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Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Débat

31 janvier 2023


L’honorable Dennis Dawson [ + ]

Propose que le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je suis heureux de m’adresser de nouveau à vous au sujet du projet de loi C-11, Loi sur la diffusion continue en ligne, cette fois à l’étape de la troisième lecture. La modernisation de la Loi sur la radiodiffusion est une grande priorité législative pour le gouvernement. Ce projet de loi précisera que les diffuseurs en ligne sont assujettis à la loi et mettra à jour la boîte à outils du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, afin de mettre en place un nouveau cadre de réglementation.

Moderniser la loi, c’est l’adapter à la réalité d’aujourd’hui et mettre la table pour l’avenir. Cela doit se faire d’une façon qui tient compte de la réalité actuelle — une réalité qui voit le numérique prendre de plus en plus de place dans la vie des gens; une réalité qui voit des modèles d’affaires variés dans le système canadien de radiodiffusion d’aujourd’hui. La loi doit donc établir un cadre réglementaire à jour avec une orientation claire, les outils nécessaires et la souplesse requise pour maintenir sa pertinence.

Comme vous le savez tous, la dernière refonte de la Loi sur la radiodiffusion remonte à 1991. Comme nous l’avons tous constaté, depuis 1991, le secteur de la radiodiffusion a connu d’énormes changements. L’arrivée d’Internet et des nouvelles technologies numériques a transformé la façon dont nous communiquons les uns avec les autres et la manière dont nous consommons notre culture. Récemment, au cours de la pandémie, nous avons vu la place immense qu’occupent les technologies dans notre vie quotidienne, et il est évident que cette réalité ne changera pas.

Le secteur se transforme à un rythme sans précédent. La majorité des Canadiens font maintenant appel à des services de diffusion continue en ligne pour accéder à leur musique préférée, à leurs films préférés et à leurs émissions de télé préférées. Les services tels que Netflix, Spotify, Crave, CBC Gem et Club illico sont connus de tous, tout comme les services de radiodiffusion, de télédiffusion et de câblodistribution traditionnels, qui demeurent importants, surtout auprès de certaines tranches de la population. En une seule semaine, les Canadiens écoutent, grâce à la diffusion continue, 2 milliards de chansons au moyen de services tels que Spotify, YouTube et Apple Music.

Selon un sondage mené pour le compte de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, ou l’ADISQ, 61 % des répondants ont dit qu’ils écoutaient de la musique sur des plateformes en ligne comme Spotify et Apple Music. Il ne faut toutefois pas en conclure que les diffuseurs en ligne ont remplacé les radiodiffuseurs traditionnels. Dans le même sondage, 60 % des répondants ont cité la radio comme un outil de découverte musicale. Ne vous méprenez pas : même si la consommation de contenus médiatiques a changé, la radiodiffusion traditionnelle est loin d’avoir été remplacée. Cependant, ce qui n’a pas changé, c’est notre système de réglementation, qui a désespérément besoin d’être mis à jour.

La directrice générale de l’ADISQ, Mme Eve Paré, a témoigné dans le cadre de l’étude menée par le Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Elle a dit ce qui suit :

Cette situation n’est pas sans inquiéter les créateurs et les producteurs, mais également les citoyens, très attachés à leur culture. Dans ce même sondage, on apprend que 73 % des Québécois pensent que le gouvernement doit légiférer pour que les services d’écoute comme Apple Music, Spotify ou YouTube contribuent aussi à son financement. De plus, 70 % de ceux qui écoutent de la musique en continu disent aimer se faire proposer de la musique québécoise en français.

Depuis plusieurs années, les services de diffusion en continu ont un impact significatif sur notre système de radiodiffusion. La réalité est que les services offerts par satellite et par câble perdent des abonnés. Le système de radiodiffusion a perdu des revenus, des annonceurs et de l’auditoire au profit des services en ligne.

Pourtant, malgré tout cela, la loi n’a pas changé. Le gouvernement et les parlementaires travaillent soigneusement sur ce projet de loi depuis longtemps, et le nombre de citoyens qui a participé est une bonne indication de l’importance du sujet.

Le Sénat a effectué son travail. Au cours des derniers mois, nous avons eu des conversations importantes. Nous avons entendu plus de 130 témoins qui sont venus nous parler de ce projet de loi. Chers collègues, je vous remercie pour le travail exhaustif que vous avez accompli. Maintenant, il est nécessaire que le projet de loi sur la diffusion continue en ligne soit adopté pour soutenir nos créateurs, nos industries culturelles et tous les Canadiens.

Le projet de loi C-11 s’inscrit dans un plus vaste ensemble d’initiatives mises en place par le gouvernement en vue de créer un cadre stratégique sur le numérique tourné vers l’avenir qui comprend le projet de loi sur les nouvelles en ligne, dont nous avons parlé il y a quelques minutes, et les mesures que le gouvernement s’est engagé à prendre en matière de cybersécurité. Le projet de loi C-11 s’accorde avec d’autres lois et instruments législatifs, et il respecte la Charte canadienne des droits et libertés. Il aide aussi le Canada à remplir ses obligations internationales, dont celles prévues dans la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles et dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Il est important que nous modernisions le cadre de radiodiffusion. C’est là la tâche à accomplir.

Je m’adresse à vous encore une fois, presque deux ans après la présentation du projet de loi C-10 visant à moderniser la Loi sur la radiodiffusion. En 2021, quand nous avons été saisis du projet de loi C-10, j’ai précisé que ni le gouvernement ni moi n’avions l’intention de faire adopter cette mesure législative à toute vapeur au Sénat. Eh bien, nous sommes maintenant en 2023, 20 mois plus tard, et vous pouvez constater que je disais la vérité, même si certaines personnes avaient des doutes à ce sujet.

En juin 2018, avant la présentation du projet de loi C-10, le gouvernement du Canada a nommé un groupe d’experts pour passer en revue le cadre législatif de la radiodiffusion et des télécommunications. Le groupe a étudié ces enjeux pendant deux ans, puis publié un rapport intitulé L’avenir des communications au Canada : le temps d’agir. Il a reçu plus de 2 000 mémoires. Il s’avère que mes collègues du Comité des transports et des communications et moi avions entrepris une étude sur cette question la même année, mais nous nous en sommes remis à l’étude du groupe national d’experts.

Avec la présentation du rapport du comité sur le projet de loi C-11 dans cette enceinte à la fin de l’année 2022, nous avons enfin terminé cette étude.

Lorsque j’ai présenté le projet de loi C-10, j’ai noté qu’il avait déjà fait l’objet de nombreux commentaires. Après 112 jours de travaux au Comité permanent du patrimoine canadien, avec plus de 40 réunions et la comparution de près de 50 témoins, sans compter les séances d’information ministérielles, le projet de loi reflète le travail accompli par les parlementaires et la contribution notable des intervenants de l’industrie et de la collectivité. Collectivement, les parties intéressées reconnaissent la nécessité de moderniser la loi, même si leurs opinions peuvent différer sur les détails.

Alors qu’il nous parvient aujourd’hui, le projet de loi C-11 a suscité encore plus de commentaires. Tel que déposé, le projet de loi s’appuie sur le travail effectué pour le projet de loi C-10 au cours de la dernière session et comporte des modifications ciblées concernant les médias sociaux, en plus de quelques modifications techniques. Les parlementaires ont de nouveau eu l’occasion d’amender le projet de loi lors de l’étude article par article de la Chambre des communes. Les sénateurs ont de nouveau eu l’occasion d’étudier ce projet de loi.

Comme je l’ai dit plus tôt, nous avons reçu de nombreux témoins au Comité sénatorial permanent des transports et des communications, et tout comme je l’ai promis pour le projet de loi C-10, ni moi ni le gouvernement n’avons fait pression pour faire adopter le projet de loi C-11 par le Sénat à toute vapeur.

En fait, nous étions favorables à une étude exhaustive et nous avons entendu chaque personne et chaque groupe qui a demandé à témoigner — sans exception.

Votre fidèle comité, dont je suis membre, a patiemment et ouvertement écouté leurs demandes, leurs opinions et leurs préoccupations. Nous avons entendu des professeurs, des avocats, des représentants de secteurs culturels, des associations, des syndicats, des chercheurs, des groupes de consommateurs, des communautés de langue officielle en situation minoritaire, des organismes de réglementation gouvernementaux, des fédérations de contribuables, des créateurs numériques, des diffuseurs traditionnels, des diffuseurs indépendants, des services de diffusion audio en continu en ligne, etc. Comme vous pouvez le constater, beaucoup de gens ont donné leur avis, et nous sommes fiers du rapport qui a été adopté.

Votre comité, dont je fais partie, a patiemment écouté 138 témoins au cours de 31 réunions, pour un total de 67 heures et 30 minutes. Nous avons écouté patiemment, et nous avons entendu de la confusion et de la désinformation entourant le projet de loi. À la fin de l’étude, nous avons ensuite entendu des représentants du gouvernement, qui ont démenti bon nombre des idées fausses qui avaient été mises sur la table.

D’autre part, les préoccupations entendues au sujet du risque que pose la diffusion en continu pour le secteur de la radiodiffusion ne sont ni nouvelles ni hypothétiques. Cependant, il est important de situer les faits dans leur contexte parce que la décision de ne pas imposer d’exigences aux services en ligne remonte au siècle dernier. À cette époque, ces services avaient relativement peu d’impact sur le secteur de la radiodiffusion. Il était important de permettre à ces nouveaux services innovants de se développer.

Aujourd’hui, ce n’est évidemment plus le cas. Le monde a changé et il est urgent que le déséquilibre causé par l’absence de réglementation soit réglé afin que les géants du Web contribuent eux aussi au soutien de la musique et des histoires canadiennes, de la même manière que les radiodiffuseurs canadiens traditionnels le font.

Des critiques prétendent que le projet de loi incitera les joueurs étrangers à se retirer du marché canadien. Ce n’est pas le cas. En réalité, nous avons plutôt observé le contraire. Ces plateformes, soit plus de 75 services de diffusion continue en ligne, y compris les plus importants que tout le monde connaît, sont disponibles au Canada. D’autres s’en viennent, et leur bibliothèque renferme de plus en plus de contenu.

Les diffuseurs en ligne sont en concurrence directe avec les radiodiffuseurs réglementés. Dans certains cas, en raison des licences, la seule façon pour les consommateurs canadiens de regarder les dernières séries les plus populaires inspirées de franchises phares, comme Andor et Le Seigneur des anneaux : les anneaux de pouvoir, c’est de passer par un service de diffusion continue. Même Kim’s Convenience et Bienvenue à Schitt’s Creek, des émissions réalisées à la demande de la CBC, sont regardées par des Canadiens sur des plateformes comme Netflix plutôt qu’au moyen de services canadiens comme Gem.

Auparavant, quand les radiodiffuseurs canadiens accordaient une licence à une émission étrangère, ces services appuyaient à leur tour les émissions canadiennes grâce aux obligations réglementaires. Toutefois, les services de diffusion continue ne sont actuellement pas tenus d’appuyer le système de radiodiffusion comme le sont les radiodiffuseurs canadiens traditionnels. Il s’agit d’un problème qui nécessite une intervention urgente, et la Loi sur la diffusion continue en ligne s’y attaque directement.

Il ne s’agit pas d’une ponction fiscale rapide ni d’une punition pour ceux qui ont connu du succès dans un milieu non réglementé. La Loi sur la diffusion continue en ligne ne vise pas à choisir des gagnants et des perdants dans le paysage du système de radiodiffusion du Canada. Elle ne compromet pas les libertés personnelles des Canadiens en censurant Internet.

Il s’agit de moderniser nos lois et nos règlements afin de remanier le cadre de notre système de radiodiffusion pour aujourd’hui et pour demain. Il faut apporter la certitude et la structure nécessaires à sa réussite durable.

Son objectif est simple : cette mesure législative tient compte des réalités de la radiodiffusion moderne et crée des règles du jeu équitables qui permettront à tous les acteurs commerciaux de contribuer significativement à l’atteinte des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Ce projet de loi demande aux plateformes qui bénéficient de la culture canadienne d’apporter leur contribution à celle-ci.

Le Sénat a un rôle important à jouer au sein du processus démocratique et s’en acquitte avec brio. Nous avons étudié les qualités et les objectifs de ce projet de loi afin de mieux comprendre comment il fonctionnera et pourquoi il est si important. Nous avons écouté attentivement tous les points de vue qui ont été exprimés. Or, notre point de vue n’est qu’un aspect du processus. À la suite de ces travaux, des consultations auront lieu avec tous ceux qui souhaitent y participer, comme le prévoit le projet de loi.

Bon nombre de nos collègues ont soulevé des questions importantes dans le cadre de l’étude de ce projet de loi. J’espère qu’ils continueront à y participer pendant le processus de consultation.

Le projet de loi sur la diffusion continue en ligne vise à régler de nombreux problèmes à un haut niveau.

Le projet de loi sur la diffusion continue en ligne vise à promouvoir les intérêts du Canada de plusieurs façons. À l’heure actuelle, la réglementation ne traite pas les diffuseurs canadiens sur un pied d’égalité. En effet, ces derniers sont tenus de respecter l’intégralité de la réglementation canadienne en matière de radiodiffusion, ce qui n’est pas le cas des diffuseurs en ligne.

La Loi sur la diffusion continue en ligne est essentielle pour appuyer l’écosystème de soutien de la culture, de la musique et du contenu canadiens en uniformisant les règles du jeu et en assurant la santé de notre secteur de la radiodiffusion culturelle. Elle est nécessaire pour garantir un investissement durable dans le contenu canadien, tant pour la télévision que pour le cinéma; les intervenants du monde de la musique reconnaissent son importance pour promouvoir et faire découvrir notre musique et nos chansons, dans toutes nos langues; et elle fournit un espace dans notre système de radiodiffusion pour les populations qui font l’objet d’une marginalisation systémique. Les groupes en quête d’équité méritent de se voir représentés à l’écran et de pouvoir occuper des rôles créatifs clés dans les productions canadiennes.

Comme l’a dit le ministre, la Loi sur la diffusion continue en ligne ne vise pas à réglementer ce que les gens publient en ligne. Cela a été très clairement expliqué à maintes reprises. Elle vise plutôt à obtenir une contribution équitable de la part de tous les grands services de diffusion en continu qui distribuent du contenu commercial.

J’aimerais souligner le mot « équitable » dans le cas présent. Comme nous l’avons entendu de la part du CRTC et des représentants du gouvernement au cours de notre étude, les contributions peuvent prendre un certain nombre de formes qui ne sont pas nécessairement monétaires :

En ce qui concerne les exigences de dépenses, cet argent n’est jamais transféré. Une exigence de dépenses est interne à l’entreprise. Il s’agit essentiellement d’une obligation d’investissement de sa part dans la production canadienne, mais elle garde le contrôle de la prise de décisions quant à la manière de s’y prendre.

On s’attend à ce que la contribution de certains services, qui n’ont peut-être pas une grande empreinte de production ici ou ailleurs, ressemble plus à celle que l’on connait actuellement des entreprises de câblodistribution et de communication par satellite, à savoir une contribution à un fonds pour la production culturelle, comme le Fonds des médias du Canada. Cependant, ces recettes ne sont pas destinées au ministère. Ce transfert est supervisé par le CRTC, et cet argent est directement remis au Fonds des médias du Canada, par exemple.

Les fonctionnaires et les intervenants eux-mêmes nous ont également dit qu’ils contribuent déjà à notre secteur du divertissement culturel de diverses façons.

Ce débat intervient à un moment charnière. Après les innovations transformatrices des débuts de l’ère Internet, nous sommes au cœur d’une nouvelle vague de révolution numérique. Le gouvernement veillera à ce que les nouvelles technologies soient au service de nos institutions démocratiques, et non contre celles-ci, et, surtout, qu’elles servent les intérêts culturels du Canada.

Notre objectif primordial demeure d’assurer un soutien continu aux histoires, à la musique et à la culture canadiennes dans un secteur de plus en plus saturé par les services de diffusion en ligne étrangers et les géants du Web.

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a écouté attentivement les divers groupes d’intervenants. En travaillant ensemble, les membres de cette enceinte ont élaboré des propositions pour améliorer davantage le projet de loi, et je suis certain que d’autres amendements pourraient être proposés au cours des prochains jours. Des amendements de tous les partis et de tous les groupes ont été proposés et adoptés. Aucune voix n’a été exclue. Aucun témoin ni aucun de nos collègues n’a pas été entendu.

Notre cadre de réglementation de la radiodiffusion est désuet. Son application est inégale, et ce manque d’uniformité continuera de nuire à nos industries créatives jusqu’à ce que ce projet de loi soit adopté et que ses processus réfléchis soient complétés. Un système déséquilibré ne sert pas les intérêts du Canada ou des Canadiens et limite notre capacité à atteindre les objectifs culturels et de radiodiffusion que la Loi sur la radiodiffusion est, au bout du compte, censée protéger.

Le gouvernement nous demande de collaborer afin que ce projet de loi franchisse les étapes du processus législatif en temps opportun, dans l’intérêt de nos artistes, de nos créateurs et de l’ensemble des Canadiens. Je crois que c’est justement ce que nous faisons tout en écoutant, en réfléchissant et en effectuant notre second examen objectif, comme il se doit.

Nous devons mettre à jour notre loi afin qu’elle reflète la réalité de la perturbation numérique dans ce secteur.

Honorables sénateurs, nous avons une tâche importante à accomplir. Nous devons corriger l’asymétrie réglementaire qui existe depuis beaucoup trop longtemps entre la radiodiffusion traditionnelle et la radiodiffusion en ligne. En 1982, j’avais écrit que les politiques de l’époque étaient conçues dans le but de susciter une plus grande appréciation du riche patrimoine social, historique et culturel du Canada.

Les objectifs dont j’avais parlé à l’époque sont toujours valables aujourd’hui. Par contre, la réglementation de l’époque est maintenant désuète.

Le processus de modernisation de la Loi sur la radiodiffusion a fait l’objet d’une quantité considérable de débats et de discussions. Dans certains cas, des préjugés et des craintes tenaces ont masqué les véritables enjeux. À maintes reprises, ces préjugés ont fait l’objet de discussions et d’analyses, puis ont été rejetés.

Je connais bien les inquiétudes qui existent chez certains, en ce moment, en ce qui concerne le projet de loi C-11. Il est temps de passer aux solutions. Nous devons relever les défis réglementaires dès maintenant, en exigeant que les services de radiodiffusion audio et vidéo en ligne contribuent à notre culture, de la même manière que les radiodiffuseurs traditionnels l’ont toujours fait.

Rappelons qu’en vertu de la Loi sur la radiodiffusion de 1991, les entreprises de radiodiffusion traditionnelles devaient être détenues et contrôlées par des Canadiens et obtenir des licences. Elles pouvaient — et peuvent toujours — diffuser des émissions provenant du marché international ou transmettre des chaînes américaines.

En contrepartie de leur participation au système canadien de radiodiffusion et de leur accès au marché national, ces entreprises étaient tenues de financer, d’acquérir et de diffuser des émissions canadiennes. Elles étaient également tenues de rendre les émissions accessibles aux Canadiens et aux Canadiennes et de contribuer à la création d’émissions canadiennes, y compris des émissions en français.

Cela n’arrive pas par accident. C’était délibéré et cela a fonctionné. Le système de radiodiffusion canadien a connu une augmentation de la demande pour des émissions canadiennes. Le secteur canadien de la création est devenu prospère et les industries culturelles canadiennes ont eu accès à des investissements prévisibles leur permettant de planifier leur croissance.

Cependant, le système de soutien du secteur de la création audiovisuelle et du secteur de la musique s’est érodé à mesure que les revenus se sont déplacés des diffuseurs traditionnels vers les services de diffusion en ligne. Cette transition a mis en péril le système de soutien du secteur de la création audiovisuelle et du secteur de la musique au Canada.

Chers collègues, un des principaux objectifs de l’approche renouvelée en matière de réglementation est d’offrir un soutien durable aux secteurs canadiens de la création audiovisuelle et de la musique pour les années à venir. Le projet de loi vise à assurer le traitement équitable des émissions regardées sur les différentes plateformes, peu importe de quelle façon elles sont diffusées.

La nouvelle loi laissera de côté l’émission de licences de radiodiffusion et passera à un nouveau modèle de conditions de service. Ainsi, le CRTC disposera de nouveaux moyens plus flexibles pour obtenir les contributions des diffuseurs et imposer des conditions, notamment en matière de découvrabilité et de promotion des émissions canadiennes. Ce dernier élément est particulièrement important pour les artistes musicaux canadiens, notamment les francophones et ceux qui essaient de se tailler une place au sein d’une industrie dominée par des géants. Grâce au nouveau cadre, les entreprises de diffusion, y compris de diffusion en ligne, devraient verser une contribution financière pour soutenir les secteurs canadiens de la création audiovisuelle et de la musique, les créateurs de contenu et les producteurs.

Je voudrais revenir sur deux des thèmes du projet de loi qui méritent une attention particulière. Il s’agit du traitement des créateurs de contenu numérique et de l’approche relative aux médias sociaux.

Le projet de loi indique clairement que les créateurs numériques ne sont pas considérés comme des entreprises de radiodiffusion. Un producteur de contenu audiovisuel principalement créé en vue d’être diffusé en ligne en tant que contenu téléversé par l’utilisateur sur les médias sociaux ne sera pas soumis à la loi.

Certains détracteurs du projet de loi ont avancé que 30 % des revenus des créateurs numériques pourraient être affectés au financement des arts. C’est tout simplement faux. Les créateurs numériques ne seront pas tenus de verser une partie de leurs revenus pour soutenir le contenu canadien.

Les grands services de médias sociaux devront contribuer à la musique et aux histoires canadiennes s’ils fournissent du contenu commercial comme de la musique et des émissions de télévision. De nombreux exemples ont été évoqués au cours de ce débat. Puisque les créateurs numériques sont exemptés, leurs revenus n’entreront pas en ligne de compte dans le calcul des contributions que les services de médias sociaux devront verser pour appuyer le contenu canadien.

De plus, les créateurs numériques ne seront pas soumis aux exigences relatives à la découvrabilité ou à la mise en valeur. Encore une fois, malgré ce que certains détracteurs du projet de loi affirment, le gouvernement tient compte des préoccupations des créateurs numériques et y répond en recalibrant son approche en ce qui concerne les médias sociaux.

La découvrabilité peut également prendre diverses formes, comme nous avons pu l’entendre au cours de l’étude au comité. La découvrabilité est un objectif, et le CRTC pourra consulter les intervenants de l’industrie pour définir la découvrabilité dans un environnement en ligne. Quoi qu’il en soit, les créateurs numériques ne seront pas soumis à cette réglementation, car ils seront exemptés du projet de loi.

Comme le ministre l’a dit à plusieurs reprises : le projet de loi concerne les obligations des plateformes, pas des utilisateurs. Je l’ai dit dans mon discours l’année dernière. Je le répète dans mon discours cette année.

En résumé, ces dispositions garantissent que les services de médias sociaux contribuent au système canadien de radiodiffusion de manière juste et équitable lorsqu’ils fournissent les mêmes services que les radiodiffuseurs traditionnels et les autres diffuseurs en ligne. Par ailleurs, cela peut se faire dans le respect des droits, des libertés et des choix des Canadiens en ligne.

Pour mieux comprendre pourquoi il est urgent d’agir, examinons la réalité économique actuelle du secteur.

La radiodiffusion est un important moteur économique qui soutient les industries créatives et l’identité culturelle en évolution du Canada.

Ensemble, les secteurs canadiens de la radiodiffusion, du cinéma et de la vidéo, de la musique et de l’enregistrement sonore contribuent au PIB du Canada à hauteur de 14 milliards de dollars et génèrent plus de 160 000 emplois. Je parle à mon collègue grand financier pour bien montrer l’importance de ces secteurs.

Pourtant, au cours des 10 dernières années, le taux d’abonnés aux services de diffusion en continu est passé de 6 % à 78 % au Canada. Même en nous limitant aux dernières années, on peut constater que les services de diffusion en continu ont connu une croissance rapide et substantielle de leurs revenus, alors que les radiodiffuseurs traditionnels ont vu les leurs diminuer.

Ce n’est pas une surprise. Après tout, nous savons que le monde de la radiodiffusion a changé. En plus de cette nouvelle réalité, le secteur canadien de la radiodiffusion est confronté à des changements structurels à long terme.

Si nous n’intervenons pas, les tendances actuelles du marché devraient entraîner une baisse de la production des contenus télévisuels canadiens. En 2020, nous avions déjà constaté une baisse de 320 millions de dollars de la production par rapport à 2018.

Il faut soutenir le système à long terme pour que les créateurs, les producteurs et les diffuseurs canadiens puissent continuer à avoir du succès. C’est l’objet de cette modernisation. C’est ce que la Loi sur la diffusion continue en ligne permettra de réaliser.

Le statu quo est inacceptable.

La politique culturelle est l’élément principal de ce projet de loi. Préserver la viabilité du système canadien de radiodiffusion, c’est aussi protéger notre souveraineté culturelle. La culture peut jouer un rôle dans le processus de vérité et réconciliation auprès des peuples autochtones et dans la guérison.

Ce sont là quelques-unes des questions de politique culturelle qu’aborde la Loi sur la radiodiffusion. Celle-ci vise à assurer que notre système de radiodiffusion sera plus équitable, plus inclusif, qu’il soutiendra le gagne-pain des artistes et des créateurs canadiens et qu’il mettra en valeur la vie des Canadiens qui veulent se voir davantage à l’écran et en chanson.

Ce projet de loi offre des gains tangibles pour les Canadiens. Ces gains sont la pierre angulaire de la survie des médias, des stations de nouvelles locales, de la langue française, des communautés racialisées, de la programmation multilingue, et plus encore.

Au comité, les témoins nous ont dit que ces mesures législatives procureront plus de marge de manœuvre aux producteurs de contenu dans leur créneau respectif.

Des témoins ont demandé à ce que les radiodiffuseurs étrangers soient soumis aux mêmes règles que les radiodiffuseurs locaux. Kevin Desjardins, président de l’Association canadienne des radiodiffuseurs, l’a exprimé en termes clairs quand il a témoigné devant le comité :

Les radiodiffuseurs canadiens ont désespérément besoin de clarté et de certitude en matière de réglementation. Ils ont besoin de connaître les règles qui s’appliqueront à eux et à leurs concurrents étrangers pour planifier leurs activités, et ils ont besoin de savoir que ces règles seront justes et équitables. Les radiodiffuseurs canadiens sont prêts à faire face à la concurrence, mais ils ne peuvent le faire dans un système qui permet à des acteurs de plus en plus dominants de prendre tout ce qu’ils veulent et de ne redonner que ce qu’ils veulent.

Qui plus est, le projet de loi vise à réserver une place aux récits et aux langues autochtones dans notre système de radiodiffusion. Monika Ille, cheffe de la direction du Réseau de télévision des peuples autochtones a déclaré ce qui suit à notre comité :

Le projet de loi contient également des références supplémentaires quant au soutien des programmes en langue autochtone. La section sur la politique réglementaire de l’alinéa 5(2)a) de la Loi sur la radiodiffusion exigera du CRTC qu’il tienne compte des différentes caractéristiques de la radiodiffusion en français, en anglais et en langue autochtone ainsi que des besoins et des intérêts des peuples autochtones. C’est la première fois que le contenu en langue autochtone est placé sur un pied d’égalité avec le contenu en langues anglaise et française dans la loi.

Chers collègues, nous faisons de véritables progrès avec ce projet de loi.

Honorables sénateurs, j’aimerais passer en revue le processus qui se déroulera après la troisième lecture du projet de loi. Si nous adoptons une loi différente de celle adoptée à l’autre endroit, le projet de loi sera renvoyé à la Chambre des communes pour qu’elle examine nos amendements. La Chambre des communes a le choix entre accepter tous nos amendements, accepter certains d’entre eux, ou n’en accepter aucun. Peu importe ce qu’elle fait, nous recevrons un message de l’autre endroit nous informant de sa décision.

Notre objectif est de nous entendre sur le même texte de loi. Une fois cet objectif atteint, le projet de loi recevra la sanction royale. Ensuite, le gouvernement émettra une orientation stratégique au CRTC. Une orientation stratégique est souvent utilisée pour indiquer à une organisation comment mettre en œuvre des politiques importantes. L’orientation stratégique du CRTC indiquera les priorités en ce qui concerne la mise en place du nouveau cadre réglementaire.

L’orientation stratégique a deux objectifs principaux. Premièrement, elle mettra l’accent sur l’importance de la consultation et de la prise en compte particulière des besoins des groupes visés par l’équité. Deuxièmement, l’orientation stratégique indiquera clairement les domaines où la réglementation est nécessaire, ainsi que les domaines où il faut faire preuve de prudence.

Après la publication de l’orientation stratégique, tous les intervenants, y compris les personnes du public, disposeront d’au moins 30 jours pour faire part de leurs commentaires. Permettez-moi d’insister : nous mettons en place un processus réglementaire, tout comme dans d’autres secteurs. Cela signifie qu’il y aura la publication de l’orientation stratégique proposée, suivie de la possibilité, pour les personnes du public, de formuler des commentaires, puis l’orientation stratégique finale sera publiée.

Le CRTC, à son tour, aura son propre processus public au fur et à mesure qu’il élaborera des mesures pour mettre en œuvre la législation. Cela se fera dans les limites claires établies par la législation et conformément à l’orientation stratégique proposée.

Pour résumer, avant que la loi soit mise en œuvre, le CRTC va recevoir une orientation politique du gouvernement. Cette orientation politique aura deux objectifs : mettre l’accent sur le besoin de consultations publiques auprès des membres des communautés marginalisées et mettre en évidence, clairement, les domaines où la réglementation est nécessaire. Par l’entremise d’audiences, les personnes du public auront ensuite l’occasion d’exprimer leurs points de vue.

Ensuite, la version définitive de l’orientation stratégique sera publiée. Le CRTC commencera à mettre en œuvre la législation par l’entremise de son propre processus. C’est ce que nous avons entendu durant les séances du comité.

Voici ce que M. Ripley, du ministère du Patrimoine canadien, a communiqué au Comité sénatorial permanent des transports et des communications en ce qui concerne le processus :

Lorsque le projet de loi aura reçu la sanction royale, le CRTC entreprendra ses processus réglementaires et ses audiences en vue de mettre en place les instruments réglementaires nécessaires pour intégrer les plateformes de diffusion continue au système. Pour ce qui est de la pratique, le CRTC est habitué à tenir ce genre d’audiences. Il publiera un avis et demandera des propositions sur les formes que devraient prendre les règlements. Toutes les parties intéressées pourront participer à ces processus, notamment les plateformes de diffusion en continu, la communauté artistique du Canada et les groupes qui représentent les intérêts publics. Par la suite, le CRTC prendra une décision, qu’il rendra publique.

Le projet de loi sur la diffusion continue en ligne offre de nombreuses possibilités. Elle offre la possibilité d’atteindre une plus grande diversité de perspectives, de réaliser et de cimenter des gains pour de nombreuses communautés et d’assurer un soutien inclusif au sein de notre secteur de la radiodiffusion. Le secteur de la radiodiffusion canadienne est très diversifié. Nous sommes chanceux de bénéficier de producteurs de contenu qui viennent de divers milieux. Je pense par exemple à la chaîne OUTtv, qui offre du contenu LGBTQ+ ou à la chaîne APTN, qui offre du contenu autochtone.

Le projet de loi sur la diffusion continue en ligne va donner la possibilité aux Canadiens et aux Canadiennes de diversifier le contenu qu’ils consomment. Pour offrir une plus grande diversité de perspectives et un soutien inclusif qui représentent nos communautés et les Canadiens d’origines diverses et s’alignent sur eux, nous devons avoir un système de radiodiffusion qui reflète l’importance de la diversité et de l’inclusion.

Il est important de souligner que le projet de loi C-11 s’attaque à un problème urgent et de longue date; les déséquilibres dans la radiodiffusion canadienne pour les groupes en quête d’équité n’ont jamais reçu ce soutien.

Le projet de loi C-11 renforce notre système de radiodiffusion en incluant dans la politique de radiodiffusion des objectifs explicites exigeant l’inclusion de tous les Canadiens.

Il renforce aussi l’exigence d’offrir une programmation accessible et sans obstacle. Avoir une radiodiffusion accessible et inclusive n’est pas une considération secondaire. Ces deux aspects sont des piliers fondamentaux sur lesquels il faut s’appuyer.

En matière de diversité et d’inclusion, l’un des objectifs du projet de loi est de mettre l’accent sur les voix diverses et marginalisées. Par exemple, les Autochtones, les personnes racisées, les communautés 2ELGBTQI+, les personnes en situation de handicap et les femmes doivent être représentés à l’écran et en coulisses.

Historiquement, ces voix ont été sous-représentées dans notre système de radiodiffusion. On veut étendre le choix de contenu pour tous les téléspectateurs et auditeurs qui se reconnaissent difficilement dans les contenus qui reflètent peu ou pas leurs réalités. Pour atteindre cet objectif, le système de radiodiffusion doit soutenir et promouvoir des émissions et des créateurs issus de communautés et d’origines diverses.

On ne peut modifier le système de radiodiffusion sans s’assurer que les Canadiens de toutes les communautés et origines se sentent représentés et appuyés. Certains déplorent que cette modernisation entraînera la perte de marchés spécialisés, mais ce n’est tout simplement pas vrai. Le projet de loi fait de la place à tous les marchés. Il s’agit d’une mesure qui confirme qu’en plus d’accueillir la diversité, le Canada est un pays qui la favorise et en appuie la création.

La réforme de la radiodiffusion peut soutenir les récits, la musique et la culture des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Le gouvernement a entendu les demandes des peuples autochtones, des Inuits et des Métis. Il est clair qu’il faut mettre l’accent sur les récits, la souveraineté narrative et la création de contenus autochtones. Le projet de loi C-11 permettra d’améliorer considérablement le système de radiodiffusion canadien afin que, pour la première fois, il reflète mieux les relations avec les peuples autochtones.

Je signale en particulier que le nouveau cadre de radiodiffusion fera de la place — peu importe la disponibilité des ressources — aux diverses perspectives des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Les communautés autochtones sont prêtes à créer et à diffuser davantage de contenu. Ce sont les ressources qui faisaient défaut avant la présentation du projet de loi C-11.

Je cite le codirecteur exécutif du Bureau de l’écran autochtone, Jesse Wente:

Nous croyons que l’objectif fondamental devrait être la modernisation des définitions touchant la radiodiffusion et les projets de radiodiffusion, afin de veiller à ce que les communautés marginalisées aient un accès ainsi que du soutien équitables, en plus de mesures de soutien spécifiques pour les conteurs autochtones et la radiodiffusion en langues autochtones. Nous croyons que les nouvelles plateformes, même celles établies à l’étranger, devraient contribuer financièrement à soutenir le secteur du conte canadien, et cela devrait aussi comprendre les mesures de soutien réservées aux conteurs autochtones.

Chers collègues, c’est ce que fera le projet de loi C-11. Il enlève la limite précédente selon laquelle le système canadien de radiodiffusion devait offrir une programmation qui reflète les cultures du Canada, « au fur et à mesure de la disponibilité des moyens ». C’est ainsi que ce doit être. Les choses auraient toujours dû être ainsi.

Les nouvelles technologies et plateformes peuvent contribuer à la revitalisation des langues autochtones. Il est navrant de savoir que, selon l’Atlas des langues en péril dans le monde, publié par l’UNESCO, de nombreuses langues autochtones, telles que l’oneida, le cayuga et le seneca, sont sur le point de disparaître.

Créer un espace où les Autochtones ont une souveraineté narrative est important, et cette mesure appuiera nos efforts pour revitaliser les langues autochtones. La modernisation de la loi inclut des changements pour aider les Autochtones à raconter leurs histoires de leur point de vue et à se sentir représentés dans le système canadien de radiodiffusion. Le projet de loi souligne l’importance des productions et des services de radiodiffusion dirigés par des Autochtones.

La programmation de langue française est une pierre angulaire de l’avenir de l’industrie canadienne de la radiodiffusion.

Le projet de loi C-11 renforce le contenu et la production originale de langue française qui ne devraient pas s’appuyer uniquement sur le doublage et le sous-titrage. Les radiodiffuseurs traditionnels autant que ceux qui diffusent en ligne doivent mettre en valeur le contenu original de langue française sur leurs plateformes.

Des voix s’élèvent de plus en plus pour affirmer que l’offre étrangère est majoritairement en anglais et disproportionnée par rapport à l’offre de contenu et à la production originale en français. Pourtant, les besoins des communautés francophones sont très importants partout au pays.

Nous avons entendu, au comité, à quel point les organismes de défense des droits des communautés de langues officielles en situation minoritaire sont satisfaits des dispositions linguistiques incluses dans le projet de loi C-11. La directrice générale de l’Alliance des producteurs francophones du Canada (APFC), Carol Ann Pilon, a fait part de ce qui suit au comité :

L’APFC a salué la portée historique du projet de loi C-11 sur l’écosystème audiovisuel canadien, particulièrement la considération formelle des CLOSM, qui assigne désormais au système de radiodiffusion dans son ensemble des objectifs visant à refléter leur situation et leurs besoins particuliers.

Je constate que le sénateur Cormier écoute ce passage avec beaucoup d’attention.

Grâce à un accord entre le principal distributeur de films du Québec, Les Films Séville et les services de diffusion en continu, Netflix Canada, Club illico et ICI Tou.tv, nos films francophones favoris peuvent atteindre de nouveaux publics et générer de nouveaux revenus. Des occasions comme celle-ci et bien d’autres continueront de se présenter au marché créatif francophone à mesure que le monde prendra conscience de sa voix vibrante.

En tant que sénateur du Québec, j’estime qu’il est particulièrement important d’assurer un soutien continu au marché québécois des médias audiovisuels. En particulier, j’aimerais mettre l’accent sur la réalité des francophones et des anglophones en situation minoritaire. La dualité linguistique au Canada est ancrée dans notre système canadien de radiodiffusion. La législation répond aux besoins et intérêts propres aux communautés francophones et anglophones en situation minoritaire partout au pays, qui demandent dorénavant d’être identifiées et nommées dans la loi afin d’assurer leur épanouissement et leur développement à long terme.

La Loi sur la radiodiffusion contient certains objectifs pour les minorités anglophones et francophones. Elle précise que toute interprétation et mise en œuvre de la loi doit respecter la volonté du gouvernement fédéral de favoriser l’épanouissement de ces communautés, soutenir leur développement et assurer la reconnaissance et l’usage des langues officielles dans la société canadienne. Le CRTC doit également mettre en valeur la présentation d’émissions créées et produites par ces communautés, en plus de prendre en compte les besoins et les intérêts qui leur sont propres.

Le système de radiodiffusion, y compris les nouveaux acteurs numériques, constitue un vaisseau important pour la transmission de la langue et de la culture au Canada.

Honorables sénateurs, nous devons agir maintenant. Nos artistes constituent une source d’inspiration, car ils insufflent chaque jour de l’oxygène et du dynamisme dans les diverses communautés canadiennes. Ils revitalisent l’esprit de notre culture. Ils valorisent et célèbrent le patrimoine canadien. Ils nous font rire, nous émeuvent et nous amènent à réfléchir sur ce que nous sommes. Ils sont là pour nous, et nous devons être là pour défendre leurs intérêts. Bref, le projet de loi vise à promouvoir et à protéger la culture en cette ère numérique.

Il est clair qu’il faut moderniser la Loi sur la radiodiffusion. Le projet de loi a reçu un large appui dans l’ensemble des industries culturelles canadiennes. Par surcroît, il s’agit d’une mesure qui sert l’intérêt public. Elle vise à permettre de continuer à défendre les valeurs canadiennes dans notre société à un moment où la technologie et les habitudes des consommateurs évoluent. Après tout, outre des citoyens et des gens, ne sommes-nous pas aussi des consommateurs et des auditoires?

Le ministre du Patrimoine canadien a l’habitude de dire qu’une journée sans culture serait « ben plate », et je suis d’accord avec lui. Le monde observe actuellement ce que nous faisons; nous sommes en train de tracer la voie. J’espère qu’ensemble, nous ferons partie de la solution.

Comme je l’ai expliqué, le comité dont je fais partie a patiemment écouté toutes les personnes qui souhaitaient faire entendre leur voix. Les secteurs canadiens de la radiodiffusion et de la culture ont eux aussi attendu patiemment. Chers collègues, j’estime que nous avons fait preuve de suffisamment de patience. Le temps est venu d’agir et d’adopter ce projet de loi. Merci.

L’honorable Leo Housakos [ + ]

Le sénateur Dawson accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Dawson [ + ]

Toujours, lorsque la question vient de vous.

Son Honneur le Président [ + ]

Le sénateur Housakos dispose de trois minutes et demie.

Le sénateur Housakos [ + ]

Il demandera peut-être cinq minutes de plus. En trois minutes, je n’aurai le temps que de poser une très brève question précédée d’un bref préambule.

Chers collègues, comme nous le savons tous, les créateurs de contenu numérique au Canada sont le moteur des plateformes. Quelle que soit la plateforme — YouTube, TikTok, Twitter —, ce sont les créateurs de contenu numérique qui en sont le moteur. Par conséquent, sénateur Dawson, si vous êtes sincère lorsque vous dites « les plateformes, oui; les utilisateurs, non » — et vous l’avez dit, de même que le gouvernement —, accepteriez-vous un amendement qui stipule noir sur blanc « les plateformes, oui; les utilisateurs, non »? Le cas échéant, si nous convenons tous d’inscrire cette affirmation noir sur blanc dans le projet de loi, nous l’adopterions à l’unanimité et nous pourrions passer à autre chose. Seriez-vous disposé à adopter et à appuyer un amendement et à ajouter noir sur blanc ce que vous avez toujours dit?

Le sénateur Dawson [ + ]

Nous n’avons cessé de répéter pendant les réunions, ainsi qu’aux témoins qui ont comparu devant le comité, que les créateurs numériques ne seront pas contrôlés par le gouvernement. Il s’agissait peut-être d’une interprétation valide dans l’ancien projet de loi C-10. Le gouvernement a été clair lorsqu’il a présenté le projet de loi C-11. Tenter de trouver un amendement qui dit « les plateformes, oui; les utilisateurs, non » peut être une idée séduisante qui fait vendre des cartes de membre, mais cela ne contribue certainement pas à améliorer le projet de loi.

Le sénateur Housakos [ + ]

Sénateur Dawson, il ne s’agit pas de séduire qui que ce soit, mais plutôt de tenir compte des centaines de milliers de Canadiens qui, à l’heure actuelle, sont des créateurs indépendants de contenu généré par les utilisateurs et qui veulent obtenir des garanties. Tout ce que nous demandons au gouvernement, c’est d’inscrire ce que vous affirmez noir sur blanc dans le projet de loi. Pourquoi hésite-t-on à inscrire cela dans le projet de loi au lieu de se contenter de dire aux Canadiens qu’ils peuvent avoir l’assurance que cette promesse sera tenue?

Le sénateur Dawson [ + ]

Encore une fois, vous avez assisté à toutes les réunions avec moi. Le gouvernement a toujours répété que les créateurs de contenu numérique ne sont pas visés. Nous n’avions pas besoin d’essayer de trouver une façon créative d’amender le projet de loi pour atteindre votre objectif. Le projet de loi indique clairement qu’il ne s’applique pas aux créateurs de contenu numérique.

Le sénateur Housakos [ + ]

Sénateur Dawson, convenez-vous que, lorsque l’ancien président du CRTC est venu témoigner dans le cadre de la même étude en comité, il a indiqué clairement qu’il avait le pouvoir, en vertu de l’ancienne version de la Loi sur la radiodiffusion et des dispositions actuelles du projet de loi, de forcer les plateformes à manipuler des algorithmes pour obtenir certains résultats en ce qui concerne le contenu généré par les utilisateurs? Est-ce exact?

Le sénateur Dawson [ + ]

Je ne veux pas revenir sur ce que nous avons fait pendant les deux ans et demi où nous avons débattu de la question et où certains ont essayé de semer un peu la peur en affirmant que l’on retirerait aux gens le droit de créer et de s’exprimer. Ce n’est pas l’objectif du projet de loi. Ce ne l’a jamais été. Je ne sais pas combien de fois nous devrons vous dire, sénateur Housakos, que cela ne sera pas le cas. J’essaie d’être créatif — je sais que vous défendiez ardemment un objectif politique — et tout le monde ici sait que le fait de vous présenter à la télévision et de parler du projet de loi vous a été très profitable en matière de collecte de fonds, mais, en réalité, vous avez présenté aux Canadiens de fausses questions à propos du projet de loi. Il m’attriste de devoir dire qu’au cours des dernières semaines au Sénat, c’est la première fois que je vous ai vu adopter une telle approche, parce que vous avez toujours procédé de manière assez transparente. Mais, en ce qui concerne le projet de loi, pour une raison que j’ignore, vous avez décidé d’être très agressif. En tant que président du comité, vous ne l’avez certainement pas été, et nous avons accepté tous les témoins que vous nous avez demandé d’entendre. Nous avons accepté tous les créateurs de contenu numérique que vous avez inscrits sur la liste. Chacun d’entre eux a comparu devant le comité, et nous n’avons cessé de leur dire : « Quelqu’un vous a dit cela, mais ce n’est pas vrai, vous ne serez pas contrôlés par le projet de loi. » Vous pouvez continuer à le dire, mais cela ne deviendra pas la vérité même si vous le répétez dans votre discours plus tard cette semaine.

Son Honneur le Président [ + ]

Le temps de parole du sénateur Dawson est écoulé. Sénateur Dawson, demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Dawson [ + ]

J’ai déjà eu 45 minutes, mais je demande cinq minutes de plus, oui.

Son Honneur le Président [ + ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

L’honorable Paula Simons [ + ]

Sénateur Dawson, je ne sais trop que penser en écoutant tout ce badinage parce qu’il me semble qu’au comité, nous avons adopté un amendement au paragraphe 4.2(2), dont je vais parler en détail dans mon discours. Cet amendement ne répond-il pas précisément à la question soulevée par le sénateur Housakos?

Le sénateur Dawson [ + ]

Oui, mais vous n’avez pas employé ces jolis petits mots dans... Il veut une simple... C’est-à-dire que l’amendement que vous avez proposé et qui a été adopté sera renvoyé au Sénat une fois le projet de loi adopté. Il atteint l’objectif qui consiste à préciser ce point. Nous aurions pu tenter de le préciser davantage, mais je ne pense pas que si vous aviez employé d’autres termes, cela aurait changé l’attitude de l’opposition officielle au sujet du projet de loi. Je ne vois pas ce que vous auriez pu faire à part cet amendement.

La sénatrice Simons [ + ]

N’êtes-vous pas d’accord, Sénateur Dawson, pour dire que ce problème devait être réglé? Le sénateur Housakos n’a pas tort en ce sens que le projet de loi, en raison de son libellé sur les revenus, semblait englober le contenu généré par les utilisateurs. Êtes-vous donc du même avis, et le gouvernement appuiera-t-il l’amendement que la sénatrice Miville-Dechêne et moi avons cosigné pour qu’il soit absolument clair que le contenu généré par les utilisateurs n’est pas concerné?

Le sénateur Dawson [ + ]

Je pense que l’amendement tel que présenté sera débattu au cours de cette semaine, et que vous pourrez en parler plus tard. Il apparaîtra dans le projet de loi lorsque celui-ci sera renvoyé à la Chambre des communes. Je ne peux pas présumer — et je ne serai plus là pour le faire — de ce que le gouvernement fera de votre amendement, mais il a été adopté par le Comité. Il sera adopté, j’en suis presque sûr, par le Sénat, et nous verrons ce qui se passera ensuite. Il serait un peu compliqué d’essayer de clarifier ce qui a déjà été clarifié.

Le sénateur Housakos [ + ]

Je suis heureux que la sénatrice Simons reconnaisse le problème que j’ai souligné, et elle a tout à fait raison. Son amendement constitue un pas dans la bonne direction, mais il pourrait être beaucoup plus clair en disant simplement que les plateformes ont des obligations, mais pas les utilisateurs — que ce soit écrit noir sur blanc, sans ambiguïté —, et avec un peu de chance, le gouvernement l’acceptera.

Sénateur Dawson, la raison pour laquelle j’ai connu beaucoup de succès dans l’opposition du point de vue de la collecte de fonds et de l’obtention de soutien au sujet de ce projet de loi, c’est qu’il préoccupe des centaines de milliers de Canadiens. On l’a constaté au comité. C’est pourquoi j’ai fait preuve d’un peu plus de vigueur que d’habitude dans la lutte contre cette mesure législative. C’est parce que des centaines de milliers de créateurs de contenu au Canada ont l’impression que leur gagne-pain est menacé.

Sénateur Dawson, voici la dernière question que je vous adresse : seriez-vous d’accord pour affirmer que la culture et les arts canadiens n’ont jamais connu autant de croissance qu’au cours de la dernière décennie? Les producteurs, les écrivains et les acteurs ont plus de travail et ils génèrent plus d’argent, de revenus et de contenu canadien diffusé dans le monde entier. Seriez-vous d’accord pour dire que c’est grâce à Internet? Ne pensez-vous pas que nous devrions encourager tout cela plutôt que d’essayer d’imposer les limites du monde de la radiodiffusion, qui constitue un échec, de toute évidence?

Le sénateur Dawson [ + ]

Cette croissance de la culture canadienne est fondée sur les lois qui ont été adoptées ici, que ce soit en 1991 ou lors de la création du CRTC il y a 50 ans. Nous nous sommes donné une structure. Bien entendu, il existe des mesures de contrôle. Je sais que vous n’aimez pas cette expression, mais il y en a. Si nous avons une culture...

Je parle plus particulièrement du Québec et des francophones du Canada. Si nous n’avions pas eu de lois culturelles, comme la Loi sur la radiodiffusion que nous nous sommes donnée, si nous n’avions pas le CRTC et si nous n’adoptions pas cette loi aujourd’hui, notre culture serait affaiblie.

On ne peut pas jouer avec des règles traditionnelles à cause de tous les changements sur le plan de la technologie. Nous devons adopter des lois pour nous adapter.

C’est totalement disproportionné ce que l’on reçoit comme information, en anglais en particulier, par comparaison au français. On doit s’assurer que l’on donne les outils nécessaires aux producteurs francophones en particulier, au Québec et à l’extérieur du Québec, pour assurer la protection de leur culture. Ce n’est pas nécessairement l’une de vos priorités, mais pour moi, ce l’est depuis que je suis ici. Ce l’était quand j’étais député et ce le sera quand je quitterai le Parlement. Je crois que la défense de la culture doit se faire par le Parlement, grâce à des lois et à des structures qui donnent la possibilité aux producteurs culturels canadiens non seulement d’être protégés, mais d’avoir du soutien afin de promouvoir leurs objectifs.

L’honorable Julie Miville-Dechêne

Je voulais vous poser une question sur les utilisateurs qui ne devraient pas être couverts et les plateformes qui devraient être couvertes par le projet de loi. N’est-il pas vrai que, parmi les utilisateurs, il y a des créateurs de contenu, mais aussi beaucoup de musiciens et d’artistes québécois qui sont propulsés sur YouTube par des maisons de disques? Ces gens-là font également partie du projet de loi C-11. On ne peut pas mettre tous les utilisateurs de YouTube dans le même panier.

Le sénateur Dawson [ + ]

Ces gens-là, comme vous le dites, appuient le projet de loi C-11.

C’est exact.

L’honorable David Richards [ + ]

Honorables sénateurs, selon moi, ce projet de loi est très problématique. C’est de la censure sous le couvert de l’inclusion nationale. Je ne suis pas un expert d’Internet; je ne l’ai jamais été. À 72 ans, je doute que je le sois un jour. Je m’y connais toutefois en art et je ne suis pas étranger aux questions de créativité. Je me concentrerai donc sur cet aspect.

Chers collègues, Cicéron a écrit un essai intitulé Seconde Philippique, qui visait à dénoncer l’utilisation du pouvoir de l’État pour limiter la liberté de pensée et la liberté d’expression — ainsi que le pouvoir d’un homme, Marc Antoine. C’est une proclamation géniale qui montre tout le talent et le courage de Cicéron. Elle a été prononcée devant le Sénat romain, et Cicéron a payé de sa vie pour l’avoir écrite. Ses mains ont été tranchées et remises à Marc Antoine en tant que preuve qu’il n’écrirait plus jamais. Cicéron vivait à une époque dangereuse.

Lorsque Vassili Grossman a terminé Vie et destin, sa fresque sur la bataille de Stalingrad, l’ouvrage devait être sanctionné par la section culturelle du comité central, le sage groupe d’experts soviétiques sur les arts et la culture. Un an plus tard, le verdict est tombé : l’œuvre était anti-soviétique. Les membres du groupe ont refusé qu’elle soit publiée. Elle est disponible aujourd’hui. C’est évidemment un roman magnifique qui illustre comment le fascisme et le communisme sont des reflets l’un de l’autre en raison de leur dépravation et de leur mépris de la liberté humaine.

Il y a une excellente scène dans ce livre où une vieille babushka aperçoit un jeune Allemand sortir de la dernière poche de résistance allemande en janvier 1943. Elle est prête à lui hurler des bêtises et à lui cracher dessus pour ce qu’il a fait subir à son peuple, mais voyant ce garçon de 19 ans, un soldat du destin, maintenant terrifié, affamé et seul, elle s’arrête et lui tend un morceau de pain.

C’est le clou de ce livre, car c’est un moment qui illustre la vraie nature russe, la vraie nature humaine et son universalité, que la façon de combattre une telle violence mécanisée et une telle haine, c’est de simplement faire preuve de compassion et de pardonner. C’est une chose qui se fait beaucoup trop rare de nos jours au Canada et partout ailleurs.

Je crois que, dans l’ensemble, nous sommes récemment devenus un pays de créateurs de boucs émissaires et de calomniateurs. Nous lançons des accusations et jetons l’opprobre tout en nous disant une société conscientisée. À l’origine des comités culturels, il y a tout autant les préjugés et les craintes que n’importe quoi d’autre. J’ai vu assez de comités artistiques pour le savoir.

George Orwell dit que nous devons résister à la prison de l’autocensure. Ce projet de loi en fait beaucoup pour ériger une telle prison.

L’ouvrage Le Premier cercle d’Alexandre Soljenitsyne a également été sorti clandestinement du bloc soviétique. L’une des grandes scènes de ce roman est celle où un romancier, favori de Staline, s’assoit pour écrire un roman en se disant: « Je vais maintenant écrire la vérité ». Toutefois, sentant dans son esprit le regard de Staline, il décide qu’il ne peut pas le faire et dit: « Le prochain roman sera le vrai. »

L’idée qu’une entité politique hiérarchisée décide de ce qu’une femme ou un homme est autorisé à écrire pour se conformer à un programme national proscrit est horrible. Je me demande si quelqu’un dans le personnel de notre ministre du Patrimoine canadien comprend cela. En Allemagne, on l’appelait le ministère national de l’Éducation du peuple, et chaque radio était dirigée par Joseph Goebbels — une manipulation idéologique totale au nom de la pureté nationale.

Aucun décret du CRTC ne pourrait, de quelque façon que ce soit, nous dire quel contenu canadien devrait ou ne devrait pas exister ni qui devrait être autorisé à sortir la tête du nouvel obscurantisme que nous avons crée. Comme la proclamation d’Orwell, le projet de loi lui-même suggère une plateforme qui décrète : « Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres. » Et le projet de loi C-11 indique clairement de qui il s’agit.

Je ne parle pas uniquement d’Internet, car je suis trop vieux pour bien le connaître, mais je sais que cela aura des répercussions sur tout ce que nous créerons et que des représentants du gouvernement viendront nous dire, règlement à la main, si notre contenu est suffisamment canadien ou, pire, qui peut écrire quoi au sujet de qui.

J’ai déjà connu cela. Vous voyez, je ne suis pas suffisamment canadien. Je ne l’ai jamais été. J’ai grandi dans une région de l’Est du Canada appelée les Maritimes et j’ai lutté pour le moindre pouce de sol de mon monde fictif qui, pendant des années, a rejeté qui j’étais et, surtout, ceux qui étaient l’objet de mes écrits. J’ai fait cela sans me plaindre, mais je sais qui sont les gardiens. Ils sont toujours là, à nous dire que le projet de loi C-11 représente un progrès, que nous sommes plus compréhensifs et que notre système de valeurs a évolué et qu’il est devenu inclusif. Une telle affirmation est manifestement destinée aux personnes dont ils ont besoin pour les soutenir et qu’ils souhaitent influencer, mais elle constitue une insulte terrible à l’endroit des grands écrivains de mon pays que je connais.

Cette mesure n’ouvre pas la porte à la grandeur, mais plutôt à la conformité. Les écrivains que je connais n’ont pas besoin de satisfaire à un programme, pas plus que les compositeurs ou les blogueurs, d’ailleurs. Lorsque ce projet de loi parle de la façon dont nous avons évolué, il ne fait que parler de conformité.

Certaines des personnes qui ont évolué dans le néo-Canada ont déchiré des livres et rayé nombre d’auteurs que j’ai admirés : c’est l’évolution de l’attitude moralisatrice et l’avancement de l’étouffement des voix des gens avec qui nous sommes en désaccord. Avec ce projet de loi, nous entrons dans le monde que nous avons combattu pendant les 70 dernières années. Le projet de loi C-11 est peut-être plus subtil que la Stasi allemande ou la section culturelle du comité central de l’ancienne Union soviétique, mais qu’on ne pense jamais qu’ils ne sont pas étroitement liés.

La nature même du projet de loi laisse à croire à un favoritisme mis en œuvre par une connaissance notionnelle de ce que le Canada devrait être et des groupes auxquels nous aurions dorénavant le droit d’attribuer nos maux.

Le projet de loi porte aussi à croire qu’il n’y a pas de communication ni d’interaction entre les auteurs des diverses origines ethniques. Cette politique identitaire est positive, car elle enseigne à une société fade de nouvelles façons de voir les choses ou des traumatismes pour lesquels seules certaines personnes sont autorisées à raconter leur expérience. C’est la balkanisation de la liberté d’expression. C’est faire preuve d’une étroitesse d’esprit telle que cela vient à l’encontre du principe même qu’elle propose, en plus de contredire les paroles de Térence prononcées il y a plus de 2 000 ans : « Je suis un homme; j’estime que rien d’humain ne m’est étranger. » Autrement dit, nous comprenons ce à quoi nous nous identifions, pas parce que l’on nous l’a enseigné.

Dans le cadre d’une soirée de lecture où j’avais présenté mon œuvre au Harbourfront Centre, à Toronto, deux personnes se sont approchées de moi. L’une était Roddy Doyle, un grand auteur irlandais, qui voulait m’exprimer à quel point il était un fervent admirateur de mes œuvres depuis longtemps. L’autre était Richard Wagamese, un auteur membre des Premières Nations, qui voulait de dire qu’il avait commencé à écrire parce qu’il avait été inspiré par mes œuvres. J’avais devant moi un Irlandais et un membre des Premières Nations qui vivaient à des milliers de kilomètres l’un de l’autre. Le fait d’écrire avait très peu à voir avec la politique identitaire, mais beaucoup à voir avec le fait de s’identifier à quelque chose.

Je ne sais pas qui pourrait me dire ce que le contenu canadien est ou n’est pas. Je sais par contre que ce jamais le ministre du Patrimoine canadien ne pourra me le dire.

Bon sang, nous n’avons toujours pas réalisé d’excellents films sur le hockey, le débarquement sur la plage Juno, le raid de Dieppe ou les jeunes Canadiens qui ont combattu jusqu’à la mort à Hong Kong. Nos acteurs, chanteurs et auteurs sont partis également par nécessité, car trop de gens au pouvoir ne connaissent rien à ce genre de choses.

Notre talent a été découvert dans le monde entier, mais pas grâce au ministre du Patrimoine.

Nos livres et nos films ont fait le tour du monde, mais ce n’est pas grâce à une quelconque formule. Nous avons insulté bon nombre de nos auteurs, chanteurs, acteurs et peintres en ne faisant pas attention à eux, et en ne nous réclamant d’eux qu’une fois qu’ils sont ailleurs. Ils ne reviennent que pour être décorés de l’Ordre du Canada et louangés à Rideau Hall.

Drake est connu mondialement non pas grâce au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC. Dieu merci, sa renommée ne dépendait pas du CRTC, pas plus que celle de Leonard Cohen ou de Gordon Lightfoot.

Comme nous pouvons le constater, nous sommes retournés à l’époque de Cicéron sans même nous en rendre compte. À cette époque, trouver un bouc émissaire à livrer au tribunal populaire était considéré comme une bénédiction et une forme de justice. C’est d’ailleurs le Christ qui nous a appris que cette pratique n’était qu’une vaste supercherie et qui, au moment de sa mort, nous a exhortés à ne plus jamais revenir à cette époque.

La loi fera un bouc émissaire de tous ceux qui ne correspondent pas à ce que les fonctionnaires pensent que le Canada devrait être. Staline regardera de nouveau par-dessus notre épaule tandis que nous écrirons.

Nous en avons fait du chemin depuis Cicéron.

Merci beaucoup.

Le sénateur Housakos [ + ]

Le sénateur accepte-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Richards [ + ]

Oui.

Le sénateur Housakos [ + ]

Sénateur Richards, nous avons entendu à maintes reprises — et nous l’avons encore entendu de la bouche du parrain du projet de loi aujourd’hui — pourquoi le Canada doit protéger la culture canadienne. Encore une fois, et je l’ai dit plusieurs fois, je pense que la culture canadienne n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui. Que ce soit nos écrivains, nos producteurs, nos acteurs, nos chanteurs — nous avons vu ce que les plateformes modernes ont fait pour des gens comme The Weeknd, Justin Bieber et tant d’autres.

Pouvez-vous nous dire sur quels éléments, le cas échéant, il faut légiférer au Parlement du Canada et au gouvernement du Canada pour protéger la culture canadienne en 2023?

Le sénateur Richards [ + ]

Je vous remercie de votre question. Je ne crois pas que le Parlement et le gouvernement du Canada devraient trop intervenir dans ce dossier. Cela me rappelle l’histoire d’un clown tchécoslovaque à Prague, qui faisait un petit numéro formidable. Il portait un petit chapeau de cowboy, et il avait un lasso au travers duquel il réussissait à passer. C’était un véritable magicien. Cependant, la communauté artistique de l’État lui a interdit de continuer à faire ce numéro parce qu’il était un symbole de la décadence culturelle de l’Occident. C’est quelque chose qu’on observe dans le projet de loi, même si — et j’insiste là-dessus — c’est fait de manière extrêmement subtile. Il favorise trop la culture canadienne, et cela nuira à son objet. C’est pourquoi j’en parle aujourd’hui.

Nous n’avons aucunement besoin de faire une telle chose.

L’honorable René Cormier [ + ]

Est-ce que le sénateur Richards accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Richards [ + ]

Bien sûr.

Le sénateur Cormier [ + ]

Nous venons de la même province, n’est-ce pas? Je vais parler en français. Je ne sais pas si c’est un signe de nos différences.

J’aimerais mieux comprendre votre argument ultime. Vous connaissez comme moi les artistes du Nouveau-Brunswick qui font de grandes carrières à l’échelle internationale, comme Lisa LeBlanc, Les Hay Babies et David Myles. Tous ces artistes ont bénéficié de fonds publics qui leur ont permis de développer leur art et de faire en sorte qu’aujourd’hui, ils sont en mesure de faire rayonner leur art dans le monde entier. Ce que je comprends dans votre argument ultime quant à cette question est que cette dimension n’est pas nécessaire pour que l’art se développe au Canada.

Le sénateur Richards [ + ]

Sénateur Cormier, merci pour la question. Ils en ont profité parce qu’ils étaient talentueux. Ils en ont profité parce que David Myles est un auteur-compositeur et un musicien extrêmement talentueux. En plus, c’est un de mes bons amis. Ils s’expriment d’une manière que les gens aiment, parce qu’ils sont talentueux et excellents, et non parce qu’ils sont honorés par le CRTC.

Je vais essayer d’expliquer rapidement ce que je veux dire. Il y a une excellente scène dans Guerre et Paix de Tolstoï où Boris est assis dans le bureau du prince André aux côtés d’un lieutenant-général qui est au courant des projets de Napoléon. Pourtant, c’est Boris qui parle en premier parce qu’il appartient à la garde rapprochée. Le lieutenant-général, qui sait pourtant ce qui se passe réellement, est laissé à l’écart.

Or, il arrive souvent que les artistes qui sont vraiment bons et brillants soient laissés à l’écart. On ne les remarque pas, parce qu’ils ne se sont pas joints au groupe qui amène l’argent et le pouvoir. C’est ce qui m’inquiète. Cela s’est produit dans l’ouvrage de Tolstoï, Guerre et Paix, et cela se produit aujourd’hui pour des artistes du monde entier. Je crains que ce projet de loi ne renforce encore ce phénomène. Voilà ce qui m’inquiète. Merci.

Le sénateur Cormier [ + ]

J’ai une question complémentaire pour le sénateur Richards.

Comme moi, sénateur Richards, vous avez siégé au comité et vous avez entendu la multitude d’artistes et d’organisations artistiques qui sont venus parler et qui n’ont pas eu de craintes à exprimer des réflexions sur la liberté d’expression que le projet de loi C-11 les empêcherait d’avoir.

Expliquez-moi pourquoi vous avez une telle préoccupation alors que l’ensemble de l’écosystème canadien au niveau artistique professionnel ne semble pas avoir cette préoccupation. Est-ce qu’ils sont dans le champ?

Le sénateur Richards [ + ]

Ils devraient s’en inquiéter, monsieur le sénateur. Je vais vous raconter l’histoire d’une jeune Mi’kmaq que j’ai aidée à l’université. Cette histoire n’a jamais été publiée. Quand elle était petite, sa mère lui avait demandé de ne pas jouer dans les bois parce qu’un meurtre s’y était produit. Je ne vous dirai pas de quelle réserve il s’agit. La fille s’est approchée de l’eau, mais sa mère lui a dit : « Tu ne peux pas jouer dans l’eau parce qu’un homme y a noyé une femme. » Elle a voulu aller dans la rue, mais sa mère lui a dit : « Tu ne peux pas aller dans la rue parce qu’il y a trop de gens et c’est trop dangereux. » Elle n’a pu trouver qu’un seul endroit où elle pouvait s’asseoir. L’histoire avait sept pages, et j’ai eu les larmes aux yeux lorsque je l’ai lue parce qu’elle me rappelait ma petite-fille. Le seul endroit où elle pouvait aller, c’était dans sa chambre, qui était dans le sous-sol de sa maison, là où son oncle s’était pendu.

Cette histoire, écrite par une fille d’une réserve près de chez nous, était particulièrement émouvante, mais elle n’avait rien à voir avec la politique identitaire. C’était plutôt une conversation de cœur à cœur. Je crains que le CRTC perde de vue cet aspect dans le contexte du projet de loi. C’est pour cette raison que je suis préoccupé. Merci.

Son Honneur le Président [ + ]

Veuillez m’excuser, mais le temps de parole du sénateur Richards est écoulé. Souhaitez-vous poser une question, sénatrice Omidvar?

L’honorable Ratna Omidvar [ + ]

S’il vous plaît, si le sénateur accepte d’y répondre.

Son Honneur le Président [ + ]

Sénateur Richards, demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Richards [ + ]

Oui.

Son Honneur le Président [ + ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

La sénatrice Omidvar [ + ]

Merci, sénateur Richards. À titre d’aspirante auteure qui essaie désespérément d’écrire un livre, je vous considère comme un modèle et je vous admire beaucoup.

Sur ce point précis, vous avez déclaré que le talent rayonne quels que soient les murs qui sont érigés autour de lui et, dans une certaine mesure, vous avez raison. Cependant, je voudrais vous parler de ma très bonne amie Deepa Mehta, cinéaste de renom dont les films ont valu des Oscars et apporté la lumière à notre pays. Son talent n’aurait jamais pu être connu sans le soutien que lui ont apporté des institutions en lui accordant des subventions par le biais de Téléfilm Canada et en faisant la promotion de ses films.

Laissez-vous entendre que quelqu’un comme elle, et il existe de nombreux autres exemples de ce que je qualifierais d’artistes du « nouveau Canada » — car je pense que vous faites référence au « vieux Canada » —, mais ne pensez-vous pas qu’il existe des personnes talentueuses qui méritent d’être découvertes et que c’est justement ce que le gouvernement cherche à favoriser grâce à ce projet de loi et à d’autres initiatives?

Le sénateur Richards [ + ]

Encore une fois, j’en reviens à ce que je disais précédemment : tôt ou tard, les plus talentueux finissent par se démarquer. C’est tout ce que je dis.

Je suis peut-être du « vieux Canada », mais ce n’est qu’après la parution de mon cinquième livre qu’on m’a demandé de faire une séance de lecture en dehors du Nouveau-Brunswick. Aucune critique n’avait fait l’éloge de mon travail avant que celui-ci soit publié à New York. C’est peut-être le « vieux Canada », mais j’ai dû me battre pour finir par percer et je n’en ai pas honte du tout. Je crois que des centaines d’autres artistes, poètes et écrivains sont passés par des chemins semblables. Tout le monde a sa propre façon d’arriver à son but. Si la personne dont vous parlez a atteint son but de cette façon, tant mieux pour elle. Cependant, je ne crois pas que le CRTC soit une plateforme qui garantit la portée des œuvres diffusées. Je crois en fait que le CRTC nuira à cette portée.

Je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion.

Beaucoup de choses ont été dites sur ce projet de loi depuis des mois — avant, pendant et après l’étude en comité. Pour certains, le projet de loi C-11 est une nécessité absolue et il aurait fallu l’adopter sans modifications il y a déjà plusieurs mois. Pour d’autres, il s’agirait au contraire d’une loi machiavélique qui menace les droits et libertés des Canadiens. J’aimerais rappeler d’emblée ce que le projet de loi fait et ce qu’il ne fait pas.

Premièrement, le projet de loi ne censure ni ne restreint d’aucune façon la liberté d’expression des Canadiens. Une fois le projet de loi adopté, tous les résidants canadiens continueront à publier et à consommer tout le contenu culturel qu’ils veulent, comme avant. Tout ce qui est disponible aujourd’hui continuera de l’être. Tout ce que vous voulez publier aujourd’hui pourra être publié demain. En tant que tel, rien ne changera. Avec tout le respect que je leur dois, ceux qui dénoncent le projet de loi C-11 comme un acte maléfique de censure et d’atteinte à nos droits et libertés sont à côté de la plaque.

Ce que le projet de loi C-11 cherche à faire, cependant, c’est offrir un certain soutien aux créateurs d’ici et, en particulier, aux créateurs canadiens en situation minoritaire. Ce soutien prend deux formes : des fonds et une meilleure visibilité. En vertu du projet de loi, les principales plateformes de diffusion en continu devront contribuer financièrement à la culture canadienne, et elles devront promouvoir et recommander les œuvres de nos créateurs.

En tant que Québécoise, et surtout en tant que francophone, ce projet de loi revêt une importance particulière à cause de la situation minoritaire de la langue française dans un écosystème culturel où la découverte se fait, d’abord et avant tout, sur des plateformes étrangères où l’anglais domine.

Le projet de loi C-11 n’apportera aucune solution miracle, soyons clairs. Il s’agit toutefois d’une première tentative — avec nos outils réglementaires bien imparfaits — visant à donner à nos créateurs une chance de se démarquer dans le raz de marée des contenus globaux.

Plusieurs inconnues demeurent, même après une très longue étude en comité : quels seront les critères précis qui détermineront ce qui constitue du contenu canadien; comment mesurer la visibilité de ces contenus canadiens; enfin, comment favoriser l’écoute de contenus canadiens sans trop altérer l’expérience des usagers? Que signifie même le mot « découvrabilité », qui est pourtant central dans le projet de loi, mais qui n’est pas encore défini? C’est le CRTC qui devra répondre à ces questions complexes — un panier de crabes, selon certains.

Depuis la présentation du projet de loi C-11, certains critiques considèrent que les mesures de découvrabilité en particulier constituent des accrocs impardonnables aux préférences des consommateurs et aux algorithmes des plateformes. Je ne vois pas les choses ainsi. Le marché n’est pas un dieu, et même à l’ère d’Internet, il est encore légitime que les pays soutiennent leur culture et défendent leur souveraineté culturelle.

Malgré les limites du projet de loi C-11, je juge essentiel que le Canada déploie ses outils législatifs et réglementaires pour soutenir son cinéma, sa musique et ses œuvres numériques dans un contexte de mondialisation. Historiquement, le Canada a pris les moyens nécessaires pour que ses cultures — en particulier ses cultures minoritaires — s’expriment, qu’elles existent et qu’elles soient connues et appréciées. Bien sûr, avec l’évolution des plateformes technologiques, il est normal que nos moyens d’intervention s’adaptent, mais l’impératif politique et culturel demeure. La culture canadienne, notamment minoritaire et francophone, n’est pas une marchandise comme les autres.

Je constate toutefois que le projet de loi C-11 a mis au jour un conflit de générations auquel nous devons être attentifs. Au Québec en particulier, les nostalgiques vantent les quotas de 65 % de musique francophone à la radio québécoise, qui ont assurément permis à plusieurs générations, comme la mienne, de connaître nos classiques québécois comme Robert Charlebois, Beau Dommage et Harmonium. Cependant, les plus jeunes n’écoutent plus beaucoup la radio ni la télé. Ils sont branchés sur Spotify ou YouTube et ils valorisent cette liberté d’écoute, qui a décuplé l’offre et ouvert de nouveaux marchés. Ce sont des bénéfices réels, dont personne, même les plus âgés, ne voudrait se passer aujourd’hui.

La contrepartie, toutefois, est que les jeunes Québécois ne connaissent plus et écoutent de moins en moins leurs artistes locaux. Je suis donc inquiète pour la pérennité de ma culture.

L’enjeu est délicat, mais essentiel : il faut trouver un équilibre entre la volonté de faire découvrir aux usagers de nouveaux contenus culturels canadiens tout en préservant leur liberté et l’expérience d’écoute. Je le concède : c’est tout un défi.

Internet est encore un nouveau champ législatif qui soulève plusieurs enjeux. Le projet de loi C-11 est une première tentative d’intervenir en faveur de la culture canadienne, mais ce n’est certainement pas la fin du parcours. Inévitablement, il y aura des erreurs et des réajustements à mesure que les plateformes technologiques évolueront. Le projet de loi donne d’ailleurs beaucoup de flexibilité au CRTC.

Au terme de l’étude du comité, certains contestent toujours le bien-fondé du projet de loi C-11, mais quelle est l’alternative? À mon avis, le statu quo n’est plus tolérable pour nos créateurs, en particulier les créateurs francophones. C’est de la pensée magique de croire que, en laissant aller les forces du marché, où les créateurs francophones du Canada sont une goutte dans l’océan, nos artistes réussiront miraculeusement à vivre et à s’imposer. En ce moment, ce contenu francophone est littéralement noyé.

Lors de son témoignage devant le comité, le chanteur David Bussières a bien résumé la situation en disant ceci :

[...] plus le temps passe, plus l’hégémonie de ce grand oligopole de la Big Tech fait en sorte que le public s’éloigne de la musique locale et en fin de compte, c’est la survie de notre identité culturelle qui est en jeu, avec toute la diversité qui la caractérise [...] et le fait qu’elle abrite les seules communautés francophones en Amérique.

Au cours de l’étude en comité, les sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants, dont je fais partie, ont fait adopter 18 des amendements qu’ils avaient présentés, dont plusieurs amendements substantiels.

L’amendement le plus important à mes yeux, qui a été préparé en collaboration avec la sénatrice Paula Simons, touche au cœur des débats engendrés par le projet de loi C-11, soit la portée de l’exception prévue pour le contenu généré par les utilisateurs de médias sociaux.

L’amendement adopté diminue le pouvoir discrétionnaire du CRTC et circonscrit essentiellement son application aux contenus musicaux professionnels. Cela renforce la garantie selon laquelle les youtubeurs ne sont pas visés par le projet de loi C-11, même s’ils génèrent des revenus. Cet amendement est aussi une reconnaissance du fait que le monde de la création culturelle a changé. Des créateurs individuels ont pris d’assaut des plateformes de médias sociaux pour proposer des contenus inédits. Ils ne sont pas subventionnés, ils n’ont pas d’agents, ils se débrouillent seuls et ils tiennent à leur modèle d’affaires. Notre amendement préserve plus explicitement leur autonomie.

Personnellement, j’ai présenté et fait adopter deux autres amendements. Le premier suivait la recommandation du commissaire à la vie privée, Philippe Dufresne, qui était d’avis que le projet de loi C-11 devrait mieux respecter le droit des consommateurs et des créateurs à la protection de leur vie privée. C’est un ajout notable, compte tenu de l’échange considérable de données personnelles qu’engendrera la réglementation.

L’autre amendement émane d’un long engagement de ma part, visant à protéger les enfants de l’exposition à la pornographie en ligne — donc à ce que l’on appelle du contenu pour adultes, mais qui est régulièrement consommé par des millions d’enfants partout dans le monde —, ce qui cause des préjudices évidents. Le but du projet de loi C-11 est de donner au CRTC le pouvoir de réglementer les plateformes en ligne de la même façon qu’il peut réglementer les diffuseurs traditionnels. Le CRTC a déjà la compétence requise pour réglementer l’accès aux contenus sexuels explicites dans la radiodiffusion traditionnelle, par câble ou par satellite, et mon amendement ne fait que transposer cette compétence au contenu en ligne.

Voici comment se lit cette directive :

[...] les entreprises en ligne doivent mettre en place des mécanismes, tels que des mécanismes de vérification de l’âge, pour empêcher que des émissions consacrées à la présentation, dans un but sexuel, d’activités sexuelles explicites ne soient rendues accessibles aux enfants par Internet;

Il s’agit simplement d’un énoncé de principe. La réglementation et les consultations devront s’effectuer avant toute entrée en vigueur de ces vérifications d’âge. Toutefois, l’objectif est simple : il s’agit d’appliquer à Internet les précautions qui existent dans le monde non virtuel pour protéger les enfants des contenus pour adultes.

Je terminerai en parlant brièvement des algorithmes, dont on a beaucoup parlé pendant les réunions du comité. Les algorithmes sont en quelque sorte comme la formule secrète qui détermine quel contenu est recommandé et présenté à tel ou tel utilisateur. Je parle de « formule secrète » parce que nous en savons que très peu à leur sujet et que les plateformes les protègent jalousement. Ces algorithmes comportent de nombreuses variables et utilisent diverses données dans le but d’attirer les utilisateurs et de les retenir le plus longtemps possible. Pour certains, ces algorithmes sont plus que confidentiels, ils sont carrément sacrés — toute tentative voulant influer sur ces algorithmes pour favoriser le contenu canadien représente donc une forme d’attaque à l’endroit du libre marché.

Voici ce que Blayne Haggart, professeur à l’Université Brock, a affirmé devant le comité au sujet des algorithmes :

Les algorithmes deviennent l’un de ces mots magiques et effrayants qui intimident les gens, mais il ne s’agit en fait que d’un ensemble de règles qui ne font que se répéter [...] C’est une forme de réglementation.

Ces règles de découvrabilité privées ne sont pas conçues simplement pour faire apparaître le contenu le plus populaire ou le contenu qui vous intéresse le plus en tant que spectateur ou lecteur. Ces entreprises ne se contentent pas de nous dire quel contenu est populaire, elles définissent le terme « populaire ». Elles créent déjà des gagnants et des perdants et définissent la popularité en fonction de leurs propres intérêts, quelle que soit la façon dont elles décident de la définir.

Personnellement, entre des règles de découvrabilité privées et opaques et des normes de découvrabilité publiques et transparentes, je préfère les dernières. Cela dit, je ne doute pas que les plateformes s’adapteront intelligemment aux nouvelles exigences et qu’elles continueront à offrir à leurs utilisateurs canadiens des contenus qu’ils aiment et recherchent, en plus de mettre en valeur nos créateurs.

Bien sûr, il ne s’agit pas de censurer quoi que ce soit ou de limiter l’accès ou la distribution de tout contenu. Et il ne s’agit certainement pas de démanteler les plateformes modernes et attrayantes que nous utilisons tous au quotidien. Il s’agit d’actualiser les modalités de mise en œuvre de notre politique culturelle fondamentale. Je ne vois tout simplement pas pourquoi un pays comme le Canada devrait accepter que des plateformes privées étrangères soient les seules à décider de la priorité à accorder à la culture canadienne, québécoise et autochtone.

Il n’est pas facile d’adapter nos politiques et nos lois face à l’évolution de la technologie. Il est toujours risqué de prendre des mesures. Il est plus facile d’attendre ou de ne rien faire. Pourtant, dans ce cas, comme dans d’autres, je crois que l’inaction serait fatale et qu’il faut faire preuve d’audace.

En conclusion, je voterai résolument en faveur du projet de loi C-11. Merci.

Le sénateur Housakos [ + ]

La sénatrice Miville-Dechêne accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Miville-Dechêne a dit que, essentiellement, les algorithmes équivalaient à la réglementation. Rien n’est plus faux. Les algorithmes, tel que s’en servent les plateformes, sont une forme de calcul. Les algorithmes suivent nos habitudes et ils privilégient, dans leur système, ce que nous voulons regarder.

La réglementation est tout le contraire. C’est lorsqu’un groupe de gardiens — un mot très à la mode, de nos jours —, qu’il s’agisse du CRTC ou des législateurs gouvernementaux, détermine le contenu auquel il accorde la priorité. Ce sont deux choses très différentes, les algorithmes et la réglementation.

Je ne suis absolument pas d’accord avec vous.

Pour ce qui est des algorithmes des plateformes, vous ne connaissez pas la recette et je ne la connais pas. Vous dites que c’est le contenu le plus populaire qui est mis de l’avant. Franchement, monsieur le sénateur, on n’en sait rien. Y aurait-il, par exemple, une entente avec une compagnie de publicité qui demanderait de mettre de l’avant tel chanteur ou tel produit? On n’en sait rien.

Vous ne connaissez pas les algorithmes. Je ne les connais pas non plus. C’est une compagnie privée qui décide ce qui est mis de l’avant. Or, dans notre culture, dans nos politiques culturelles, jusqu’à maintenant, nous avons accordé des subventions à des compagnies canadiennes. Nous avons demandé à ce que les diffuseurs diffusent de la culture canadienne. Or, il ne s’agit pas ici de censure, comme je l’ai mentionné plusieurs fois. Il faut, tout simplement, que ces compagnies privées laissent un peu d’espace à notre culture canadienne. Les algorithmes ne donnent certainement pas cette liberté dont vous parlez, qui permet de favoriser uniquement les meilleurs.

L’honorable Marty Klyne [ + ]

Bien dit.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Housakos, désirez-vous poser d’autres questions?

Sénatrice Miville-Dechêne, voulez-vous avoir cinq minutes de plus?

Bien sûr.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils d’accord?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Housakos, vous avez la parole.

Le sénateur Housakos [ + ]

Nous savons tous comment fonctionnent les algorithmes. Aujourd’hui, si vous possédez un iPad ou un téléphone intelligent, chaque fois que vous utilisez Google pour faire une recherche sur un sujet particulier, chers collègues, je pense que vous vous rendez compte que, dans les minutes qui suivent, vous êtes inondé d’autres informations concernant le sujet qui vous intéresse. C’est ainsi que fonctionnent les algorithmes.

Si vous regardez toutes ces plateformes, la raison de leur succès — et nous voulons une part de ce succès comparativement à nos anciens diffuseurs —, c’est que ces plateformes donnent aux consommateurs ce qu’ils veulent.

Encore une fois, je pense qu’il est très malhonnête de dire, dans le contexte de ce projet de loi, que l’on manipule déjà les plateformes d’algorithmes d’une certaine manière. Ce projet de loi appelle à la manipulation des algorithmes. L’ancien président du CRTC a comparu devant le comité, et il a dit lui-même qu’il avait l’autorité et le pouvoir de forcer les plateformes à manipuler les algorithmes.

Là est la question. C’est clair comme de l’eau de roche, ne vous en déplaise, sénatrice.

La sénatrice Miville-Dechêne pourrait répondre à la question?

Je reprends. Contrairement à vous, je n’ai pas une foi absolue dans les lois du marché. Ce n’est pas parce qu’on fait la promotion d’une chanson X ou Y, pour toutes sortes de raisons, que cela veut dire qu’il est absolument normal que cette chanson soit celle qui se retrouve tout le temps au‑dessus des autres. Je crois que la beauté de nos lois et de la réglementation canadienne sur la culture est de mettre en valeur différents produits culturels canadiens.

Cette idée de mettre de l’avant une chanson, qu’elle soit américaine, anglaise ou pakistanaise, je comprends que, selon vous, c’est cela qui fonctionne. Vous aimez les lois du marché. Vous êtes heureux que ceux qui sont les plus populaires soient pratiquement les seuls que l’on entend. Cependant, de cette façon, vous réduisez énormément la diversité culturelle. N’oubliez pas que les Québécois écoutent moins de 5 % de chansons québécoises sur Spotify. S’ils sont rendus là, c’est parce qu’on ne trouve pas ces chansons, parce qu’elles sont au fond de la « canne », comme on dit. Il faudrait que, parfois, un jeune Québécois puisse entendre une chanson et se dise : « Ah, tiens! Voici une chanson québécoise. Pourquoi ne l’écouterais-je pas? » L’idée derrière cela n’est pas de forcer quelqu’un à écouter certains contenus, mais de proposer du contenu. Voilà la différence.

Un système qui propose des chansons grâce à un algorithme n’a rien à voir avec notre diversité culturelle et la culture canadienne. C’est un système commercial à but lucratif, et ce sont des compagnies étrangères qui contrôlent notre consommation culturelle actuellement.

Le sénateur Housakos [ + ]

Sénatrice, au contraire, c’est moi qui suis en faveur de la diversité et c’est vous qui êtes prête à faire un choix moindre. Ma question est la suivante : pourquoi ressentez‑vous un tel manque de confiance envers les choix des Canadiens?

Dans le système actuel, ce sont eux qui décident de la diversité, de ce qui est populaire et de ce qu’ils veulent voir. Vous faites énormément confiance aux bureaucrates du CRTC; personnellement, mon choix est d’être du côté des Canadiens qui feront leurs propres choix de manière indépendante. Pourquoi avez-vous peur de cela? Pourquoi voulez-vous donner ce choix au CRTC?

Je ne nie pas, sénateur Housakos, que les plateformes nous donnent un vaste choix et qu’on peut écouter beaucoup plus de produits culturels issus de l’extérieur du Canada. Je suis quelqu’un qui aime avoir de la diversité.

La difficulté, c’est qu’on ne voit pas les produits culturels canadiens. Ils sont cachés, particulièrement les produits issus des minorités, que ce soit les minorités francophones ou les minorités autochtones, parce que c’est une question de clics — pas seulement de clics, mais aussi de cliques.

Oui, je fais confiance aux Canadiens, mais le Canada a une faible densité de population et il a toujours compté sur l’adoption de politiques culturelles pour que sa culture puisse survivre et s’épanouir. Il n’y a aucune honte à avoir, et beaucoup de pays font la même chose. Nous ne sommes pas les États-Unis, évidemment; nous sommes une culture plus petite qui a le droit de survivre. Tout État a le droit de favoriser sa culture — cela fait d’ailleurs partie des exemptions culturelles contenues dans les accords de libre-échange.

L’honorable Donna Dasko [ + ]

Honorables sénateurs, je suis ravie de prendre la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-11, Loi sur la diffusion continue en ligne.

Le Sénat et le comité travaillent à ce projet de loi et à son prédécesseur depuis près de deux ans. Présenté au Sénat à la 43e législature en tant que projet de loi C-10, il est mort au Feuilleton à l’automne 2021 et nous est revenu le printemps dernier en tant que projet de loi C-11.

Alors que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications amorçait son étude préalable en juin dernier, beaucoup d’entre nous, dont moi-même, craignaient que le désir manifeste du gouvernement de faire adopter de toute urgence le projet de loi entraîne une étude tronquée. Heureusement, cela ne s’est pas produit. Je suis reconnaissante envers toutes les personnes qui ont participé à ces travaux : envers les membres du comité, qui ont insisté pour assujettir ce projet de loi à une étude sérieuse, ainsi qu’envers le représentant du gouvernement, qui a respecté sa promesse d’un examen approfondi.

Nous avons certainement effectué un examen approfondi. Nos travaux à l’égard du projet de loi ont été aussi rigoureux que quiconque pouvait l’espérer. Le comité a tenu 31 réunions, entendu 138 témoins, et reçu 67 mémoires au sujet du projet de loi C-11. Nos témoins comprenaient des experts, des représentants de plusieurs ministères, l’actuel président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et son prédécesseur, ainsi que des intervenants de l’industrie, notamment des diffuseurs, des créateurs de contenu numérique, des plateformes de diffusion, des représentants des arts et de la culture, des syndicats et des représentants de diverses communautés.

Notre comité a tenu neuf réunions pour l’étude article par article. On nous a dit qu’il s’agit d’un record au Sénat. Au total, 73 amendements ont été présentés au comité et 26 d’entre eux ont été adoptés. Les amendements adoptés portent sur une grande variété de sujets, dont la radiodiffusion communautaire, la protection de la vie privée, les producteurs noirs et racialisés, les producteurs autochtones, la désinformation, le contenu généré par les utilisateurs, les producteurs indépendants, le contenu canadien, la programmation en français, l’innovation, la reconnaissance de l’auditoire et les processus du CRTC, comme les exigences en matière d’audiences et de rapports.

Les éléments du projet de loi C-11 qui ont suscité le plus d’attention portaient sur la réglementation du contenu généré par les utilisateurs et sur l’intrusion possible dans les choix des téléspectateurs ou des auditeurs si les algorithmes venaient à être modifiés dans le but de faire découvrir du contenu canadien. Mais il y avait tellement plus dans ce projet de loi. En ce qui me concerne, le défi, avec le projet de loi C-11, c’était que presque chaque fois que je l’étudiais, je trouvais un élément qui, à mon avis, devait être corrigé.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples. Assez tard dans le processus, j’ai réalisé que nulle part dans le projet de loi on ne tenait compte des intérêts et des préférences de l’auditoire. Ce que les Canadiens veulent voir et écouter n’était pas considéré comme un élément de notre système de radiodiffusion. Comme l’a souligné Konrad von Finckenstein, un ancien président du CRTC, on ne jugeait tout simplement pas que les intérêts et les préférences de l’auditoire faisaient partie du système de radiodiffusion canadien, et ces éléments n’ont jamais fait partie de nos lois sur la radiodiffusion.

L’histoire de la législation sur la radiodiffusion au Canada porte sur les priorités culturelles, la protection culturelle et les producteurs — qui ils sont et ce qu’ils doivent ou peuvent produire. Cependant, comment peut-on avoir érigé un système de radiodiffusion sans tenir compte des téléspectateurs et des auditeurs comme l’une des parties intégrantes de notre système? C’est comme établir un réseau de transport sans penser aux passagers. Comment peut-on avoir un tel système? Qui l’utilisera? Comment peut-on ne pas inclure ces personnes dans le système?

Au bout du compte, le comité a voté pour accepter mon amendement au projet de loi C-11, qui stipule que le système de radiodiffusion doit notamment refléter les préférences et les intérêts du public et y être réceptif. Dans le même ordre d’idées, j’ai été heureuse que le comité ait également voté pour reconnaître que l’innovation, plus précisément la promotion de l’innovation, devrait être un principe directeur de notre système de radiodiffusion — je pense surtout à mon collègue le sénateur Deacon. Cela aussi n’avait jamais été reconnu dans la législation sur la radiodiffusion. Imaginez un peu : nous parlons d’un domaine qui a connu l’objet d’énormes changements technologiques, et pourtant, nous n’avions pas envisagé que l’innovation devait être considérée comme un principe de notre système.

Un autre exemple de la façon dont le projet de loi a révélé des problèmes concerne le très court paragraphe 7(7) du projet de loi C-11, d’apparence inoffensive, qui commençait par la phrase « Il est entendu que ». Ce paragraphe pouvait facilement passer inaperçu. Pourtant, des témoins se sont présentés devant nous et ont soumis des mémoires dans lesquels ils ont indiqué qu’à leur avis, il s’agissait de la disposition la plus importante de tout le projet de loi. Contrairement à ce que prévoit la loi existante, qui donne au Cabinet le pouvoir de donner des directives au CRTC sur des questions de politique générale, on a fait valoir que le paragraphe 7(7) donnerait au Cabinet le pouvoir de donner des directives très spécifiques et détaillées au CRTC et peut-être de créer un système à deux vitesses dans lequel ceux qui ont suffisamment de ressources auraient un accès spécial au gouvernement pour faire valoir leurs arguments.

Nous avons trouvé ce paragraphe particulièrement contrariant à analyser, car les représentants du gouvernement ont soutenu qu’il n’aurait presque aucune incidence. D’un côté, on nous disait qu’il y aurait une incidence majeure, et de l’autre, aucune incidence. Vous pouvez donc comprendre à quel point il a été difficile d’analyser ce paragraphe. En fin de compte, le comité a voté en faveur de la suppression du paragraphe 7(7). Je pense que ma collègue la sénatrice Simons va en parler davantage.

Le projet de loi C-11 comportait des incongruités comme celles-ci qui n’étaient pas toujours évidentes, mais qui se sont révélées extrêmement importantes au bout du compte.

Après 31 réunions de comité, 73 amendements présentés et 26 amendements acceptés, il ne fait aucun doute que les membres du comité ont exécuté leur examen avec une profonde réflexion et des efforts rigoureux. Le second examen objectif est réussi.

L’une des responsabilités les plus fondamentales du gouvernement est de répondre adéquatement aux changements technologiques. Puisque la radio et la télévision sont devenues des technologies universelles au cours du dernier siècle, les Canadiens ont compris que notre proximité avec les États-Unis, notre population moins élevée et l’existence de nos deux langues officielles auraient ultimement comme conséquence que la voix des Canadiens allait être perdue si nous n’instaurions pas de mesures spéciales. C’est pourquoi un radiodiffuseur public a été créé en 1932, suivi en 1958 par les premières mesures législatives sur le contenu canadien.

Au fur et à mesure que les choix se sont élargis avec l’arrivée des chaînes privées de télévisions dans les années 1960, la câblodistribution dans les années 1970 et les services par satellite dans les années 1980, chaque nouvelle technologie a été encadrée par la mise en place de la réglementation nécessaire, en apportant constamment les modifications requises tout en demeurant fidèle aux objectifs de départ.

Par conséquent, les intentions derrière le projet de loi C-11 sont bien connues. La culture canadienne doit continuer d’être protégée et notre système de radiodiffusion repose toujours sur les exigences propres à notre pays. Par conséquent, les nouveaux services et les nouvelles technologies de diffusion en continu en ligne devraient aussi être encadrés par une réglementation. Après avoir rejeté deux fois la réglementation touchant Internet, en 1999 et en 2009, sous prétexte qu’il fallait encourager l’innovation technologique dans le secteur de la radiodiffusion, le gouvernement décide maintenant qu’il faut instaurer un cadre réglementaire.

La culture canadienne a-t-elle encore besoin d’être protégée des influences extérieures? C’est une question à laquelle il est très difficile de répondre. Je suis récemment tombée sur un sondage de l’institut Environics datant de septembre dernier, qui montre que les Canadiens eux-mêmes sont divisés sur cette question, 44 % d’entre eux affirmant que la culture canadienne doit être davantage protégée des influences extérieures et 47 % affirmant que nous devons être plus ouverts aux influences extérieures. Toutefois, le public est plus favorable à la création de ce qu’on appelle des règles du jeu équitables, puisque les deux tiers des Canadiens interrogés dans le cadre d’un sondage Nanos en mai dernier ont déclaré qu’ils étaient favorables à l’idée que les services de diffusion en continu contribuent financièrement à la création de contenu canadien, à l’instar des diffuseurs canadiens.

Cependant, lorsqu’il s’agit de réglementer les nouvelles technologies, nous ne pouvons pas supposer que le simple fait que les technologies du passé aient été soumises à ce cadre signifie nécessairement que cet effort sera un succès. À mes yeux, c’est le véritable casse-tête du projet de loi C-11. Même si nous avons étudié la chose à fond, appelé de superbes témoins et apporté de nombreux amendements de qualité, au bout du compte, nous ne savons pas si cette approche fonctionnera bien, ou même si elle fonctionnera tout court. La production canadienne augmentera‑t‑elle, et les voix diverses s’épanouiront-elles, en incluant les voix des créateurs numériques qui ont exprimé de telles préoccupations, comme nous l’a dit le sénateur Dawson et comme on nous l’a promis, ou est-ce que ces règles feront entrave à l’innovation et aux innovateurs, ainsi qu’aux nouveaux services et aux nouvelles technologies?

Le fait qu’il soit impossible de répondre à ces questions n’est pas la faute du projet de loi. Il est impossible de répondre à ces questions parce que nous ne pouvons pas prédire l’avenir. Nous avons fait notre travail du mieux que nous pouvions, nous avons posé toutes les questions possibles, mais le projet de loi C-11 représente un saut dans le vide. Nous devons sauter ou non. Chacun d’entre nous doit en juger par lui-même.

Merci.

La sénatrice Simons [ + ]

Honorables sénateurs, comme j’ai parlé longuement et à plusieurs occasions de ce projet de loi et de son précurseur, le projet de loi C-10, je ne m’attarderai pas à mes préoccupations philosophiques sur le but et la nature de la réglementation d’Internet. Aujourd’hui, je veux plutôt me concentrer très précisément sur certains des amendements primordiaux que nous avons apportés à ce projet de loi au comité.

Comme on vous l’a déjà dit, nous avons entendu plus de 130 témoins et nous avons passé des heures à participer à des débats souvent passionnés. Ce dont nous sommes saisis aujourd’hui, ce n’est pas le projet de loi C-11 présenté initialement à l’autre endroit ni le projet de loi qui nous a été envoyé après avoir été amendé par nos collègues de l’autre endroit. Ce que nous avons devant nous aujourd’hui, c’est un projet de loi considérablement amélioré qui a été amendé par notre comité. Il comprend des amendements importants qui rendent le projet de loi plus clair, qui soulignent l’importance de la liberté d’expression et de la liberté de choix du public, qui célèbrent et renforcent la diversité culturelle du Canada et qui garantissent que les Canadiens et les artistes canadiens qui publient du contenu généré par l’utilisateur sur les médias sociaux ne sont pas visés par la loi.

Nous avons entendu des universitaires et des experts juridiques, des entreprises médiatiques, grandes et petites, étrangères et nationales, ainsi que de brillants artistes et créateurs qui utilisent les plateformes en ligne de manière audacieuse et expérimentale pour raconter leur histoire et partager leur vision unique.

Nous les avons écoutés et nous avons agi en conséquence.

La sénatrice Dasko a défendu avec succès des amendements qui soulignaient l’importance vitale de l’innovation, notamment de l’innovation technique, pour le système de radiodiffusion du Canada. Ces amendements étaient les bienvenus, car ils signalaient que nous ne voulions pas d’un système de radiodiffusion coulé dans le béton, mais d’un système qui s’adapte aux changements technologiques et sociaux.

La sénatrice Miville-Dechêne a proposé avec succès un amendement fondé sur l’avis du commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Cet amendement vise à protéger la vie privée des consommateurs et des créateurs pour s’assurer que les médias sociaux ne puissent pas exploiter leurs renseignements personnels.

De son côté, le sénateur Cormier a défendu des amendements visant à souligner l’importance de protéger les radiodiffuseurs de langue officielle en situation minoritaire, ainsi qu’un amendement essentiel réaffirmant l’importance des producteurs indépendants du Canada.

La sénatrice Clement a réussi à faire adopter des amendements qui reconnaissent les besoins uniques des groupes autochtones, noirs et racisés.

La sénatrice Wallin nous a convaincus d’appuyer un amendement visant à souligner l’importance de la liberté d’expression et de l’indépendance journalistique. La sénatrice Batters a défendu avec succès un amendement qui aide à clarifier les définitions entourant la « radiodiffusion communautaire » et la façon dont les conseils de radiodiffusion communautaire sont structurés. J’ai travaillé de concert avec la sénatrice Dasko pour faire adopter un amendement visant à dispenser les radiodiffuseurs communautaires de la responsabilité particulière de combattre la désinformation.

Les sénateurs Quinn et Cormier nous ont présenté des amendements pour exiger plus de transparence de la part du CRTC, notamment en matière de reddition de comptes, et le sénateur Downe a réussi à nous faire adopter un amendement pour empêcher CBC/Radio-Canada de diffuser le genre de publicité que l’industrie appelle de la publicité native ou du contenu commandité, c’est‑à‑dire du contenu qui donne l’impression qu’il s’agit de contenu journalistique alors qu’il s’agit plutôt d’une publicité habilement déguisée.

Cela fait partie des amendements qui, selon moi, améliorent le projet de loi C-11.

Cependant, il y a également deux autres amendements clés dont j’aimerais parler plus en détail aujourd’hui. Comme la sénatrice Dasko l’a mentionné, le premier de ces amendements vise à modifier le paragraphe 7(7). Plusieurs témoins experts, dont Monica Auer, directrice générale du Forum for Research and Policy in Communications, Robert Armstrong, conseiller en radiodiffusion, économiste et ancien gestionnaire du CRTC, et Ian Scott, qui dirigeait le CRTC à l’époque, ont témoigné devant notre comité pour nous faire part de leurs préoccupations quant à la possibilité que le paragraphe 7(7) du projet de loi accorde au Cabinet de nouveaux pouvoirs sans précédent lui permettant d’intervenir dans le processus décisionnel indépendant du CRTC. M. Armstrong a dit ceci lors de son témoignage :

En ce sens, le projet de loi C-11 réduit beaucoup — potentiellement — les pouvoirs dont dispose le CRTC et les confie au gouvernement du Canada.

Il a ensuite ajouté ceci :

Si on examine en détail ce que le gouvernement s’accorde en vertu de cette disposition, il se donne, à mon avis, toutes sortes d’occasions très détaillées de s’ingérer dans le fonctionnement normal du CRTC.

À la lumière de ces préoccupations, qui ont été soulevées par de multiples experts indépendants, les membres du comité se sont entendus pour supprimer entièrement le paragraphe 7(7) et protéger l’indépendance du CRTC contre une microgestion potentielle par le gouvernement.

Cela dit, à mon avis, l’amendement le plus important que nous avons apporté visait un passage épineux du projet de loi, le paragraphe 4.2(2), que j’aime appeler la disposition de « l’exception à l’exception ». À la suite de la controverse entourant le projet de loi C-10, le ministre du Patrimoine canadien a promis que les utilisateurs de médias sociaux ne seraient pas touchés par le projet de loi C-11 et que seuls les grands diffuseurs qui s’apparentent aux radiodiffuseurs traditionnels le seraient. C’est effectivement ce qui est écrit au paragraphe 4.1(1) du projet de loi, c’est-à-dire que la loi ne s’applique pas à l’émission qui est téléversée vers un service de média social par un utilisateur de ce service.

Malheureusement, le paragraphe 4.2(2) du projet de loi, tel qu’il a été présenté au comité, a annulé cette assurance en donnant au CRTC le pouvoir de cibler une émission téléversée vers un service de média social si elle génère des revenus de façon directe ou indirecte. Cette exception à l’exception inquiète à juste titre toutes sortes de petits et moins petits producteurs indépendants qui utilisent des services comme YouTube et TikTok pour distribuer leurs émissions, bien qu’ils en conservent le droit d’auteur.

En même temps, le gouvernement a insisté sur le fait qu’il ne pouvait pas simplement exempter toutes les plateformes de médias sociaux du projet de loi C-11 parce que certains grands diffuseurs commerciaux et certaines grandes maisons de disques utilisaient des services comme YouTube et Facebook pour diffuser ou rediffuser du contenu commercial. Une exemption entière des médias sociaux, nous a-t-on dit, donnerait à YouTube un avantage commercial déloyal par rapport à un service de diffusion de musique en continu comme Spotify ou Prime Video d’Amazon pour ce qui est de diffuser de la musique de grandes maisons de disques. Cette exemption pourrait également permettre aux diffuseurs commerciaux de contourner les règles et règlements relatifs au contenu canadien auxquels ils seraient potentiellement soumis sur d’autres plateformes.

Donc, après une vaste consultation auprès d’une grande variété d’intervenants francophones et anglophones et d’experts juridiques, des producteurs de musique aux créateurs numériques en passant par les universitaires, la sénatrice Miville-Dechêne et moi-même, dans nos bureaux, avons proposé un amendement qui, selon nous — et selon la majorité des membres de notre comité — contribuera à résoudre ce problème épineux.

Notre amendement au paragraphe 4.2 (2) supprime toute mention relative à des revenus, qu’ils soient directs ou indirects. Il vise à déterminer si un contenu a déjà été radiodiffusé par un service commercial traditionnel ou s’il possède un identifiant unique attribué aux enregistrements commerciaux. Autrement dit, selon notre amendement, si un radiodiffuseur comme Rogers ou Radio-Canada rediffuse une partie de baseball ou un documentaire sur YouTube ou Facebook, cette rediffusion serait toujours soumise aux dispositions du projet de loi C-11.

Notre amendement prévoit aussi que si un important producteur de disques comme Sony lançait une nouvelle chanson ou un nouvel album sur YouTube, cela serait traité comme le lancement d’une chanson sur Spotify, Amazon ou TIDAL. Par ailleurs, les créateurs numériques, y compris ceux qui connaissent un succès commercial, seraient clairement et adéquatement exemptés du projet de loi C-11 même s’ils téléversaient leur comédie, leur musique, leur animation, leur film ou leurs épisodes de télé sur YouTube, TikTok, Instagram ou une autre plateforme de médias sociaux dont on ne peut encore prédire ou imaginer l’existence.

Autrement dit, mes amis, le projet de loi concerne maintenant les obligations des plateformes, pas des utilisateurs.

Je suis désolé que certains sénateurs ne soient pas ici pour m’entendre dire ces mots, mais le projet de loi concerne les obligations des plateformes, pas des utilisateurs. Est-ce séduisant? Eh bien, mon idée de la séduction ne correspond peut-être pas à la vôtre, mais je crois que la sénatrice Miville-Dechêne et moi avons assez bien contourné le problème.

Est-ce une solution parfaite? Eh bien, non, ce n’est probablement pas le cas. Il est difficile d’atteindre la perfection en matière de politique publique dans les meilleures circonstances, et encore plus lorsqu’il y a tant d’intérêts culturels, sociaux, économiques et politiques concurrents en jeu. Cela dit, je crois — et je pense que notre comité, dans l’ensemble, croit — qu’il s’agit d’un compromis réalisable — un compromis que le gouvernement ne devrait pas seulement accepter, mais adopter.

Comme vous vous en souviendrez probablement, je suis assez critique à l’égard du projet de loi C-11 depuis sa création et j’ai des réserves quant à la capacité ou à l’obligation de tout gouvernement de contrôler ce que les Canadiens peuvent voir et entendre. Il y a encore des choses dans ce projet de loi que je considère comme philosophiquement erronées, mais le fait de comparer ce projet de loi aux régimes draconiens d’Hitler et de Staline est une grave insulte à la mémoire de tous ceux qui ont souffert et sont morts de leurs mains, y compris des membres de ma famille. Cependant, je crois que les amendements de notre comité ont apporté des améliorations importantes et substantielles au projet de loi et qu’ils corrigent plusieurs de ses défauts les plus importants.

Ainsi, aujourd’hui, chers collègues, je vous recommande notre version révisée du projet de loi C-11. Je vous invite à l’accepter dans sa version amendée et, ce faisant, à envoyer au gouvernement le message clair que c’est ce projet de loi — ainsi amendé — qui a gagné votre appui. Merci. Hiy hiy.

L’honorable Colin Deacon [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui — avec beaucoup d’appréhension étant donné les personnes qui ont parlé avant moi — au sujet du projet de loi C-11, la Loi sur la diffusion continue en ligne. J’aimerais d’abord féliciter nos collègues du Comité sénatorial des transports et des communications, qui ont dû composer avec des amendements souvent contradictoires pour améliorer sensiblement le projet de loi que nous avions reçu. La diligence dont ils ont fait preuve a vraiment confirmé le rôle du Sénat en tant que Chambre de second examen objectif.

J’ai réfléchi un peu au fait que nous pourrions peut-être envisager à l’avenir de mener un examen approfondi afin de déterminer comment rendre ce processus moins ardu et éviter qu’il soit aussi interminable. Je pense néanmoins que nous avons fait un excellent travail sur ce projet de loi.

Mes propos porteront surtout sur deux points, tandis que les amendements proposés sont étudiés ici et à l’autre endroit et qu’on élabore des règlements pour la version définitive de la présente mesure législative, de même que sur la rédaction de futures mesures législatives visant à améliorer la prospérité des Canadiens dans cette économie numérique mondiale qui évolue rapidement.

Premièrement, assurons-nous de permettre tant aux joueurs existants et nouveaux, qu’il s’agisse de créateurs ou de compagnies, de tirer davantage de revenus de façon récurrente en vue de créer une richesse et une prospérité durables pour les Canadiens. Nous devons mettre l’accent sur la propriété intellectuelle canadienne et l’exploiter à l’échelle mondiale. Voilà ce que doit être le principe du projet de loi.

Deuxièmement, commençons à introduire une certaine souplesse réglementaire tout en donnant des moyens aux entreprises et aux innovateurs, en l’occurrence ceux des secteurs créatif et de l’audiovisuel. Faisons en sorte qu’ils puissent de plus en plus soutenir la concurrence à l’échelle mondiale, à mesure que les technologies et les modèles d’affaires continueront d’évoluer.

Je n’ai pas de solution parfaite qui résoudra tout, de manière simpliste, mais instantanée, comme la belle expression que j’ai entendue à quelques reprises il y a un instant. Cependant, je suis absolument certain qu’en ciblant ces deux priorités, nous finirons par découvrir des possibilités réalisables qui seront profitables aux Canadiens au fil du temps.

Je vais d’abord parler de mon premier point, soit le besoin de nous concentrer fortement sur la création des conditions nécessaires pour que les éléments de propriété intellectuelle d’appartenance canadienne génèrent des revenus récurrents. Un des objectifs du projet de loi est de « répondre aux besoins et aux intérêts de l’ensemble des Canadiens » par « sa programmation et par les chances que son fonctionnement offre en matière d’emploi ».

Dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture de la mouture précédente de ce projet de loi — le projet de loi C-10 de la législature précédente —, j’ai demandé au Comité des transports de réfléchir à comment faire en sorte que nos cadres réglementaires et autres outils stratégiques incitent à la création de contenu et d’actifs qui génèrent des recettes de façon récurrente pour les Canadiens. Chers collègues, j’ai déjà parlé au Sénat de l’importance de la commercialisation de la propriété intellectuelle au Canada. Si nous voulons que notre savoir et notre créativité produisent des emplois, des débouchés et de la prospérité, la grande priorité doit être de détenir au pays les actifs hautement créatifs qui sont concurrentiels sur la scène internationale et de les commercialiser à l’étranger. Si nous n’y arrivons pas, nous risquons de devenir une économie de succursales, où nous nous contenterons de louer les talents canadiens à des entités étrangères. Dans ce scénario, nos talents ne sont payés qu’une seule fois pour créer des actifs de grande valeur qui généreront des recettes récurrentes pour d’autres. Il faut que les talents canadiens soient payés pour créer des actifs qui sont détenus par des Canadiens et qui généreront des recettes récurrentes pour des Canadiens.

Ce défi a été soulevé par plusieurs témoins pendant l’étude du projet de loi par le comité. Michael MacMillan, cofondateur et directeur général de Blue Ant Media, a dit ce qui suit :

Je suis fermement convaincu qu’une « émission canadienne admissible » est une émission produite par des Canadiens [...] dont les droits d’auteur et les droits d’utilisation appartiennent à des Canadiens [...]

Justin Rebelo, directeur de l’Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films, a également ajouté : « Il est important que le Canada ne devienne pas une industrie de production uniquement axée sur les services et que notre système protège la propriété [...] »

De même, dans un article publié sur un blogue, Howard Law, ancien directeur des syndicats des médias locaux à Unifor, écrit :

[...] à moins que les producteurs canadiens indépendants conservent entièrement le droit d’exploiter et de tirer profit de leurs meilleures créations […] ils deviendront des fournisseurs de contenu canadien par sous-traitance dans leur propre pays.

C’est un risque intimidant et une priorité cruciale. Voilà pourquoi je suis heureux de voir qu’un amendement a été apporté au projet de loi pour obliger le CRTC, dans la prise de règlements, à tenir compte de la question de savoir si les Canadiens ont un droit d’auteur ou tout autre droit leur permettant de tirer un juste profit de l’utilisation de programmes canadiens. Cette disposition pourrait fournir aux organismes de réglementation une occasion d’adopter une optique proconcurrence lors de la rédaction des règlements pour garantir la prise en compte et la gestion des pratiques anticoncurrentielles, notamment dans la délivrance de licences et dans les ententes de distribution.

Dans le même ordre d’idées, il est très prometteur que la nouvelle présidente du CRTC possède de solides antécédents en politique et droit de la concurrence ainsi qu’en lutte pour des marchés proconcurrence. Vicky Eatrides a promis d’accroître la capacité du CRTC à gérer ses responsabilités dans un paysage numérique de plus en plus dynamique et d’appliquer ses acquis proconcurrence au CRTC. J’ai bon espoir que sa présence signale également qu’il y aura une coordination accrue entre le CRTC, le Commissariat à la protection de la vie privée et le Bureau de la concurrence, chose dont d’autres pays récoltent déjà les avantages.

Je ne me plaindrai pas du fait que ces changements auraient dû être apportés il y a longtemps. Je dirai simplement qu’attendre plus longtemps ne fera qu’aggraver les problèmes auxquels la nouvelle présidente doit déjà faire face. Je souhaite bon succès à Mme Eatrides dans ses efforts pour libérer tout le potentiel socioéconomique de ce secteur au bénéfice des Canadiens.

Passons maintenant à mon deuxième point : si nous voulons être compétitifs au sein de l’économie numérique mondiale qui évolue rapidement, nous devons être prêts à réitérer nos intentions.

Lorsque le projet de loi a été de nouveau présenté sous sa forme révisée, cette session-ci, l’objectif stratégique semblait clair : le gouvernement voulait poursuivre sa stratégie délibérée de protection de la souveraineté culturelle du Canada au sein du système de radiodiffusion du pays, mais en intégrant la sphère numérique.

Cependant, à mesure que le projet de loi faisait son chemin, l’objectif a été remis en question. De nombreuses inquiétudes ont été soulevées au sujet de ce projet de loi par différents intervenants des secteurs de la création et de l’audiovisuel, notamment par des créateurs de contenu en ligne. Il semble qu’une bonne partie de ces inquiétudes aient été levées grâce aux amendements proposés. Seul le temps nous dira ce qu’il adviendra de ces amendements une fois le projet de loi renvoyé à l’autre endroit.

À l’échelle mondiale, les industries sont condamnées à innover pour demeurer concurrentielles au sein d’un monde numérique de plus en plus perméable. Dans ce contexte mondial, le gouvernement doit servir de catalyseur en favorisant les innovations qui mèneront à une capacité concurrentielle à long terme. Si certaines avancées ont été obtenues, le Canada est bien en retard sur ses pairs en ce qui concerne la modernisation de ses lois et règlements et le développement de politiques proconcurrence. Malheureusement, trop de lois canadiennes datent d’il y a 30 ans et doivent être mises à jour.

Dans ce contexte, il est ironique que ce projet de loi vise à intégrer les dernières innovations en ligne dans un système de réglementation qui est grevé par un système de radiodiffusion ancien. Par exemple, l’évolution rapide vers des modèles de diffusion conçue directement pour les clients a révolutionné le fonctionnement du marché et a obligé les radiodiffuseurs traditionnels à s’adapter pour rester compétitifs.

Par conséquent, ce projet de loi tente d’intégrer les éléments qui ont changé la donne dans un système de réglementation ancien hérité de ceux qui ont subi les changements. Voilà un drôle de choix, au lieu de mettre en place un système souple et adapté à l’ère numérique.

En fait, d’éminents spécialistes comme Michael Geist, professeur et titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit de l’Internet et du commerce électronique à l’Université d’Ottawa, sont d’avis que le fait d’utiliser des instruments de politique — comme la réglementation sur la radiodiffusion — pour la diffusion en continu et les entreprises en ligne devrait être l’exception, et non la règle.

Néanmoins, je suis heureux de constater qu’un amendement exige du CRTC qu’il s’assure que notre système de radiodiffusion favorise l’innovation et s’adapte aux changements technologiques. À cet égard, j’espère que les responsables pourront s’inspirer des normes mondiales les plus élevées pour renforcer la souplesse de la nouvelle réglementation applicable à notre système de radiodiffusion, afin que nous puissions rester dans la course et, peut-être, à un moment donné, commencer à jouer un rôle de premier plan dans le monde.

Cependant, la création d’un système de radiodiffusion moderne qui « répondra aux besoins et aux intérêts des Canadiens » — l’un des principaux objectifs de ce projet de loi —, et ce, dans le monde numérique en rapide évolution que nous connaissons, exige une intervention rapide non seulement pour moderniser notre système de réglementation, mais aussi pour encourager les approches fondées sur le marché qui permettent aux titulaires canadiens et aux nouveaux concurrents de prospérer sur les marchés nationaux et mondiaux de la création.

Certaines de ces mesures incitatives existent déjà. Par exemple, les crédits d’impôt fédéraux et provinciaux ont fait du Canada un pays attrayant pour la production cinématographique et télévisuelle. Par conséquent, certains créateurs canadiens, — notamment les cinéastes autochtones, noirs et de couleur —, bénéficient de ces programmes d’aide. Cependant, ces incitatifs axés sur l’offre doivent également s’accompagner de mesures destinées à stimuler la demande de contenu canadien dans ces secteurs, tant sur le plan national qu’à l’international. Si nous tardons à agir en ce sens, nous risquons de perdre des sociétés de production novatrices comme Tangent Animation, un studio d’animation canadien basé à Toronto et à Winnipeg qui a fermé ses portes de façon inattendue en 2021, laissant environ 400 personnes au chômage.

Chers collègues, notre pays se trouve à un carrefour décisif. Nous devons trouver les moyens de devenir ceux qui changent la donne, et non ceux qui la subissent. Le CRTC a beaucoup à faire pour permettre aux créateurs de toucher des revenus réguliers et pour bâtir une culture qui soit suffisamment souple pour tirer parti des changements qui s’opèrent dans le monde plutôt que de les subir.

Nous voulons tous une industrie de la création et de l’audiovisuel indépendante, florissante et concurrentielle qui contribuera à assurer la prospérité collective pour les générations futures. J’appuie le projet de loi modifié comme une étape vers cet objectif très important.

Merci, chers collègues.

L’honorable Fabian Manning [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour proposer un amendement au projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois. Le projet de loi a déjà été modifié lors de l’étude en comité, mais j’estime qu’il y a toujours moyen de l’améliorer.

Le sénateur Manning [ + ]

L’un des principaux problèmes liés à ce projet de loi est la question de savoir à qui il s’appliquerait.

Le gouvernement a affirmé à plusieurs reprises qu’il n’avait pas l’intention d’appliquer cette mesure législative aux petits intervenants. Pourtant, il n’y a aucune limite dans le projet de loi pour garantir que cette intention soit respectée et que cela ne se produise pas.

Le Comité sénatorial des transports et des communications a entendu de nombreux témoins qui ont clairement indiqué que le projet de loi devait comporter un seuil de revenus afin de cibler les services qui ont une importance réelle sur le marché numérique, plutôt que de s’intéresser au contenu généré par les utilisateurs.

Tim Denton, le président du chapitre canadien de l’Internet Society, a affirmé que tout service en ligne qui gagne moins de 150 millions de dollars par an au Canada devrait être exclu de la loi et « [...] de tout règlement ou obligation de contribuer à la production de contenu canadien [...] ».

Vous serez peut-être surpris d’apprendre que, dans sa forme actuelle, le projet de loi n’exempte ni les organismes de bienfaisance ni les organisations religieuses de tout règlement, et que le paragraphe 2(2.3) proposé ne protège pas les activités en ligne des particuliers, qu’ils soient professionnels ou amateurs.

Je sais que certains collègues croient et soutiendront que les médias sociaux sont désormais exemptés grâce à l’amendement de notre collègue la sénatrice Miville-Dechene, adopté au comité. Cependant, de nombreux intervenants et moi-même sommes toujours d’avis que cet amendement ne va pas assez loin en raison du large pouvoir discrétionnaire qu’il concède encore au CRTC, celui de décider de ce qui est ou n’est pas inclus dans cette loi.

Comme M. Denton l’a dit, les plateformes de médias sociaux sont loin d’être les seuls endroits où les entités et les particuliers peuvent transmettre du contenu audio ou audiovisuel sur Internet. Les sites Web personnels et communautaires regorgent de tels contenus. Ni le paragraphe 2(2.3) ni l’article 4.1 ne traitent de la portée réglementaire beaucoup plus large du projet de loi C-11.

Konrad von Finckenstein, ancien président du CRTC, a abordé un autre aspect de la question. Il a indiqué que le fait de se retrouver avec des pouvoirs aussi étendus, dont les paramètres sont aussi vagues, s’avérera extrêmement lourd pour le CRTC. Chaque partie prenante présentera des demandes d’exemption de conditions et fera valoir que cela relève des vastes pouvoirs accordés au CRTC.

M. von Finckenstein a dit qu’il ne faut pas oublier que le CRTC est une cour d’archives qui cerne des problèmes, soit de son propre chef, soit au moyen de demandes, qui demande l’avis des parties et des intervenants concernés, qui tient des audiences, en direct ou sur papier, et qui rend ensuite une décision.

Tout cela doit être fait dans le respect de la procédure et peut faire l’objet d’un appel judiciaire.

Par conséquent, limiter les pouvoirs permettra au CRTC de prendre des décisions judicieuses et ciblées en temps opportun. Bien sûr, l’objectif est de protéger et de renforcer la radiodiffusion canadienne et de favoriser la production canadienne. C’est pourquoi le projet de loi ne devrait viser que les grands diffuseurs en continu qui peuvent concurrencer de manière significative les diffuseurs établis.

N’est-ce pas exactement ce que le gouvernement répète au sujet de l’objectif de ce projet de loi? Que l’objectif est de cibler les diffuseurs en continu qui se comportent comme des diffuseurs établis?

Les petits acteurs novateurs du Web devraient pouvoir utiliser pleinement leurs capacités d’innovation pour contribuer à la productivité globale de l’économie canadienne.

Le professeur Michael Geist a également dit ceci au comité :

Je crois qu’il y a un besoin clair d’établir des seuils et des restrictions dans la mesure législative même. Sinon, l’incertitude réglementaire perçue — qui, selon les témoins qui ont comparu à la Chambre, prendra des années à démêler — pourrait inciter les services à bloquer le Canada, ce qui entraînera une diminution de l’offre et une augmentation des coûts pour les consommateurs.

Il s’agit d’un élément clé. Toutes les ramifications de ce projet de loi prendront des années à démêler alors que le CRTC mènera ses processus réglementaires. Cela signifie des années d’incertitude pour les petits joueurs et ces derniers n’ont pas les moyens de soutenir une telle incertitude.

Je voudrais maintenant citer Matthew Hatfield, directeur des campagnes pour OpenMedia. Il a dit ceci : « Il est insensé que le projet de loi C-11 impose des obligations aux plateformes comptant quelques milliers d’abonnés canadiens [...] »

Il a ajouté ceci :

Le projet de loi aurait une conséquence très cruelle sur les diasporas étrangères du Canada si elles perdaient le lien culturel inestimable que leur offrent les services de diffusion en continu étrangers.

Chers collègues, je ne saurais trop insister sur le fait qu’il est indispensable de reconnaître l’incertitude que cela crée pour les acteurs ordinaires. Comme Me Monica Auer, directrice générale, Forum for Research and Policy in Communications, l’a indiqué au comité : « [...] le projet de loi C-11 n’est pas cohérent et n’est pas facilement compris. »

Le projet de loi laisse les créateurs dans l’incertitude, une situation que nous ne devrions pas leur imposer.

J’aimerais également mentionner ce que les petits créateurs ont indiqué à notre comité, plus précisément Justin Tomchuk, un cinéaste indépendant, qui a déclaré au comité le 27 septembre que le projet de loi C-11, dans son libellé actuel :

[...] indique clairement que mon entreprise sera visée par les directives du CRTC, puisque je tire un revenu direct et indirect de mes efforts artistiques.

Le 28 septembre, Scott Benzie, directeur général de Digital First Canada, a indiqué au comité :

Notre demande est simple : il faut que [Ie projet de loi] exprime en termes clairs ce qui est visé et ce qui ne l’est pas, car pour le moment, il inclut l’ensemble de l’Internet.

Morghan Fortier, copropriétaire et présidente-directrice générale de Skyship Entertainment, a déclaré :

Ce qui me tient éveillée la nuit, à propos de ce projet de loi, c’est le risque qu’on interdise du contenu jugé non canadien, à l’entrée ou à l’intérieur du pays. Si d’autres pays prennent des mesures de représailles contre nous, si ce projet de loi est adopté, nous sommes faits. Je ne parle pas de mon entreprise. Je veux dire que nous n’avons même plus besoin de parler de ce projet de loi parce que c’est terminé. Ses effets se feront sentir sur les créateurs de contenu régional, les petits créateurs de contenu comme les grands créateurs de contenu.

Le 4 octobre, Frédéric Bastien Forrest, chroniqueur et producteur de contenu, a dit au comité :

Cela fait peur, j’en conviens. Certes, on a l’impression que les politiciens derrière cette loi sont bien intentionnés et qu’ils veulent promouvoir notre culture, ce qui est formidable, mais les effets secondaires de la loi pourraient causer des dégâts.

Oorbee Roy, créatrice de contenu et skateboardeuse, a également exprimé ses craintes quant aux effets que les règlements du CRTC pourraient avoir sur les petites entreprises comme la sienne. Elle déplore le processus ardu auquel elle et d’autres créateurs devront se soumettre pour enregistrer leur matériel à titre de contenu canadien.

Je sais que certains sénateurs diront que les dispositions traitant du contenu canadien ont été amendées au comité. Toutefois, chers collègues, rien ne garantit que le gouvernement acceptera cet amendement. Je crois que le modeste amendement que je propose s’impose et que le gouvernement aura du mal à le rejeter.

Au comité, la majorité gouvernementale a rejeté le seuil de 150 millions de dollars proposé par M. Denton. Les représentants du gouvernement nous ont dit qu’avec un seuil de 150 millions de dollars, certaines plateformes, comme CBC Gem, pourraient être exclues de la réglementation. Le comité a ensuite rejeté le seuil de 100 millions de dollars proposé par M. von Finkenstein, puis a inexplicablement rejeté des seuils encore plus faibles, de 50 et 25 millions de dollars.

Aussi, chers collègues, je propose aujourd’hui un seuil qui n’exempterait véritablement que les plus petits acteurs du secteur. Ce seuil de 10 millions de dollars représente un quinzième du montant recommandé par M. Denton et l’Internet Society et un dixième du montant recommandé par M. von Finkenstein.

Chers collègues, je considère que nous avons l’obligation de répondre à ce qu’un nombre écrasant de témoins nous ont dit. L’approche du « faites-nous confiance » ne rassure guère les Canadiens dont les moyens de subsistance dépendent de la réglementation à laquelle ils seront soumis à la suite de ce projet de loi.

J’espère que vous soutiendrez cet amendement afin de donner plus de certitude aux Canadiens ordinaires.

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