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Affaires sociales, sciences et technologie

Motion tendant à autoriser le comité à étudier l'avenir des travailleurs--Suite du débat

4 mai 2021


Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin d’appuyer la motion de la sénatrice Lankin, qui vise à autoriser le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à étudier l’avenir des travailleurs.

Je suis d’avis que le sujet mérite d’être étudié de manière approfondie en comité, non pas parce qu’il s’agit d’un nouveau phénomène, mais bien parce que la précarité, dans le contexte de l’importante croissance de l’économie du travail à la demande, génère des questions importantes. Le contexte du travail est en constante évolution et il est impératif d’étudier les changements qui s’y opèrent afin d’ajuster la législation et la réglementation en conséquence.

Comme bon nombre de mes collègues ont déjà expliqué avec éloquence pourquoi il est important que le Sénat mène une étude sur l’économie à la demande et le travail précaire, je ne vais pas m’attarder davantage sur la nécessité et le bien-fondé de cette initiative. Cependant, j’aimerais souligner deux aspects interreliés qui, à mon sens, devraient être pris en considération par les membres du comité dans le cadre de cette étude, le premier étant l’hétérogénéité de l’économie à la demande, et le deuxième, le statut juridique des travailleurs.

Avant de poursuivre mes observations, j’aimerais apporter la précision suivante : il est important d’établir une distinction entre le travail précaire et l’économie à la demande. Ces deux concepts ne sont pas synonymes ou interchangeables. Les emplois peuvent être précaires dans plusieurs secteurs, et l’insécurité n’est pas le propre de l’économie à la demande. Le travail précaire existe aussi dans un milieu de travail conventionnel.

L’alinéa c) de la motion vise à étudier les effets néfastes du travail précaire et de l’économie du travail à la demande sur les avantages sociaux, les pensions et d’autres services gouvernementaux liés à l’emploi. Pour l’étude de ce volet très important, j’aimerais que le comité s’attarde aussi aux bénéfices que peuvent tirer une partie des travailleurs autonomes. Certains travailleurs parviennent à toucher un revenu à cause des libertés que leur procure le statut juridique de travailleur autonome. Ils ne peuvent pas ou ne souhaitent pas intégrer un emploi au sens classique du terme pour une variété de raisons.

Pour certains, ce mode de vie est un choix qui leur permet de trouver un équilibre de vie idéal et de gagner un revenu qui convient à leurs besoins. Cette distinction entre la précarité du travail et l’économie du travail à la demande devrait donc s’inscrire dans le cadre d’analyse de l’étude qui sera menée au comité.

Cependant, il y a certainement une partie de l’économie à la demande qui constitue du travail précaire et sur laquelle le comité devrait évidemment se pencher. Le vrai problème survient lorsque des gens n’ont d’autre choix que de se tourner vers le travail précaire, que ce soit dans l’économie à la demande ou dans un milieu de travail conventionnel. La notion de choix est importante, et les raisons qui sous-tendent l’absence de choix devraient être prises en considération lors de l’étude au comité.

Il est donc important, dans le cadre de cette étude, de prendre en compte l’hétérogénéité de l’économie du travail à la demande et de porter une attention particulière à la précarité des travailleurs, dans tous les milieux de travail. Par exemple, la précarité d’emploi est-elle plus ou moins présente dans les milieux ruraux, et ce, dans quelle proportion? Quel rôle cette économie joue-t-elle dans les régions éloignées comparativement aux centres urbains? De quelle façon touche-t-elle les communautés de langue officielle en situation minoritaire, les Autochtones et d’autres minorités?

Le deuxième élément qui mérite d’être étudié en comité et dont j’aimerais vous parler concerne la catégorisation juridique des travailleurs. Dans plusieurs cas, il faut se demander si la classification des travailleurs est adéquate. Plusieurs travailleurs qui font partie de l’économie du travail à la demande sont considérés juridiquement comme des travailleurs autonomes alors que, dans les faits, la relation d’emploi dans laquelle ils se trouvent est plutôt similaire à celle d’une relation employeur-employé classique. Le fait d’avoir des travailleurs autonomes plutôt que des employés peut être bénéfique à plusieurs égards pour les compagnies, alors que l’absence d’un statut d’employé prive ces travailleurs de droits et de protections juridiques de base. Les lois et la réglementation devront être ajustées afin de refléter cette nouvelle réalité et l’étude en comité permettra de mieux comprendre où se trouvent les échappatoires juridiques permettant à certaines entreprises de profiter des travailleurs. Les lois et la réglementation en matière d’emploi se doivent de créer des relations d’emploi et de travail équitables. Il s’agit de la base.

Enfin, sans aucun doute, la pandémie a eu de grands impacts sur la précarité des travailleurs et l’économie du travail à la demande. Cette étude était plus que pertinente avant la pandémie, mais elle est maintenant cruciale afin d’assurer une relance économique équitable pour les travailleurs canadiens. Il s’agit d’une occasion dont nous devons profiter pour offrir à ces travailleurs un avenir prometteur et prospère. Je vous encourage donc, chers collègues, à voter en faveur de cette motion.

Je vous remercie de votre attention.

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