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La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture

1 juin 2021


L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) [ + ]

Propose que le projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (attribution de la citoyenneté à certains Canadiens), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je suis honorée de prendre la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (attribution de la citoyenneté à certains Canadiens), qui vise un groupe qu’on appelle les « Canadiens perdus ». Selon l’Encyclopédie canadienne, l’expression « Canadiens perdus » désigne les personnes ayant perdu la citoyenneté canadienne conférée à la naissance, ou n’y étant pas admissibles bien qu’ils devraient y avoir droit de par leur présence au Canada.

Ce projet de loi d’intérêt public du Sénat comblera une lacune précise de la Loi sur la citoyenneté afin d’inclure un petit groupe de Canadiens perdus qui auraient dû être inclus lorsque des amendements ont été apportés au projet de loi C-37 en 2009 — ma première année en tant que sénatrice. À l’époque, je ne comprenais pas les problèmes des Canadiens perdus. J’ai une meilleure compréhension aujourd’hui et j’espère pouvoir expliquer l’urgence d’aider les Canadiens perdus en adoptant le projet de loi.

Avant de poursuivre, je tiens à remercier tous ceux qui ont travaillé et continuent de travailler sans relâche pour aider les Canadiens perdus qui sont parmi nous.

J’aimerais rendre hommage à Don Chapman, un des vrais champions pour les « Canadiens perdus », ayant lui-même été un Canadien dépossédé de sa citoyenneté. Il milite sans relâche pour toutes ces personnes et leur famille de son propre chef. Quand je l’ai rencontré pour la première fois, sa ferveur était indescriptible. J’ai été quelque peu surprise de son intensité. Je lui ai demandé de m’expliquer pourquoi cette cause était si importante pour lui. C’était à l’époque du projet de loi C-37 et je siégeais au comité qui allait être chargé d’étudier ce projet de loi. Il m’a donné une seule raison et j’ai compris son point de vue et pourquoi il y travaille sans relâche. En sa qualité de pilote professionnel, il m’a dit : « Si l’atterrissage se passe bien, que 99 % des passagers sont en sécurité et que seulement 1 % des passagers sont perdus, je n’aurai pas fait mon travail. » Il est lui-même l’un de ces « Canadiens perdus ». Il m’a dit qu’il faut poursuivre les efforts jusqu’à ce que tous les « Canadiens perdus » aient récupéré la citoyenneté qui leur revient de droit. Je tiens à rendre hommage à Don et à souligner son travail remarquable. Nous sommes devenus des amis au fil du temps.

Je tiens à souligner le travail de l’ancien Président Noël Kinsella et des anciens sénateurs David Tkachuk et Art Eggleton, qui se sont aussi grandement dévoués à la cause des « Canadiens perdus ».

Je tiens aussi à reconnaître le travail de la porte-parole pour ce projet de loi, la sénatrice Ratna Omidvar, qui connaît très bien les défis des « Canadiens perdus ». Je la remercie pour les discussions que nous avons eues jusqu’à aujourd’hui.

Le projet de loi S-230 vise un groupe de Canadiens qui ont perdu leur statut de citoyen ou sont devenus apatrides à la suite d’un changement de politiques.

De 1947 à 1977, les enfants nés à l’étranger obtenaient la citoyenneté seulement si leurs parents les avaient fait inscrire comme citoyens moins de deux ans après leur naissance. Ils devaient être nés dans les liens du mariage d’un père canadien, alors que les enfants nés hors mariage devaient être nés d’une mère canadienne.

En 1977, le gouvernement a proposé une nouvelle Loi sur la citoyenneté. En vertu de cette loi, les enfants nés à l’étranger le 14 février 1977 ou après ont obtenu la citoyenneté canadienne si l’un des deux parents était citoyen canadien, peu importe son état matrimonial. Toutefois, si un parent canadien était lui aussi né à l’étranger, son enfant avait jusqu’à l’âge de 28 ans pour demander de conserver sa citoyenneté canadienne. Si un enfant ne présentait pas une demande avant son 28e anniversaire, il perdait sa citoyenneté.

Certains Canadiens ignorant cette règle se sont peut-être vu retirer leur citoyenneté à leur insu. Ces événements et ces changements de politique ont eu des répercussions sur la vie des gens.

L’article 8 de la Loi sur la citoyenneté se lit comme suit :

La personne qui, née à l’étranger après le 14 février 1977, possède la citoyenneté en raison de la qualité de citoyen reconnue, à sa naissance, à son père ou sa mère au titre de l’alinéa 3(1)b) ou e), la perd à l’âge de vingt-huit ans sauf si :

a) d’une part, elle demande à conserver sa citoyenneté;

b) d’autre part, elle se fait immatriculer comme citoyen et soit réside au Canada depuis un an à la date de la demande, soit démontre qu’elle a conservé avec le Canada des liens manifestes.

La loi a été adoptée, puis oubliée. Le gouvernement n’a jamais publié de formulaire pour la conservation de la citoyenneté, on n’a pas formulé d’instructions expliquant comment une personne pourrait confirmer sa citoyenneté, et les personnes touchées n’ont jamais été informées de l’exigence à satisfaire pour conserver leur citoyenneté.

En 2009, le projet de loi C-37 a apporté des modifications à la Loi sur la citoyenneté et tenté de régler le problème que posent ces Canadiens dépossédés de leur citoyenneté.

Le 17 avril 2009, les règles entourant la citoyenneté canadienne ont changé pour les personnes qui sont nées à l’extérieur du Canada de parents canadiens et qui n’étaient pas déjà citoyennes canadiennes quand les règles ont changé. L’entrée en vigueur de ces règles n’a rien changé pour les gens qui avaient déjà la citoyenneté canadienne. Par contre, la citoyenneté canadienne par filiation, qui est octroyée aux personnes nées à l’extérieur du Canada d’un parent canadien, ne s’applique désormais qu’à la première génération née à l’extérieur du Canada.

Cela signifie que, en général, les personnes qui n’étaient pas déjà des citoyens canadiens avant le 17 avril 2009, date de l’adoption du projet de loi C-37, et qui sont nées à l’étranger d’un parent canadien, ne sont pas canadiennes si les conditions suivantes sont réunies : leur parent canadien est lui aussi né à l’étranger d’un parent canadien, et cette personne est en conséquence la deuxième génération ou la génération subséquente née à l’étranger; ou leur parent canadien a obtenu la citoyenneté canadienne selon les dispositions d’adoption de l’article 5.1 de la Loi sur la citoyenneté — c’est-à-dire que cette personne fait alors partie de la deuxième génération née à l’extérieur du Canada —, à moins que leur parent ou leur grand-parent canadien ait travaillé, selon la définition d’une des exceptions suivantes à la limite de la première génération.

Quand il s’agit de citoyenneté, la limite de la première génération ne s’applique pas à une personne née à l’étranger dans une deuxième génération ou dans une génération subséquente si les conditions suivantes sont réunies : lors de la naissance de la personne, son parent canadien travaillait à l’étranger pour les Forces armées canadiennes, l’administration publique fédérale ou la fonction publique d’une province ou d’un territoire, autrement qu’en tant que personne engagée sur place (un fonctionnaire); ou, lors de la naissance ou de l’adoption de ses parents canadiens, le grand-parent canadien de la personne travaillait à l’étranger pour les Forces armées canadiennes, l’administration publique fédérale ou la fonction publique d’une province ou d’un territoire, autrement qu’en tant que personne engagée sur place (un fonctionnaire).

Les règles peuvent également viser les enfants adoptés par des parents canadiens à l’extérieur du Canada, selon la façon dont ces enfants ont obtenu ou obtiendront leur citoyenneté.

Les personnes nées d’un parent canadien qui ne sont pas admissibles à la citoyenneté par filiation en raison de la limite de transmission à la première génération peuvent présenter une demande de résident permanent et, après avoir obtenu le statut de résident permanent, présenter une demande de citoyenneté au titre de l’article 5 de la Loi sur la citoyenneté.

Cette modification a entraîné l’abrogation de la règle des 28 ans. Les Canadiens visés par la règle, mais qui n’avaient pas encore atteint cet âge, ont bénéficié d’une clause de droits acquis. Toutefois, le projet de loi C-37 a quand même laissé pour compte un petit groupe de Canadiens perdus.

Ces Canadiens nés à l’étranger entre 1977 et 1981 — à savoir ceux qui ont atteint l’âge de 28 ans avant l’adoption du projet de loi C-37 en 2009 — sont le tout petit groupe de personnes dont il est question dans la mesure législative. Certaines de ces personnes étaient conscientes de la règle des 28 ans et elles ont soit présenté une demande pour garder leur citoyenneté, soit laissé cette dernière leur être retirée. D’autres ne connaissaient pas la règle et ont donc perdu leur citoyenneté lors de leur 28e anniversaire. Aujourd’hui, la règle de conservation de la citoyenneté avant l’âge de 28 ans s’applique uniquement aux Canadiens de deuxième génération nés dans la période de 50 mois allant du 15 février 1977 au 16 avril 1981, c’est-à-dire ceux qui ont eu 28 ans avant l’entrée en vigueur du projet de loi C-37.

Bon nombre de ces personnes ont grandi au Canada à partir de leur plus jeune âge. Elles sont allées à l’école ici, elles ont élevé leur famille ici, elles ont travaillé et payé des impôts, et pourtant, elles ignoraient que, quand elles auraient 28 ans, elles seraient déchues de leur citoyenneté canadienne. Rien n’était prévu pour informer ce groupe de Canadiens de l’existence de cette règle, ni lettre d’Immigration Canada ni informations transmises à l’avance. Je pourrais vous parler de plusieurs cas aujourd’hui, mais je préfère ne parler que de deux d’entre eux pour vous donner une idée de la situation dans laquelle ces Canadiens perdus se sont retrouvés.

Mme Byrdie Funk est née au Mexique de deux parents canadiens, mais elle est arrivée au Canada quand elle n’avait que deux mois. Elle a grandi dans le Sud du Manitoba, où elle est allée à l’école, s’est fait des amis et a appris à patiner sur l’étang derrière sa maison. Puis, à l’âge de 36 ans, elle a essayé de faire renouveler son passeport. Au lieu de recevoir un nouveau passeport, elle a reçu une lettre du gouvernement l’informant qu’elle n’était plus citoyenne canadienne. Elle avait 36 ans, et le couperet des 28 ans était tombé.

Anneliese Demos est une mère de quatre enfants, âgée de 39 ans, qui vit à Winnipeg. Elle a deux emplois et paie de l’impôt sur ses revenus. Elle vit au Manitoba depuis qu’elle a 2 ans, mais est née au Paraguay, de parents canadiens.

En 2012, elle a présenté une demande de passeport en vue de voyager, et sa demande a été acceptée. Six ans plus tard, Mme Demos a reçu une lettre de Citoyenneté et Immigration l’informant que son passeport avait été délivré par erreur et qu’elle n’était pas, en fait, citoyenne canadienne. La lettre lui demandait de renvoyer son certificat de citoyenneté, celui qu’elle avait reçu à l’âge de 2 ans.

Mmes Demos et Funk se sont toutes deux vu attribuer la citoyenneté par le ministre de manière discrétionnaire et sont de nouveau citoyennes canadiennes. Les attributions discrétionnaires de citoyenneté s’effectuent au cas par cas. Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a le pouvoir discrétionnaire d’attribuer la citoyenneté à quiconque se retrouve dans cette situation particulière. L’attribution discrétionnaire vise à remédier à une situation d’apatridie ou une situation particulière et inhabituelle de détresse ou à récompenser des services exceptionnels rendus au Canada.

Or, cette mesure n’est pas une solution au problème auquel se heurtent les Canadiens ayant perdu leur citoyenneté et ne les protège pas. Ces personnes vivent chaque jour avec la peur d’être expulsées du Canada. Elles n’ont pas de numéro d’assurance sociale. Elles ne peuvent pas accéder à notre système de santé. Elles ne peuvent pas obtenir d’emploi. Elles ne peuvent pas voyager et vivent dans l’incertitude avec leurs enfants.

Honorables collègues, en conclusion, le projet de loi S-230 propose les modifications suivantes à la Loi sur la citoyenneté afin que ce petit groupe de Canadiens ayant perdu leur citoyenneté puisse redevenir des citoyens canadiens à part entière et qu’ils aient droit à un traitement équitable, comme ceux qui n’ont pas eu la malchance de se retrouver dans cette fenêtre de 15 mois pendant laquelle la règle des 28 ans s’appliquait et rendait les gens inadmissibles. Ces personnes ont laissé leur citoyenneté canadienne leur être retirée parce qu’ils ont eu 28 ans et qu’ils n’étaient pas au courant de la situation.

Les modifications suivantes à la Loi sur la citoyenneté sont prévues dans le projet de loi :

1 (1) Le sous-alinéa 3(1)f)‍(iii) de la Loi sur la citoyenneté est remplacé par ce qui suit :

(iii) elle a présenté la demande visée à l’article 8, dans ses versions antérieures au 17 avril 2009, pour conserver sa citoyenneté et cette demande a été rejetée;

(2) Le paragraphe 3(1) de la même loi est modifié par adjonction, après l’alinéa g), de ce qui suit :

g.‍1) qui, née à l’étranger après le 14 février 1977, aurait qualité de citoyen si elle avait présenté la demande visée à l’article 8, dans ses versions antérieures au 17 avril 2009;

(3) Les paragraphes 3(4) et (4.‍1) de la même loi sont remplacés par ce qui suit :

Exception

(4) Le paragraphe (3) ne s’applique pas à la personne qui avait qualité de citoyen le 11 juin 2015.

2 Le sous-alinéa 27(1)j.‍1)‍(i) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

(i) a qualité de citoyen au titre des alinéas 3(1)f), g) ou g.‍1),

Chers collègues, ces personnes sont des mères, des pères, des enfants, des vétérans qui demeurent des Canadiens perdus. Ils n’ont pas eu droit au même traitement équitable que ceux qui n’ont pas eu la malchance de se retrouver dans cette fenêtre de 15 mois. L’heure est venue de rectifier cette erreur. Malheureusement, certains Canadiens perdus sont décédés depuis. Nous ne voulons pas que d’autres meurent avant qu’ils obtiennent les droits qui sont chers au Canada et qui font de celui-ci un pays multiculturel et dynamique.

Honorables sénateurs, je vous demande d’appuyer le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénatrice, acceptez-vous de répondre à une question du sénateur Dalphond?

La sénatrice Martin [ + ]

Oui.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ + ]

Ma question porte sur ce groupe de Canadiens perdus. Savez-vous combien ils sont?

La sénatrice Martin [ + ]

Je n’ai pas un chiffre exact, mais il s’agit seulement d’une fenêtre de 15 mois. Ces Canadiens perdus auraient eu 28 ans entre le 15 février 1977 et le 16 avril 1981. L’abrogation de la disposition sur l’âge de 28 ans dans le projet de loi C-37 que nous avons adopté ne s’applique donc pas à eux.

Je ne crois pas qu’ils soient des milliers. Ils sont peut-être des centaines, mais peut-être encore moins que cela. Il y en a dont nous n’avons jamais entendu parler, mais nous savons que certains communiquent avec des défenseurs de leurs droits. Ils ont très peur d’être déportés, car ils sont apatrides. Je peux dire que c’est un petit groupe, mais je ne peux vous donner un chiffre en ce moment.

Le sénateur Dalphond [ + ]

Merci.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-230, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté concernant l’attribution de la citoyenneté à certains Canadiens, qui a été présenté par notre collègue la sénatrice Martin.

Avant de parler du projet de loi, je tiens à souligner que le 1er juin a été un jour porteur de changement au Sénat. Nous avons adopté le projet de loi S-4. Nous avons conservé les traditions que nous avons jugé nécessaires, mais nous nous sommes aussi tournés vers l’avenir avec confiance. Je tiens à remercier notre collègue le sénateur Marc Gold, qui a fait preuve de dévouement pour présenter ce projet de loi au Sénat.

Je suis la porte-parole officielle du projet de loi S-230. J’ai toujours pensé qu’un porte-parole était quelqu’un qui devait s’opposer à quelque chose. En vérité, il n’y a pas grand-chose qui mérite qu’on s’y oppose dans ce projet de loi attendu depuis longtemps, alors je l’appuie fermement.

Quand je suis devenue sénatrice en 2016, j’ai commencé à recevoir des courriels de Canadiens qui savaient que je m’intéressais à la citoyenneté. C’est à ce moment-là que j’ai entendu pour la première fois l’expression « Canadiens perdu ». Pour être honnête, j’étais perplexe parce que ceux d’entre nous qui sont venus vivre au Canada savent à quel point c’est un privilège d’être Canadien. Selon moi, il est inconcevable qu’on puisse perdre involontairement sa citoyenneté à cause de ce que je qualifierais d’erreur et de cafouillage bureaucratique ou d’occasions ratées.

En juin 2016, j’ai prononcé un discours dans cette enceinte en tant que porte-parole du projet de loi C-6 qui portait sur la souveraineté. J’avais utilisé l’image d’une maison pour décrire la citoyenneté canadienne, avec son toit solide, ses portes solides et beaucoup de fenêtres pour laisser entrer les rayons du soleil, mais aussi pour tenir les dangers à l’extérieur. Je crois que la métaphore est encore valable aujourd’hui, mais les fondations de la maison reposent sur certains principes.

Le premier principe, qui est le plus important, est celui de l’égalité entre les citoyens. Tous les Canadiens, qu’ils soient nés ici, qu’ils aient été naturalisés, qu’ils soient détenteurs d’une seule nationalité ou qu’ils en aient deux, qu’ils soient âgés de 50 ans, de 10 ans ou de 1 mois, sont traités de manière égale devant la loi. Des droits égaux, des responsabilités égales et, lorsque cela est nécessaire, des punitions égales. Ce n’est pas un idéal vers lequel on tend. C’est plutôt le minimum. C’est ainsi que s’incarne au Canada le principe fondamental de l’égalité.

Le deuxième principe est l’accessibilité à la citoyenneté pour les personnes qui répondent aux critères. En ayant recours encore une fois à la métaphore de la maison, je vous dirais que l’accessibilité correspond à la salle familiale avec une belle grande porte accueillante où crépite un bon feu dans la cheminée pour chasser le froid. Cependant, pour certains Canadiens, le feu s’est éteint par inadvertance et ils ont été exclus ou bannis de la maison.

Comme l’a souligné la sénatrice Martin, beaucoup vivent au Canada depuis des années sans même se rendre compte qu’ils n’ont peut-être plus la citoyenneté canadienne. Bien qu’on ait tenté de régler la question de la citoyenneté de différentes façons au moyen de solutions législatives, celles-ci n’ont jamais réussi à englober tout le monde. Il s’agit là d’un véritable exemple des conséquences négatives involontaires d’une loi que nous avons à gérer de diverses manières.

Lorsque je suis intervenue au sujet du projet de loi C-6, qui était une loi omnibus sur la citoyenneté, l’ancien sénateur Willie Moore, qui était avec nous, m’a demandé si les Canadiens perdus retrouveraient leur citoyenneté. Malheureusement, j’ai dû lui répondre que non, cela ne faisait pas partie de la portée du projet de loi.

Après l’adoption du projet de loi C-6, l’ancien sénateur Eggleton en est devenu le parrain. Il était presque prêt à le déposer à l’approche de son départ à la retraite. Encore une fois, le projet de loi s’est retrouvé en quelque sorte orphelin. Depuis, Don Chapman et d’autres personnes se sont adressés à la sénatrice Martin, à la sénatrice Jaffer et à nous tous pour tenter d’attirer notre attention sur le projet de loi. Je suis extrêmement reconnaissante envers la sénatrice Martin de prendre ce taureau par les cornes et de le ramener à notre attention.

Comme nous le savons, et comme la sénatrice Martin l’a expliqué, le système d’immigration est incroyablement complexe. Le droit de l’immigration est complexe. Le droit de l’immigration comprend le droit de la citoyenneté, qui est incroyablement complexe. Les gens se retrouvent parfois pris dans ce filet et ont du mal à s’en sortir.

Comme l’a expliqué la sénatrice Martin, la portée du projet de loi est restreinte. En 1977, une nouvelle Loi sur la citoyenneté est entrée en vigueur. En vertu de cette loi, les enfants nés à l’étranger le 14 février 1977 ou après ont obtenu la citoyenneté canadienne si l’un des deux parents était citoyen canadien, peu importe son état matrimonial.

Toutefois, si le parent canadien était né à l’extérieur du Canada et que, par conséquent, l’enfant était considéré de deuxième génération, l’enfant devait faire une demande de citoyenneté avant l’âge de 28 ans. S’il ne présentait pas une demande avant l’âge de 28 ans, sa citoyenneté lui était retirée, souvent sans qu’il s’en rende compte.

Plus tard, en avril 2009 — bien des années plus tard, on tente encore de faire du rattrapage —, le projet de loi C-37 a changé de nouveau la Loi sur la citoyenneté en abrogeant la règle des 28 ans. Cependant, le projet de loi ne couvrait pas complètement les Canadiens qui sont nés à l’étranger pendant la période limitée de 1977 à 1981 et qui ont eu 28 ans avant que le projet de loi C-37 entre en vigueur. Certains d’entre eux étaient assez bien informés et ont présenté une demande de citoyenneté. D’autres sont tout simplement passés entre les mailles du filet.

Le sénateur Dalphond s’est demandé combien sont dans cette situation. Je suis également curieuse de le savoir. Selon l’information dont je dispose, il n’y en a certainement pas des milliers. Il pourrait même y en avoir seulement quelques centaines. Cependant, j’espère que nous pouvons tous admettre que, même s’il n’y en a qu’une centaine, il est important que ces gens puissent faire valoir leurs droits en tant que Canadiens.

Bon nombre de personnes qui sont nées à l’étranger, mais qui ont été élevées au Canada, se sont établies au Canada. Ces gens ont fréquenté l’école ici, et ils y ont un emploi et une famille. Ils sont profondément enracinés ici. Ils ont payé des impôts ici. Cependant, ils n’étaient pas au courant du problème, tout comme il m’arrive de ne pas me rendre compte que mon permis de conduire est expiré, et j’ai ensuite beaucoup de difficulté à le récupérer; c’est le genre de chose qui peut arriver. Comme je l’ai dit, on parle d’au plus quelques centaines de personnes.

Comme la sénatrice Martin l’a expliqué, le gouvernement s’en remet à des nominations ministérielles. Chaque fois que j’ai fait appel à l’un des ministres de l’Immigration qui se sont succédé, ils ont tous répondu : « Pas de problème. Je peux m’en occuper. Envoyez-moi le dossier. » Or, honorables sénateurs, une telle approche ne permet pas de régler de façon systémique ce type d’injustice. Il nous faut une loi. Même si Byrdie Funk — quelqu’un que j’admire beaucoup — et Anneliese Demos — même chose — avaient la capacité de défendre leur cause, je m’inquiète pour ceux qui ne l’ont pas, qui n’arrivent pas à attirer l’attention du ministre ou de son ministère. À mon avis, il est temps de corriger cette situation de façon systémique.

Être en attente d’une reconnaissance officielle a de graves conséquences. Avant d’obtenir la citoyenneté, on ne peut pas avoir de numéro d’assurance sociale. Il peut être difficile de trouver un emploi ou de voyager. En fait, c’est probablement impossible de voyager parce qu’on n’a pas de passeport. L’accès aux soins de santé est limité. Il faut gérer tout cela sous la menace constante de déportation.

Dans le cas de Byrdie Funk, il n’est pas certain que les cotisations qu’elle a versées au fil des ans au Régime de pensions du Canada seront prises en compte au moment de sa retraite.

Le projet de loi C-230 permettra aux gens nés à l’étranger, mais ayant bâti une vie ici, de prouver qu’ils sont Canadiens et qu’ils ont le droit de transmettre la citoyenneté canadienne à leurs enfants. Cela n’entraînera pas la transmission perpétuelle de la citoyenneté canadienne à des générations de personnes qui ne vivront peut-être jamais au Canada. Cela ne s’applique nullement aux Canadiens de troisième génération.

Honorables sénateurs, je vous exhorte essentiellement à appuyer le projet de loi et à le renvoyer au comité pour une étude plus approfondie. Cela fait déjà trop longtemps que les Canadiens perdus attendent. Réintégrons-les à la famille canadienne le plus tôt possible. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

L’honorable sénatrice Martin, avec l’appui de l’honorable sénateur Carignan, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

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