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DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — L'École Polytechnique de Montréal

La commémoration de la tragédie

3 décembre 2020


L’honorable Julie Miville-Dechêne

Je prends la parole aujourd’hui pour souligner le 31e anniversaire du féminicide de Polytechnique et rendre hommage aux 14 jeunes femmes qui ont été tuées le 6 décembre 1989.

Rappelons-nous ces 20 minutes d’horreur, qui ont été racontées maintes fois, pour ne jamais oublier que les victimes ont été choisies par le tueur parce qu’elles étaient des femmes, et parce qu’elles avaient osé étudier en ingénierie, un domaine traditionnellement réservé aux hommes.

J’avais 30 ans à l’époque. J’étais une jeune journaliste idéaliste, basée à Toronto. Je croyais pouvoir changer le monde un reportage à la fois. J’évoluais moi aussi dans un milieu de travail plutôt masculin, où les femmes prenaient peu à peu leur place. J’étais une féministe décomplexée, qui ne manquait jamais de souligner le deux poids, deux mesures, la discrimination, les attitudes et les propos misogynes.

La tragédie de Polytechnique nous a privés pendant un bon moment de cet espoir que la révolution féministe était en marche et que personne ne pourrait l’arrêter. Le tueur a exprimé toute sa haine des féministes. On l’a souvent décrit comme un tireur fou, mais il représentait un courant de pensée masculiniste qui avait progressé au Québec, un ressac contre les femmes qui s’émancipaient.

Heureusement, avec les années, une nouvelle génération de féministes québécoises a repris le flambeau, avec de nouveaux slogans et une fougue belle à voir. Les étudiantes de Polytechnique comptent cette année pour 31 % des admissions au bac.

Pendant ce temps, des survivantes et des proches se sont lancés à corps perdu dans une bataille pour le contrôle des armes à feu. Le tueur de Polytechnique avait vidé tout un chargeur de 30 balles d’un Ruger Mini-14 semi-automatique sur les étudiantes dans une salle de classe. Nathalie Provost était là et elle a survécu. Je la cite :

Oui, l’arme change la donne. La force des coups de feu a joué un rôle déterminant ainsi que la capacité de tirer en rafale.

Trente ans plus tard, cette arme meurtrière était encore en circulation puisque le tueur de masse de la Nouvelle-Écosse avait en sa possession un Ruger Mini-14.

Cette arme fait partie des 1 500 modèles d’armes d’assaut que le gouvernement fédéral a interdits par décret le 1er mai dernier, un grand progrès pour le groupe PolySeSouvient. Toutefois, à l’approche du 6 décembre, Heidi Rathjen, témoin de la fusillade, veut que le gouvernement agisse, qu’il mette en œuvre, comme il l’a promis, un programme obligatoire de rachat de toutes ces armes meurtrières et que les armes de poing fassent l’objet de restrictions plus sévères.

Mme Rathjen ne croit pas que la pandémie justifie les retards, au contraire. Je la cite :

[…] dans un contexte hautement anxiogène où les victimes de violence conjugale sont encore plus vulnérables et où il y a un risque accru de suicides […] le contrôle des armes s’avère tout aussi urgent.

Je suis d’accord. Merci.

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