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Question de privilège--Débat

21 novembre 2023


L’honorable David M. Wells [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour attirer l’attention du Sénat sur une grave atteinte aux droits et privilèges collectifs du Sénat. Je tiens également à dire que je n’éprouve aucun plaisir à le faire.

Selon l’article 13-1 du Règlement :

Une atteinte aux privilèges d’un seul sénateur cause un préjudice à tous les sénateurs et entrave le fonctionnement du Sénat. Le maintien des privilèges du Sénat incombe donc à chaque sénateur et doit être discuté en priorité.

Conformément à l’article 13-3(1) du Règlement, ce matin, j’ai donné par écrit un préavis de mon intention de soulever une question de privilège au greffier du Sénat, et celle-ci a été distribuée à tous les sénateurs. Comme vous avez pu le constater, j’en ai également donné un préavis oral tout à l’heure pendant les déclarations de sénateurs, conformément à l’article 13-3(4) du Règlement.

Comme les sénateurs le savent également, pour qu’une question de privilège puisse être soulevée et que l’on puisse déterminer s’il y a eu atteinte à celui-ci, le comportement en question doit répondre à certains critères, comme le prévoit l’article 13-2(1) du Règlement :

La priorité n’est donnée à une question de privilège que si elle :

a) est soulevée à la première occasion;

b) se rapporte directement aux privilèges du Sénat, d’un de ses comités ou d’un sénateur;

c) vise à corriger une atteinte grave et sérieuse;

d) cherche à obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire.

Sénateurs, le comportement en question a eu lieu à la fin d’une semaine de séances, le jeudi 9 novembre, soit le dernier jour de séance du Sénat avant la semaine de relâche. C’est donc la première occasion que j’ai de soulever cette question de privilège.

Chers collègues, permettez-moi maintenant de passer en revue les événements de ce jeudi qui, à mon avis, ne m’ont pas donné d’autre choix que de soulever cette question de privilège. Je suis sûr que vous constaterez que les autres critères pour soulever une question de privilège ont également été remplis.

Comme vous vous en souvenez peut-être, ce jeudi-là, nous avons débattu du projet de loi C-234, à l’étape de la troisième lecture. Après le débat, on a proposé un amendement, puis ajourné le débat. Il y a eu des désaccords à propos des sénateurs qui auraient dû être autorisés à intervenir dans le cadre du débat, étant donné notre pratique habituelle de laisser le débat se poursuivre jusqu’à sa mise aux voix ou à son ajournement.

Il y a eu un rappel au Règlement et il a été décidé que la sonnerie retentirait durant une heure. Lorsque la séance du Sénat a été suspendue, et avant le vote, la sénatrice Moncion a quitté sa banquette pour se rendre à la mienne et m’a accusé d’intimidation. J’ai été choqué et j’ai choisi de ne pas répondre. Par respect pour ma collègue et mes voisins de banquette qui ont été témoins de l’accusation, je ne lui ai pas répondu dans le feu de l’action par crainte d’envenimer les choses. Je me suis tourné vers la gauche et je me suis dirigé vers la sortie sans dire un mot.

Honorables sénateurs, le Sénat est un endroit où règne le décorum. Les sénateurs qui me connaissent voient comment je me conduis à l’intérieur et à l’extérieur de la Chambre. Je parle respectueusement, je n’attaque personne personnellement et je respecte le Règlement, c’est pourquoi je soulève cette question de privilège. Si, en me comportant comme je le fais, on peut m’accuser d’intimidation, alors n’importe qui peut être accusé; et si c’est le cas, la seule solution est de garder le silence durant les débats.

Chers sénateurs, le privilège parlementaire existe pour permettre au Parlement de s’acquitter de ses fonctions sans ingérence. Selon La procédure du Sénat en pratique, à la page 226, les privilèges individuels des sénateurs comprennent « la protection contre l’obstruction et l’intimidation » pour pouvoir remplir leur mandat.

Il y est également énoncé ceci :

Les privilèges parlementaires sont les immunités accordées aux parlementaires à titre de représentants élus pour qu’ils puissent s’acquitter de leurs fonctions sans crainte d’intimidation ou de peine, et sans entraves indues.

C’est une question qui concerne directement une sénatrice. La sénatrice Moncion a traversé la Chambre et, en présence de gens tout autour de moi, m’a accusé d’intimidation. Comme je l’ai mentionné plus tôt, je n’ai rien dit et je suis parti. Dans le pire des cas, honorables sénateurs, une telle accusation peut être interprétée comme une tentative d’intimidation. Dans le meilleur des cas, et je préfère l’interpréter ainsi, cela m’a semblé être une tentative inappropriée d’entrave à l’exercice de mes fonctions. Ce n’était peut-être pas l’intention de la sénatrice Moncion. Je doute fort qu’il s’agisse d’une accusation préméditée et je suis prêt à concéder qu’il s’agissait peut-être du résultat d’une discussion animée au Sénat sur les procédures entourant son amendement.

Toutefois, le Sénat ne peut pas tolérer que des accusations soient faites sous l’impulsion du moment, si c’est bien de cela qu’il s’agit. Nous sommes la Chambre de second examen objectif, ce qui signifie que nous délibérons avant de nous prononcer. Nous sommes un lieu de réflexion sobre, ce qui signifie que nous sommes lucides et contemplatifs. L’accusation portée contre moi n’était ni l’un ni l’autre. Je soulève donc cette question afin que l’on corrige ce que je considère être une atteinte grave et sérieuse. L’accusation portée par la sénatrice Moncion m’affecte en tant que sénateur et touche mon travail ici.

Comme on peut le lire dans Marleau et Montpetit au sujet des privilèges :

Le tort injuste causé à la réputation d’un député peut également constituer un cas d’obstruction […] en ternissant injustement la réputation d’un député, on risque de l’empêcher de faire son travail.

Chers collègues, ce genre d’accusation sans fondement et injustifiée est grave et ne devrait en aucun cas exister dans un milieu de travail et encore moins au Sénat, tout particulièrement dans la société actuelle. Ce geste, tout comme tout autre futur geste de ce genre, nuit à ma capacité — à notre capacité à tous — d’accomplir librement notre travail. Il nuit aussi à la manière dont nous pourrions débattre à l’avenir, ou pire encore, créer un climat qui pourrait empêcher un sénateur d’envisager de participer à un débat en toute liberté sous peine d’être accusé d’intimidation.

Honorables collègues, dans mon discours à l’étape de la troisième lecture, j’ai mentionné que je souhaitais parrainer ce projet de loi parce que j’avais l’impression que promouvoir l’équité était la bonne chose à faire. Vous vous souviendrez que j’ai conclu ainsi mon discours :

Le débat sur ce projet de loi a été animé et houleux. Le projet de loi a une incidence importante sur les politiques publiques et il m’a obligé à faire mes devoirs. D’honorables collègues ont mis la main à la pâte, mais le projet de loi a également suscité un débat important au sein des agriculteurs, des éleveurs et des producteurs, ainsi que chez les décideurs et les consommateurs. C’est un exemple parfait de l’excellent travail que peuvent accomplir les sénateurs, et ce fut un honneur d’y prendre part avec vous.

Chers collègues, voilà comment je parle et je me conduis, pas seulement depuis presque 11 ans au Sénat, mais depuis toujours.

Ce qui m’amène au dernier critère cité quand on soulève une question de privilège, c’est-à-dire chercher à obtenir une réparation. Je ne cherche pas à dénigrer le travail important que nous avons fait ici, et cela vaut aussi pour l’amendement de la sénatrice Moncion, qu’elle a tout à fait le droit de proposer, ainsi que pour les interventions énergiques du sénateur Woo et du sénateur Dalphond. J’apprécie leurs observations. Tous les arguments présentés méritent d’être débattus, conformément à nos règles et à nos usages habituels, et cette fonction de remise en question fait partie du régime de gouvernement britannique. Je peux seulement parler en mon nom, mais, si on détermine que, dans ce cas-ci, il y a eu atteinte au privilège, je serai satisfait si la sénatrice Moncion reconnaît simplement avoir tenu les propos en question et les retire. La question serait réglée.

Néanmoins, je pense qu’il est important que nous soyons tous d’accord sur le genre de décorum qu’il convient d’observer au Sénat. Nous sommes les gardiens actuels de l’institution, mais elle existe pour tous les Canadiens. Nous devons veiller à ce que l’institution soit un lieu de travail respectueux. Nous disposons de procédures pour traiter les désaccords entre nous, même s’ils sont sérieux ou houleux. Cependant, une accusation ouverte, non fondée et fausse sur le parquet du Sénat ne fait pas partie de ces désaccords. Cela a un impact direct non seulement sur moi, mais sur nous tous, et pas seulement aujourd’hui, mais à l’avenir, si nous n’abordons pas ces questions lorsqu’elles se présentent. Nous parlons régulièrement des règles du débat et, quelle qu’en soit la mesure ou la limite, cette affaire n’en fait pas partie.

Si nous permettons que les sénateurs soient intimidés ou empêchés de s’acquitter de leurs fonctions, qu’est-ce que cela révèle sur nous? Cet endroit n’est pas seulement une institution vénérée, c’est aussi notre lieu de travail quotidien. Nous devons honorer ces deux aspects de la question. Notre lieu de travail doit être sécuritaire, et nous devons notamment y être à l’abri de l’emploi malavisé de certains mots et d’accusations graves et fausses. De nos jours, être accusé d’intimidation est une accusation grave et lourde de préjugés. C’est quelque chose qui est pris très au sérieux par l’ensemble de l’institution et de la société. Il est absolument essentiel qu’aucun sénateur ne se sente entravé dans l’exercice de ses fonctions ou réduit au silence par crainte d’être accusé ou perçu négativement. Je vous remercie, chers collègues.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la question de privilège soulevée par le sénateur Wells au sujet de la conduite affichée par un sénateur le 9 novembre 2023.

Le préavis que le sénateur Wells a fait parvenir au greffier du Sénat nous indique ce qui suit, et je cite :

Alors que la séance du Sénat avait été suspendue une heure par la sonnerie, le sénateur en question s’est approché de mon siège et a fait une accusation grave.

Les allégations du sénateur Wells me concernant, je ressens donc évidemment le besoin de m’exprimer sur la question.

D’emblée, mon discours vise à rectifier les faits allégués, ainsi qu’à fournir un contexte afin d’éclairer les délibérations de la Présidente du Sénat quant au bien-fondé à première vue de cette question de privilège.

Voici comment les événements se sont déroulés. J’ai vu sur la plateforme X une publication qui disait ce qui suit : « The Speaker @SenGagne of the Senate in concert with the ISG leadership has shut down debate [...] ». Je suis allée voir le sénateur Wells avant la fin de la sonnerie et je lui ai dit ceci :

« David, je ne m’attendais pas à subir de l’intimidation de votre part. »

Aucune autre parole n’a été prononcée, et mon langage corporel n’était pas menaçant, soyez-en assurés. Le sénateur Wells s’est retourné et n’a pas répondu. Je n’étais pas menaçante. Pour situer le contexte, voici le gazouillis du sénateur Wells auquel je fais référence :

DERNIÈRE HEURE C-234 Mes amis, les dés sont pipés. La Présidente du Sénat, @SenGagne, de concert avec les dirigeants du Groupe des sénateurs indépendants, a interrompu le débat sur ce projet de loi crucial. La Présidente n’a pas laissé, en toute équité, un amendement qui a déjà été rejeté par le comité faire l’objet d’un débat. Des sénateurs étaient prêts à intervenir au sujet de l’amendement futile et se sont levés pour demander la parole, mais la Présidente a fait le choix délibéré de ne pas leur accorder la parole. Jamais au cours de mes 11 années au Sénat je n’ai vu un Président interrompre ainsi le débat alors que des sénateurs étaient prêts à intervenir et demandaient la parole. Quel jour honteux pour le Sénat et son devoir de second examen objectif!

J’ai considéré cette publication comme une tentative d’empêcher les sénateurs et la présidence de s’acquitter de leurs fonctions. Les allégations de collusion entre les sénateurs et la présidence sont ce que j’appelle « une accusation grave », pour reprendre les termes de mes collègues. Pour ces raisons, j’ai décidé de m’adresser au sénateur Wells pour lui faire part de mes sentiments à l’égard de cette publication. J’entretiens des relations cordiales avec le sénateur Wells, et c’était ma façon de lui faire savoir que je ne m’attendais pas à un tel comportement de sa part. J’ai toujours considéré le sénateur Wells comme un gentleman. J’ai toujours eu le plus grand respect pour lui.

Vous avez été gentil avec moi, monsieur le sénateur, lorsque j’ai contracté la COVID en France. Vous étiez le seul à vous soucier de moi. Vous m’appeliez pendant la journée; vous m’apportiez même de la nourriture parce que j’étais seule dans ma chambre. Cette partie de notre relation a toujours été précieuse pour moi. Quand je suis allée vous voir, je n’étais pas agressive, juste déçue.

Je ne considère pas qu’il soit pertinent de procéder à une analyse approfondie pour déterminer l’applicabilité de chaque critère afin d’établir le bien-fondé, à première vue, d’une question de privilège.

En ce qui concerne la situation survenue le 9 novembre, conclure que la question de privilège soulevée par le sénateur Wells paraît fondée à première vue établirait à mon humble avis un dangereux précédent pour trois raisons.

Premièrement, il est déraisonnable de soutenir que cela représente une atteinte grave et sérieuse comme le décrit l’article 13.2 du Règlement. Le critère à atteindre pour qu’il soit question d’une atteinte grave et sérieuse doit être plus élevé que cela. Reconnaître une atteinte dans le cas qui nous occupe inciterait la présentation de questions de privilège frivoles et perturberait nos travaux parlementaires.

Deuxièmement, à la lumière des débats qui viennent d’avoir lieu au sujet de la question de privilège soulevée par la sénatrice Saint‑Germain concernant la façon dont certains sénateurs ont agi face à la Présidente et à certains sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants dont j’ai été témoin le 9 novembre, il me semble évident que cette question de privilège a été soulevée subséquemment dans le but de détourner l’attention des événements survenus ce jour-là. C’est une question de privilège qui correspond aux comportements observés et qui ont pour objectif d’empêcher les sénateurs de faire leur travail.

Troisièmement, reconnaître qu’il y a atteinte alors que des efforts sont déployés pour empêcher que nos collègues, et la Présidente, se fassent harceler sur les réseaux sociaux serait contraire à la Politique du Sénat sur la prévention du harcèlement et de la violence. J’insiste sur la présence du mot « prévention » dans le titre de cette politique.

La Politique du Sénat sur la prévention du harcèlement et de la violence s’applique à tous les sénateurs. Elle s’applique à toute conduite survenant dans l’enceinte sénatoriale ainsi que dans tout autre lieu ou contexte où une personne visée par la politique exécute un travail pour le compte du Sénat ou représente le Sénat d’une autre manière, y compris lors d’événements sociaux et sur les médias sociaux.

Étant donné que les comportements inappropriés ou indésirables dans le cadre des délibérations parlementaires, ainsi que les questions d’ordre et de décorum, ne relèvent pas de cette politique, une question de privilège pourrait être la première voie à suivre. Cependant, l’application du privilège parlementaire n’est pas illimitée. La politique sur la prévention du harcèlement s’applique à toute conduite qui ne fait pas partie de ces délibérations, même si elle survient dans l’enceinte du Sénat ou dans une salle de comité.

Je ne m’attends pas à ce que la présidence rende une décision à cet égard. Je soulève ce point d’abord pour expliquer que mon intervention était justifiée, mais aussi pour souligner que conclure qu’il y a violation du privilège du sénateur Wells — ou de tout autre sénateur — affaiblirait les bases mêmes de la politique que nous avons adoptée et irait à l’encontre des progrès que nous avons faits jusqu’à maintenant pour fournir aux sénateurs et au personnel du Sénat les outils pour prévenir le harcèlement en milieu de travail.

Il est crucial de souligner que les véritables cas de harcèlement et de violence en milieu de travail sont absolument inacceptables. Tous les sénateurs ont la responsabilité d’assurer une culture de respect au Sénat.

En conclusion, j’estime qu’une décision dans laquelle on reconnaîtrait qu’il y a bel et bien eu atteinte au privilège relativement à la question de privilège soulevée par le sénateur Wells créerait un dangereux précédent pour le Sénat, mais surtout, cela enverrait le message qu’il est acceptable de demeurer passif lorsque nous sommes témoins de comportements préoccupants.

Je peux vous assurer que la question de privilège soulevée par le sénateur Wells ne me découragera pas de faire ce que j’estime être juste et approprié à l’avenir. Nous devons contribuer à un milieu de travail où nous nous traitons les uns les autres avec dignité et respect. Nous avons le devoir collectif de le faire.

Cela dit, sénateur Wells, vous avez dit dans votre intervention que vous accepteriez mes excuses si je retirais mes paroles. À la reprise des travaux cette semaine, je serais venue vous voir pour parler précisément de cet incident. Il est décevant que vous ayez décidé de recourir à la question de privilège, mais je comprends ce qui vous a mené à le faire. Vous voulez mes excuses, alors je m’excuse, sénateur Wells, et je le fais devant le Sénat tout entier, mais j’aurais...

Comme je l’ai fait avec d’autres sénateurs, lorsque j’ai commis une erreur ou que j’ai pensé avoir froissé des collègues, je me suis adressé directement à eux. Nous avons discuté de la situation et les choses se sont réglées. Cette façon de faire est plus publique, et bien que je ne pense pas que votre question de privilège soit justifiée, je vous présente mes excuses. Je vous remercie.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ + ]

Je tiens au moins à faire quelques observations, et je commencerai par ce qui vient d’être soulevé.

Il me semble que la sénatrice Moncion ait laissé entendre que la question de privilège du sénateur Wells découlait d’un avis que nous avions reçu hier soir du bureau de la Présidente ou d’ailleurs, au sujet de la question de privilège soulevée par la sénatrice Saint‑Germain. Je tiens à préciser que vers 19 h ou 19 h 30, le sénateur Wells et moi-même avons eu une conversation téléphonique assez longue suite à un texto que le sénateur Wells m’a envoyé et dans lequel il me demandait de prendre la parole. Il m’a appelé pour m’informer du fait qu’il allait soulever une question de privilège.

Il me semble — et je ne voudrais pas lui faire dire ce qu’il n’a pas dit —, que le sénateur Wells m’a indiqué qu’il s’était déjà renseigné auprès du greffier intérimaire sur certaines des procédures à suivre à cette fin. On l’a notamment informé qu’il devait envoyer sa lettre avant 10 h ce matin. Par conséquent, la sénatrice Moncion se trompe lorsqu’elle affirme que la question de privilège du sénateur Wells découle de cet avis. Aucun d’entre nous ne savait ce que la sénatrice Saint-Germain se préparait à faire, que le préavis de sa question de privilège allait nous être communiqué.

D’ailleurs, environ 15 minutes après notre conversation, le sénateur Wells m’a fait parvenir par texto la lettre que la sénatrice Saint-Germain avait bel et bien fournie. Je n’en avais toujours pas pris connaissance. J’ai donc ouvert ma boîte de réception de courriels et, évidemment, la lettre s’y trouvait également. Toutefois, je n’avais pas vérifié mes courriels avant, alors il n’y a aucune corrélation entre les deux démarches. Le sénateur Wells avait déterminé qu’il allait procéder ainsi. Il m’a informé de la nature de la question qu’il allait soulever, et nous en avons discuté.

Comme vous le savez, Votre Honneur et chers collègues, je suis longuement intervenu plus tôt aujourd’hui et j’ai fait quelques observations au début de mon intervention pour m’expliquer. J’avais pris une décision. Bien sûr, c’est en quelque sorte sans importance, car n’importe qui pourrait m’accuser de dire cela maintenant pour m’en tirer à bon compte, mais je n’ai pas besoin de faire cela. Je crois être suffisamment orgueilleux pour encaisser le coup et recevoir les reproches ce qui me sont adressées sans sourciller, mais les collègues de mon caucus sauront que je voulais offrir mes excuses pour ma conduite de la semaine dernière.

Si je ne l’ai pas fait — et peut-être que je ne fais qu’empirer mon cas —, c’est parce qu’il y avait une question de privilège. Je ne voulais pas qu’un sénateur puisse dire : « Voyez, le sénateur Plett s’excuse. C’est donc qu’il admet qu’il était dans le tort. » C’est que certains sénateurs ici agiraient de la sorte. Malheureusement, certains sénateurs, sans jamais dire un mot plus haut que l’autre ni jamais employer de mauvais mots, sont aussi durs que quelqu’un qui élèverait la voix.

J’ai donc été incité à ne pas présenter d’excuses et je ne l’ai pas fait. Je précise maintenant que j’en avais l’intention, et vous en faites ce que vous voulez.

Personne ne se réjouit de ce qui s’est passé ce jeudi-là, et chacun a ses raisons. La sénatrice Moncion affirme avoir simplement traversé l’allée et avoir dit — je paraphrase — : « Vous faites de l’intimidation. » Elle soutient qu’elle n’a pas traité le sénateur d’intimidateur, qu’elle lui a dit : « Vous faites de l’intimidation. » La sénatrice Moncion m’a traité d’intimidateur. Je n’ai pas soulevé de question de privilège et je n’ai pas nommé la sénatrice Moncion plus tôt parce que je ne croyais pas que c’était nécessaire. Elle m’a traité d’intimidateur, mais pas devant beaucoup de gens. Je ne sais pas si quelqu’un d’autre l’a entendue. Cela m’est égal. Nous avons échangé des salves, nous avons discuté.

La sénatrice Moncion dit qu’elle entretient une relation cordiale avec le sénateur Wells. J’ose croire que j’ai entretenu, moi aussi, une relation cordiale avec la sénatrice Moncion au cours des derniers mois, alors j’ai perçu le qualificatif d’intimidateur dont elle m’a affublé comme une remontrance. C’était comme si elle me sermonnait à propos de mon comportement. Je n’ai pas argumenté avec elle. D’ailleurs, je m’étais rendu là-bas pour lui parler de son amendement. Elle disait avoir tout à fait le droit de présenter l’amendement, et je lui ai répondu que c’était tout à fait le cas. Nous avons tous recours à ce genre de tactique. J’ai été accusé aujourd’hui de l’avoir fait. Je suis le premier à admettre m’être servi de la même règle à de nombreuses reprises dans cette enceinte. Comme je l’ai dit à la sénatrice Moncion, cela ne me pose aucun problème. Ce qui me dérange, lui ai-je dit, « c’est que vous n’admettez pas la raison pour laquelle vous le faites ». Quoi qu’il en soit, c’était une conversation entre nous. Puis, la sénatrice Moncion m’a dit que j’étais un intimidateur. Je ne m’en formalise pas.

Toutefois, Votre Honneur, ce que vous allez devoir déterminer en traitant ces deux questions de privilège, c’est le bon mot. Est-ce que le simple fait de traiter quelqu’un d’intimidateur est acceptable, mais pas le fait de hausser le ton envers quelqu’un sans le traiter de quoi que ce soit? Votre tâche n’est pas facile, Votre Honneur. Je n’envie pas la position où vous vous trouvez, mais je ne pense pas qu’il y ait une grande différence entre les deux situations, si ce n’est peut-être l’ampleur de l’une par rapport à l’autre. Pourtant, on ne peut pas se tromper un peu. Soit on a tort, soit on a raison.

Le sénateur Wells a des raisons parfaitement légitimes de soutenir que le fait qu’on le traite d’intimidateur devant d’autres personnes relève d’une question de privilège. Votre Honneur, je tiens à rappeler que nous n’avons pas besoin de faire les choses parce que d’autres les ont faites. Nous les faisons de notre propre chef. Le sénateur Wells a agi de son propre chef. J’ai fait mon discours de mon propre chef. Je l’ai refait aujourd’hui, mais, Votre Honneur, je pense que si c’est fondé à première vue dans un cas, c’est aussi fondé à première vue dans l’autre. Merci.

J’ai seulement une question brève à poser au sénateur Plett.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Nous sommes saisis d’une question de privilège. Je suis ici pour entendre des arguments.

Je comprends. C’est à propos de ce qu’il a dit sur l’intimidation.

Le sénateur Wells [ + ]

Ceci pourrait aider à régler la question que j’ai soulevée. Je n’ai jamais de ma vie demandé des excuses, et je ne l’ai pas fait non plus dans ce cas-ci; je tenais seulement à le préciser. Je reconnais que la sénatrice Moncion m’a peut-être mal compris. J’aimerais seulement répéter ce que j’ai dit. Je peux seulement parler en mon nom, mais, si on détermine que, dans ce cas-ci, il y a eu atteinte au privilège, je serai satisfait si la sénatrice Moncion reconnaît simplement avoir tenu les propos en question et les retire. En ce qui me concerne, la question serait réglée. Je sais que vous avez présenté vos excuses, sénatrice Moncion, mais ce n’est pas ce que j’ai demandé. Ce n’est pas ce que je demande, mais je vous remercie.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Je vais vous poser la question suivante, sénateur Wells. Voulez-vous qu’on poursuive l’étude de cette question, même si la sénatrice Moncion a présenté ses excuses?

Le sénateur Wells [ + ]

Vu le débat et la discussion franche que nous avons eus et vu l’estime que j’ai pour la sénatrice Moncion sur le plan professionnel et personnel, je considère que l’affaire est close.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Le Sénat reprend maintenant ses travaux là où ils ont été interrompus à 18 heures.

Le sénateur Arnot a la parole pour trois minutes et demie.

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