DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — La Journée internationale pour l'abolition de l'esclavage
2 décembre 2021
Honorables sénateurs, le 2 décembre est la Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage. Elle s’inscrit au cœur des journées d’action contre la violence faite aux femmes. À cette occasion, j’aimerais souligner que 70 % des 40 millions de victimes d’esclavage moderne sont des femmes. On doit s’indigner des 12 millions de petites et de jeunes filles vendues et mariées trop jeunes pour y consentir, et qui risquent de mourir en accouchant.
Toutefois, au-delà de l’indignation, les pistes de solution existent si nous y mettons les moyens. L’éducation est la clé pour faire connaître leurs droits aux filles partout dans le monde, afin qu’elles puissent elles-mêmes résister, obtenir de l’aide ou s’enfuir.
Agir, oui — mais que prioriser? Les experts ne s’entendent même pas sur la définition de ce qui constitue véritablement de l’esclavage moderne.
Pour qualifier une situation de travail forcé, si l’on se fie aux définitions onusiennes, il doit y avoir un élément de contrainte, que ce soit une servitude de dette ou des menaces. D’autres estiment que la notion d’esclavage moderne s’applique plus largement à l’exploitation, y compris par des milieux de travail non sécuritaires ou une main-d’œuvre captive. Chose certaine, le Canada n’est pas à l’abri de situations qui s’apparentent à de l’esclavage moderne.
Au Québec, le nombre de travailleurs étrangers temporaires a explosé. Selon une enquête de Radio-Canada, cette recherche d’une nouvelle vie se transforme trop souvent en cauchemar, en raison des frais exorbitants exigés par de multiples intermédiaires ou des patrons peu scrupuleux.
Prenons l’histoire de Mamadou Hane, de sa conjointe et de ses quatre enfants. En 2019, ce Sénégalais arrive au Québec, muni d’un contrat type du ministère de l’Immigration où toutes les conditions de travail sont prévues chez son nouvel employeur. Or, dès son arrivée, son patron exige que Mamadou Hane signe un nouveau contrat, où il s’engage à rembourser, au prorata, 5 000 $ s’il quitte son emploi avant trois ans — ce qui constitue une servitude de dette tout à fait illégale. On menace ce mécanicien de le renvoyer dans son pays s’il ne s’exécute pas. Un an plus tard, mis à pied, il reçoit quand même une mise en demeure et une facture de 3 300 $ de son ex-employeur. Mamadou Hane dit : « J’ai été fort, j’ai résisté, mais beaucoup ont eu le cœur brisé, c’était terrible. »
Combien d’autres n’osent pas se plaindre même s’ils vivent des histoires d’horreur? Eva Lopez, qui vient en aide à ces travailleurs étrangers temporaires, résume la situation ainsi, et je la cite :
Beaucoup se taisent, car ils veulent une autre vie pour leur famille. C’est une évidence : on vend du bétail et il y a des gens sans scrupules.
Ne l’oublions pas : l’esclavage moderne n’est pas qu’un simple enjeu de plus; c’est un crime.