La Loi sur l'assurance-emploi—La Loi sur les prestations canadiennes de relance économique
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture
16 mars 2021
Honorables sénateurs, la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique a été créée pour permettre aux Canadiens de prendre des congés de maladie avec protection de l’emploi lorsqu’ils n’y ont pas accès par l’entremise de leur employeur. Comme l’a dit la ministre Qualtrough le 2 janvier 2021 :
La Prestation canadienne de maladie pour la relance économique n’a jamais eu pour but d’inciter ou d’encourager les Canadiens à ne pas suivre les directives de santé publique ou de voyage international.
Par conséquent, le projet de loi C-24 modifie la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique en ajoutant un nouveau critère d’admissibilité aux trois prestations de relance. Cela exige que les personnes attestent qu’elles n’ont pas été tenues, à aucun moment au cours de la période de prestations, de se mettre en quarantaine ou de s’isoler à la suite de déplacements internationaux en application d’un décret pris en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine.
Ce projet de loi offre des exemptions limitées à cette nouvelle exigence d’admissibilité. Les personnes qui seraient normalement exemptées des exigences de quarantaine obligatoire prévues par la Loi sur la mise en quarantaine, comme les travailleurs de la santé ou les camionneurs qui doivent traverser la frontière pour travailler, pourraient quand même faire une demande à leur retour au pays si elles sont incapables de travailler à cause de la COVID-19. En outre, les personnes qui se sont rendues à l’étranger pour recevoir un traitement médical nécessaire ou pour accompagner quelqu’un qui devait recevoir un traitement médical nécessaire sont exemptées de cette nouvelle exigence d’admissibilité.
Afin de faciliter les mesures de vérification relatives à cette nouvelle exigence d’admissibilité, le projet de loi C-24 autorise le ministre de la Santé à aider le ministre de l’Emploi et du Développement social à vérifier si une personne remplit les conditions d’admissibilité telles que définies par la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique, et à communiquer à cette fin certains renseignements personnels obtenus sous le régime de la Loi sur la mise en quarantaine au ministre de l’Emploi et du Développement social. Le projet de loi modifie aussi la Loi sur les douanes afin de permettre la communication de renseignements pour l’application ou l’exécution de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique.
Au bout du compte, ces amendements permettront d’assurer que les prestations canadiennes de relance économique continueront de cibler les Canadiens qui en ont vraiment besoin. Les règles d’admissibilité seront appliquées de façon rétroactive au 2 octobre 2020, date à laquelle la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique a reçu la sanction royale.
En conclusion, honorables sénateurs, le projet de loi à l’étude n’est pas seulement simple et clair, il est essentiel. Des dizaines de milliers de personnes partout au pays verront bientôt leurs prestations régulières d’assurance-emploi prendre fin en pleine pandémie. Le projet de loi fera en sorte qu’elles obtiennent l’aide dont elles ont besoin en cette période inédite de l’histoire du pays. Il est vital que les Canadiens reçoivent le soutien financier requis pour traverser ce qui est assurément l’une des pires crises de leur vie. Honorables sénateurs, je vous invite tous à faire comme moi et à appuyer l’adoption du projet de loi C-24. Merci.
Honorables sénateurs, c’est à titre de porte-parole officielle de l’opposition que je prends la parole aujourd’hui, et il sera question du projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (prestations régulières supplémentaires), la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique (restriction de l’admissibilité) et une autre loi en réponse à la COVID-19.
Je ne décortiquerai pas le texte en détail, puisque la sénatrice LaBoucane-Benson, qui en est la marraine, en a très bien expliqué les tenants et les aboutissants, mais en deux mots, le projet de loi C-24 facilite l’accès à l’assurance-emploi en faisant temporairement passer à 50 le nombre de semaines de prestations qu’une personne peut toucher, à condition que sa demande ait été présentée entre le 27 septembre 2020 et le 25 septembre 2021. Il permet aussi aux travailleurs autonomes du pays d’avoir plus facilement droit à des prestations.
La deuxième partie du texte vise pour l’essentiel à corriger une erreur de la part du gouvernement. Comme c’est la coutume depuis le début de la pandémie, les programmes de prestations spéciales du gouvernement ont été adoptés à toute vitesse par le Parlement, sans que celui-ci puisse les étudier à fond. Je comprends que, dans certaines situations, il faille faire vite, et la preuve que le caucus conservateur l’a bien compris, c’est qu’il a tendu la main au gouvernement et accepté que les projets de loi correspondants soient adoptés rapidement, car il fallait que les personnes qui avaient besoin d’aide en obtiennent sans tarder. Cela dit, j’estime que ce raisonnement ne s’applique pas au projet de loi dont nous sommes saisis, car il a été adopté sous pression au début de l’automne, après la prorogation du Parlement. Essayez de comprendre, pour voir : le gouvernement n’a pas prorogé le Parlement une seule fois pendant son premier mandat, mais il a jugé que la pandémie offrait un contexte parfait pour le proroger durant un mois.
Les honorables sénateurs se souviendront que le projet de loi C-4 a été présenté à la Chambre des communes le 29 septembre et qu’il a été adopté rapidement par les deux Chambres avant de recevoir la sanction royale le 2 octobre. Autrement dit, il a été présenté à la Chambre des communes le mardi et promulgué par la gouverneure générale de l’époque le vendredi, avant l’heure du souper. Ce n’est toutefois qu’à la fin février que le gouvernement a présenté le projet de loi C-24 dans le but de corriger l’erreur qui avait été repérée. De plus, la deuxième lecture ne s’est produite que plus d’un mois plus tard, le 8 mars 2021. Il est décevant que le gouvernement ait attendu des mois avant d’éliminer l’échappatoire de la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique et de fournir des prestations supplémentaires au moyen de l’assurance-emploi. Le fait qu’il se soit traîné les pieds au lieu de régler des enjeux cruciaux pour les Canadiens en cette période de crise socioéconomique témoigne d’un manque de leadership.
Le problème, c’est que les Canadiens qui ont besoin d’aide sont confrontés à messages contradictoires à propos des échappatoires non réglées et quand il s’agit de déterminer qui est admissible à quelle prestation, pendant combien de temps, comment présenter une demande, et ainsi de suite. Permettez-moi, honorables sénateurs, d’illustrer cette situation en parlant de l’expérience de mon bureau, qui est probablement semblable à celle d’autres bureaux. Nous avons reçu énormément de demandes et de questions sur les prestations de la part de Canadiens inquiets. lls avaient du mal à s’y retrouver en raison du manque de clarté et des messages changeants, contradictoires et erronés du gouvernement.
Je me permets d’énumérer les programmes: la Prestation canadienne de la relance économique, ou PCRE; la Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants, ou PCREPA; la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique, ou PCMRE; la Prestation canadienne d’urgence, ou PCU; la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants, ou PCUE. Ajoutons à cela la Subvention salariale d’urgence du Canada, ou SSUC, et la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer, ou SUCL, mises en place pour aider les entreprises. Enfin, il y a le programme d’assurance-emploi.
Avec tous ces programmes — PCRE, PCREPA, PCMRE, PCU, PCUE, SSUC et SUCL —, on peut se demander par où commencer pour demander de l’aide. Les critères d’admissibilité changent tous les jours. On peut recevoir des prestations d’assurance-emploi un jour, la PCU le lendemain, puis encore des prestations d’assurance-emploi. Pour bien des Canadiens, c’était la première fois qu’ils se tournaient vers des programmes gouvernementaux pour obtenir de l’aide, et il a dû être encore plus difficile pour eux d’obtenir les réponses et l’aide dont ils avaient besoin.
Non seulement ils ont été bombardés de messages du gouvernement fédéral, mais ils ont dû tenir compte également des normes et des programmes provinciaux. Chaque province avait sa propre loi sur les mesures d’urgence et son propre système de restrictions avec un code de couleurs. Les provinces offraient aussi leurs propres programmes d’aide aux entreprises et aux particuliers. Ainsi, un Canadien qui voulait de l’aide pour joindre les deux bouts pouvait être obligé de s’informer sur plus d’une demi-douzaine de programmes et de déterminer ceux auxquels ils avaient droit. J’espère qu’on passera en revue les mesures prises par le gouvernement en réponse à la pandémie de COVID-19 et qu’on se penchera plus particulièrement sur l’importance pour le gouvernement de communiquer des messages clairs et directs et d’offrir des programmes d’aide plus simples pour les Canadiens qui voudront de l’aide lors des prochaines situations d’urgence.
Au bout du compte, les mesures que nous avons adoptées au Parlement dans la dernière année ont eu un effet direct sur des millions de Canadiens qui ont perdu la totalité ou une partie de leurs revenus. Alors que le nombre de cas et de décès commence enfin à diminuer dans l’ensemble du pays, il ne faut pas oublier que des millions de Canadiens souffrent encore des conséquences de la pandémie de COVID-19.
Selon l’Enquête sur la population active, en janvier 2021, le taux de chômage a grimpé à 9,4 % et 18 272 000 Canadiens étaient employés, par rapport à janvier 2020, où le taux de chômage s’élevait à 5,5 % et 19 159 000 Canadiens étaient employés. Par ces chiffres, on peut voir que la COVID-19 a nui considérablement à la capacité d’environ 1 million de Canadiens de subvenir aux besoins de leur famille. En outre, d’après l’Enquête sur la population active de janvier 2021 :
Le nombre de chômeurs de longue durée (les personnes qui cherchent du travail ou qui ont été mises à pied temporairement depuis 27 semaines ou plus) s’est maintenu à un niveau record (512 000).
C’est environ la moitié des chômeurs de l’année dernière qui cherchent du travail ou qui ont été mis à pied temporairement depuis plus de 27 semaines. N’oublions pas que cela n’inclut pas les personnes dont le revenu a diminué à cause d’une pénurie de travail, d’une réduction des heures de travail ou de la nécessité pour les entreprises de baisser les salaires pour survivre. Les chiffres ne racontent pas toute l’histoire.
Les jeunes Canadiens doivent jouer un rôle déterminant dans la reprise économique, et le gouvernement doit prendre des mesures proactives pour les aider avant qu’il soit trop tard. Une étude de la RBC a révélé que, dans toutes les provinces et les grandes villes canadiennes, les jeunes âgés de 14 à 29 ans sont devenus bien plus pessimistes qu’avant en ce qui concerne leurs perspectives d’emploi et leur aptitude à trouver un emploi. Le gouvernement devra agir rapidement pour stimuler l’économie ainsi que pour augmenter la confiance et les perspectives d’emploi des jeunes.
Alors que je préparais mon discours, l’Enquête sur la population active de février a été publiée. Il n’est que juste de préciser que le taux de chômage a baissé, passant de 9,4 % en janvier à 8,2 % pour le mois dernier. Il est rassurant de voir le taux diminuer, mais Statistique Canada prévient que nous ne sommes pas au bout de nos peines. En effet, la baisse de 1,2 % est principalement attribuable à la reprise de l’activité économique dans les domaines de la vente au détail et de la restauration, le mois dernier, au Québec et en Ontario. Comparativement à il y a 12 mois, 599 000 personnes de moins occupent un emploi et 406 000 personnes de plus travaillent moins de la moitié du nombre d’heures qu’elles avaient l’habitude de travailler.
La nouvelle Enquête sur la population active publiée en février fait le point sur la situation des jeunes :
Le taux de chômage des jeunes a diminué de 2,6 points de pourcentage pour s’établir à 17,1 % en février. Il s’agit d’un taux similaire au récent creux observé en novembre 2020, mais d’un taux tout de même plus élevé que celui enregistré un an plus tôt (10,4 %). Le taux de chômage a diminué tant chez les jeunes hommes (-3,2 points de pourcentage pour s’établir à 16,1 %) que chez les jeunes femmes (-2,0 points de pourcentage pour s’établir à 18,1 %). Le taux de chômage est habituellement plus élevé chez les jeunes hommes que chez les jeunes femmes. Cette tendance a toutefois a été inversée en raison des confinements de mars et avril 2020 et de janvier et février 2021 étant donné que la moitié des jeunes femmes travaillent dans les services d’hébergement et de restauration et dans le commerce de détail — des secteurs parmi les plus touchés par les restrictions liées à la pandémie.
J’en parle rapidement, honorables sénateurs, parce que je crains que le gouvernement commence à perdre l’objectif de vue. Il voit la fin potentielle d’une pandémie approcher grâce au lent déploiement de la vaccination et, bien franchement, notre relance économique doit se faire avec plus de vigueur et de proactivité.
On constate, avec le projet de loi C-24, que le gouvernement commence tranquillement à modérer ses mesures de soutien à un moment où il doit garder le cap sur ce qui importe le plus : protéger les Canadiens de la COVID-19 et veiller à ce que le confinement auquel ils sont soumis depuis un an ne nuise pas à leurs possibilités d’emploi plus longtemps que nécessaire.
Les entreprises canadiennes sont prêtes à mettre la main à la pâte et à jouer un rôle dans la réduction de la transmission de la COVID-19. Des groupes d’entreprises, notamment la Chambre de commerce du Canada, ont fait parvenir une lettre au premier ministre disant qu’ils veulent faire partie de la solution globale en vue de gérer la pandémie et de revenir à la normalité plus rapidement.
Le projet de loi C-24 modifie également la Loi sur l’assurance-emploi afin que les travailleurs autonomes canadiens ayant subi une perte de revenus puissent plus facilement avoir accès aux prestations d’assurance-emploi. La pandémie nous a également montré que les filets de sécurité comme l’assurance-emploi doivent être adaptés à l’économie du XXIe siècle. Les paramètres actuels de l’assurance-emploi sont conçus en fonction d’une économie où c’était la norme pour les travailleurs d’occuper le même emploi de 9 à 5 au sein de la même entreprise pendant 25 ans. Aujourd’hui, avec l’avènement de l’économie de petits boulots, les travailleurs à la demande ne sont pas employés à long terme par la même entreprise. Selon une étude réalisée par Statistique Canada sur les données fiscales, la proportion des travailleurs à la demande parmi tous les travailleurs est passée de 5,5 % en 2005 à 8,2 % en 2016, et ce, exclusivement dans l’économie numérique. Cela comprend notamment les chauffeurs d’Uber, les personnes qui louent leur logement sur Airbnb, etc., qui représentent 5,5 % de la totalité de l’activité économique au Canada.
Alors que les Canadiens se sont adaptés aux nouvelles réalités depuis le début, le programme d’assurance-emploi est demeuré bloqué au milieu du XXe siècle. De trop nombreuses personnes sont passées entre les mailles du filet de l’assurance-emploi.
La pandémie a mis au jour les grandes failles des programmes d’assurance-emploi : ils ne sont pas facilement adaptables et ne sont pas conçus pour répondre aux besoins d’un nombre considérable de Canadiens. Le gouvernement a constamment dû modifier les critères d’admissibilité et le nombre de semaines de prestations pour aider les Canadiens qui avaient besoin d’un coup de main. Il a dû intervenir de nouveau en présentant le projet de loi C-24, pour aider les travailleurs autonomes, comme il l’avait fait en mai pour les travailleurs saisonniers et à l’automne, pour les mères, par voie de règlement.
Pendant la pandémie, le temps pressait, mais la désuétude du système d’assurance-emploi a retardé le versement des prestations aux Canadiens qui les attendaient. Une fois que les autres programmes ont été mis en place, il n’y a pas eu simplification du processus entre les divers ministères, ce qui a entraîné des retards et des frustrations pour les Canadiens.
Je songe au cas d’une Ontarienne qui a eu de la difficulté à s’y retrouver dans les changements apportés aux prestations d’urgence pendant la pandémie de COVID-19. Cette mère de deux enfants qui travaillait dans le secteur de la vente au détail avait perdu son emploi au printemps dernier à cause de la pandémie. Elle a d’abord touchée la PCU, puis elle est passée à l’assurance-emploi en septembre. Cependant, comme elle travaille à temps partiel, la moitié de son salaire est récupéré. En janvier, comme elle était la seule personne à pouvoir s’occuper de sa fille de cinq ans lorsque les écoles ont été fermées à London, elle a déclaré dans sa demande de prestations d’assurance-emploi qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Dès lors, elle n’était plus admissible à l’assurance-emploi parce que les demandeurs doivent être disponibles pour travailler.
La jeune femme a alors fait une demande au titre de la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique, mais on lui a dit qu’elle n’était pas admissible parce qu’elle avait déjà fait une demande à l’assurance-emploi. Nous sommes en mars, mais elle n’a toujours pas reçu d’argent pour ces deux semaines en janvier. Je cite ce que cette jeune mère a déclaré aux médias.
De nombreuses personnes se retrouvent dans une situation comme la mienne où pendant deux semaines, elles n’ont aucune rentrée d’argent. Ça fait peur et, pour bien des gens, ce manque d’argent les empêchera de payer le loyer ou la mensualité hypothécaire ou d’acheter de la nourriture.
Je suis consciente que le gouvernement a promis de réformer le régime d’assurance-emploi, mais j’ai appris, en tant qu’ancienne membre du Comité sénatorial permanent des langues officielles, qu’il ne tient pas nécessairement parole, malgré ses promesses. Nous l’avons souvent entendu répéter qu’il moderniserait la Loi sur les langues officielles. Pourtant, deux ans après que le comité sénatorial ait publié son rapport sur la réforme, nous attendons toujours le projet de loi.
En conclusion, honorables sénateurs, nous appuyons le projet de loi C-24 à titre d’excellent rappel de la meilleure façon d’éviter les erreurs et les échappatoires et de donner au Parlement le temps nécessaire pour surveiller adéquatement ses dépenses. Nous avons d’excellents comités qui font un excellent travail au nom des Canadiens. Laissons-les surveiller comme il se doit le projet de loi du gouvernement, car nous ne serions pas ici des mois plus tard à corriger des erreurs s’il y avait une surveillance adéquate.
C’est pourquoi je termine en implorant le gouvernement de lire l’excellent rapport intitulé COVID-19 : Du soutien en temps de crise, qui a été publié l’été dernier par le Comité sénatorial permanent des finances nationales, présidé par le sénateur Mockler, et d’accorder une attention et une importance particulières à la recommandation no 16 :
Que les procédures habituelles d’approbation des dépenses du gouvernement par le Parlement soient rétablies afin d’exercer une surveillance appropriée des dépenses du gouvernement.
Merci, honorables sénateurs.
Honorables sénateurs, les semaines supplémentaires d’accès à l’assurance-emploi proposées dans le projet de loi C-24 sont essentielles, tout comme les mesures réglementaires que prend le gouvernement pour ajouter des semaines à la Prestation canadienne de relance économique et à d’autres programmes, qui continuent à fournir aux gens un soutien direct du revenu.
Je tiens à féliciter toutes les personnes qui ont travaillé sur cette approche d’intervention et de relance économique et qui l’ont appuyée. Tout au long de la pandémie, nous avons constaté que ces prestations ont permis d’aider ceux qui ont pu s’en prévaloir, ce qui a contribué aux efforts visant à ralentir la propagation de la COVID-19. La rapidité, l’empressement, l’audace et l’urgence avec lesquels les mesures comme la Prestation canadienne d’urgence ont été mises en œuvre ont été jugées nécessaires pour éviter une catastrophe pour des millions de personnes, de familles et de collectivités.
Prenons un instant pour nous demander quelle est cette catastrophe. Il s’agit de la pauvreté. Alors que nous déployons des tonnes de ressources, d’ingéniosité et d’infrastructures pour éviter aux gens bien nantis de sombrer dans la pauvreté, je demeure extrêmement préoccupée par le fait que nous n’avons presque rien fait pour plus de 1 Canadien sur 10 qui vivent sous le seuil de la pauvreté et qui s’exposent tous les jours aux risques et aux dangers que les mesures comme le projet de loi C-24 comprennent et reconnaissent clairement.
Des 407 milliards de dollars de dépenses gouvernementales liées à la COVID-19 mentionnées dans l’énoncé économique de l’automne, les Canadiens en âge de travailler les plus dans le besoin, soit ceux dont le revenu est inférieur à 5 000 $, ont reçu peut-être 400 $, et ce, seulement s’ils étaient inscrits en vue de recevoir le crédit pour la TPS.
Un Canadien sur cinq, principalement ceux qui ont un revenu supérieur à 100 000 $, ont vu leur situation financière s’améliorer au cours de la pandémie. Entretemps, deux fois plus de gens, soit les plus démunis, ceux qui vivent dans la pauvreté, ont été laissés pour compte et ont dû affronter de dures réalités : la faim, l’insécurité en matière de logement, l’itinérance, le stress et la maladie.
Bien franchement, les choix politiques entourant les mesures de soutien économique destinées aux Canadiens marginalisés, tant durant que bien avant la pandémie, ont été mortels. Le taux de décès et d’infections lié à la COVID-19 est plus élevé dans les quartiers défavorisés et racialisés. En Ontario, on a enregistré un taux d’hospitalisation quatre fois plus élevé dans ces communautés ainsi qu’un taux de mortalité deux fois plus élevé.
C’est inquiétant pour nous tous, honorables collègues. C’est inquiétant pour les cinquante d’entre nous, représentant différents groupes et diverses régions, qui ont signé une lettre ouverte au premier ministre au début de cette pandémie, pour lui demander d’étendre la PCU de manière à en faire un programme accessible à tous ceux qui sont dans le besoin. C’est inquiétant pour le Comité des finances nationales, qui a lancé un appel pour qu’on examine l’idée d’un revenu national garanti comme mesure de relance après la COVID-19. Ces dernières semaines, cet appel a été repris par le Comité des finances de l’autre endroit. C’est inquiétant pour nos collègues possédant la plus longue expérience au Sénat qui ont pris part au travail mené par nos ex-collègues les sénateurs Eggleton et Segal dans l’espoir d’éradiquer la pauvreté.
Nous sommes tous responsables d’agir et de jouer le rôle dont nous sommes capables dans la lutte contre la pauvreté, comme l’a mis en évidence le Comité spécial du Sénat sur la pauvreté. Il y a cinquante ans, sous la direction du sénateur Croll, nos prédécesseurs réclamaient un revenu minimum garanti. Ils disaient que « La pauvreté est le grand problème de notre société. Les pauvres n’ont pas choisi de vivre dans la misère. La pauvreté est une affliction pour eux et une honte pour notre nation entière. »
Aucune nation ne peut arriver à la véritable grandeur s’il lui manque le courage et la résolution nécessaires pour extirper le cancer de l’indigence.
Un demi-siècle plus tard, qu’est-ce qui a changé, honorables collègues? Ce soir, à quelques pas seulement de cette enceinte, à Ottawa, des travailleurs d’établissements de soins de longue durée, surtout des femmes, des personnes racialisées et des nouveaux arrivants, termineront, éreintés, leur quart de travail en première ligne, où ils prennent soin des personnes parmi les plus vulnérables face au virus. Toutefois, ils ne rentreront pas chez eux. Ils passeront plutôt la nuit dans un refuge pour sans-abri, à l’ombre de la Colline du Parlement, parce qu’en retour du travail essentiel qu’ils accomplissent, on les applaudit et on en fait des héros, mais on ne les paie pas assez pour qu’ils puissent s’offrir un logement.
Leur réalité est si éloignée des stéréotypes qui perdurent contre les pauvres. Je parle des préjugés dangereux et dégradants selon lesquels les gens sont pauvres parce qu’ils n’ont pas travaillé assez ou suffisamment épargné; si on ne les soutient pas adéquatement, ce doit être parce qu’ils ne le méritent pas.
Depuis des années, les programmes d’aide du Canada, des provinces et des territoires sont inadéquats au point où une pareille négligence peut être qualifiée de criminelle. On offre aux personnes défavorisées sur le plan économique trop peu pour vivre, apparemment parce qu’on ne leur fait pas confiance et qu’on les juge paresseuses. Ces préjugés servent à justifier que l’on n’ait rien d’autre à leur offrir qu’un enchevêtrement de programmes d’aide inadéquats.
On soumet les gens à un examen complexe et souvent humiliant, à un jugement arbitraire et à des normes moralisatrices que peu ont à subir. Pour beaucoup de gens, il est normal que, dans la vie de tous les jours, un enfant doive prendre part à une sortie scolaire, qu’il faille s’acheter de nouveaux vêtements pour une entrevue ou que l’on doive prendre une journée de congé et s’absenter du travail. Or, cette normalité devient un luxe lorsqu’il s’agit des assistés sociaux si jamais ils osent réclamer les moyens nécessaires pour y accéder, voire supplier la société de les leur accorder, ce qu’ils font rarement.
À l’instar de la majorité des mesures de soutien du revenu adoptées en raison de la pandémie jusqu’à maintenant, le projet de loi C-24 accentue l’écart entre les travailleurs qui ont droit à une aide et les démunis qui n’y ont pas droit pour une raison ou une autre. Le fait d’avoir de bonnes intentions, de travailler dur, de chercher à faire de son mieux pour sa famille et de souhaiter contribuer à la collectivité ne garantit pas, malheureusement, qu’une personne obtiendra un emploi convenablement payé qui agira comme un garde-fou contre la pauvreté. En outre, depuis des décennies, nous avons recours à des programmes d’aide sociale qui punissent les gens et les maintiennent dans la pauvreté.
Le projet de loi C-24 nous met sur une voie qui nous aidera à sortir de la pandémie et à revenir à une normalité où la moitié des personnes qui se trouvent sous le seuil de la pauvreté travaillent, mais pour un salaire qui ne leur permet pas de joindre les deux bouts; où d’autres en sont réduits à vivre de l’aide sociale et de prestations d’invalidité qui leur procurent aussi peu que 600 $ par mois dans certaines provinces; où un appartement d’une chambre à coucher est inabordable dans 9 quartiers sur 10 au pays pour une personne travaillant à temps plein au salaire minimum; où 31 % des occupants des refuges sont des Autochtones; et où près de la moitié des Canadiens vivent d’un chèque de paye à l’autre et s’endettent toujours davantage pour payer les dépenses courantes et celles de leur famille.
Les sénateurs savent depuis au moins 50 ans que nous pouvons et que nous devons faire mieux, que personne ne choisit — ni ne mérite — d’être pauvre, affamé, itinérant ou en danger dans un pays aussi riche que le Canada. Dans l’intérêt de notre santé économique et de notre bien-être social, les gens doivent pouvoir sortir de la pauvreté. Dans l’intérêt de tous ceux qui ont souffert et consenti des sacrifices pendant la pandémie de COVID-19, nous devons sortir de cette épreuve avec quelque chose de mieux.
Beaucoup nous exhortent à aller de l’avant. À l’autre endroit, un projet de loi et une motion sur un revenu de base garanti gagnent en popularité. Le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard, avec l’appui de tenaces sénateurs et députés fédéraux de cette province, cherche à obtenir l’aide du fédéral pour lancer un programme de revenu de base.
Quelles mesures de soutien du revenu doit-on prendre afin que ce pays soit à la hauteur des valeurs que sont l’égalité réelle et les droits de la personne qu’il prône? Le gouvernement nous demande d’adopter le projet de loi C-24. Ce faisant, nous devons aussi nous acquitter de notre devoir en veillant à ne pas exclure des millions de Canadiens de nos discussions.
Honorables collègues, nous allons adopter ce projet de loi. J’espère donc que vous allez aussi pousser le gouvernement à ne pas s’arrêter là. Meegwetch. Merci.
Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour parler brièvement du projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (prestations régulières supplémentaires), la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique (restriction de l’admissibilité) et une autre loi en réponse à la COVID-19.
J’aimerais remercier mes collègues, les sénatrices LaBoucane-Benson et Poirier, pour leur travail à titre de marraine et de porte-parole de ce projet de loi. Comme la sénatrice Poirier l’a dit dans son intervention, nous appuierons ce projet de loi. Nous devons l’appuyer. Les Canadiens en ont besoin.
Nous avons toujours pensé qu’il fallait appuyer ceux qui ont été durement touchés par la pandémie. Par contre, nous n’appuyons pas l’incompétence du gouvernement. Notre collègue, le sénateur Housakos, l’a très bien mise en évidence dans son discours sur le projet de loi C-18, que le gouvernement a mal géré, comme le projet de loi C-24. On a vu ça à maintes reprises : un projet de loi est présenté à la dernière minute puis passe en accéléré à travers le processus législatif pendant que les parlementaires se démènent pour rattraper le temps précieux que le gouvernement a gaspillé en retards inutiles, réécritures de mesures législatives et cafouillages procéduraux.
Prenons, par exemple, la partie de ce projet de loi qui modifie la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique. Ces modifications comblent une lacune qui découle d’une politique annoncée il y a plus de sept mois.
C’est le 20 août dernier que le gouvernement a annoncé qu’il allait créer la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique. Le seul problème, c’est que, deux jours avant l’annonce, le premier ministre avait prorogé le Parlement, qui n’allait pas être rappelé avant cinq semaines.
Même si le gouvernement savait depuis un mois que la Prestation canadienne d’urgence allait se terminer le 26 septembre, il n’a pris aucune mesure législative pour combler le vide avant le 24 septembre, deux jours avant la date limite, lorsqu’il a présenté le projet de loi C-2, Loi relative à la relance économique en réponse à la COVID-19.
Les sénateurs se souviendront que le projet de loi devait mettre en place la Prestation canadienne de la relance économique et la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique. Sachant que les délais étaient serrés, l’opposition conservatrice a offert de travailler pendant la fin de semaine pour faire adopter le projet de loi. Elle a proposé de faire de même pour le projet de loi C-7. On lui a dit non, puis on l’a accusée de faire de l’obstruction alors que le débat n’avait même pas encore commencé.
Le gouvernement a refusé et il a plutôt décidé de rentrer chez lui. Puis, quatre jours plus tard, le 28 septembre, le gouvernement a abandonné complètement le projet de loi C-2 et il a recommencé le processus législatif avec le projet de loi C-4, Loi relative à certaines mesures en réponse à la COVID-19. Or, c’est le projet de loi C-4 qui allait mettre en œuvre les nouveaux programmes, y compris l’inadéquate Prestation canadienne de maladie pour la relance économique, et le gouvernement a précipité l’adoption du projet de loi à toutes les étapes à la Chambre des communes en une seule journée.
Étant donné que le gouvernement avait décidé de s’accorder une pause de cinq semaines en prorogeant le Parlement sans raison valable — en fait, j’ose croire que le premier ministre estimait avoir une bonne raison de le faire; il voulait éviter un autre scandale —, le Sénat n’a eu d’autre choix que d’accélérer le processus de son côté aussi.
Nous avons reçu le projet de loi le lendemain, le mercredi 30 septembre, puis nous l’avons renvoyé deux jours plus tard, le vendredi 2 octobre. Il a fallu attendre trois mois pour que la ministre Qualtrough reconnaisse que le projet de loi comportait de sérieuses lacunes. Des gens en quarantaine après un séjour hors du pays pouvaient présenter une demande de prestation. Malheureusement, le gouvernement avait traité entretemps 450 000 demandes pour la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique.
Le 20 janvier, soit trois semaines plus tard, le gouvernement a fait circuler une ébauche de projet de loi visant à corriger la faille. Or, il ne l’a jamais présenté. Le gouvernement a plutôt choisi d’attendre cinq semaines, soit le 25 février, pour présenter le projet de loi C-24, que nous examinons aujourd’hui. En plus de finalement corriger la faille, le projet de loi permettra aux gens touchés par la COVID-19 d’avoir plus facilement accès aux prestations d’assurance-emploi. Cependant, puisque le 25 février tombait un jeudi avant une semaine de pause, le projet de loi C-24 n’est passé à l’étape de la deuxième lecture que 11 jours plus tard, soit le 8 mars 2021.
Le 8 mars, cela faisait 201 jours que le gouvernement avait annoncé le programme de la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique. Ce jour-là, après avoir attendu 201 jours pour corriger l’erreur, la ministre Qualtrough a publié une lettre ouverte adressée au chef des conservateurs Erin O’Toole, le pressant de donner son plein appui au gouvernement, qui voulait accélérer l’adoption du projet de loi à toutes les étapes législatives. Il s’agissait d’une grossière manœuvre politique de la part du gouvernement, ayant pour but de détourner l’attention des Canadiens de sa gestion désastreuse du programme législatif et de donner l’impression que l’opposition était responsable des retards.
Plus tard le même jour, on a débattu du projet de loi pendant un gros deux heures et demie. Trois jours plus tard, le 11 mars, on en a débattu pendant trois heures. Ensuite, il a été renvoyé au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, qui a fait rapport à la Chambre, sans proposition d’amendement, le même jour.
Le lendemain, le 12 mars, le projet de loi a été adopté à la Chambre des communes. Cela signifie qu’entre le jour où le gouvernement a annoncé les nouveaux programmes et le jour où il s’est rendu compte qu’il y avait une énorme lacune, 136 jours se sont écoulés. Il lui a fallu ensuite 55 jours pour présenter un nouveau projet de loi pour corriger cette lacune. Cela veut dire que 191 jours se sont écoulés entre le jour où le gouvernement a créé le problème et le jour où il a présenté un plan au Parlement pour y remédier.
La Chambre des communes a ensuite adopté le projet de loi après seulement trois jours de séance, et le Sénat prévoit faire la même chose. Le gouvernement avait réparti ces trois jours de séance sur une période de plus de deux semaines, mais il ne faut pas s’en étonner étant donné sa piètre gestion du programme législatif.
Honorables sénateurs, alors que le pays est confronté à la pire crise économique et sanitaire qu’il ait connu depuis plus d’un siècle, le gouvernement se montre souvent incompétent, comme en fait foi le scénario répétitif et inquiétant qui se déroule habituellement comme suit :
Premièrement, le gouvernement attend jusqu’à la dernière minute puis s’empresse de présenter une mesure législative.
Deuxièmement, il souligne avec impatience que le temps presse et exige que le Parlement traite le projet de loi à toute vitesse sans prendre le temps de le soumettre à un examen et à un débat appropriés.
Troisièmement, quand l’opposition tente de signaler qu’un examen attentif permettrait d’éviter d’autres retards ou des surprises, le gouvernement lui reproche de ralentir les travaux.
Quatrièmement, un fois le projet de loi adopté, le gouvernement admet à contrecœur qu’il contient des erreurs qu’il faut maintenant corriger.
Cinquièmement, le gouvernement met plus de temps à rédiger les modifications pour corriger les erreurs qu’il n’en avait mis à la rédaction du projet de loi initial.
Sixièmement, il finit par présenter la mesure législative modifiée et par apporter des changements rétroactifs pour réparer le gâchis qu’il a créé.
Sept : il insiste pour que le Parlement se précipite pour modifier la loi parce que le temps tire à sa fin.
Huit : il revient au point de départ et reprend le processus du début pour toute nouvelle mesure législative requise.
Honorables sénateurs, l’incompétence n’est pas la seule cause de tout cela. La volonté du gouvernement de faire passer ses intérêts politiques avant les intérêts des Canadiens, même en pleine pandémie, y est aussi pour quelque chose. Plutôt que d’admettre et de corriger ses erreurs sans tarder, le gouvernement choisit d’attendre jusqu’à ce qu’il puisse enfouir ses modifications législatives dans un projet de loi plus vaste.
Pensons à la Prestation canadienne de maladie pour la relance économique, pour laquelle un projet de loi était prêt à être présenté le 20 janvier. Le gouvernement a plutôt choisi d’attendre jusqu’à ce qu’il puisse distraire le public et camoufler son erreur dans un projet de loi incluant d’autres mesures de soutien en réponse à la COVID.
En outre, je vous rappelle que nous attendons toujours la correction promise à la Subvention d’urgence du Canada pour le loyer. Vous vous souviendrez peut-être que le projet de loi C-9 a été rédigé de manière à obliger les propriétaires d’entreprise à payer leur loyer avant de pouvoir être admissibles à la subvention pour le loyer. Si une entreprise ne peut pas payer son loyer en raison de la COVID-19, elle peut demander une subvention pour le loyer, mais seulement après avoir payé son loyer.
Le gouvernement a promis de corriger ce problème. Toutefois, aujourd’hui encore, le texte de loi correspond à celui qui a été adopté par le Parlement le 19 novembre de l’année dernière. Au lieu de faire le travail de façon appropriée, la ministre s’est contentée de hausser les épaules et de donner instruction à l’Agence du revenu du Canada de ne pas tenir compte de cette mesure législative parce que les libéraux allaient un jour la corriger, ce qu’ils ont fini par faire. La correction se trouve maintenant quelque part à l’article 4 du projet de loi C-14. Elle tient en quelque 160 mots.
Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas présenté un simple projet de loi de 160 mots pour corriger ce problème, au lieu d’attendre plus de quatre mois avant d’enfouir la correction dans un projet de loi de plus de 2 500 mots, qui n’a rien à voir avec la subvention pour le loyer?
Il est difficile de déterminer si la réponse à cette question relève de l’opportunisme politique ou de l’incompétence. Chose certaine, cette approche ne sert pas bien la population du Canada.
Chers collègues, la dernière année a été très difficile pour la plupart des Canadiens. Comme je l’ai dit plus tôt, les conservateurs appuient sans réserve l’acheminement de l’aide aux gens qui ont été durement touchés par la pandémie et la mauvaise gestion du gouvernement dans ce dossier. Ce que nous refusons de cautionner, ce sont l’incompétence et l’égoïsme flagrants dont a fait preuve le gouvernement en plein cœur d’une pandémie mondiale.
Nous appuierons ce projet de loi, mais nous regrettons que le gouvernement ait échoué à maintes reprises à offrir l’aide dont les Canadiens avaient grandement besoin dans des délais raisonnables. Merci, chers collègues.
Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-24, que j’ai l’intention d’appuyer, car il vient compléter les mesures d’urgence temporaires mises en œuvre jusqu’ici par le gouvernement fédéral à cause de la pandémie.
Selon moi, la santé et la sécurité financière des Canadiens doivent passer avant tout le reste et, dans la mesure où la pandémie n’est pas encore derrière nous, nous devons offrir un soutien du revenu aux Canadiens les plus durement touchés.
Cela dit, certaines des politiques prévues dans le projet de loi C-24 me font tiquer. Pour commencer, il est temps de se préparer pour la reprise, et nous devons profiter de l’occasion pour aider les Canadiens à acquérir les compétences fondamentales dont ils ont besoin. En fait, je partage l’avis publié par l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, dans sa dernière édition de Perspectives de l’emploi, en décembre 2020 :
À court terme, il faut continuer de soutenir certains secteurs pour protéger les emplois et le bien-être, mais les mécanismes du marché du travail doivent recommencer à fonctionner.
Je crois comprendre que cette recommandation indique qu’il est temps de se préparer à la relance. Il est temps d’investir dans l’employabilité des Canadiens qui ont été touchés par la pandémie. Cela signifie davantage d’investissements dans des mesures actives en matière de main-d’œuvre, comme de la formation sur les compétences numériques et l’alphabétisation, des programmes de subvention salariale pour financer la formation en cours d’emploi et des mesures telles que définies dans la partie II de la Loi sur l’assurance-emploi. Je crois que nous n’en faisons pas assez à cet égard.
Je veux aussi soulever une deuxième question. Il est temps que le gouvernement fédéral participe directement au financement de l’assurance-emploi, puisqu’il s’agit du principal programme dont il se sert pour stabiliser l’économie en période de crise, de même que pour soutenir l’adaptation du marché du travail lors des changements structurels. Comme vous le savez, l’assurance-emploi est financée entièrement par les cotisations des employés et des employeurs, qui n’ont tout simplement pas la capacité financière de soutenir à eux seuls les responsabilités publiques. Ce rôle ne leur revient pas.
En troisième lieu, il est temps de tenir un débat public sur la réforme de l’assurance-emploi. Le gouvernement devrait mandater un comité spécial chargé de recueillir de l’information partout au pays, d’échanger avec les représentants des gouvernements provinciaux qui fournissent les services publics d’emploi, de discuter avec les représentants des entreprises et des syndicats pour définir leurs besoins, et d’établir un consensus sur la réforme de l’assurance-emploi.
Permettez-moi maintenant de traiter de ces thèmes en français.
Je suis inquiète de constater que le projet de loi C-24 n’est pas accompagné d’une stratégie de reprise et d’investissement dans le développement des compétences de la main-d’œuvre. Pourtant, c’est maintenant le bon moment, alors que plusieurs personnes sont en arrêt de travail et en situation de sous-emploi, de se servir de cette pause imposée pour se préparer pour l’avenir.
D’ailleurs, le dernier rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur les perspectives d’emploi, qui a été publié en décembre dernier, est on ne peut plus clair. Ce rapport invite les pays membres non seulement à prolonger les bénéfices pour les personnes en arrêt de travail involontaire, mais aussi à réhabiliter les mesures d’emploi.
Comme l’a souligné la sénatrice LaBoucane-Benson, le projet de loi C-24 augmentera sans doute l’accessibilité des mesures d’emploi pour certains groupes, mais le gouvernement n’a pas encore prévu d’assurer le financement des mesures d’emploi gérées par les provinces.
Comme vous le savez, près de la moitié des Canadiens n’ont pas le seuil de compétences de base exigé pour changer d’emploi et s’adapter facilement à un nouvel emploi de bonne qualité. Les résultats d’un sondage que j’ai produit en 2019 indiquent clairement que les Canadiens en sont conscients, mais ils affirment eux-mêmes qu’en temps normal, ils n’ont ni le temps ni l’argent nécessaire pour développer leurs compétences. Pourquoi alors ne pas profiter de la période actuelle pour ce faire?
L’OCDE appelle également tous les acteurs économiques à mettre la main à la pâte et à agir de manière responsable pour reconstruire un meilleur marché du travail. Les principes de responsabilisation et de réciprocité doivent être mis de l’avant pour assurer une reprise durable de l’économie. Tous les acteurs économiques, y compris les entreprises qui ont bénéficié ou qui bénéficient toujours de l’aide gouvernementale, doivent participer activement à la réembauche et à la formation de leurs employés.
L’assurance-emploi, comme on le reconnaît dans la loi, a un rôle important à jouer pour assurer le développement et l’employabilité des Canadiens. Or, l’investissement du régime dans ce qu’on appelle dans le jargon les « mesures actives du marché du travail » est inférieur à la moyenne parmi les pays membres de l’OCDE.
Il est temps que le gouvernement fédéral amorce un dialogue sur ces questions avec ses homologues provinciaux. Le cas échéant, le chômage de longue durée s’installera. Ce sera alors très long pour les jeunes, les femmes, les personnes autochtones, les personnes racisées et les personnes immigrantes de retrouver ou de trouver un emploi convenable. L’inclusion sociale, économique et politique des groupes vulnérables passe par leur employabilité et par la chance d’exercer un emploi de qualité.
Je crois qu’il est temps de revoir le financement de l’assurance-emploi. La loi doit prévoir une participation directe du gouvernement fédéral au financement du régime. Ce programme, comme vous le savez, joue un rôle économique majeur au chapitre du soutien du revenu, de la stabilisation de l’économie et du développement des compétences, sans parler des protections sociales au chapitre de la santé, de la maternité et d’autres protections. Pour toutes ces raisons, et parce que l’assurance-emploi doit jouer un rôle essentiel sur les plans de la stabilisation et du développement économique, le gouvernement fédéral doit inévitablement participer au financement du régime.
Les entreprises et les salariés sont incapables de financer le coût de la stabilisation économique. Depuis sa création en 1940 jusqu’en 1990, la Loi sur l’assurance-emploi a toujours sous-entendu que la stabilisation économique était la responsabilité financière du gouvernement fédéral. Ainsi, de 1940 à 1970, le gouvernement y contribuait à hauteur de 20 % des dépenses. En 1971, on a décidé que le gouvernement fédéral payerait la facture pour toutes les dépenses associées à un taux de chômage de plus de 4 %. Le financement du gouvernement a donc grimpé à 51 % des dépenses en 1975. On a alors modifié la formule de financement en 1976 pour réduire la facture du gouvernement fédéral. En conséquence, entre 1976 et 1990, cette facture a oscillé autour de 22 %. Malheureusement, en 1990, le gouvernement s’est retiré complètement du financement du régime. Pourtant, à quelques reprises, le gouvernement fédéral a utilisé les surplus tirés du compte de l’assurance-emploi pour équilibrer son budget.
Aujourd’hui, chers collègues, les salariés payent des cotisations de 1,58 $ pour chaque tranche de 100 $ assurable, jusqu’à un maximum de 56 300 $. Les employeurs payent une cotisation de 2,21 $ pour chaque tranche de 100 $ pour cette même masse salariale assurable. Cette cotisation est déterminée à un niveau qui permet de financer les dépenses du programme sur sept ans. Le taux de cotisation est actuellement gelé pour deux ans. Toutefois, comme l’a souligné le directeur parlementaire du budget, si la Loi sur l’assurance-emploi reste inchangée, les cotisations augmenteront considérablement dans deux ans.
J’aimerais souligner que la formule de financement du régime a un impact négatif sur la répartition des revenus. Je parie même que, si l’on effectuait une analyse de l’incidence du mode de financement du régime selon les genres, les femmes seraient désavantagées par rapport aux hommes.
En effet, les petits salariés, tout comme les petites et moyennes entreprises dans les secteurs à faible valeur ajoutée, portent davantage le fardeau fiscal du régime que les hauts salariés et les entreprises dans les secteurs à forte valeur ajoutée. Comme un taux fixe s’applique jusqu’au revenu maximum assurable de 56 300 $, les employés qui ont un revenu égal ou inférieur au maximum assurable doivent supporter un fardeau plus élevé que les salariés dont les revenus sont supérieurs. Il en est de même pour les entreprises qui œuvrent dans des secteurs où les salaires sont faibles. Cette réalité explique pourquoi les petites et moyennes entreprises sont souvent opposées à toute hausse de leurs cotisations sociales.
Pour conclure sur mon deuxième point, le financement du régime mérite donc d’être revu, et nous devrions adopter une formule de financement plus progressive.
Le troisième point dont je veux parler concerne la réforme de l’assurance-emploi. Les associations patronales et syndicales exigent une réforme majeure du régime depuis plusieurs années. Elles désirent conserver le régime; il n’est pas question de le remplacer par un revenu minimum garanti. C’est ce qu’on peut déduire de leurs positions traditionnelles.
Il est temps, cependant, de revoir le régime pour qu’il soit inclusif et qu’il prenne en compte les besoins du nouveau marché du travail et des nouveaux statuts d’emplois. C’est d’ailleurs ce que recommande l’OCDE, soit de s’attaquer aux problèmes structurels du marché du travail pour que les institutions publiques soutiennent la résilience et l’inclusivité des citoyens.
Une telle réforme ne peut se faire sans consultation et sans obtenir une adhésion collective de la part des Canadiens et des gouvernements provinciaux, qui seront affectés par les changements à l’assurance-emploi.
Le Sénat est bien placé pour recevoir un mandat officiel de la part du gouvernement pour entreprendre des consultations majeures sur ce régime, de concert avec les représentants des entreprises et des employés qui financent celui-ci. Nous avons le temps et les moyens technologiques requis pour entreprendre cette réflexion. Le gouvernement pourrait ainsi donner un mandat à une commission tripartite où il serait représenté par des membres du Sénat et accorder des ressources financières et humaines pour s’atteler à cette tâche qui pourrait prendre plusieurs mois, mais qui est fort impérative.
Je conclus mes propos en affirmant qu’un régime contributif d’assurance sociale comme celui de l’assurance-emploi, adapté au XXIe siècle, est le véhicule qui permet le mieux de promouvoir la sécurité économique de tous les Canadiens ainsi que le principe de l’égalité des chances.
Depuis plusieurs mois déjà, l’échec du programme de l’assurance-emploi à répondre à l’urgent besoin, créé par la pandémie, d’offrir un soutien au revenu en incite certains à demander qu’il soit remplacé par un programme universel de revenu garanti. À mon avis, ce serait une grave erreur que de poursuivre dans cette voie.
Un programme permanent et universel de revenu garanti est extrêmement coûteux, comme en témoigne l’ensemble des travaux d’analyse sur le sujet. Un tel programme de remplacement de l’assurance-emploi serait inefficace, car il ne ciblerait pas les problèmes des groupes qui en ont le plus besoin. De plus, il entraînerait des conséquences négatives importantes sur le marché du travail et sur l’économie du pays. Un pays comme le Canada peut lutter contre la pauvreté et promouvoir la sécurité économique de tous les Canadiens par d’autres moyens qu’un programme universel et permanent de revenu de base.
N’oublions pas qu’un programme de revenu de base universel rendra impossible le financement de plusieurs services publics, notamment l’établissement d’un réseau de garderies à travers le pays, le financement public du développement des compétences ainsi que le financement d’autres services publics, ce qui serait néfaste pour les groupes vulnérables qu’il prétend vouloir aider, comme les femmes, les jeunes et les Autochtones qui ne pourront bénéficier des services publics nécessaires pour intégrer le marché du travail. J’ose même affirmer qu’un programme de revenu de base universel est en quelque sorte un mirage.
Vivement un livre blanc sur la réforme de l’assurance-emploi et une commission spéciale qui puisse prendre le pouls des Canadiens sur cette question! Je vous remercie.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)