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Projet de loi sur l'unité de l'économie canadienne

Deuxième lecture--Débat

25 juin 2025


L’honorable Hassan Yussuff [ - ]

Propose que le projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-5, Loi sur l’unité de l’économie canadienne.

Lorsqu’on m’a demandé de parrainer ce projet de loi, j’ai accepté sans hésitation. Est-ce que je savais que ce serait une tâche difficile? Bien sûr. Est-ce que je m’attendais à ce que nous devions trouver des moyens de nous parler? Bien sûr, mais l’édification d’un pays n’a jamais été une tâche facile, et c’est essentiellement la tâche que cherche à accomplir cette mesure législative, alors que notre pays est gravement menacé.

Je crois que tous les sénateurs ici présents savent que nous vivons dans un monde plus incertain et dangereux que par le passé. Nous nous rendons compte que notre relation avec les États-Unis, qui était fondée sur l’intégration économique, sur la coopération militaire et sur la coopération en matière de sécurité, est chose du passé. De plus, nos liens commerciaux avec notre plus proche voisin, allié et ami — qui avaient été sources de prospérité pour les Canadiens pendant si longtemps — ont fondamentalement changé.

Chers collègues, ne vous méprenez pas : les droits de douane injustifiés que nous imposent les États-Unis menacent grandement notre économie, notre souveraineté et notre mode de vie. Si nous ne pouvons pas contrôler les actes du président des États-Unis, nous pouvons en revanche contrôler la manière dont nous réagissons à ces actes. Je pense qu’il est urgent que nous agissions maintenant pour renforcer notre position de négociation afin de protéger les travailleurs et l’économie du Canada.

La mesure législative est une réponse directe à la situation actuelle et vise à accomplir deux choses. La première partie du projet de loi vise à éliminer les obstacles au commerce interprovincial qui existent depuis la création de notre pays. Les mesures commerciales illégales et injustifiées prises par les États-Unis mettent en évidence le besoin urgent de s’attaquer à ces obstacles qui ont fragmenté notre économie et limité les possibilités pour les Canadiens.

La deuxième partie du projet de loi reconnaît que, si nous voulons que notre économie demeure assez résiliente pour non seulement traverser la tempête causée par les droits de douane actuels, mais aussi mieux nous préparer aux menaces de plus en plus grandes auxquelles nous serons confrontés à l’avenir, nous devons réaliser des projets de construction qui servent l’intérêt national, et ce, plus rapidement. Ces grandes initiatives d’édification du pays sont essentielles à l’exploitation de notre plein potentiel économique et au renforcement du Canada, tant sur la scène nationale qu’internationale.

Aujourd’hui, je tiens à parler de ces deux parties du projet de loi et de la manière dont il a été renforcé par les amendements adoptés la semaine dernière à l’autre endroit.

Honorables sénateurs, je souhaite commencer par la partie 1 du projet de loi, qui vise à aider à accomplir ce que nous, en tant que nation, nous efforçons de réaliser depuis que nous nous sommes réunis il y a près de 160 ans pour créer cette grande confédération, c’est-à-dire avoir une économie au service de l’intérêt national. C’est cette idée de servir l’intérêt national qui est au cœur du projet de loi.

Pour préserver la souveraineté économique du Canada, il faut d’abord renforcer nos liens commerciaux intérieurs. Alors que les pressions de l’étranger exigent que le Canada soit uni, résilient et autosuffisant, il ne peut pas se permettre d’être une mosaïque d’économies provinciales et territoriales fermées. Alors que nous avons longtemps défendu l’ouverture des marchés à l’étranger, nous avons discrètement toléré des portes closes ici, au Canada. Nous avons bâti un pays où il est souvent plus facile pour une entreprise de vendre des biens en Allemagne que de les expédier dans une autre province. Cette situation n’est pas seulement absurde; elle est aussi contre-productive.

Aujourd’hui, les obstacles au commerce intérieur au Canada équivalent à l’imposition d’un droit de douane de 7 % sur nos produits, dans notre propre pays. Il faut éliminer ces obstacles et bâtir une économie canadienne unifiée et forte au lieu d’en avoir 13.

Le projet de loi vise à éliminer les obstacles qui existent entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux afin de promouvoir la libéralisation des échanges de biens et de services, ainsi que la mobilité de la main-d’œuvre. Le projet de loi permettrait aux organismes de réglementation fédéraux ou aux ministères de s’assurer que, lorsqu’il existe une mesure législative provinciale ou territoriale comparable — le mot « comparable » est important ici —, celle-ci serait reconnue au même titre que la mesure législative fédérale. Pour les entreprises canadiennes, cette mesure facilitera l’achat, la vente et le transport de biens et de services partout au Canada.

Pour améliorer la mobilité de la main-d’œuvre, la loi fournit un cadre visant à reconnaître les permis et les titres professionnels provinciaux et territoriaux des travailleurs. Cela signifie qu’un travailleur autorisé dans une province ou un territoire pourra plus rapidement et plus facilement exercer la même profession dans une entreprise sous réglementation fédérale. Il sera ainsi plus facile de faire des affaires partout au Canada en réduisant les formalités administratives fédérales et en éliminant les chevauchements réglementaires. Cette mesure réduira également les coûts et les retards pour les entreprises canadiennes qui suivent des règles provinciales et territoriales comparables.

Au cours de l’étude de ce projet de loi, les syndicats nous ont dit que ces formalités administratives et ces chevauchements sont des obstacles au travail dans les domaines sous réglementation fédérale, qu’ils ne sont pas nécessaires et qu’ils nuisent aux travailleurs.

Bien que cette loi constitue un premier pas dans la bonne direction, le gouvernement fédéral continuera d’encourager les provinces et les territoires à harmoniser leurs propres exigences en matière de délivrance de permis et de titres de compétence pour les travailleurs qualifiés, comme les médecins, le personnel infirmier, les enseignants et plus encore, afin d’améliorer davantage la mobilité de la main-d’œuvre au Canada.

Le gouvernement fédéral veut que ce projet de loi soit un symbole de la nécessité pour nous tous de reconnaître que nous devons agir maintenant plus que jamais dans un but commun et en fonction d’objectifs partagés. Cela dit, certaines personnes disent craindre que ce projet de loi entraîne un abaissement des normes.

Ayant passé ma vie à représenter des travailleurs, je comprends l’importance de lutter pour des normes plus rigoureuses, en particulier en matière de santé et de sécurité au travail. Nous savons tous que, dans l’ensemble de la Confédération, certaines normes sont meilleures que d’autres. Je crois qu’il est admis qu’il faut encourager l’adoption de normes plus rigoureuses, plutôt que l’inverse.

Le projet de loi reconnaît l’importance de cette question parce qu’il comprend des mesures pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs et des Canadiens.

Premièrement, le projet de loi s’applique aux exigences fédérales en matière de commerce interprovincial de biens et de services lorsqu’il existe des exigences provinciales ou territoriales comparables. Deuxièmement, le projet de loi permet au gouvernement de prévoir des exceptions à la reconnaissance de normes provinciales et territoriales comparables lorsque les risques pour la santé et la sécurité des Canadiens ou pour l’environnement sont jugés trop importants. Dans une large mesure, les premiers ministres provinciaux travaillent en ce sens depuis plusieurs années.

Cependant, compte tenu de la crise avec les États-Unis et du changement fondamental qui semble s’opérer dans nos liens commerciaux, les premiers ministres provinciaux et le gouvernement fédéral reconnaissent qu’il n’est plus possible de retarder l’élimination de ces obstacles au commerce interprovincial. L’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’Ontario, la Saskatchewan et le Manitoba ont tous adopté des mesures législatives visant à éliminer les obstacles au commerce intérieur. La Colombie-Britannique a également adopté une loi historique sur la stabilisation économique, et le Québec mène ses propres réformes. Je crois qu’il existe un consensus sans précédent parmi les premiers ministres provinciaux en faveur d’une véritable économie canadienne unifiée. Le projet de loi C-5 contribuera à la réalisation de cet objectif.

Toutefois, même si les mesures prises par chacune des provinces sont louables, ce n’est pas suffisant. Plus que jamais, notre pays a besoin que le gouvernement fédéral fasse preuve d’un leadership stratégique et coordonné afin d’unifier les efforts individuels des provinces pour optimiser leur efficacité. En jouant un rôle catalyseur, le gouvernement fédéral peut contribuer à transformer un système fragmenté en un espace économique sans entrave d’un océan à l’autre.

Grâce au leadership d’Ottawa, nous pouvons concrétiser une réalité où les dédoublements sont réduits au minimum, où les investissements sont simplifiés et où les entreprises et les travailleurs disposent tous des moyens pour prospérer, sans égard aux frontières entre les provinces et les territoires.

C’est précisément le but de la première partie du projet de loi. Il s’agit d’une proposition progressiste qui vise à moderniser le commerce intérieur non pas en exerçant un contrôle, mais en misant sur la collaboration.

Ce projet de loi ne gruge pas les pouvoirs des provinces, il les respecte. Il propose un nouveau modèle d’engagement fédéral, fondé sur le partenariat et la reconnaissance mutuelle, qui vise à rationaliser les procédures afin de rendre l’État plus efficace pour tous.

Honorables sénateurs, j’aimerais maintenant passer à la deuxième partie du projet de loi, qui porte sur la réalisation de grands projets d’édification nationale qui sont dans l’intérêt du pays.

Les Canadiens ont de plus en plus conscience que nous pouvons faire mieux, en tant que pays, lorsqu’il s’agit de construire les infrastructures nécessaires à notre avenir économique. Je pense que la crise actuelle a focalisé notre attention et suscité des attentes, mais pour faire mieux, nous devons miser sur la coopération et la collaboration.

Or, la coopération repose sur le respect et la confiance, et la collaboration implique que nous mettions tous la main à la pâte pour assurer le succès du pays.

Alors, comment concrétiser des projets de construction plus rapidement?

Le premier ministre croit que les projets doivent faire l’objet d’une décision en moins de deux ans. Actuellement, l’échéancier des grands projets est de cinq ans, voire bien plus dans de nombreux cas. Ce projet de loi établit un cadre qui permettra de reconnaître et d’accélérer les projets qui sont véritablement d’intérêt national, ceux qui feront gagner le pays en résilience, en sécurité et en prospérité.

Il pourrait s’agir de projets de construction, par exemple, de lignes de transmission depuis le réseau hydroélectrique du Québec jusqu’en Ontario, de corridors de développement des ressources pour acheminer des minéraux critiques depuis le Nord du Québec ou de l’uranium depuis la Saskatchewan en vue de les faire raffiner, puis de les expédier vers de nouveaux marchés, de pôles d’hydrogène en Alberta et à Sarnia, en Ontario, ainsi que de nouvelles infrastructures pour relier les côtes atlantique, arctique et pacifique du pays.

Soyons clairs : le projet de loi ne vise à porter atteinte ni aux responsabilités des provinces et des territoires ni aux droits constitutionnels des Autochtones. Au contraire, il s’appuie sur les progrès réalisés et il reconnaît l’excellent travail des premiers ministres provinciaux, des entreprises, des travailleurs et des partenaires autochtones. Ce qu’il propose, c’est ceci : construisons ensemble plutôt que chacun de notre côté.

Qu’est-ce qu’un projet d’intérêt national?

Le projet de loi définit cinq critères que le gouverneur en conseil peut prendre en considération pour déterminer si un projet est d’intérêt national. Les projets devraient renforcer l’autonomie, la résilience et la sécurité du Canada, procurer des avantages économiques ou autres aux Canadiens, avoir une forte probabilité de mise en œuvre réussie — non seulement en théorie, mais aussi dans la pratique —, promouvoir les intérêts des peuples autochtones, et contribuer à la croissance propre et à la réalisation des objectifs du Canada en ce qui a trait aux changements climatiques.

Un nouveau bureau des grands projets fédéraux pilotera la transition, ce qui suppose de repérer de grands projets à cibler et de voir à ce qu’ils soient soumis à un examen approfondi avant d’obtenir le feu vert. Ce bureau sera le point de contact unique pour la coordination et la supervision des projets ainsi que la résolution rapide des problèmes. L’objectif : passer à un calendrier simple et clair de deux ans pour la prise de décisions, supprimer les longs délais et placer la rapidité et les garanties au centre de l’approche. L’idée, c’est qu’il y ait une seule évaluation par projet.

Cela dit, le gouvernement n’a pas l’intention de construire à tout prix. Pour aller de l’avant, les projets devront toujours respecter des normes environnementales strictes, faire l’objet de consultations en bonne et due forme avec les peuples autochtones et respecter les droits constitutionnels de ces derniers.

Parlons un peu plus de ces droits.

Le projet de loi prévoit que les grands projets d’intérêt national ne pourront être réalisés que lorsqu’on aura écouté les points de vue des Autochtones dans un véritable esprit de partenariat. Les droits des peuples autochtones ne sont pas un détail secondaire, mais une considération fondamentale.

Les droits garantis par l’article 35 sont inscrits dans la Constitution, et le gouvernement s’est engagé à les défendre résolument. La ministre Alty nous l’a promis ici même la semaine dernière lorsqu’elle a déclaré ce qui suit :

[...] je tiens à être très claire : les grands projets seront uniquement réalisés dans le cadre de cette loi si des consultations constructives sont menées auprès des Autochtones dont les droits garantis par l’article 35 risquent d’être touchés et leurs besoins sont pris en compte.

Cette loi nécessite la tenue d’importantes consultations auprès des peuples autochtones, d’abord dans le cadre du processus de désignation des projets d’intérêt national, puis lors de l’élaboration des conditions auxquelles ces projets seront assujettis.

Cette exigence n’est pas facultative. Elle est protégée par la Constitution canadienne et intégrée dans l’ensemble de la législation.

Le projet de loi confirme également que le gouvernement du Canada s’engage à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones tout en veillant à ce que les droits des peuples autochtones soient respectés. Toutefois, chers collègues, nous savons également que cet engagement existe séparément dans le droit canadien, notamment grâce à l’adoption de l’ancien projet de loi S-13, qui requiert que les lois fédérales soient interprétées conformément à l’article 35 de la Constitution. Cet engagement est donc déjà bien établi.

Je crois que le gouvernement et les entreprises comprennent que l’absence d’une consultation et d’une collaboration sérieuses compromet grandement la réussite d’un projet. Deux des cinq critères qui permettent de considérer un projet comme étant d’intérêt national sont directement liés à cet aspect, à savoir la promotion des intérêts des peuples autochtones et un grand degré de réussite.

Mme Alty l’a aussi reconnu quand elle a dit :

Les projets qui ne bénéficient pas du soutien des peuples autochtones ne progresseront pas de toute urgence. Nous cherchons des projets prêts à démarrer.

Elle a ajouté :

Il est important de se rappeler que nous cherchons à avancer rapidement, et que ce sont vraiment ces facteurs qui importent, à savoir la forte probabilité de réussite et la promotion des intérêts des peuples autochtones.

Chers collègues, il est important de rappeler que ce projet de loi exige que les peuples autochtones soient consultés et que de véritables mesures d’adaptation soient prises à leur égard, tant lors du processus de détermination des projets d’intérêt national que lors de l’élaboration des conditions rigoureuses applicables à chaque projet.

Les dirigeants autochtones qui ont témoigné devant nous la semaine dernière ont parlé avec éloquence et sincérité des perspectives de leurs communautés autochtones et de l’approche qu’ils estiment nécessaire pour le développement économique de leurs communautés et du pays dans son ensemble, une approche fondée sur le respect de leurs droits et reposant sur une consultation et une collaboration constructives.

Quand j’ai accepté de parrainer ce projet de loi, j’étais convaincu qu’il incombait au premier ministre de rencontrer les dirigeants autochtones afin d’établir la confiance et le respect nécessaires pour que les objectifs de ce projet de loi aient une chance d’être atteints. J’ai été heureux d’apprendre vendredi dernier que le premier ministre avait annoncé qu’il rencontrerait les dirigeants des Premières Nations, des Inuit et des Métis au cours des prochaines semaines.

Comme je l’ai déjà dit, si nous voulons bénéficier d’un esprit de coopération pour affronter la crise actuelle, il faudra que cet esprit repose sur la confiance et le respect qui naissent de la consultation et du dialogue.

Avant de conclure, chers collègues, je voudrais parler des amendements qui ont été adoptés à l’autre endroit. Je pense qu’ils ont renforcé le projet de loi en abordant certains problèmes que les sénateurs et les témoins avaient signalés aux ministres la semaine dernière. D’une manière générale, les amendements peuvent être classés en trois catégories : reddition de comptes et transparence, surveillance parlementaire, et clarté.

Je voudrais souligner quelques amendements qui portent sur la transparence et la surveillance, ainsi que des amendements relatifs aux consultations auprès des Autochtones.

La Chambre des communes a adopté un amendement qui, selon moi, renforcera la surveillance et, plus précisément, le rôle du Sénat dans la surveillance. Il s’agit de l’amendement qui créera un comité d’examen parlementaire formé de membres des deux Chambres.

Pour ce qui est des consultations auprès des Autochtones, la Chambre des communes a adopté un amendement qui exige du gouvernement qu’il veille à l’établissement d’un processus qui permet la participation active et significative des peuples autochtones touchés et à ce qu’un rapport sur le processus de consultation et ses résultats soit mis à la disposition du public.

La semaine dernière, des collègues se sont inquiétés de la mesure dans laquelle le ministre responsable pouvait énumérer des lois additionnelles auxquels les grands projets pourraient être soustraits, y compris la Loi sur les Indiens et la Loi sur les langues officielles. Or, les députés ont également adopté un amendement pour exclure spécifiquement ces lois et d’autres de la liste des lois qui seront sans effet pour ce qui est des projets d’intérêt national.

En outre, l’autre endroit a adopté d’autres amendements visant à préciser certaines définitions et à exiger la divulgation des rapports sur la mise en œuvre des projets d’intérêt national.

En conclusion, chers collègues, on nous demande de faire beaucoup en peu de temps à l’égard de ce projet de loi. Que nous le voulions ou non, la situation dans laquelle notre pays se trouve nous a été imposée, et il nous appartient maintenant d’agir pour relever non seulement le défi d’aujourd’hui, mais aussi les défis inconnus que nous serons sans aucun doute appelés à relever sous peu.

La première partie du projet de loi vise à éliminer les obstacles obsolètes qui empêchent les Canadiens de faire des affaires les uns avec les autres et de travailler là où les besoins de main-d’œuvre sont les plus importants afin de construire une économie nationale véritablement unifiée. Au fil des décennies, les premiers ministres provinciaux ont soutenu que bon nombre de ces obstacles servaient leurs intérêts, mais servent-ils l’intérêt national?

Le projet de loi vise également à simplifier le processus d’approbation pour faire avancer les grands projets, conformément au principe « un projet, une évaluation ». Le gouvernement est conscient que le non-respect de ses responsabilités légales en matière de consultation et d’accommodement n’entraînera que des retards coûteux et fastidieux devant les tribunaux.

Je crois, chers collègues, que depuis les élections, on a le sentiment que le pays veut trouver un moyen d’aller de l’avant. Le peuple canadien a confié un mandat au gouvernement. La Chambre élue a adopté ce projet de loi, la première partie ayant reçu un appui presque unanime. Nous ne pouvons perdre cela de vue.

Les députés ont également apporté un certain nombre d’amendements qui répondent aux préoccupations soulevées et renforcent le projet de loi. À mon avis, nous devons maintenant commencer à réfléchir à la manière de donner la priorité à l’intérêt national. Pour ce faire, nous devons nous faire confiance les uns les autres et tenir les personnes que nous avons élues responsables des engagements qu’elles ont pris.

Chers collègues, comme je l’ai dit au début, l’édification du pays n’a jamais été une entreprise simple et ne le sera jamais. Cela dit, c’est précisément l’objet de ce projet de loi. Je vous demande de l’appuyer et de l’adopter sans amendement. Merci beaucoup.

L’honorable Denise Batters [ - ]

Sénateur Yussuff, en fait, j’aurais aimé poser ces questions au sénateur Gold, parce que je ne lui ai pas encore posé toutes les questions que je voulais lui poser au cours de cette législature, mais cela fait deux ans et demi qu’il n’a pas prononcé de discours au sujet d’un projet de loi d’initiative ministérielle, je ne pourrai donc de toute façon pas lui poser de questions à l’étape de la deuxième lecture de ce projet de loi. Je vais donc vous les poser à vous, en tant que parrain du projet de loi.

Vendredi dernier, après l’adoption du projet de loi C-5 par la Chambre des communes, le premier ministre Carney a tenu une conférence de presse. Une journaliste lui a demandé :

Avez-vous des projets précis que vous espérez approuver une fois que le projet de loi aura reçu la sanction royale? Est-ce pour cette raison que vous avez précipité son adoption par le Parlement?

« Non », a répondu le premier ministre Carney.

Sénateur Yussuff, je sais que ce projet de loi pourrait faire l’objet d’une motion de clôture ici, au Sénat, dans le but, une fois encore, de le faire adopter assez rapidement. Dans ces conditions, pourquoi sommes-nous ici?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Nous n’aurons pas terminé avant vendredi. Vous aurez peut-être encore l’occasion de poser des questions au sénateur Gold, mais je vous remercie beaucoup de votre question.

Nous sommes ici parce que les difficultés économiques auxquelles notre pays est actuellement confronté sont urgentes. Les 13 premiers ministres des provinces et des territoires reconnaissent tous que le Canada doit se serrer les coudes compte tenu de la crise économique que nous traversons. Ils font leur part pour vraiment bâtir une économie nationale. Le projet de loi contribue à cet objectif en invitant le gouvernement fédéral à travailler avec les provinces et les territoires pour atteindre le même but.

Dans le même ordre d’idées, les premiers ministres des provinces et des territoires ont demandé au premier ministre de déterminer comment nous pouvons accélérer la réalisation des projets nationaux. Le projet de loi énonce certaines mesures fondamentales que nous pouvons prendre à cet égard en tant que pays.

Au bout du compte, nous sommes ici pour adopter un projet de loi très important qui permettra à notre pays de relever les défis économiques auxquels il est confronté. De plus, le projet de loi permettra de débloquer l’importante vitalité économique de notre pays en faisant de nous une économie nationale unie pour l’avenir.

La sénatrice Batters [ - ]

Oui. Récemment, le premier ministre et les premiers ministres des provinces et des territoires se sont rencontrés à Saskatoon, dans ma province, la Saskatchewan, pour discuter. Si j’ai bien compris, chaque premier ministre a remis une liste de grands projets qu’il souhaite voir approuvés dans sa province. J’aurais espéré en savoir un peu plus sur les grands projets que le projet de loi permettra de faire adopter au lieu de découvrir qu’il semble prévoir la tenue d’une série de rencontres.

Sénateur Yussuff, vous êtes également membre du Conseil du premier ministre sur les relations canado-américaines, et ce, depuis un certain temps déjà. Vous y siégez toujours, je crois.

Dans le cadre de votre travail au sein de ce conseil, quels grands projets sont, selon vous, importants pour gérer les relations entre le Canada et les États-Unis, ainsi que la crise, comme l’appelle le gouvernement, que nous traversons actuellement? Quels sont les grands projets qui peuvent aider le Canada dans cette situation?

Le sénateur Yussuff [ - ]

En parlant hypothétiquement, je pourrais citer de nombreux projets qui me viennent à l’esprit, mais dans le contexte de la crise actuelle, je crois qu’il est important que les premiers ministres provinciaux déterminent ce qui est dans leur intérêt; mes propres intérêts n’ont pas d’importance. Comme vous l’avez dit, chaque premier ministre a pu exprimer ses propres priorités, selon son point de vue, lors de la réunion qui s’est tenue en Saskatchewan. En fin de compte, lorsque cette loi sera adoptée par la Chambre et le Sénat, j’espère que les premiers ministres provinciaux pourront présenter au premier ministre les projets qu’ils jugent importants pour le développement de notre pays et pour stimuler la vitalité économique d’un océan à l’autre.

Je ne vais pas vous dire, à partir de mon point de vue personnel, quels projets nous devrions envisager. Je laisse les premiers ministres provinciaux et territoriaux faire leur travail et transmettre leurs priorités au premier ministre, selon leurs intérêts respectifs. C’est assurément ce qu’ils ont fait lors de la rencontre en Saskatchewan.

L’honorable Marty Deacon [ - ]

Je vous remercie pour vos observations et votre travail sur ce projet de loi. On nous a dit que nous avions besoin de ce projet de loi pour nous adapter à un monde qui évolue rapidement. Des milliers de Canadiens nous ont également fait part de certains des enjeux que vous avez évoqués dans votre discours aujourd’hui.

Je vais orienter un peu ma question sur la disposition de caducité. Bien qu’il y ait une telle disposition applicable au bout de cinq ans, craignez-vous qu’un futur gouvernement, en particulier un gouvernement majoritaire, profite de changements géopolitiques ou d’autres crises pour présenter d’autres projets de loi similaires? Comment les sénateurs pourraient-ils réagir à l’avenir si vous, moi ou une majorité de nos collègues ne pensons pas qu’un tel projet de loi réponde aux besoins du moment comme on nous a dit que c’était le cas aujourd’hui?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Tout d’abord, je vous remercie de la question. Hypothétiquement, je suis d’avis que le Sénat ne perd jamais de vue la liberté qu’il a de faire un examen rigoureux des projets de loi dont il est saisi, en plus d’être conscient de faire son travail. Si le gouvernement présente un projet de loi qui, à son avis, ne répond pas à l’intérêt national, il est de sa responsabilité de le rejeter.

Hypothétiquement, ce projet de loi contient une disposition de caducité. Un futur gouvernement pourrait décider que des projets nationaux sont toujours dans l’intérêt national. Si les premiers ministres provinciaux et le premier ministre en arrivent à ce consensus, nous devrons tenir compte du fait qu’ils ont choisi de prolonger l’application de cette mesure législative. Cependant, si un futur gouvernement voulait présenter un autre projet de loi pour accomplir la même chose, ce serait son droit. S’il obtient un mandat de la population, il aura tout à fait le droit de présenter un projet de loi que nous pourrons à ce moment-là étudier en tant que Chambre indépendante.

L’honorable Mary Robinson [ - ]

Sénateur Yussuff, ma question porte sur l’amendement du préambule de la partie 2 du projet de loi. Nous ne savons pas quels projets seront classés par le gouvernement comme étant d’intérêt national, mais ils pourraient finir par toucher l’agriculture, car cette industrie est étroitement liée aux intérêts de l’économie, de la souveraineté et de la sécurité du Canada, comme le mentionne le préambule, où on a maintenant ajouté « […] des emplois bien payés et syndiqués […] ».

Comme vous le savez, les emplois syndiqués sont rares en agriculture, non pas parce que la syndicalisation n’est pas considérée comme importante, mais plutôt en raison de l’augmentation des coûts de production qui en résulte. Les agriculteurs vendent principalement sur des marchés banalisés et ont peu d’occasions d’augmenter leurs revenus, voire aucune. Ils ne peuvent pas refiler les coûts. En raison des marges de profits déjà minces, les agriculteurs ne peuvent pas se permettre d’absorber des coûts supplémentaires. Pour instaurer des emplois syndiqués, il faudrait des changements systémiques, ce que je ne vois pas dans cet amendement.

Dans le projet de loi C-5, on nous demande essentiellement de faire un acte de foi. Quelle garantie le gouvernement peut-il offrir aux agriculteurs qu’on ne compromettra pas davantage leur capacité à rester en affaires?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Merci pour votre question. Je ne peux pas parler au nom de l’ensemble du secteur agricole, mais, comme vous le savez, certaines parties du secteur agricole sont syndiquées. Des serres du Québec, du Manitoba et de certaines régions de l’Ontario et de la Colombie-Britannique sont syndiquées. Cela dit, cette disposition vise à garantir que les bons emplois syndiqués contribuent également à la prospérité de l’économie canadienne. Le projet de loi n’impose aucune norme particulière, de manière générale. Comme vous le savez, ces normes sont établies à l’échelon provincial. Les travailleurs peuvent choisir d’adhérer ou non à un syndicat, mais quand ils choisissent d’y adhérer et que ces normes sont établies à l’échelle provinciale, ils en bénéficient et le secteur aussi.

En fin de compte, ce projet de loi n’impose aucune exigence supplémentaire aux secteurs régis par les provinces, où que ce soit au pays.

La sénatrice Robinson [ - ]

Ma deuxième question porte sur la partie 1 du projet de loi, qui traite des obstacles au commerce interprovincial. En substance, le projet de loi prévoit ce qui suit : quand des règlements fédéraux et provinciaux s’appliquent à la même chose et visent le même résultat, les règlements provinciaux seront considérés comme satisfaisant aux exigences fédérales. C’est préoccupant pour certains groupes de producteurs, à qui les règlements fédéraux assurent une plus grande certitude. Je pense notamment aux installations fédérales de transformation de la viande et à l’étiquetage des produits biologiques au titre du Règlement sur la salubrité des aliments au Canada.

Je comprends que l’on espère que les provinces s’uniront pour créer un cadre réglementaire qui permettra d’harmoniser les règlements disparates qui existent actuellement dans tout le pays, surtout si la réglementation fédérale est supprimée. Mais, au bout du compte, on nous demande de faire un acte de foi et de croire que les gouvernements iront de l’avant. On nous demande de croire que le gouvernement fédéral sait quand il doit se retirer et de nous fier aux gouvernements provinciaux, qui pensent pouvoir trouver une solution.

Quelle garantie pouvons-nous donner aux groupes de producteurs que cela se traduira effectivement par une circulation efficace des produits entre les provinces?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Je vous remercie de la question. Les premiers ministres de partout au pays participent également à l’exercice de confiance auquel nous nous livrons en ce moment. Ils ont collectivement fait de leur mieux pour trouver des moyens de contribuer à bâtir et à renforcer l’économie du pays. Le gouvernement fédéral est un interlocuteur, et il y a un processus pour que toutes les parties, y compris les gouvernements provinciaux et territoriaux, travaillent ensemble en vue d’atteindre l’objectif global.

La réalité, c’est que tous se font mutuellement confiance pour faire ce qui est dans l’intérêt de notre économie. Nous devons donc faire confiance aux premiers ministres et aux ministres responsables du commerce interprovincial pour qu’ils travaillent ensemble dans l’intérêt supérieur du pays.

Cette confiance est au cœur du projet de loi. Il s’agit de déterminer comment nous pouvons mieux atteindre ces objectifs. Le gouvernement fédéral ne souhaite pas imposer ses normes à qui que ce soit, sauf si c’est dans l’intérêt supérieur du pays.

Dans une large mesure, pour les 13 premiers ministres provinciaux et territoriaux ainsi que pour le gouvernement fédéral, c’est un exercice qui vise à améliorer l’économie canadienne. À l’heure actuelle, nous pouvons tous en faire davantage, et tout le monde le comprend. Cependant, en cas d’impasse, les premiers ministres du pays désigneront leurs ministres respectifs pour trouver une solution. Par ailleurs, les industries qui s’appuient sur le régime réglementaire pour plus de certitude pourront compter sur chaque province pour défendre leurs intérêts partout au pays afin de veiller au bien commun. C’est ce que cherche à accomplir le projet de loi : assurer l’unité de l’économie canadienne, réduire les tracasseries administratives et faciliter les échanges commerciaux équitables à l’échelle nationale afin d’être en bien meilleure position que celle où nous nous trouvons actuellement avec le régime en vigueur.

L’honorable Yuen Pau Woo [ - ]

Merci pour votre discours à l’étape de la deuxième lecture et pour votre travail sur ce projet de loi. Vous vous y êtes attelé bien avant qu’il n’arrive au Sénat, et nous savons à quel point vous avez travaillé fort pour défendre nos intérêts auprès du gouvernement, notamment à l’égard de la lettre que nous avons reçue aujourd’hui du ministre LeBlanc, qui contient plusieurs déclarations rassurantes au sujet des préoccupations soulevées dans cette enceinte.

L’une de ces préoccupations émane de moi et elle concerne la Loi sur les textes réglementaires. Comme beaucoup d’entre vous le savent, certaines parties de la Loi sur les textes réglementaires pourraient être considérées comme des tracasseries administratives dont le traitement pourrait être accéléré. Il faudrait donc les exclure de ce projet de loi. Toutefois, comme je l’ai mentionné au ministre LeBlanc, il y a une partie de la Loi sur les textes réglementaires qui entre en vigueur après l’adoption du projet de loi et des règlements. Elle serait soumise au Comité mixte permanent d’examen de la réglementation, qui examinerait si les règlements sont conformes aux textes réglementaires. Or, cela a également été exclu.

La lettre du ministre suggère qu’il prend cette question au sérieux et qu’il ne compte pas la laisser tomber, mais elle est toujours exclue du projet de loi. J’aimerais avoir votre avis sur la solution à ce problème, telle que le ministre l’a formulée.

Le sénateur Yussuff [ - ]

Je vous remercie pour votre question, et je vous remercie une fois de plus de soulever ce problème pour que nous puissions en comprendre l’importance.

Peu importe le projet de loi, il est fondamental de reconnaître le travail réalisé par le comité mixte à l’égard des règlements pris en application des lois. Comme l’assure le ministre dans sa réponse, il en demeurera ainsi; le gouvernement n’a aucunement l’intention de soustraire ce projet de loi à cet exercice.

Le gouvernement clarifiera ce point dès qu’il en aura l’occasion, dans un autre projet de loi que le Sénat sera appelé à étudier. À ce moment-là, je crois que vous aurez toutes les certitudes nécessaires. De plus, les lettres du ministre confirment qu’il promet d’apporter cette précision et de ne pas laisser cette question sombrer dans l’oubli simplement parce qu’elle a été omise dans le projet de loi à l’étude.

Le sénateur Woo [ - ]

Vous dites que nous n’avons pas besoin d’un amendement maintenant pour régler cette question, car le gouvernement a l’intention de l’inclure dans un quelconque projet de loi omnibus qui sera bientôt présenté. C’est ainsi que je comprends l’essentiel de votre réponse.

Je passe à un autre sujet. L’un des amendements proposés par la Chambre a créé ce qui semble être une incohérence entre, d’une part, les cinq critères permettant de désigner des projets d’importance nationale que vous avez mentionnés et, d’autre part, la liste des projets inscrits au registre et la manière dont ces projets répondent aux critères. La disparité est la suivante : alors que la disposition relative aux « facteurs » en compte cinq, celle sur le « registre » ne comporte que quatre critères. Le critère qui a été omis dans la disposition relative au « registre » est celui qui concerne la croissance propre, l’environnement, la durabilité, et ainsi de suite.

Un esprit soupçonneux pourrait soulever quelques hypothèses à ce sujet, mais je ne vais pas m’engager dans cette voie. Pouvez-vous clarifier s’il existe effectivement une disparité et ce qui pourrait l’expliquer?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Je vous remercie de me poser cette question et d’avoir pris le temps d’examiner ce qui a été adopté. Une chose est sûre à propos du Sénat, c’est que rien ne nous échappe jamais dans notre travail. Encore une fois, je pense que cela en dit long sur les efforts que nous avons déployés.

Comme vous le savez, il y a cinq critères, et le gouvernement s’attend à ce que les rapports portent sur tous les cinq et pas seulement sur quatre d’entre eux, même si ce n’était pas mentionné dans l’amendement. Il ne s’agit pas d’exclure quoi que ce soit; l’intention du gouvernement est de s’assurer que les rapports portent sur chacun des cinq facteurs.

Encore une fois, pour lever toute ambiguïté, le gouvernement est prêt à modifier le libellé à la première occasion, que ce soit dans le cadre de la loi d’exécution du budget ou d’une autre mesure législative, pour que cette question soit réglée. Le Sénat peut être rassuré : malgré l’amendement, et quelles qu’en aient été les interprétations, l’intention était que les cinq critères soient pris en compte dans les rapports qui seront présentés au Parlement sur les cinq principes du projet de loi.

L’honorable Rodger Cuzner [ - ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Bien sûr.

Le sénateur Cuzner [ - ]

Merci beaucoup. Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet du Fonds de renforcement des capacités?

J’ai eu l’occasion de travailler avec des groupes des Premières Nations à la suite de l’arrêt Marshall. C’était une occasion extraordinaire, mais il y avait très peu de capacités dans beaucoup de ces collectivités — certains de nos collègues sénateurs peuvent en parler en connaissance de cause. Les investissements se sont faits de façon méthodique, et non du jour au lendemain. Il y a eu des réinvestissements dans la formation et le mentorat, l’achat d’équipement et l’accès à certaines pêches.

Aujourd’hui, 20 ans plus tard, c’est une grande réussite. Je crois que ces investissements n’ont pas encore donné tout leur potentiel, mais ils ont pris de l’ampleur avec un bon partenaire fédéral.

Croyez-vous que les investissements au titre du Fonds de renforcement des capacités offriront les mêmes possibilités?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Je vous remercie de la question. Comme vous le savez, le gouvernement a souligné beaucoup plus tôt que 5 milliards de dollars sont actuellement affectés à ce fonds. Le gouvernement va doubler ce fonds pour le porter à 10 milliards de dollars. Cela vise à permettre aux communautés autochtones qui souhaitent participer à des projets d’avoir le soutien financier nécessaire pour le faire.

Cela montre une volonté d’aider les Autochtones qui souhaitent participer à de grands projets partout au pays en veillant à ce qu’ils disposent des ressources nécessaires pour être de véritables partenaires. Cela en dit long sur la volonté d’apporter des changements pour les communautés autochtones qui veulent réaliser des projets, mais aussi participer à de grands projets d’intérêt national dont ils peuvent bénéficier directement, surtout si ces projets sont réalisés sur leurs territoires d’un bout à l’autre du pays.

Je pense que, dans les années à venir, nous verrons que le gouvernement aura apporté une énorme contribution à ce chapitre. Doubler le fonds va rendre beaucoup plus d’argent disponible. Ce n’était pas possible avec l’ancien fonds. En doublant le fonds, on permettra à un plus grand nombre de partenaires d’en profiter.

Le sénateur Cuzner [ - ]

Merci beaucoup pour votre réponse. Ma deuxième question porte sur la rencontre avec les dirigeants autochtones prévue le 17 juillet. Pourriez-vous donner au Sénat un peu plus d’informations concernant l’objectif de cette rencontre et dire à quoi vous pensez qu’elle mènera?

En Nouvelle-Écosse, le premier ministre Tim Houston s’est fait le champion de l’énergie éolienne en mer. La plupart de ces projets voient le jour avec une forte participation autochtone au capital. Vous parlez de patience et d’impatience. Plusieurs de ces projets ont vraiment avancé et sont prêts à être menés à bien.

Pouvez-vous nous en dire plus et faire savoir au Sénat ce qui, selon vous, pourrait ressortir des rencontres de juillet avec les dirigeants autochtones?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Je vous remercie de la question. Comme vous le savez, nous avons entendu des dirigeants autochtones qui ont parlé avec éloquence de certaines de leurs préoccupations. Ils n’étaient pas les seuls. Nous avons reçu beaucoup de lettres, et ceux qui ont discuté avec des amis et des collègues des communautés autochtones au Canada reconnaissent qu’il existe une certaine inquiétude et une certaine ambivalence quant à la façon dont la consultation sera menée et la capacité du gouvernement fédéral à vraiment respecter les Autochtones et à établir un partenariat avec eux à l’avenir.

Cette réunion est d’une importance cruciale, d’autant plus que le premier ministre s’est engagé à y participer. Il pourra ainsi entendre directement les préoccupations des dirigeants autochtones. J’espère que le gouvernement tiendra compte de ces préoccupations lorsqu’il examinera les projets nationaux. J’espère également qu’il réfléchira à la manière dont il pourrait mieux communiquer sur la nature de cette consultation.

Comme vous le savez, nous avons l’obligation constitutionnelle d’atteindre cet objectif. Nous avons adopté le projet de loi S-13 dans cette enceinte et nous nous sommes engagés à respecter la déclaration des Nations unies concernant la manière dont nous traiterons les communautés et les nations autochtones au Canada.

Étant donné qu’il y a un nouveau premier ministre, on a une idée des attentes possibles, et j’espère que cela donnera un sens réel à la mise en œuvre de cette loi à mesure que le gouvernement ira de l’avant.

L’honorable Denise Batters [ - ]

Sénateur Yussuff, j’aimerais obtenir un peu plus d’informations sur les principaux amendements au projet de loi C-5 qui ont été adoptés par la Chambre des communes à la fin de la semaine dernière. Les sénateurs, qui ont examiné le projet de loi dans le cadre d’une étude préalable en comité plénier avant que ces amendements n’en fassent partie, n’ont pas vraiment eu l’occasion d’en entendre parler. Vous en avez parlé dans votre discours, mais très brièvement.

Notamment, je crois comprendre que l’un des amendements visait à retirer la Loi sur les Indiens de la liste des lois que le Cabinet fédéral serait autorisé à contourner pour approuver de grands projets. Auparavant, le gouvernement avait inclus la Loi sur les Indiens dans la liste. D’autres lois ont-elles été retirées de la même manière de la liste à l’aide d’amendements? Y a-t-il d’autres amendements importants qui doivent être examinés par le Sénat?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Je vous remercie de votre question. Je tiens à souligner le sérieux avec lequel nos collègues de l’autre endroit ont examiné le projet de loi, écouté les gens qui ont témoigné devant eux — ainsi que devant le Sénat — et réfléchi profondément à la mesure législative et à la façon dont ils pourraient l’améliorer. Bien entendu, nous sommes tous très inquiets quand certaines mesures législatives sont exclues de l’étude préalable en raison d’un processus auquel nous ne participons pas.

L’autre endroit s’est assuré que toutes les mesures législatives pertinentes soient couvertes par le projet de loi de sorte que le processus d’approbation des projets ne puisse pas être mené à bien sans respect.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Sénateur Yussuff, le temps alloué au débat est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Oui.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Sénatrice Batters, ce que nos collègues ont fait à l’autre endroit reflète l’un des meilleurs efforts que j’ai vus depuis longtemps. Ils ont approuvé un projet de loi que la Chambre voulait voir appuyer, mais ils ont également prévu des mesures de surveillance pour faire en sorte que personne ne soit lésé et que le gouvernement ne mette pas de côté une mesure législative qui avait été adoptée pour le bien du pays. Je pense que la Loi sur les Indiens en est un exemple. D’autres mesures législatives qui semblaient exclues sont désormais incluses et couvertes par les amendements adoptés à l’autre endroit, et je pense que le projet de loi amendé a été amélioré grâce à aux efforts des députés.

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) [ - ]

Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole au sujet du projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada.

Dans le communiqué du gouvernement, on peut lire que cette mesure législative :

[...] supprimera les obstacles fédéraux au commerce intérieur et à la mobilité de la main-d’œuvre et fera avancer la réalisation des projets d’édification de la nation essentiels pour stimuler la croissance de la productivité de notre pays, développer son secteur de l’énergie et assurer sa sécurité ainsi que sa compétitivité économique.

Le sénateur Yussuff a déjà présenté en détail les deux volets de ce projet de loi, je vous épargnerai donc de devoir écouter tous ces détails une deuxième fois — il y aura probablement une troisième ou une quatrième fois, au fur et à mesure que la journée avancera.

Je tiens également à souligner qu’un nombre record de sénateurs ont assisté à la séance d’information du gouvernement sur ce projet de loi. Nous avons cumulé plus de 10 heures d’audiences en comité où nous avons entendu les témoignages de trois ministres et de 17 témoins, faisant ainsi ce que le Sénat fait le mieux. Je pense que la dernière chose dont nous avons besoin à ce stade-ci, c’est d’ajouter des renseignements; je tiens pour acquis que nous sommes tous assez bien informés sur la teneur du projet de loi. J’aimerais toutefois prendre quelques minutes de votre temps pour vous faire part de mes observations et de mes préoccupations à l’égard de cette mesure législative.

Tout d’abord, je reconnais que le projet de loi C-5 constitue un pas dans la bonne direction et que le Canada a besoin que cette initiative soit couronnée de succès.

Comme l’a souligné Jay Khosla en comité plénier, l’augmentation du PIB du Canada pourrait atteindre 4 % avec l’élimination des obstacles au commerce interprovincial et à la mobilité de la main-d’œuvre.

Le potentiel économique des projets d’exploitation des ressources prévus ou déjà en cours de réalisation représente plus de 600 milliards de dollars d’investissements potentiels et jusqu’à 1 100 milliards de dollars de croissance cumulée du PIB. Ce potentiel doit être exploité et mis à profit avec rigueur.

Comme vous le savez, honorables sénateurs, le Canada se classe actuellement avant-dernier parmi tous les pays de l’OCDE en ce qui concerne la croissance réelle du PIB par habitant entre 2015 et 2024 — juste devant le Luxembourg. On occupe aussi l’avant-dernier rang au sein de l’OCDE en ce qui a trait au temps nécessaire pour obtenir un permis de construction général. Après cette décennie perdue, il est grand temps que le Canada reprenne le chemin de la prospérité.

Toutefois, honorables sénateurs, le projet de loi C-5 nous aidera-t-il vraiment à y arriver? C’est loin d’être clair pour l’instant. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi, en commençant par la première partie du projet de loi.

La partie 1 du projet de loi C-5 élimine les obstacles fédéraux au commerce interprovincial et favorise la mobilité de la main-d’œuvre au Canada. Elle reconnaît, dans la loi, que les biens, les services et les titres de compétences des travailleurs respectant les normes provinciales ou territoriales répondent également aux exigences fédérales comparables. Elle autorise aussi le gouverneur en conseil à prendre des règlements pour faciliter ce processus. C’est un objectif que nous pouvons tous appuyer, j’en suis certain.

Cependant, je manquerais à mon devoir de porte-parole pour ce projet de loi si je ne soulignais pas que cet effort ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan. Cela m’a surpris, puisqu’il s’agit du projet de loi vedette de ce gouvernement et qu’il a été présenté en grande pompe. Pendant la campagne électorale, le premier ministre Carney a fait croire aux Canadiens qu’il avait un plan. Il leur a dit que ce dont nous pouvons nous doter surpasse largement tout ce que Donald Trump ne pourra jamais nous enlever.

C’est vrai, bien sûr, mais on ne le voit pas vraiment dans la partie 1 du projet de loi C-5, qui présente une initiative d’une portée très limitée. En ce qui concerne les biens et services, elle ne touche que ceux qui sont assujettis à la fois à une exigence provinciale ou territoriale et à une exigence fédérale. De plus, l’exigence fédérale doit être liée au commerce interprovincial. Quand on leur a posé la question, les fonctionnaires ont donné l’exemple d’une machine à laver. Ils ont confirmé qu’il n’existe aucune liste des biens et services qui seront touchés par la loi; il sera donc très difficile d’en mesurer les retombées réelles.

Je ne sais pas s’il s’agit d’une simple caractéristique de cette mesure législative ou d’un défaut. Chers collègues, je ne suis pas d’un naturel cynique, mais d’après ce que j’ai pu voir jusqu’à présent, le gouvernement actuel préfère ne pas fournir de moyens de mesurer l’importance de ses promesses, le montant de ses dépenses ou les effets de ses mesures législatives.

Bref, la mesure proposée semble positive, mais nous n’avons d’autre choix que d’attendre pour voir quelle sera sa valeur réelle. C’est le bon vieux principe du « faites-nous confiance ».

Si nous n’arrivons pas à mesurer l’effet de cette mesure, c’est peut-être, je le crains, parce qu’elle n’en a pas vraiment. Pendant les réunions du comité, le gouvernement n’a malheureusement rien dit qui puisse me faire changer d’avis sur ce point, bien que j’aie posé la question à plusieurs reprises. Je continue de douter que le projet de loi C-5 ait un effet notable sur le commerce interprovincial des biens et des services.

Qu’en est-il de la mobilité de la main-d’œuvre? En établissant un cadre pour la reconnaissance fédérale des normes professionnelles provinciales et territoriales, le projet de loi C-5 cherche à réduire la redondance des processus réglementaires et à améliorer l’efficacité pour les entreprises et les travailleurs. Encore une fois, il s’agit d’un objectif louable, mais le projet de loi n’y changera pas grand-chose.

Permettez-moi de citer un fonctionnaire présent à la séance d’information :

La majorité des professions et des métiers sont réglementés par les provinces et les territoires. Très peu de professions sont réglementées par le fédéral, et encore moins sont soumises à la fois à des règlements fédéraux et provinciaux ou territoriaux.

Donc, le projet de loi C-5 n’aura pas d’incidence sur « la majorité des professions et des métiers ». Il n’aura même pas d’incidence sur le « très peu de professions » qui sont réglementées par le gouvernement fédéral. Il n’aura d’incidence que sur le petit nombre de professions et de métiers qui sont assujettis à la fois à la législation fédérale et à la législation provinciale ou territoriale. Vous n’avez pas à me croire sur parole, le gouvernement l’a admis lui-même : les effets sont minimes.

Cela soulève toutefois une question essentielle : pourquoi existe-t-il des accréditations distinctives en premier lieu?

Le gouvernement semble considérer qu’il n’y a pas de différence essentielle entre les accréditations, et qu’il se contentera donc de reconnaître les accréditations provinciales à partir de maintenant. Le gouvernement a donné l’exemple d’un arpenteur-géomètre et a indiqué ce qui suit :

[U]n arpenteur-géomètre agréé en Ontario qui souhaite travailler sur un projet fédéral n’aura pas besoin de nouveaux agréments pour le faire. Il pourra utiliser son titre ontarien pour obtenir un titre fédéral, ce qui réduira les délais et les formalités administratives.

Chers collègues, cela simplifie toutefois à l’extrême une réalité complexe et peut prêter à confusion. Même si un arpenteur agréé en Ontario peut utiliser son permis provincial dans le cadre du processus d’obtention d’un brevet d’arpenteur des terres du Canada, il doit tout de même suivre une formation supplémentaire et obtenir une certification auprès de l’Association des arpenteurs des terres du Canada afin de pouvoir arpenter légalement les terres du Canada. Cette exigence reflète les différences majeures entre les cadres juridiques, réglementaires et culturels des provinces et du gouvernement fédéral, qui ne peuvent être comblées par un simple transfert de permis.

Les techniques fondamentales d’arpentage, comme l’utilisation du système mondial de navigation par satellite, des tachéomètres électroniques et le traitement des données géospatiales, sont certes semblables sur les terres provinciales et fédérales. Cependant, les cadres juridiques, réglementaires et contextuels divergent considérablement, ce qui nécessite une formation spécialisée pour obtenir la certification fédérale.

Les arpenteurs provinciaux, agréés par des organismes comme l’Association des arpenteurs-géomètres de l’Ontario, sont principalement formés aux lois provinciales et ne sont autorisés à effectuer des levés que dans leur province. En revanche, les arpenteurs-géomètres canadiens, certifiés par l’Association des arpenteurs des terres du Canada, sont les seuls professionnels légalement autorisés par la Loi sur l’arpentage des terres du Canada à effectuer des levés sur les terres du Canada, y compris les réserves autochtones, les parcs nationaux, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et les zones extracôtières.

La formation de l’Association des arpenteurs des terres du Canada porte spécifiquement sur la législation fédérale, notamment la Loi sur l’arpentage des terres du Canada, la Loi sur les Indiens et la Loi sur les terres territoriales, ainsi que sur les droits de propriété des Autochtones, les registres fédéraux comme les archives d’arpentage des terres du Canada et les processus d’administration des terres adaptés à la culture.

Ces domaines ne sont pas couverts par la formation provinciale, malgré l’inclusion de certaines notions des lois fédérales dans les programmes. Ces distinctions entre les systèmes d’octroi de permis garantissent que les arpenteurs sont aptes à traiter les définitions juridiques distinctes des limites, des types de titres et des modes d’occupation, ainsi que les processus de règlement des différends propres à chaque administration. Elles soulignent pourquoi les titres de compétence provinciaux et fédéraux ne sont pas interchangeables.

Pourtant, chers collègues, on peut lire ce qui suit à l’article 10 du projet de loi :

Sous réserve des règlements, tout organisme de réglementation fédéral est tenu, à la fois :

a) de reconnaître l’autorisation d’exercer une profession ou un métier délivrée par un organisme de réglementation provincial ou territorial comme comparable à une autorisation d’exercer cette profession ou ce métier qu’il peut délivrer;

b) de délivrer au titulaire de l’autorisation provinciale ou territoriale, sur demande de celui-ci, une autorisation d’exercer cette profession ou ce métier.

Sans formation supplémentaire, les fonctions et les permis correspondants ne sont tout simplement pas interchangeables; pourtant, le projet de loi insiste sur le fait qu’ils doivent l’être.

Chers collègues, il est possible que l’on puisse remédier à ces préoccupations par voie de règlements. Les gouvernements promettent toujours de régler tous les problèmes comme par magie grâce à la réglementation. Cependant, je trouve très préoccupant que le gouvernement ne semble pas réaliser que nos différents systèmes d’octroi de permis peuvent refléter des distinctions essentielles en matière de formation. Les conservateurs croient en la réduction des formalités administratives et des obstacles à la mobilité, mais nous devons veiller à procéder avec prudence, de manière responsable et coordonnée.

Le dernier point que je veux soulever à propos de la partie I du projet de loi est le suivant : la mobilité de la main-d’œuvre est importante et même nécessaire, mais honnêtement, elle est bien secondaire par rapport à un problème beaucoup plus grave que le gouvernement ne traite pas : la pénurie criante de travailleurs qualifiés au Canada.

Il s’agit d’une vraie crise qui touche plusieurs secteurs, avec des impacts économiques et sociaux majeurs. Dans le domaine de la construction, par exemple, ConstruForce Canada prévoit une pénurie de 29 000 travailleurs d’ici 2027. La raison est que plus de 257 000 travailleurs prendront leur retraite d’ici 2029 et qu’il n’y a pas assez de nouvelles recrues pour les remplacer. Par conséquent, la crise du logement s’aggrave et les coûts grimpent.

Dans le secteur manufacturier, la situation est similaire. Selon Manufacturiers et Exportateurs du Canada, 85 % des entreprises ont du mal à recruter des travailleurs qualifiés. En 2022, cela a coûté 7,2 milliards de dollars à l’industrie en raison des livraisons en retard ou des contrats perdus.

On observe la même chose dans le secteur de la restauration. En mars 2023, Statistique Canada faisait état d’un taux de postes vacants de 7,6 %. Comme l’a dit Kelly Higginson, présidente de Restaurants Canada :

Il est très difficile de trouver des chefs qualifiés. S’il faut les payer plus cher pour les attirer, ça se reflète forcément sur les prix au menu.

Cette crise est alimentée par plusieurs facteurs : une population vieillissante, une baisse des taux de natalité et un système de formation qui n’arrive pas à garder le rythme. Il faut agir rapidement et adopter des politiques vigoureuses, qui vont bien au‑delà des modestes réformes sur la mobilité que propose le projet de loi C-5.

Ironiquement, si on ne s’attaque pas à la pénurie de travailleurs qualifiés, ces changements risquent tout simplement d’intensifier la concurrence entre les provinces pour attirer les travailleurs des autres provinces. Je ne crois pas que ce soit l’intention de ce projet de loi. Cependant, cela pourrait très bien en être la conséquence.

Chers collègues, la partie 1 de ce projet de loi part d’une bonne intention, mais représente en fin de compte un modeste geste symbolique au lieu des mesures audacieuses et complètes dont notre marché du travail a besoin et que nos défis économiques exigent. Ce projet de loi n’est pas ce qu’on prétendait qu’il serait, et c’est regrettable.

La partie 2 du projet de loi édicte la Loi visant à bâtir le Canada, qui simplifie le processus fédéral d’approbation des projets d’infrastructure et d’exploitation des ressources d’importance nationale. Elle permet au gouverneur en conseil de désigner les projets qui sont dans l’intérêt national, de les soumettre à un seul examen fédéral coordonné et de considérer que des autorisations ont été accordées en vertu des lois existantes, sous réserve des conditions établies dans un seul document sur les conditions délivré par un ministre désigné.

C’est là que cela devient intéressant, chers collègues. Les conditions mentionnées dans le document sont tirées des 12 lois fédérales et des 7 règlements énumérés dans l’annexe 2 du projet de loi C-5. Pourtant, la première version du projet de loi donnait au Cabinet le pouvoir unilatéral d’ajouter ou de modifier dans l’annexe, ou de supprimer de celle-ci, n’importe lesquels de ces lois et de ces règlements. Elle habilitait également le Cabinet à exempter tout projet d’intérêt national de toute partie de ces lois ou règlements. Au titre de l’article 23, le Cabinet pouvait aller encore plus loin en prenant des règlements pour déroger à toute disposition du projet de loi C-5 ou la modifier. Autrement dit, par l’entremise du projet de loi C-5, le gouvernement a tenté de se donner de vastes pouvoirs pour exempter les projets d’intérêt national de l’application de toute loi ou de tout règlement, ou pour modifier l’application des lois ou des règlements, y compris les dispositions de la Loi visant à bâtir le Canada.

Avant d’être amendé, le projet de loi n’était qu’un grand décret, qui donnait carte blanche au Cabinet pour faire ou ne pas faire à peu près tout ce qu’il voulait en vue d’autoriser un projet. Heureusement, chers collègues, le gouvernement libéral ne détient pas la majorité des sièges à la Chambre des communes. Comme le sénateur Yussuff l’a expliqué si bien dans son discours, 25 amendements ont été apportés par le comité et 3 ont été adoptés lors de la troisième lecture, rognant ainsi les ailes au gouvernement et restreignant les pouvoirs exécutifs excessifs qu’il voulait s’attribuer.

Un comité d’examen parlementaire est désormais tenu de faire rapport deux fois par an sur l’exercice, par le ministre et le Cabinet, des pouvoirs et des fonctions que leur confère cette loi. La notion d’« intérêt national » devra désormais être définie pour chaque projet, au lieu de rester vague et ambiguë. Avant qu’un projet d’intérêt national puisse être ajouté à l’annexe 1, une période de préavis de 30 jours est prévue, qui comprend la publication du nom et de la description du projet dans la Gazette du Canada. Des lignes directrices sur les conflits d’intérêts ont également été introduites. Un registre public doit être établi pour les projets nationaux, dans lequel on trouvera, entre autres renseignements, une description du projet, une estimation des coûts et l’échéancier envisagé pour la réalisation du projet. Un examen lié à la sécurité nationale a été rendu obligatoire en cas d’investissements provenant d’entreprises d’État étrangères ou d’investisseurs étrangers destinés à un projet d’intérêt national. Une consultation significative des peuples autochtones a une fois de plus été rendue obligatoire, et le processus ainsi que ses résultats doivent être mis à la disposition du public dans les 60 jours. Il n’est plus nécessaire de se contenter des non‑réponses des ministres à la période des questions pour savoir qui a été ou n’a pas été consulté et où est allé l’argent. Il est désormais interdit au gouvernement de contourner ou de modifier les exigences énoncées dans 17 lois du Parlement, dont la Loi sur les Indiens, la Loi sur les langues officielles et le Code criminel.

Quand on lit toute la liste, on voit à quel point il est bizarre que le gouvernement ait voulu se donner le pouvoir unilatéral de contourner les dispositions de ces lois et toute autre disposition législative. Les amendements ont enlevé au Cabinet le pouvoir d’exempter un projet d’intérêt national de certaines dispositions du projet de loi C-5. Ils ont enlevé au Cabinet le pouvoir de modifier les dispositions du projet de loi C-5 après leur adoption en « modifiant l’application de toute disposition de la présente loi [...] ». La dernière chose que je mentionnerai — même si j’aurais bien d’autres choses à dire —, c’est que le ministre devra maintenant publier un rapport annuel sur l’état d’avancement des projets d’intérêt national, indiquant les progrès réalisés par rapport aux échéanciers et aux budgets.

Honorables collègues, tous ces amendements étaient nécessaires. Ce sont des amendements raisonnables, mesurés et responsables, mais ils n’auraient jamais été proposés si on avait laissé au gouvernement le soin de le faire. On les a adoptés parce que, au bout du compte, la Chambre des communes a fait son travail. Le gouvernement avait l’intention de faire adopter un projet de loi qui lui aurait donné d’énormes pouvoirs exécutifs. Si vous avez une impression de déjà-vu, ce n’est pas le fruit de votre imagination. Ce n’est pas la première fois que le gouvernement agit de la sorte. Il semble croire qu’il devrait pouvoir gouverner sans être entravé par la surveillance parlementaire.

Vous vous rappellerez sans doute qu’il a essayé d’user de la même tactique en mars 2020, au début de la pandémie de COVID-19. Dans le cadre de son programme d’aide d’urgence initial, le gouvernement avait présenté un avant-projet de loi qui comprenait une disposition accordant au ministre des Finances des pouvoirs étendus pour dépenser les deniers publics, augmenter l’emprunt et modifier la fiscalité sans l’accord du Parlement jusqu’au 31 décembre 2021. Il voulait que nous lui donnions carte blanche afin de pouvoir contourner la surveillance parlementaire et le processus parlementaire pendant 21 mois.

Cette attitude et cet état d’esprit sont comme un cancer pour ce gouvernement : il entre en rémission peu avant les élections, puis la maladie resurgit dès qu’il pense que personne ne fait attention ou qu’il estime qu’une crise nationale ou une situation d’urgence est une raison valable. Rien ne vaut un gouvernement à la recherche d’une bonne crise.

Je crains que cela ne trahisse le profond malaise du Parti libéral à l’égard de la reddition de comptes et sa conviction que l’examen démocratique est un obstacle à gérer et non un principe à respecter. Si vous doutez de mes propos, chers collègues, j’attire votre attention sur le fait qu’en ce moment même, on nous demande d’approuver cette loi alors que le gouvernement n’a pas été en mesure de nous fournir le budget correspondant à sa mise en œuvre. Ces questions sont très sérieuses, chers collègues.

Cela ne serait peut-être pas alarmant en soi, mais il faut se rappeler, comme l’a fait remarquer la sénatrice Marshall au Sénat, que nous manquons déjà d’informations sur la santé financière du pays. Nous n’avons toujours pas reçu le rapport sur la gestion de la dette pour 2023-2024, ni le budget de cette année, ni la stratégie d’emprunt. Malgré cela, le gouvernement s’attend maintenant à ce que nous approuvions une mesure législative qui exigera encore plus de financement. C’est pour le moins préoccupant.

Chers collègues, je dois souligner l’éléphant dans la pièce. Le projet de loi est nécessaire pour une raison principale : les échecs du gouvernement au cours de la dernière décennie. Cela fait 10 ans que le gouvernement adopte des lois anti-développement, comme les projets de loi C-69 et C-48, au sujet desquels nous avons lancé maints avertissements en soulignant qu’ils freineraient les investissements, torpilleraient les projets et plomberaient la croissance économique. Il les a quand même adoptés et a poursuivi sa lancée. Ses politiques ont tellement compliqué le processus d’approbation des projets au Canada qu’il estime que la seule solution consiste à rédiger une nouvelle loi pour se soustraire aux règles qu’il a lui-même créées, car il serait trop embarrassant d’abroger les lois qui ont causé les dommages en premier lieu.

Le gouvernement a mis en place ces barrières réglementaires — et nous les avons adoptées au Sénat —, puis il a demandé un passe-partout pour imposer les conditions qui ont conduit à l’annulation de plus de 670 milliards de dollars de projets dans les secteurs de l’énergie et des ressources depuis 2015. Maintenant, avec le projet de loi C-5, le gouvernement fait de la gestion de crise et cherche désespérément à ramener des promoteurs et des investisseurs à la table des discussions afin d’atténuer les conséquences de l’immense gâchis qu’il a créé.

Soyons clairs, chers collègues : les conservateurs de la Chambre des communes ont appuyé le projet de loi C-5 parce que le Canada doit de toute urgence faire avancer de grands projets. J’ai également l’intention d’appuyer le projet de loi parce que les enjeux sont élevés et que les besoins sont importants. La responsabilité de mettre en œuvre le projet de loi de manière judicieuse, efficace, rapide et transparente incombe directement au gouvernement, mais aussi au Parlement. Les Canadiens veulent voir des progrès réels et ils en ont besoin. Ils ont besoin de résultats concrets qui ont une incidence réelle, et non de paroles creuses et de communiqués de presse. Ils en ont assez des belles promesses et du théâtre politique. Ils veulent des mises en chantier, de la création d’emplois et l’élimination des obstacles.

Chers collègues, en résumé, nous sommes en crise. Le sénateur Yussuff a tout à fait raison : le pays et le Parlement doivent se mobiliser. Cependant, je dois souligner que nous traversons une crise qu’a créée le gouvernement au cours des 10 dernières années. La crise actuelle est en grande partie attribuable à la création de tracasseries administratives, à l’enthousiasme du gouvernement pour l’environnement ainsi qu’à la mise en place de projets de loi comme les projets de loi C-69 et C-48 et d’autres mesures réglementaires qui ont découragé l’exploitation des ressources canadiennes. La stagnation économique du pays des 10 dernières années a permis à des gens comme Donald Trump de profiter de notre faiblesse et de notre docilité, et ce n’est qu’à ce moment-là que la situation s’est transformée en crise. Si nous avions libéré le potentiel de nos ressources naturelles et si nous nous étions souciés de créer de la richesse au cours de la dernière décennie, nous n’aurions pas une crise sur les bras à cause de Donald Trump.

Au cours des 10 dernières années, nous avons eu un gouvernement qui, sous l’influence de Chrystia Freeland et de Steven Guilbeault, s’est montré très enthousiaste en matière d’environnement. Aujourd’hui, sous la direction du premier ministre Carney, nous sommes optimistes, mais sceptiques, car vous savez quoi? La ministre Freeland et le ministre Guilbeault sont toujours là.

La sénatrice Batters [ - ]

Les mêmes.

Le sénateur Housakos [ - ]

Je n’arrive pas à croire que, soudainement, tout ce beau monde a troqué son enthousiasme excessif pour l’environnement contre un enthousiasme excessif pour le développement énergétique. Nous verrons bien comment les choses évolueront. Au bout du compte, quand viendra le temps d’édifier la nation, nous verrons si ce nouveau gouvernement — avec son bon vieux Cabinet — s’engagera à mettre en œuvre les grands projets d’intérêt national et à développer le secteur de l’énergie avec le même zèle fanatique dont il a fait preuve pendant la dernière décennie à l’égard de l’environnement.

Sénateur Yussuff, lorsque vous dites que le gouvernement fera preuve de bon sens et qu’en fin de compte, il n’imposera pas de projets, je suis également préoccupé. Il respectera les Premières Nations et les lignes directrices en matière environnementale, mais il imposera des projets lorsque ce sera dans l’intérêt supérieur du pays. Lorsque j’entends une telle déclaration, cela m’inquiète un peu, car, je le répète, nous ne pouvons pas vraiment évaluer la direction que prendra le gouvernement. Va-t-il faire preuve d’une bonne volonté qui, comme nous le croyons et comme je le crois, a été imposée au premier ministre Carney par des élections générales, où des millions et des millions de Canadiens ont voté pour le changement? Le gouvernement veut-il tourner le dos à une décennie de tracasseries administratives et de faux-fuyants, tant pour les projets que pour les investissements étrangers et le développement énergétique, en utilisant cette crise comme prétexte? Je veux tourner la page en vertu du principe de l’édification de la nation. L’édification de la nation ne doit pas reposer sur une crise existentielle qui nous est imposée par un président trop zélé ou je ne sais qui. Elle doit reposer sur une volonté constante de progresser pour rendre ce pays plus fort et plus riche, pour jeter les bases sur lesquelles nous pouvons construire une nation dont les Premières Nations sont partie intégrante et des partenaires égaux, tout en respectant les lignes directrices en matière environnementale. Nous devons retrouver un semblant d’équilibre, que je pense avoir perdu au cours de la dernière décennie.

Je suis un porte-parole bienveillant de ce projet de loi, que nous allons appuyer. Nous abordons l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement avec beaucoup d’espoir — bien qu’on y retrouve encore les mêmes ministres —, parce qu’il faut répondre aux aspirations, que le pays est à un tournant de son histoire et qu’il n’est pas possible de revenir en arrière.

Soyons clairs : le projet de loi à l’étude n’est pas une mesure législative remarquable. Elle n’a rien de remarquable ni de législatif, en fait; elle est carrément politique. À l’approche de l’élection, le gouvernement a annoncé que certains changements seraient faits pour le 1er juillet, ce qui n’était qu’un exercice de relations publiques. Le premier ministre nous dit, en fait, de lui faire confiance, que l’objectif est de créer plus d’unité au sein du pays et qu’il va y arriver.

Je vais garder l’esprit ouvert. Le groupe de l’opposition va garder l’esprit ouvert. D’ailleurs, vous avez vu les députés de l’opposition voter et contribuer de manière constructive à l’élaboration du projet de loi à l’autre endroit. Ils ont l’esprit ouvert. Cependant, le succès ou l’échec de cette mesure législative repose sur les épaules du premier ministre. Aura-t-il la volonté politique de mettre en œuvre toutes les mesures prévues dans le projet de loi? Si oui, je serai le premier à grimper sur les toits pour le féliciter et crier dans un mégaphone : « Félicitations. Notre pays et le processus d’édification nationale sont sur la bonne voie. » S’il déçoit les Canadiens à ce stade, par contre, il y aura un prix politique à payer.

Chers collègues, nous allons adopter le projet de loi. Cela n’est pas nouveau. La Chambre élue nous a donné un mandat clair. Elle s’attend à ce que le projet de loi soit adopté, sans amendement, et à ce qu’il entre en vigueur d’ici le 1er juillet. Cela dit, nous revoilà aux prises avec une mesure législative de nature politique administrée par un premier ministre qui, nous l’espérons, fera ce qui est juste.

Je terminerai en disant ceci, chers collègues. J’ai étudié très attentivement le projet de loi. Je travaille avec bon nombre d’entre vous au sein de cette institution depuis de nombreuses années. Soyons clairs : si c’était un gouvernement conservateur qui présentait le projet de loi, bon nombre d’entre vous voteraient contre, déchireraient leur chemise avec indignation et l’amenderaient à n’en plus finir. Heureusement, c’est un gouvernement libéral qui le présente et nous l’appuyons sans réserve, de même que, je pense, la plupart des sénateurs présents dans cette enceinte. Merci, chers collègues.

L’honorable Patrick Brazeau [ - ]

Sénateur Housakos, je me préparais à aborder la rencontre avec les dirigeants autochtones en juillet, et j’avais l’intention de poser ma question au parrain du projet de loi tout à l’heure, mais je n’ai pas eu le temps. Permettez-moi d’utiliser le temps dont je dispose en faisant preuve de créativité.

Pensez-vous qu’il serait important que l’opposition au Sénat demande au parrain du projet de loi quel est l’objectif exact de cette rencontre avec les organisations autochtones? Je pose cette question parce que j’ai été à la tête de l’une des cinq organisations nationales, lesquelles sont toutes financées par le gouvernement du Canada. Nombre de ces organisations sont financées pour coopérer avec le gouvernement.

Ne serait-il pas important d’obtenir des éclaircissements sur la raison pour laquelle la rencontre sera fera avec elles, puisque ces cinq organisations autochtones canadiennes ne sont détentrices d’aucun droit et sont plutôt des organisations de lobbying politique? Hypothétiquement, que se passera-t-il si un projet du gouvernement du Canada touche le peuple algonquin? Eh bien, l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis, le Congrès des peuples autochtones, l’Inuit Tapiriit Kanatami et l’Association des femmes autochtones du Canada ne représentent pas le peuple algonquin. Pensez-vous qu’il est important que l’opposition au Sénat demande des éclaircissements sur la nature exacte du processus de consultation qui aura lieu le 17 juillet? Est-ce que cela contribue réellement au processus pour les vraies Premières Nations du Canada?

Le sénateur Housakos [ - ]

Je vous remercie de votre question. Il est évident que le gouvernement est le mieux placé pour y répondre. La seule chose que je peux supposer, c’est que le gouvernement mène de vastes consultations. Je suis très déçu d’apprendre qu’il n’a invité que des associations et non des représentants des Premières Nations. Il s’agit probablement d’une manœuvre politique, mais, comme je l’ai dit, ce n’est qu’une supposition de ma part.

Comme on l’a vu dans les amendements apportés à l’autre endroit concernant la Loi sur les Indiens — et je soupçonne que quelques autres amendements seront proposés au Sénat —, les premiers peuples jouent un rôle central dans l’exploitation des ressources canadiennes et dans le respect des terres de notre pays. Il faut donc mener des consultations approfondies.

En examinant la structure actuelle du projet de loi C-5, on constate qu’il repose sur le bon vouloir du gouvernement d’en arriver à des ententes avec les diverses Premières Nations, selon la région du pays et le type de projet d’infrastructures dont il est question.

Vous siégez au Sénat depuis aussi longtemps que moi, c’est-à-dire depuis très longtemps. Peu importe l’allégeance politique, je suis toujours méfiant quand il faut compter sur le bon vouloir des gouvernements sans aucune pression législative ni aucun contrôle parlementaire. Je ne sais pas si cela répond à votre question. J’espère que le gouvernement fera mieux que moi à cet égard.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Honorables sénateurs, je tiens à remercier tout le monde d’avoir agi rapidement, en particulier le personnel d’urgence et de sécurité.

Nous poursuivons le débat sur le projet de loi C-5.

Le sénateur Housakos accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Housakos [ - ]

Bien sûr.

Merci. Ma question porte sur l’analyse des risques que vous avez pu effectuer au sujet du projet de loi, sénateur Housakos, et elle est également liée à la lettre de garantie que nous avons reçue du ministre LeBlanc.

À mon avis, les différentes consolidations des pouvoirs décisionnels entraînent un risque majeur. Un seul ministre — dont le nom n’est pas encore connu —, dans la partie 1, puis à nouveau dans la partie 2, se voit conférer le pouvoir exclusif de publier un document autorisant un « projet d’intérêt national ». Par exemple, la publicité de ce document relève, là encore, de la seule décision du ministre. Cela risque donc d’empêcher l’accès à l’information par les citoyens, les contribuables canadiens et, sans doute, les parlementaires.

On nous demande d’adopter le projet de loi sans consultations sérieuses et sans savoir quel ministre en sera responsable. Ma question est la suivante : appuyez-vous également cette concentration des pouvoirs et l’absence de précision quant à la prise de décision par un ministre qui n’est pas désigné nommément?

Le sénateur Housakos [ - ]

Je vous remercie de votre question, sénatrice McPhedran. C’est bien sûr quelque chose qui me préoccupe, comme je l’ai souligné dans mon discours.

Selon notre analyse de la situation, il semble que, du moins à l’heure actuelle, il existe une volonté politique de faire avancer les projets d’infrastructure et d’énergie, et ce, pour la première fois depuis dix ans.

Tout comme vous, nous trouvons excessif qu’une telle concentration de pouvoir décisionnel soit confiée à un seul ministre ou même à un petit groupe de ministres. En effet, la réussite de ces projets dépendra en grande partie de la capacité à rassembler des groupes très divers, allant des groupes environnementaux aux Premières Nations en passant par les investisseurs.

Au cours de la dernière décennie, nous avons vu à quel point les investisseurs peuvent être inflexibles. Selon un témoin que nous avons entendu, les investisseurs ne veulent aucune entrave à la croissance de leurs capitaux, sinon ils les investiront ailleurs.

Nous devons composer avec divers facteurs extrêmement différents et un gouvernement qui n’a pas réussi à les concilier depuis plus d’une décennie. Au contraire, il a réussi à creuser un fossé tel que la confiance à l’égard des investissements dans le secteur énergétique et dans les infrastructures est très faible au Canada.

Comme je l’ai dit, je suis optimiste, mais sceptique, quant à la capacité du premier ministre à mener à bien ce projet sans aucune surveillance parlementaire, ou presque. Il y en a maintenant, grâce aux amendements qui ont été apportés, mais au départ, il n’y en avait pratiquement pas. Nous partageons ces préoccupations, merci donc pour votre question.

Je tiens également à remercier le sénateur Ravalia. Quelle chance nous avons dans cette assemblée d’avoir le Dr Ravalia parmi nous. Merci d’être toujours là pour nous tous.

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