Kathy Megyery, de la Chambre de commerce du Canada, a dit ceci :
Il n’est pas nécessaire de défaire complètement un système qui fournit à la majorité des Canadiens la couverture dont ils ont besoin et qu’ils apprécient. Un régime d’assurance-médicaments universel à payeur unique ne ferait qu’empirer la situation de la plupart des Canadiens. À l’heure actuelle, la majorité des Canadiens sont couverts par le régime de leur employeur. Ces Canadiens ont accès aux médicaments en deux fois moins de temps que ceux qui sont couverts par un régime public, y compris trois fois plus de nouveaux médicaments novateurs approuvés par Santé Canada.
Comme vous pouvez le constater, chers collègues, ce projet de loi aurait des répercussions, comme des pénuries de médicaments, un accès réduit et une réduction des investissements dans les médicaments novateurs.
La Chambre de commerce du Canada s’est dite préoccupée par la perte potentielle de productivité attribuable à une population en moins bonne santé, tout cela au nom de l’idéologie du gouvernement néo-démocrate—libéral que partagent ses partisans au Sénat.
Dans un sondage mené au sujet des services et des assurances dans le domaine de la santé au Canada, la question suivante a été posée : « Que devraient faire les conservateurs avec le régime national d’assurance-médicaments s’ils remportent les prochaines élections? » Je préférerais qu’on dise « lorsqu’ils remporteront les prochaines élections ». Soixante-quatorze pour cent des Canadiens ont dit vouloir une approche différente. Je tiens à être clair, chers collègues : heureusement que ce n’est pas dans un avenir trop lointain. Leur souhait sera exaucé.
La coalition néo-démocrate—libérale croit savoir mieux que les provinces ce dont elles ont besoin. Ses membres ne font que mépriser les compétences provinciales. Ils se sont immiscés à maintes reprises dans les affaires provinciales, causant le désordre et le chaos, et, bien franchement, de nombreux premiers ministres en ont assez. Le Québec et l’Alberta ont signalé leur intention de ne pas participer au programme et ont exhorté le gouvernement fédéral à s’en tenir à ses champs de compétence.
La sénatrice Seidman a déjà parlé d’Adriana LaGrange, ministre de la Santé de l’Alberta, qui a été claire :
Le gouvernement fédéral continue de présenter des initiatives en matière de santé comme un moyen de poursuivre ses propres objectifs politiques, alors que sa responsabilité réelle est d’agir en bon partenaire pour la viabilité à long terme des initiatives en matière de santé et l’amélioration des résultats connexes. Les provinces et les territoires ont la compétence exclusive en matière de planification, d’organisation et de gestion de nos systèmes de soins de santé.
Voilà quel est le plus gros problème en ce qui concerne le projet de loi C-64 : le gouvernement libéral continue d’empiéter sur les compétences des provinces pour atteindre ses propres objectifs politiques.
Au lieu de réparer ce qui est cassé, la coalition néo-démocrate-libérale préfère briser ce qui fonctionne pour imposer son idéologie aux Canadiens. Cette initiative accaparera une part encore plus grande de l’argent des contribuables canadiens, en plus d’accroître l’incertitude dans les secteurs des produits pharmaceutiques et de l’assurance. Je tiens à souligner que ces deux secteurs ont besoin de stabilité pour prospérer et répondre aux besoins des Canadiens.
Le projet de loi C-64 englobe tout ce que les conservateurs reprochent au gouvernement Trudeau depuis le premier jour. Le gouvernement Trudeau se concentre sur les séances de photos plutôt que sur les vraies politiques. C’est un gouvernement qui ne laissera jamais les faits barrer la route à ses obsessions idéologiques. C’est un gouvernement qui croit qu’Ottawa sait ce qui est le mieux pour tout le monde et qui n’a aucun respect pour les compétences provinciales ni pour les deniers publics. C’est un gouvernement toujours prêt à recourir au mensonge et à la tromperie pour faire avancer ses priorités.
Espérons que l’assurance-médicaments sera la dernière expérience de Justin Trudeau, « l’apprenti sorcier ». Je n’exagère pas en disant que cela pourrait précipiter l’effondrement de la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique et marquer la fin de la couverture privée des soins de santé au Canada. L’industrie pharmaceutique pourrait être la dernière à plier bagage et à quitter le pays, victime du programme radical du gouvernement Trudeau.
Qu’il s’agisse de nourriture, de chauffage, de logement ou de médicaments, tous les Canadiens devraient voir leurs besoins fondamentaux satisfaits. Le gouvernement Trudeau a brisé le Canada, et les besoins fondamentaux d’un nombre croissant de Canadiens ne sont pas comblés. L’itinérance est en hausse, de même que l’insécurité alimentaire. Le chauffage domestique est de plus en plus cher. Et voilà que l’accès aux médicaments est compromis. Soyons clairs : les Canadiens ne perdront pas leur couverture dès que la gouverneure générale aura apposé sa signature. Comme ce fut le cas pour les autres besoins fondamentaux, c’est au fil du temps que l’on constatera les dommages causés par Justin Trudeau.
Au lieu de se concentrer sur les problèmes les plus urgents du système de santé, comme les temps d’attente et le manque de médecins, d’infirmières et de lits, la coalition néo-démocrate—libérale a décidé de dépenser des milliards de dollars pour des personnes qui ont déjà une couverture. S’il ne fait aucun doute que tous les Canadiens n’ont pas accès aux médicaments dont ils ont besoin, la panacée qu’on nous fait miroiter avec le projet de loi C-64 ne fera qu’empirer les choses.
Les données dont nous disposons militent nettement contre le projet de loi C-64 et le passage à un modèle de régime public d’assurance-médicaments à payeur principal. Le bon sens nous dicte clairement de protéger l’assurance-maladie privée dont jouissent les Canadiens en votant contre le projet de loi C-64.
Une minorité de Canadiens n’a aucune assurance et n’a pas les moyens de payer les médicaments; il ne fait aucun doute que le gouvernement peut les aider, mais l’approche uniforme proposée est une très mauvaise solution. Rappelons que 67 % des Canadiens ont accès à une assurance-médicaments offerte par leur employeur, une association ou un régime privé et qu’un deuxième groupe, correspondant à 20 % de la population, est couvert par les régimes gouvernementaux déjà en vigueur. Le régime néo-démocrate—libéral leur fera perdre cette protection.
Sénateur Yussuff, parmi les gens qui perdront le plus à cause du projet de loi C-64 figurent les travailleurs syndiqués, qui ont livré une dure bataille pour obtenir la protection dont ils bénéficient actuellement. Leurs régimes disparaîtront si la coalition néo-démocrate—libérale parvient à ses fins. Sénateur, c’est nous que vous devriez soutenir, et non ce programme.
Les employeurs voient dans l’assurance-médicaments une façon d’attirer et de fidéliser les employés. L’un des effets du projet de loi C-64, c’est qu’ils n’auront plus aucune raison d’offrir une meilleure assurance. Tout le monde au Canada sera sur un pied d’égalité; tout le monde aura seulement accès à l’assurance minimale offerte par l’État. Chers collègues, voilà un autre exemple qui met en évidence le gouffre qui sépare les néo-démocrates et les libéraux des travailleurs ordinaires. Ces deux partis ne défendent plus les travailleurs : ils défendent leur idéologie.
Pour régler la crise de la santé, les Canadiens ont besoin de solutions concrètes, abordables et pleines de bon sens. Pour que la fédération canadienne fonctionne, il faut que le gouvernement fédéral cherche des solutions en collaboration avec les provinces au lieu de leur en imposer. C’est en unissant leurs efforts que les Canadiens pourront régler les problèmes complexes et améliorer leur qualité de vie et celle des générations à venir. Voilà le Canada dont je me souviens, celui que nous retrouverons quand la coalition entre les néo-démocrates et les libéraux prendra fin, qu’un gouvernement conservateur plein de bon sens sera de nouveau à la tête du pays et que le gouvernement collaborera avec les provinces et les Canadiens dans le but d’améliorer le sort de toute la population.
Chers collègues, je tiens à vous dire que les conservateurs s’opposeront à l’unanimité au projet de loi C-64. Nous ne ferons pas retentir la sonnerie pendant une heure. Nous savons que les dés sont pipés. Nous savons que cela n’aura pas lieu. Nous voulons donc voter unanimement contre cette mesure législative très nuisible.
À vrai dire, j’espère que deux autres sénateurs voteront contre ce projet de loi. Nous nous rallierons à eux avec plaisir. Honorables sénateurs, je vous remercie.
Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.