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Projet de loi sur la protection des pensions

Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Ajournement du débat

21 mars 2023


Propose, au nom du sénateur Wells, que le projet de loi C-228, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je m’excuse de prendre la parole sans en avoir donné préavis. Je ne pourrai pas le faire jeudi, donc j’ai choisi de le faire aujourd’hui.

Je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-228, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension.

Le projet de loi C-228 vise à offrir de meilleures protections pour les bénéficiaires de régimes de retraite. Pour ce faire, il aborde l’enjeu de l’insolvabilité des régimes de pension sur trois axes. Premièrement, devant chaque Chambre du Parlement, il obligerait le surintendant des institutions financières à déposer un rapport annuel sur la solvabilité des régimes de pension fédéraux.

Deuxièmement, il prévoit un mécanisme permettant de transférer de l’argent dans le fonds sans incidence fiscale en garantie de la partie insolvable du fonds en attente de son redressement. Ces deux éléments permettent d’assurer une surveillance de la solvabilité et de prendre des mesures correctives au besoin.

Troisièmement, dans le cas d’une faillite, le projet de loi améliore la protection conférée aux bénéficiaires d’un régime de pension à prestations déterminées insuffisamment capitalisé. Dans cette éventualité, les pensions seraient versées aux bénéficiaires en priorité avant les fonds des créanciers garantis privilégiés et non privilégiés.

D’entrée de jeu, j’aimerais vous faire part de mon appui au projet de loi et remercier son parrain, le sénateur Wells, et le porte-parole, le sénateur Yussuff. Déjà, à l’étape de la troisième lecture, je suis heureuse de constater le parcours législatif inattendu du projet de loi. Contrairement à ses prédécesseurs, il a franchi la plupart des échelons du processus législatif, là où bien d’autres avant lui avaient échoué.

Le régime juridique actuel perpétue non seulement un système inéquitable du partage des coûts d’une faillite, mais aussi — et voilà le cœur du problème — un laisser-faire imprudent quant aux régimes de retraite sous-capitalisés. Le dépôt de plusieurs projets de loi semblables au projet de loi C-228 au cours des 20 dernières années n’est donc pas anodin. Le besoin criant de trouver des solutions à cette situation problématique a été mis en lumière à maintes reprises. Plusieurs Canadiens continuent de souffrir de la perte de leurs revenus de retraite, car les régimes à prestations déterminées auxquels ils avaient cotisé étaient sous-financés au moment de la déclaration d’insolvabilité ou de faillite de leurs employeurs.

Pour évoquer quelques exemples, je songe notamment à l’insolvabilité de Nortel Networks en janvier 2009, quand les gestionnaires se sont offert des bonis et ont versé des sommes importantes pour la performance de leurs cadres, et aussi à la faillite de Sears Canada, en 2018, et aux millions de dollars qui ont été payés en dividendes aux actionnaires quelque années avant la faillite.

Plus récemment, en février 2021, nous avons vu un nouveau précédent lorsque le premier établissement d’enseignement postsecondaire financé par les deniers publics a eu recours à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Dans le cas de l’Université Laurentienne, le régime de retraite a été comprimé considérablement, notamment au moyen de la suppression des prestations garanties indexées postérieures au départ à la retraite. Le projet de loi C-228 aura notamment pour effet d’assurer un partage plus équitable des coûts d’une faillite et d’une restructuration.

Comme ils n’ont actuellement aucune protection lors d’une faillite, les pensionnés sont forcés d’accepter des réductions importantes de leurs prestations dès le début d’une restructuration, afin d’éviter des compressions encore plus dévastatrices en cas de faillite. Lors d’une faillite, le fait de se trouver en priorité est certainement plus avantageux qu’être au dernier rang du classement des créanciers. Encore faut-il qu’il y ait des fonds à distribuer en définitive, mais souvent, il n’y en a plus quand une faillite se produit. Dans un tel processus, les probabilités qu’un pensionné touche sa part dépendront notamment de la position dans laquelle se trouve son régime de pension à ce moment-là. Malgré les progrès que le projet de loi apporte sur le plan de la sécurité financière des retraités, sa portée demeure restreinte. Aujourd’hui, mon intervention vise à mettre en lumière le contexte plus large dans lequel s’inscrit ce projet de loi, afin que nous poursuivions la réflexion dans le but de trouver des solutions en amont du problème. Plus précisément, j’aimerais aborder la question problématique des régimes de retraite insuffisamment capitalisés et des régimes de droits qui tolèrent que la sécurité financière des personnes retraitées soit mise en péril.

Je suis heureuse de constater que le projet de loi C-228 contient une disposition pour traiter le problème sur le plan des régimes sous réglementation fédérale. Le Bureau du surintendant des institutions financières a déjà pour mandat de s’assurer que les régimes fédéraux soient en bonne santé financière et qu’ils se conforment à la réglementation qui les régit et aux exigences du régime de surveillance. L’article 6 du projet de loi confère de nouvelles responsabilités au Bureau du surintendant, qui devra déposer chaque année au Parlement un rapport expliquant la mesure dans laquelle les régimes de pension satisfont aux exigences de la capitalisation et les mesures correctives prises ou ordonnées pour remédier aux problèmes des régimes de pension qui ne satisfont pas aux exigences.

Je me réjouis de voir que le projet de loi comprend des dispositions visant à corriger la situation des régimes insuffisamment capitalisés. Toutefois, je ne suis pas persuadée de l’impact réel qu’aura cette disposition sur la capitalisation de régimes en souffrance, notamment en raison de sa portée, qui se limite aux régimes sous réglementation fédérale.

Je comprends les obstacles juridictionnels qui existent par rapport à la réglementation des régimes de pension sous réglementation provinciale. Je crois toutefois que les questions liées à la capitalisation d’un régime de pension d’une entité qui risque l’insolvabilité relèvent de la compétence du gouvernement fédéral et que celui-ci a une responsabilité envers les pensionnés et les participants aux régimes de retraite.

J’aimerais lire un extrait du témoignage de la présidente du Congrès du travail du Canada, Bea Bruske, qui met ce problème en lumière :

Le gouvernement fédéral a modifié des dispositions législatives en réaction à la situation désastreuse à Sears Canada, mais les changements étaient loin d’être suffisants. C’est particulièrement frustrant parce que les données montrent que de nombreuses entreprises dont les régimes de retraite sont sous-capitalisés pourraient éliminer le déficit de solvabilité de leurs régimes en y affectant une partie seulement de l’argent versé aux actionnaires. De nombreuses entreprises choisissent consciemment de récompenser les actionnaires et les cadres supérieurs, ce qui fait grimper le cours des actions, plutôt que de financer entièrement leurs obligations au titre des pensions. Cela expose les pensionnés et les participants au régime de retraite à des risques en cas d’insolvabilité de l’entreprise.

Nous devons présenter un modèle complet pour prévenir le déficit de solvabilité des régimes de pension. À mon avis, la sous‑capitalisation des régimes de retraite constitue une question cruciale à laquelle il faut s’attarder davantage.

La portée limitée du projet de loi a également d’autres répercussions. Certains témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie ont mentionné la possibilité que les dispositions concernant l’ordre des créanciers puissent également s’appliquer aux régimes de pension où les déficits enregistrés sont imputés aux employeurs participants. Le projet de loi vise en fait les régimes à prestations déterminées, étant donné que seuls ces régimes peuvent entraîner un sous-financement des obligations.

J’aimerais donc attirer l’attention des honorables sénateurs sur les nombreux Canadiens dont les régimes de pension ne sont pas couverts par le projet de loi, étant donné que moins de 10 % des travailleurs du secteur privé adhèrent à un régime de pension à prestations déterminées. De plus, on a pu constater une baisse considérable de ce type de régimes de pension au cours des 10 dernières années, car ils sont souvent trop coûteux et insoutenables pour les employeurs du secteur privé.

C’est pourquoi il conviendrait de poursuivre notre réflexion afin d’examiner d’autres options qui auraient une plus grande portée et qui permettraient de mieux protéger les pensionnés et les participants aux régimes de pension.

Bien au-delà de la portée du projet de loi, nous devons aussi nous intéresser à la sécurité financière des aînés. Il y a de grandes disparités et iniquités entre les Canadiens ayant accès à un régime de pension à prestations déterminées, ceux qui ont accès à un régime de pension à cotisations déterminées et enfin, ceux qui sont dépourvus d’un régime de pension agréé. On observe des différences marquées entre les employeurs publics et le secteur privé en ce qui a trait à l’offre de régimes de pension à prestations déterminées, comparativement à des régimes à cotisations déterminées. La pénurie de main-d’œuvre pourrait changer certaines tendances à cet égard en rééquilibrant les relations de pouvoir entre les travailleurs et les employeurs. C’est une situation qui est à suivre.

En dépit de la portée restreinte du projet de loi, il s’agit d’une amélioration des protections qui sont conférées aux prestataires de certains régimes de pension. Ce projet de loi a réussi l’exploit de franchir presque toutes les étapes du processus législatif.

Chers collègues, je vous encourage donc à voter en faveur de ce projet de loi, qui représente un premier pas important vers un régime de pension plus équitable au Canada.

Merci de m’avoir écoutée.

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