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DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — Joyce Echaquan

1 octobre 2020


L’honorable Julie Miville-Dechêne

Elle s’appelait Joyce Echaquan; elle avait sept enfants. Elle s’appelait Joyce Echaquan; elle avait 37 ans. Elle était une Atikamekw de la communauté de Manawan, au Québec.

Elle est décédée lundi, à l’hôpital de Joliette, peu de temps après avoir reçu une bordée d’insultes racistes inimaginables, choquantes et révoltantes de la part d’une infirmière et peut-être d’autres soignants.

C’est Joyce Echaquan elle-même qui a capté en direct sur Facebook ces jurons et ces insultes, alors qu’elle appelait à l’aide. L’enregistrement donne des frissons. Comment peut-on traiter ainsi un être humain, une femme très malade?

Les Québécois sont en émoi depuis lundi. Ils sont indignés. L’enregistrement circule partout et il ne ment pas. Une vigile et des rassemblements ont lieu à la mémoire de Joyce Echaquan, et les langues se sont déliées. Ce n’est pas la première fois qu’une Atikamekw rapporte avoir subi de la maltraitance à l’hôpital de Joliette.

Le premier ministre du Québec, François Legault, a qualifié ces injures de racistes et d’inacceptables. Il a annoncé que l’infirmière avait été congédiée. Trois enquêtes sont en cours.

Pourtant, cette situation est tout sauf un malheureux incident isolé. Il y a un an, la Commission Viens a conclu que les préjugés envers les Autochtones du Québec demeurent très répandus dans le contexte des interactions entre les soignants et les patients. Ce rapport se basait sur des témoignages citoyens de membres des Premières Nations et d’Inuits.

Les a-t-on crus? A-t-on pensé que les plaintes étaient exagérées et qu’après tout, Autochtones et non-Autochtones étaient parfois victimes de mauvais traitements dans notre système de soins de santé? Peut-être, car le rapport Viens n’a certes pas fait autant de bruit que les insultes prononcées à l’endroit de Joyce Echaquan, qui ne laissent pas l’ombre d’un doute sur le mépris de la soignante envers sa patiente autochtone.

Je n’ose pas répéter cette diatribe grossière, dégradante et avilissante, mais il faut répéter le nom de Joyce Echaquan pour lui redonner son identité, sa dignité et son humanité.

La déshumanisation en direct de Joyce Echaquan est, à mon avis, une manifestation de racisme systémique. Il est plus que temps que le gouvernement du Québec le reconnaisse, car il faut nommer les choses pour être en mesure de les changer.

L’indignation suscitée au Québec par cette maltraitance en direct retombera-t-elle aussi rapidement qu’elle s’est répandue? Ce serait dommage.

Il faut espérer que ces condamnations unanimes d’un traitement odieux se transforment en une prise de conscience collective, comme l’a fait le meurtre de George Floyd aux États-Unis. J’espère également que l’on s’attaquera sérieusement au racisme systémique qui empoisonne ma société, comme bien d’autres d’ailleurs. Merci.

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