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La Loi sur les lettres de change—La Loi d'interprétation—Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif--Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier

3 juin 2021


La présidente [ - ]

Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier la teneur du projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur les lettres de change, la Loi d’interprétation et le Code canadien du travail (Journée nationale de la vérité et de la réconciliation).

Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises. Cependant, tel qu’ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable Steven Guilbeault et les fonctionnaires qui l’accompagnent se joignent à la séance par vidéoconférence.)

La présidente [ - ]

Nous accueillons aujourd’hui l’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre du Patrimoine canadien.

Monsieur le ministre, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter vos fonctionnaires et à faire vos observations préliminaires d’au plus cinq minutes.

L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre du Patrimoine canadien [ - ]

Honorables sénateurs et sénatrices, merci de m’accueillir parmi vous. Je comparais aujourd’hui au sujet du projet de loi C-5, un projet de loi important visant à créer un nouveau jour férié fédéral, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. J’aimerais commencer par reconnaître que nous sommes tous présents sur les terres ancestrales des peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Ce ne sont pas seulement quelques mots d’introduction que nous prononçons. C’est une reconnaissance essentielle alors que nous construisons de nouvelles relations avec les peuples autochtones dans le cadre de nos actions quotidiennes.

La récente découverte de la sépulture de 215 enfants en Colombie-Britannique, victimes des pensionnats autochtones, est un rappel difficile des lourdes séquelles de notre passé colonial.

Je reconnais que cette semaine est extrêmement éprouvante pour bien des gens. Je sais également que de nombreux survivants siègent au Sénat. Il n’est pas facile de parler de cette importante mesure législative après l’annonce de la terrible découverte faite à Kamloops. Dans ce contexte, je suis honoré de l’invitation qui m’a été faite de témoigner devant vous aujourd’hui. À l’instar de nombre d’entre vous, je suis encore sous le choc de la découverte d’une fosse commune sur le site de l’ancien pensionnat autochtone de Kamloops, en Colombie-Britannique.

En tant que gouvernement, il nous incombe de veiller à ce que de telles tragédies ne se reproduisent jamais. Les communautés des Premières Nations sont en deuil. Nous devons leur exprimer notre solidarité en ce moment difficile. Les Canadiens sont eux aussi en deuil.

Cela dit, on ne peut pas se contenter de discours si on veut s’attaquer aux conséquences de la violence coloniale. Voilà pourquoi tous les partis représentés à la Chambre des communes se sont concertés la semaine dernière pour adopter à l’unanimité le projet de loi C-5.

Je salue et je remercie Georgina Jolibois d’avoir présenté la première version de cette mesure au cours de la législature précédente et d’avoir défendu haut et fort les peuples autochtones du Canada et leurs droits. L’engagement de Mme Jolibois nous rappelle que la réconciliation n’incombe pas à un seul parti politique ou à une seule personne : c’est une responsabilité que les Canadiens doivent tous partager.

Le projet de loi C-5 constitue une étape importante sur la voie de la réconciliation, qui ne se fera pas du jour au lendemain. Toutefois, il est possible de faire des progrès dans ce cheminement essentiel en collaborant avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

La création de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation répond à l’appel à l’action no 80 du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation. C’est une mesure importante à prendre, et nous devons agir rapidement pour en faire une réalité dès cette année.

Cette journée nous offre l’occasion de réfléchir à la violence infligée aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis. Une violence historique, mais aussi très actuelle. Une violence physique, verbale, psychologique et institutionnelle.

Les séquelles des pensionnats sont profondes. Les enfants de Kamloops ont été enterrés sans être identifiés. Leurs proches n’ont plus jamais reçu de nouvelles d’eux. Ce sont des familles entières qui se retrouvent aujourd’hui privées des leurs et de leur propre histoire. Mettre en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation n’est que le début du processus de guérison. Nous nous devons de soutenir les communautés autochtones à chaque étape de celui-ci.

Au terme d’une consultation et d’une étude attentives et respectueuses, nous avons choisi de désigner le 30 septembre comme la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. C’est d’ailleurs la date qui a été choisie par le mouvement populaire appelé Journée du chandail orange, créé par la formidable Phyllis Webstad et ainsi nommé en l’honneur du chandail orange que Mme Webstad avait reçu de sa grand-mère pour son premier jour au pensionnat, mais qu’on lui a confisqué dès son arrivée.

Son chandail orange symbolise toute la vitalité des cultures, des langues, des traditions, des identités et des enfances qui ont été réprimées au sein du système des pensionnats.

Il symbolise également la survie et la résilience et nous rappelle les efforts monumentaux déployés par Phyllis ainsi que les Premières Nations, les Inuits et les Métis afin de protéger et de revitaliser leurs cultures et leurs langues pour les futures générations.

Durant les témoignages en comité, nous avons appris à quel point septembre est une période douloureuse pour les familles et communautés autochtones. C’est durant ce mois que les enfants étaient séparés de leurs proches et de leur communauté chaque année pour retourner à l’école. Plusieurs d’entre eux ne sont jamais revenus à la maison.

Il convient de souligner cette souffrance par une journée solennelle afin de se souvenir, mais aussi de réfléchir et d’apprendre ensemble à mieux connaître l’histoire et les séquelles des pensionnats et des politiques racistes. La guérison des peuples autochtones reposera sur la reconquête de leur histoire et de leur culture, mais aussi sur notre propre conscience historique relativement aux atrocités commises par le Canada.

J’ai toujours été convaincu que l’un des piliers de la réconciliation est l’éducation. Créer une Journée nationale de la vérité et de la réconciliation fait partie de cet effort d’éducation. Ce sera une journée de commémoration, mais aussi d’apprentissage, de reconnaissance et d’engagement pour que de tels actes ne se reproduisent jamais.

La présidente [ - ]

Monsieur le ministre, nous devons maintenant passer à la période des questions et réponses de 10 minutes.

Le sénateur Plett [ - ]

Bienvenue au Sénat du Canada, monsieur le ministre. Mardi, tous les sénateurs ont pleuré la découverte horrible de Kamloops. Il y a eu des déclarations de sénateurs à ce sujet et une minute de silence a été observée. Nous continuons de pleurer cette tragédie, ainsi que tant d’autres partout au pays.

Cependant, monsieur le ministre, le projet de loi C-5 n’a pas été entrepris à la suite de cette tragédie. Il a plutôt été entrepris dans le cadre d’un des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, et il n’est pas le simple résultat de la tragédie de Kamloops.

Plusieurs autres appels à l’action correspondent à votre mandat de ministre du Patrimoine. Ils concernent les Archives nationales, CBC/Radio-Canada, les musées et les sports amateurs.

Monsieur le ministre, en espérant que votre réponse ne sera pas « à cause de ce qui s’est produit à Kamloops », pourquoi avez-vous choisi de mettre l’accent sur cet appel à l’action, plutôt que sur d’autres? Est-ce parce qu’il est plus facile de le donner aux bureaucrates, puisque ce sont eux qui obtiendront ce jour de congé, que de se pencher sur les questions plus pressantes et plus complexes qui touchent les communautés autochtones au quotidien?

M. Guilbeault [ - ]

Je remercie le sénateur de sa question. Ma réponse comportera plusieurs volets.

Tout d’abord, nous avons présenté ce projet de loi au début de notre mandat — en fait, c’est le premier projet de loi que j’ai présenté en tant que ministre du Patrimoine — parce que c’est quelque chose que réclamaient les communautés et les peuples autochtones partout au pays. Comme vous l’avez signalé à juste titre, c’est l’un des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Je conviens que cela ne résoudra pas tous les enjeux liés à la réconciliation, et que ce n’est qu’une partie de la solution.

J’aimerais vous donner un exemple des autres choses que nous faisons au ministère du Patrimoine canadien. À notre arrivée au pouvoir en 2015, le gouvernement fédéral a investi 5 millions de dollars dans les langues autochtones à l’échelle du Canada. Je crois que nous pouvons tous les deux convenir que cette somme est loin d’être suffisante pour revitaliser, conserver et renforcer les plus de 80 langues autochtones connues au pays. Entre 2015 et 2021, nous avons multiplié par 12 le budget destiné aux langues autochtones. D’ici l’année prochaine, il sera 24 fois plus élevé.

Le sénateur Plett [ - ]

Veuillez répondre à ma question, monsieur le ministre, car j’ai d’autres questions ensuite. Ne contournez pas la question en énumérant tout ce que le gouvernement a fait. Je vous ai posé une question précise.

Monsieur le ministre, les appels à l’action nos 71 à 76 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada concernent les enfants disparus et les renseignements sur l’inhumation. Comme nous l’avons vu ces derniers jours, découvrir la vérité sur ce qui est arrivé à ces enfants est un élément essentiel de la démarche de réconciliation.

Le gouvernement n’a rien fait concernant ces appels à l’action précis. Il a plutôt décidé de créer un jour férié, monsieur le ministre. Monsieur le ministre, expliquez-moi ce choix, et de grâce, ne me donnez pas la liste de ce que le gouvernement fait chaque jour. C’est ce que nous entendons pendant la période des questions de la part du leader du gouvernement au Sénat; il fait bien son travail en louangeant le gouvernement chaque jour. Je veux connaître le raisonnement derrière certaines des décisions prises, monsieur le ministre.

M. Guilbeault [ - ]

À la lumière des discussions que j’ai eues avec des Autochtones partout au pays, je dirais que la langue est un des fondements de la réconciliation. Elle est essentielle si les peuples autochtones souhaitent récupérer leur culture. Il ne peut y avoir de culture sans la maîtrise de sa propre langue, sénateur.

Parlez à n’importe quel Autochtone au pays, à n’importe quel organisme autochtone; ils vous diront à quel point c’est important. Vous avez dit que notre seule initiative, c’est la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Je vous réponds que c’est faux, sénateur. Nous avons entrepris plusieurs autres initiatives, dont des investissements dans les infrastructures, et mis fin à des avis de faire bouillir l’eau. Il y avait 150 de ces avis lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, et nous avons mis fin à plus d’une centaine d’entre eux.

Le chemin vers la réconciliation sera long, mais nous y travaillons chaque jour, sénateur.

Le sénateur Plett [ - ]

Merci. Je suppose, en tout respect, qu’il y avait là-dedans une réponse à ma question. Je ne l’ai pas entendue, mais je vais néanmoins poursuivre.

M. Kakwfi, un des témoins qui ont comparu devant le comité de la Chambre des communes, a dit ceci au sujet de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation :

Cela devrait être une journée commémorative, une journée pour rendre hommage, une journée pour se souvenir, pas une journée pour rester à la maison bien installé dans un fauteuil à regarder la télé.

Monsieur le ministre, comment allez-vous vous assurer que le 30 septembre sera une journée commémorative, et non une journée pour rester à la maison à regarder la télé, comme ce témoin l’a laissé entendre?

M. Guilbeault [ - ]

Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Je tiens à rappeler, une fois de plus, que cette journée a été recommandée par la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Les organisations nationales et les nations autochtones de partout au pays demandent instamment au gouvernement fédéral d’établir cette journée.

Quand j’étais enfant, il n’était jamais question de ce volet de notre histoire dans les salles de classe. J’aimerais que mes enfants le connaissent, et cette journée spéciale pourra justement y contribuer. C’est pourquoi le budget de 2021 prévoit un financement de 7 millions de dollars qui nous permettra d’aider les organisations de partout au pays. Certaines, comme l’organisation qui s’occupe de la Journée du chandail orange, font déjà des activités de sensibilisation. Nous souhaitons toutefois que plus de communautés et de nations échangent avec les Canadiens à ce sujet, pour que nous sachions tous ce qui s’est passé, alors que beaucoup de gens l’ignorent encore, et pour que nous n’oubliions jamais ces sombres passages de notre histoire et qu’ils ne se reproduisent jamais.

Le sénateur Plett [ - ]

Monsieur le ministre, en tout respect, personne n’est en désaccord avec vous. Au contraire, le projet de loi sera adopté à l’unanimité par le Sénat plus tard aujourd’hui. Nous comprenons tous la situation. Nous posons de simples questions concernant ce que vous entendez faire. Vous allez dépenser 7 millions de dollars — ou peu importe le montant que vous avez donné —, parfait, mais que ferez-vous pour que cette journée serve réellement à une commémoration?

Nous participons tous aux cérémonies du jour du Souvenir; je le fais chaque année. Le problème, c’est que, pour bien des gens, cette journée n’est qu’une journée de congé. Alors, s’il fait chaud — j’habite au Manitoba, cela n’arrive pas souvent —, ils vont jouer au golf ou font autre chose. Ma question est la suivante : que ferez-vous pour que cette journée soit une journée de commémoration et que les gens comprennent son importance?

Je trouve un peu navrant qu’on parle d’un jour de congé, parce que, pour moi, un jour de congé est un jour de fête, de joie. Il est question d’un jour pour se souvenir. J’espère que le gouvernement préparera des cérémonies pour souligner cette journée de commémoration.

Je sais bien, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas ministre des Affaires autochtones. Toutefois, le problème, c’est que le gouvernement ne cesse pas de faire des promesses aux communautés autochtones. Vous en avez mentionné quelques-unes. Personne ne semble être tenu responsable quand ces promesses ne sont pas respectées. L’incapacité de régler le problème d’eau potable n’en est qu’un exemple. Au lieu de donner suite à ses promesses, le gouvernement fait constamment des proclamations de vertu.

Ne convenez-vous pas qu’il est très frustrant pour les Autochtones que si peu des problèmes fondamentaux dans leurs communautés ont été réglés par le gouvernement actuel? Monsieur le ministre, qu’êtes-vous prêt à faire? Qu’allez-vous faire exactement pour résoudre certains de ces problèmes?

M. Guilbeault [ - ]

Tout d’abord, c’est vous qui avez qualifié cette journée de jour de congé. Je continuerai à l’appeler la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, nous vivons dans un pays libre. Nous ne pouvons pas forcer les gens à faire des choses, mais nous pouvons certainement travailler avec nos partenaires autochtones du Canada et les gouvernements provinciaux et territoriaux et essayer d’inclure cette journée dans le programme scolaire afin d’encourager les Canadiens à apprendre ce chapitre sombre de notre histoire.

Cette période a duré plus de 100 ans au Canada, la réconciliation ne se fera donc pas en un clin d’œil. Je vous rappelle que les lettres de mandat de tous les ministres ont deux choses en commun, soit la réconciliation avec les peuples autochtones et la lutte contre les changements climatiques. Il s’agit d’une approche pangouvernementale. Elle ne se limite pas à un ou deux ministres au sein du gouvernement; il appartient à chaque ministre de faire tout ce qu’il peut pour faire avancer les questions de réconciliation dans le cadre de son propre portefeuille.

Pour ma part, je me penche sur les langues autochtones. Il est question de commémorer, de célébrer et d’apprendre. Nous avons d’ailleurs financé le projet de Kamloops...

La présidente [ - ]

Monsieur le ministre, je regrette, mais nous devons passer à la prochaine période de 10 minutes.

La sénatrice Saint-Germain [ - ]

Bonjour, monsieur le ministre, et merci d’avoir accepté notre invitation.

Monsieur le ministre, je pense que c’est un fait acquis, nous reconnaissons tous l’importance de la profonde implication des peuples autochtones dans le processus de vérité et de réconciliation et dans toute forme de commémoration des douleurs du passé afin qu’ils puissent, dans leurs mots, exprimer leur histoire et protéger leur patrimoine.

Vous avez parlé de commémoration, d’apprentissage et d’engagement, et ce sont effectivement des mots substantiels, des mots forts.

Ma question comportera deux volets. D’abord, j’aimerais savoir, d’après les consultations que vous avez menées auprès des communautés autochtones, quelles sont leurs attentes quant à cette Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

Ensuite, j’aimerais savoir de quelle façon ces peuples autochtones, ces diverses communautés seront impliqués dans les commémorations et les célébrations pendant cette Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

M. Guilbeault [ - ]

Merci de votre question, sénatrice.

Comme je le disais à votre collègue, d’une part, il s’agit d’une des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation et, d’autre part, il s’agit aussi d’une demande qui nous est venue des communautés autochtones, des nations autochtones de partout au pays.

Cette journée vise spécifiquement à ce que l’on puisse se rappeler et commémorer ce triste passage de notre histoire, afin que nous n’oubliions jamais.

Votre collègue, plus tôt, établissait un parallèle que je trouve très pertinent avec ce que l’on fait pour le jour du Souvenir; dans ce cas précis, c’est une occasion pour l’ensemble de la population de se rappeler le sacrifice de gens qui sont allés se battre pour la liberté de notre pays. Je crois que le parallèle demeure pertinent même si, bien sûr, les circonstances sont très différentes.

Utilisons donc ce moment comme une occasion de réflexion, mais aussi d’apprentissage. Je le disais tout à l’heure, ce n’est pas l’histoire que j’ai apprise lorsque j’étais à l’école. Ce passage était complètement absent de mon éducation en tant que jeune homme blanc du Québec, et je pense que c’est vrai pour beaucoup de Canadiens et de Canadiennes partout au pays. J’aimerais que mes enfants puissent apprendre et connaître ce pan de l’histoire.

La sénatrice Saint-Germain [ - ]

Si je peux me permettre, monsieur le ministre, je comprends très bien, étant une femme blanche francophone du Québec, et je sais très bien ce que vous avez vécu et ce que j’ai vécu aussi en ce qui a trait au manque d’information et de sensibilisation à cet égard. Vous avez donné l’exemple intéressant du jour du Souvenir; les vétérans sont engagés dans cette commémoration.

Est-ce que vous avez des plans pour que les différents peuples autochtones puissent contribuer à cette sensibilisation des citoyens non-autochtones et nous aider à mieux participer à la commémoration? C’est le deuxième volet de ma question.

M. Guilbeault [ - ]

Absolument. On a déjà commencé à financer des activités en collaboration avec des organisations, des nations et des communautés autochtones partout au pays.

Lorsque le budget a été annoncé, on ne savait pas encore que le projet de loi C-5 deviendrait une loi, mais c’était certainement notre espoir qu’on en fasse un événement important et qu’on puisse marquer le coup cette année et pour les années à venir.

Le ministère du Patrimoine canadien dispose également d’un programme de financement pour la commémoration, la célébration et l’enseignement. On a apporté une aide financière, par exemple, à la communauté autochtone de Kamloops, pas plus tard qu’en juin dernier, particulièrement dans le cadre de cette question.

Votre temps est précieux, alors je ne le ferai pas, mais je pourrais vous nommer plusieurs autres communautés qui ont reçu une aide financière grâce à ce programme. Nous offrons déjà aux organisations, aux nations autochtones et aux communautés autochtones un soutien en ce qui a trait à la question de la commémoration et de la célébration.

La sénatrice Saint-Germain [ - ]

Merci beaucoup, monsieur le ministre.

La sénatrice Coyle [ - ]

Merci d’être avec nous, M. Guilbeault. Je crois aussi que le Sénat, à l’instar de la Chambre des communes, tient à faire adopter rapidement le projet de loi C-5. Comme vous le savez, les jours fériés servent souvent d’outils pédagogiques dans le système scolaire. Nous en avons parlé un peu. Par exemple, lors du jour du Souvenir, dont nous avons aussi parlé, Anciens Combattants Canada fournit des ressources importantes aux enseignants pour qu’ils les utilisent dans leur classe.

Le gouvernement a-t-il l’intention de fournir des outils semblables aux enseignants pour qu’ils les utilisent lors de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation? Cela se fera-t-il en collaboration avec ceux qui ont organisé précédemment la Journée du chandail orange ou d’autres activités?

M. Guilbeault [ - ]

La réponse courte aux deux questions est oui. En fait, nous soutenons déjà l’organisme de la Journée du chandail orange en lui versant des fonds. Comme le budget de 2021 a prévu davantage d’argent pour mon ministère, nous pourrons fournir un appui supplémentaire à des organismes comme celui de la Journée du chandail orange et à d’autres initiatives semblables partout au pays.

Nous travaillerons à l’échelon fédéral pour encourager les gouvernements provinciaux et territoriaux à ce chapitre. Certains gouvernements soulignent déjà cet événement. Ils ont déjà une journée pour commémorer ce sombre chapitre de notre histoire. Toutefois, ce n’est pas le cas de la majorité des provinces et des territoires. Nous voulons collaborer avec nos partenaires provinciaux et territoriaux pour qu’ils travaillent avec nous et avec les organismes et les communautés autochtones afin d’atteindre cet objectif.

La sénatrice Coyle [ - ]

En fait, vous avez commencé à répondre à ma deuxième question, car, comme vous le savez, l’éducation est un champ de compétence des provinces et des territoires. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont le gouvernement fédéral collaborera avec les provinces et les territoires? C’est fondamental. Par exemple, nous savons que le jour du Souvenir n’est pas célébré de la même manière selon les régions du pays. Parfois, il s’agit d’une semaine entière de célébrations qui se terminent à la date de l’événement et qui permettent aux élèves d’en apprendre beaucoup, tandis qu’ailleurs, il peut y avoir seulement une courte allocution précédant une minute de silence. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont le gouvernement fédéral collaborera avec les provinces et les territoires?

M. Guilbeault [ - ]

Votre question est très importante. Évidemment, il faudra agir en étroite collaboration dans ce dossier. Le gouvernement fédéral n’est pas en mesure — et c’est dans l’ordre normal des choses — d’imposer cette initiative aux provinces et aux territoires. Vous avez probablement pris connaissance, cette semaine, d’une lettre signée par les premiers ministres de l’ensemble des provinces et des territoires ainsi que par le premier ministre fédéral. Je pense que toutes les parties concernées démontrent une volonté ferme de travailler ensemble et d’unir leurs efforts, dans un esprit de collaboration, à ceux des organisations, des communautés et des nations autochtones.

Je n’ai pas de plan détaillé à vous présenter aujourd’hui, mais nous nous attellerons à cette tâche au cours des prochaines semaines et des prochains mois.

La sénatrice Coyle [ - ]

Je vous remercie, monsieur le ministre.

Le sénateur Tannas [ - ]

Monsieur le ministre, je crois qu’il y a une Journée de réconciliation en Afrique du Sud depuis 1995. J’aimerais savoir si cet exemple a inspiré à votre ministère diverses possibilités quant à la forme que pourrait prendre cette journée. Je crois qu’elle est placée sous un thème différent chaque année en Afrique du Sud. Ce serait probablement une bonne façon d’établir des liens avec des appels à l’action et de raconter des histoires qu’il faut connaître. Y a-t-il des réflexions en ce sens? A-t-on examiné ce qui se fait en Afrique du Sud, où cette journée spéciale s’avère très fructueuse?

M. Guilbeault [ - ]

Je vous remercie, monsieur le sénateur. C’est un exemple très intéressant. Jusqu’ici, nous avons surtout travaillé avec les communautés, les nations et les organisations autochtones du pays, tant pour le projet de loi qu’à propos des programmes qu’offre Patrimoine canadien dans une optique de commémoration et de célébration.

J’aimerais décidément en savoir plus sur le modèle de l’Afrique du Sud. Je ne l’ai pas examiné personnellement mais, comme des fonctionnaires du ministère sont avec nous aujourd’hui, ils pourraient peut-être nous dire si le ministère a étudié ce qui se fait en Afrique du Sud.

Emmanuelle Sajous, sous-ministre adjointe, Sport, événements majeurs et commémorations, Patrimoine canadien [ - ]

Nous n’avons pas examiné le modèle de l’Afrique du Sud. Comme l’a dit le ministre, nous collaborons étroitement avec des organismes autochtones du Canada, notamment le Centre national pour la vérité et la réconciliation, avec le Réseau de télévision des peuples autochtones, APTN, en ce qui a trait à la Journée du chandail orange, avec l’Assemblée des Premières Nations et toutes les organisations autochtones nationales. En ce moment, nous nous concentrons surtout sur le Canada. Toutefois, il pourrait être très intéressant d’examiner ce modèle.

Le sénateur Tannas [ - ]

Je n’ai plus de questions, madame la présidente.

Le sénateur Francis [ - ]

Bienvenue, monsieur le ministre Guilbeault. Merci d’être ici aujourd’hui pour nous aider à adopter rapidement le projet de loi C-5. L’histoire et le legs des pensionnats ont été mis en lumière grâce à la force, au courage et à la détermination des survivants. Nous ne pouvons oublier que c’est grâce à eux qu’a été conclue la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, le plus important règlement de recours collectif de l’histoire du Canada. Cette convention a mené à une certaine indemnisation financière, à la présentation d’excuses officielles et à l’établissement de la Commission de vérité et réconciliation. Par conséquent, il est important pour moi et pour bien d’autres que tous les événements spéciaux et toutes les cérémonies qui se dérouleront à l’occasion de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation soient guidés par les voix et le vécu des survivants, de leurs familles et de leurs communautés.

J’aimerais savoir de quelle façon le gouvernement, et plus précisément, le ministère, entend faire participer les survivants à la planification, à la promotion et à la célébration de la nouvelle Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

M. Guilbeault [ - ]

Merci de votre question, sénateur. Je crois qu’il est important de ne pas oublier qu’aux yeux du gouvernement, ce processus de guérison doit être orienté et mené par les peuples autochtones dans ce pays. Je vois plutôt le gouvernement comme un partenaire qui est là pour les accompagner et pour favoriser des initiatives menées par les Autochtones.

Je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit, mais j’ai mentionné que nous offrons déjà de l’aide financière à des organismes autochtones un peu partout au pays dans le cadre d’un programme de financement déjà en place. Le budget de 2021 nous permettra, notamment pendant la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, d’offrir beaucoup plus de ressources aux organismes autochtones qui souhaitent jouer un rôle plus proactif ou qui, dans bien des cas, ont déjà joué un tel rôle et veulent participer davantage aux efforts de sensibilisation et d’éducation pendant cette journée importante.

Le sénateur Francis [ - ]

Merci, monsieur le ministre. Il serait fort utile que les fonctionnaires de votre ministère ou vous-même puissiez nous indiquer les progrès réalisés et les efforts actuellement déployés en vue de mettre en œuvre les appels à l’action 79 à 83, qui portent sur les mesures de commémoration publique à l’égard de l’histoire et du legs des pensionnats autochtones.

M. Guilbeault [ - ]

Nous avons parmi nous des collègues du ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord. Comme vous le savez, le ministère du Patrimoine canadien est responsable d’une partie de ces dossiers, mais je prierais nos collègues de répondre à la question sur les autres appels à l’action.

Mandy McCarthy, directrice, Politiques, planification et rapports, Convention de règlement et revendication à l’enfance, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada [ - ]

Merci, monsieur le ministre. Malheureusement, je vais devoir vous proposer de vous répondre par écrit. L’appel à l’action no 79 relève de Parcs Canada.

Le sénateur Francis [ - ]

Je vous remercie. Je n’ai plus de question.

La sénatrice Bovey [ - ]

Merci, monsieur Guilbeault, d’être avec nous aujourd’hui pour discuter de cet important projet de loi que j’appuie sans réserve.

« Il ne peut y avoir de réconciliation sans vérité. » Ce sont les paroles de l’ancien sénateur et président de la Commission de vérité et réconciliation, l’honorable Murray Sinclair. On a aussi souvent rapporté qu’il avait dit : « C’est l’éducation qui nous a mis dans ce pétrin, et c’est l’éducation qui nous en sortira. »

À mon avis, les galeries d’art et les musées du Canada sont capables de jouer un rôle prépondérant pour faire connaître la vérité à propos des pensionnats autochtones, et ils devraient le faire. Le 30 septembre pourrait être un jour spécial d’activités de commémoration.

Pensez-vous que le projet de loi C-5 permettra à tous les Canadiens de comprendre les horreurs des pensionnats et les profondes douleurs que vivent toujours les survivants et tous les Autochtones du Canada, en plus de contribuer au cheminement vers une réconciliation véritable?

M. Guilbeault [ - ]

Merci beaucoup pour la question, sénatrice Bovey. Il est évident que le projet de loi C-5 ne suffira pas pour concrétiser la réconciliation, c’est le moins qu’on puisse dire, mais il constitue un pas important dans la bonne direction.

La Journée du chandail orange est célébrée depuis de nombreuses années maintenant, le 30 septembre. Il s’agit d’un exemple remarquable de journée commémorative non officielle. Ce jour-là, les Canadiens sont encouragés à porter un chandail orange pour rendre hommage aux enfants qui ont survécu aux pensionnats et pour se souvenir de ceux qui n’ont pas survécu.

Comme je l’ai dit plus tôt, cette journée est inspirée du vécu de Phyllis Webstad, mais elle est devenue un symbole de l’acculturation, de l’asservissement et de la perte d’estime de soi que subissent les enfants autochtones depuis des générations. Comme je l’ai dit, le budget de 2021 prévoit 7 millions de dollars sur deux ans, mais il prévoit également 13,4 millions de dollars sur cinq ans pour des activités visant à rappeler l’histoire et les séquelles des pensionnats et à honorer les survivants, leur famille et leur communauté.

À titre de ministre du Patrimoine, il va sans dire que je compte sur la participation de tous les éléments du secteur des arts et de la culture au Canada. Vous savez certainement mieux que la plupart d’entre nous dans cette enceinte que l’art peut être un puissant outil de communication, de changement et de participation. En fait, de nombreux artistes et musées se sont déjà mis à l’œuvre. Je songe notamment à une récente exposition au Musée des beaux-arts de Winnipeg. De nombreux représentants du milieu des arts et de la culture témoignent déjà de ce chapitre de notre histoire. Si le gouvernement fédéral prête main-forte et soutient davantage de ces initiatives à l’échelle du Canada, nous parviendrons certainement à la réconciliation.

La sénatrice Bovey [ - ]

J’imagine que le fait d’aider les conservateurs autochtones à exposer leurs œuvres contribuerait à faire de ces histoires une réalité.

M. Guilbeault [ - ]

Je suis tout à fait d’accord avec vous.

La sénatrice Bovey [ - ]

Je vous remercie, monsieur le ministre.

Le sénateur Patterson [ - ]

Je vous remercie de votre présence, monsieur le ministre. Le sénateur Francis, parrain du projet de loi, a indiqué au Sénat hier que quelque 80 000 travailleurs fédéraux avaient participé à des séances portant sur le système d’éducation dans le cadre de la Commission de vérité et réconciliation. Ces séances de formation sont-elles obligatoires? Qui les organise et les anime? Qui a contribué à la rédaction des documents pédagogiques et a assuré l’uniformité à l’échelle du gouvernement?

Je le demande, parce qu’à mon avis, la ministre Jordan et ses fonctionnaires ont manqué de respect envers les aînés et les sénateurs autochtones. Par exemple, on a indiqué au Sénat que la proposition réfléchie faite à la ministre par mon collègue et sénateur mi’kmaq est restée lettre morte.

Il me semble qu’il faudrait en faire davantage pour assurer une compréhension vaste et uniforme des questions autochtones à l’échelle des ministères. Je vous remercie.

M. Guilbeault [ - ]

Merci, sénateur. Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à votre question. Je laisserai peut-être mes collègues du ministère du Patrimoine canadien ou du ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord y répondre.

Avant de le faire, je dirai que je suis d’accord avec vous. Je pense que c’est quelque chose qui devrait être fait, si ce n’est pas déjà le cas. Nous avons entrepris une telle initiative au ministère du Patrimoine canadien. En fait, il y a quelques semaines, nous avons organisé une séance avec nulle autre que Phyllis Webstad, durant laquelle elle nous a fait part de son expérience en tant qu’élève et survivante d’un pensionnat autochtone. Elle nous a dit ce qui avait inspiré le mouvement populaire de la Journée du chandail orange. J’espère certes que tous les ministres, les employés des bureaux des ministres et le personnel des ministères pourront participer à de telles séances de sensibilisation.

Madame Sajous, je ne sais pas si vous pouvez répondre à la question du sénateur.

Le sénateur Patterson [ - ]

Cette réponse me suffit pour l’instant, monsieur le ministre. J’ai d’autres questions, si vous le permettez.

Lorsque vous êtes intervenu au sujet de ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture à l’autre endroit, vous avez dit espérer que, lorsqu’on célébrera cette journée dans les écoles, il y aura des cérémonies, des discussions avec des aînés et d’autres activités. Vous avez dit que cette journée pourrait devenir semblable au jour du Souvenir.

Quelles ressources prévoyez-vous consacrer à la coordination de cet objectif avec les provinces et les territoires, vu que, comme on le sait, l’éducation est de leur ressort?

M. Guilbeault [ - ]

Selon moi, il y a deux possibilités, qui ne sont pas mutuellement exclusives. Le budget 2021 prévoit essentiellement 20 millions de dollars en argent frais pour collaborer avec des organisations dans cet objectif. Ces organisations ont déjà des partenariats avec des enseignants, des écoles et, dans certains cas, des conseils scolaires partout au pays. Même si cela ne fait pas nécessairement partie des programmes scolaires officiels, cela se fait. En débloquant plus de ressources pour un plus grand nombre d’organisations autochtones dans tout le pays, on créera sûrement un effet multiplicateur. Mais vous avez raison, cela ne fait pas partie des programmes scolaires officiels.

En ce qui concerne la seconde partie de la question et la collaboration avec les provinces et les territoires pour encourager cela, je dirai, encore une fois, que nous ne pouvons que les encourager. Je suis, cependant, personnellement convaincu que nous pouvons arriver à une entente pour modifier nos livres d’histoire afin que les enfants canadiens, les miens et tous les enfants canadiens, apprennent cette partie de notre histoire. Il y a une approche un peu plus formelle et directe et une autre un peu plus indirecte, mais nous avons probablement besoin des deux.

Le sénateur Patterson [ - ]

Merci, monsieur le ministre. Nous avons parlé d’argent aujourd’hui et du budget. J’ai une question brève à laquelle vous devriez pouvoir facilement répondre et qu’il serait important de consigner au procès-verbal.

Combien cela coûtera-t-il de payer aux fonctionnaires et aux employés des sociétés d’État leurs indemnités de vacances ou leurs heures supplémentaires pour cette journée?

M. Guilbeault [ - ]

Sénateur, je n’ai pas les chiffres avec moi.

Stephen Diotte, directeur exécutif, Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor [ - ]

Monsieur le ministre, je peux vous prêter assistance à cet égard.

Le coût permanent annuel pour la fonction publique est de 165,9 millions de dollars. La plus grande partie de cette somme, soit près de 90 %, représente la perte de productivité découlant du fait que les gens ne pourront pas travailler ce jour-là. Le reste est attribuable à la rémunération des employés dont le milieu de travail est fonctionnel 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, tel que Services correctionnels Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada ou l’équipage et les officiers des navires de la Défense nationale ou de Pêches et Océans Canada. En tout, cela représente un coût permanent de 165,9 millions de dollars.

Le sénateur Patterson [ - ]

Voilà une réponse utile. Merci, monsieur.

Qu’en est-il des sociétés d’État? Devront-elles donner congé à leurs employés? Quel en serait le coût? Le calcul a-t-il été fait?

M. Diotte [ - ]

La modification du Code canadien du travail s’appliquerait à la fonction publique fédérale ainsi qu’aux employeurs sous réglementation fédérale. Par conséquent, elle inclut les sociétés d’État et les employeurs fédéraux.

Je n’ai pas les chiffres pour les entreprises du secteur privé ni pour les sociétés d’État. Elles sont indépendantes du Conseil du Trésor. Nous pourrions obtenir ce renseignement pour vous.

Le sénateur Patterson [ - ]

Seront-elles avisées des attentes et leur donnera-t-on la chance d’en évaluer elles-mêmes les coûts?

M. Diotte [ - ]

Oui.

Le sénateur Patterson [ - ]

Merci.

Monsieur le ministre, la première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation sera célébrée dans moins de quatre mois et je pense que nous nous attendons à ce que le projet de loi C-5 soit adopté aujourd’hui. Quels sont les plans de votre ministère pour le 30 septembre 2021? Votre ministère prévoit-il une attribution de fonds pour cette occasion?

M. Guilbeault [ - ]

Comme je l’ai dit tout à l’heure, je pourrais vous donner quelques exemples de projets qui sont déjà financés. J’ai parlé plus tôt du projet de commémoration des victimes du pensionnat de Kamloops que mon ministère a financé en juin dernier. Une partie du projet est déjà en cours.

Comme vous l’avez souligné, entre l’adoption du projet de loi C-5 et les fonds prévus dans le budget de 2021, il faudra que le Conseil du Trésor élabore des lignes directrices. Nous espérons que cela se fera rapidement afin que nous puissions verser des fonds au cours de l’été en vue de nous préparer pour la première Journée nationale officielle de la vérité et de la réconciliation et de soutenir les organisations et les communautés autochtones dans l’ensemble du Canada. Il s’agit de notre objectif.

Le sénateur Patterson [ - ]

Merci.

Nous sommes saisis d’un projet de loi réclamé par la Commission de vérité et réconciliation, mais je crains qu’il ne profite principalement aux fonctionnaires, étant donné le manque de planification et de ressources. J’ai posé une question concernant le financement disproportionné destiné aux congés payés des fonctionnaires fédéraux.

Je m’interroge sur les progrès accomplis relativement à un autre appel à l’action dans la province qui est sous votre responsabilité. Il s’agit de l’appel à l’action no 15, où l’on demande la nomination d’un commissaire aux langues autochtones. Comme vous le savez, bien que la nomination était prévue dans le projet de loi C-91, qui a été adopté au cours de la dernière législature, aucune nomination n’a encore été annoncée.

Monsieur le ministre, je dois vous demander ceci : comment pouvons-nous croire que les initiatives d’éducation et de commémoration — lesquelles sont nécessaires, je crois que nous en convenons tous, à l’efficacité du projet de loi — seront bien conçues et adéquatement financées, alors que tant d’engagements comme la nomination d’un commissaire aux langues autochtones sont retardés ou laissés en plan?

M. Guilbeault [ - ]

C’est une question légitime, sénateur.

Le sénateur Patterson [ - ]

Merci.

M. Guilbeault [ - ]

À titre de ministre responsable, j’étais censé mener des consultations auprès des communautés autochtones du pays au printemps de l’an dernier pour la nomination du futur commissaire aux langues autochtones et de ses trois directeurs. De toute évidence, à cause de la pandémie, ces consultations ont été reportées jusqu’à l’automne dernier, mais elles ont bel et bien eu lieu.

Nous avons mis en place un comité de sélection, qui était composé en grande partie de représentants de diverses nations autochtones au pays et de linguistes. Le comité m’a fourni leur liste de recommandations pour les postes du commissaire et des directeurs. Je suis heureux de vous apprendre que, au cours des prochaines semaines, nous aurons de bonnes nouvelles à ce chapitre.

Le sénateur Patterson [ - ]

Merci. Qujannamik.

La sénatrice Dupuis [ - ]

Merci, monsieur le ministre Guilbeault, d’être parmi nous aujourd’hui pour discuter de ce projet de loi sur la création d’une journée de la vérité et de la réconciliation.

Il me semble qu’il s’agit d’un symbole important que de créer une journée particulière de réflexion consacrée aux valeurs de notre société en ce qui concerne la vérité et la réconciliation. Je suis préoccupée — je pense que vous l’avez dit vous-même d’entrée de jeu — parce que la nouvelle de l’inhumation des enfants non identifiés en Colombie-Britannique est brutale. Toutefois, cela dévoile également une autre réalité qui est aussi brutale, c’est-à-dire que ce sont des enfants qu’on a privés d’une inhumation digne. De plus, on a privé leurs familles de la possibilité de célébrer des rituels d’inhumation, de deuil, qui sont des pratiques fondamentales pour les sociétés humaines. On n’a pas beaucoup entendu parler de cet aspect.

Dans l’expression « Journée de la vérité et de la réconciliation », il y a en fait deux termes : vérité et réconciliation. Quand on a mis sur pied la Commission de vérité et réconciliation, on s’est engagé dans un mécanisme international. Le sénateur Tannas a fait référence à l’Afrique du Sud. On comprend très bien ce que représente la Commission de vérité et réconciliation en Afrique du Sud. Il y a eu des événements extrêmement graves et on a choisi d’adopter des mesures de justice transitionnelle pour créer des espaces de discussion, des forums de confrontation comprenant des points de vue opposés, des perspectives différentes.

Que comptez-vous prendre comme mesure pour que cette vérité soit non seulement exprimée, mais aussi entendue et reconnue, pour faire en sorte qu’on puisse passer à un processus de réconciliation? Vous avez des budgets, vous l’avez dit clairement, mais comment allez-vous faire pour relier ces deux pôles dans le cadre de cette journée de vérité et de réconciliation?

M. Guilbeault [ - ]

Merci beaucoup, madame la sénatrice. C’est une question importante. Votre premier point porte sur l’attribution des rituels, sur ce que les pensionnats ont représenté pour de nombreuses familles autochtones, et c’est un point très important. On voit à quel point ces rituels sont importants dans toutes nos sociétés. On le vit à une bien moindre échelle depuis environ un an, alors que plusieurs sociétés partout sur la planète ont été privées de nombreux rituels en raison de la pandémie. Je pense que cela nous donne un petit aperçu de cette réalité.

Vous avez également raison de dire qu’il ne peut y avoir de réconciliation sans vérité. Notre rôle, à Patrimoine canadien, est vraiment de soutenir les organisations, les communautés et les nations dans leur désir, leur façon de commémorer cette journée. Pour ce qui est du volet « vérité », peut-être que je pourrais me tourner vers mon collègue de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (RCAANC).

La ministre Bennett a fait une annonce récemment sur la façon dont le gouvernement fédéral entend soutenir les communautés autochtones qui voudront faire ce que la communauté de Kamloops a fait, c’est-à-dire avoir recours à une technologie très avancée pour pouvoir être en mesure de trouver la vérité en ce qui concerne l’ensemble des pensionnats autochtones, partout au pays. Je vais demander à nos collègues de RCAANC de vous donner des précisions à ce sujet.

La sénatrice Dupuis [ - ]

Monsieur le ministre, puis-je vous poser une autre question?

M. Guilbeault [ - ]

Bien sûr.

La sénatrice Dupuis [ - ]

Vous avez fait référence à deux reprises au fait que vous êtes un père. Vous avez des enfants qui fréquentent l’école. Vous n’avez pas appris ces choses-là à l’école. Je suis une mère; j’ai deux filles qui n’ont pas non plus appris ces choses à l’école, mais à la maison. J’ai essayé, sans succès, d’amener les comités d’école à concevoir des projets de correspondance scolaire, des projets qui auraient pu créer des liens entre les enfants des écoles urbaines et ceux qui vivent dans des réserves indiennes.

Ma question est la suivante. On sait que la vérité s’exprime aussi sur le plan individuel. Vous exercez une fonction ministérielle et vous nous parlez de millions de dollars, mais vous êtes également père de famille.

En tant que père d’enfants qui fréquentent l’école, qu’est-ce que vous vous engagez à faire pour inciter les écoles de vos enfants à favoriser un véritable apprentissage qui, en plus de se faire en classe avec les professeurs, se ferait en jumelant les enfants avec des enfants autochtones?

M. Guilbeault [ - ]

C’est une excellente question. J’ai des enfants qui sont plus âgés, dont une qui n’est plus à l’école. Mes plus jeunes fréquentent des écoles qu’on pourrait facilement qualifier de très progressistes et ouvertes sur ces questions. Dans certaines écoles, il y a déjà eu des projets de coopération et d’apprentissage de la culture autochtone, qui ne traitaient pas nécessairement de toute la réalité autochtone et de celle des pensionnats, mais dans le cadre desquels des gens ont été invités en classe. Cela ne se fait pas nécessairement sur le plan que vous avez évoqué, avec des programmes de correspondance, par exemple, mais plusieurs gestes ont été posés.

Je comprends et je reconnais que ce ne sont pas nécessairement toutes les écoles qui ont cette ouverture à l’autre, à la différence et à la diversité.

La sénatrice Dupuis [ - ]

C’est la raison pour laquelle je vous pose la question à vous, comme individu. Vous êtes un citoyen, et vos enfants fréquentent des écoles. Je pense que, à tous les échelons, en tant que citoyens d’une municipalité, nous devons nous demander ce que nous pouvons faire en ce qui concerne nos conseils municipaux.

C’est pour cela que je vous interpelle comme individu, parce que vous avez aussi une responsabilité. Certains se fient au fait que vous ferez quelque chose, ou peut-être que vous ne ferez rien, mais je crois que vous avez un rôle exemplaire à jouer à ce point de vue.

La présidente [ - ]

Sénatrice Dupuis, il reste deux minutes et demie, et je crois que la sénatrice Miville-Dechêne aimerait poser une question.

La sénatrice Miville-Dechêne [ - ]

Monsieur le ministre, merci d’être avec nous. Je vais poursuivre dans la même veine en disant que cette journée représente un symbole important visant à admettre que des atrocités ont été commises envers tout un peuple et à aller de l’avant. Toutefois, au-delà du symbole, comme nous sommes tous les deux du Québec, comment pensez-vous que ce jour férié pour les employés sous juridiction fédérale contribuera à changer les mentalités chez nous?

En effet, même s’il y a eu 12 pensionnats autochtones au Québec pendant une cinquantaine d’années, des mythes circulent selon lesquels le Québec a peut-être été, dans son histoire, moins inhumain que les autres provinces dans son traitement des populations autochtones. Donc — et je sais que c’est une question difficile —, comment peut-on corriger ces mythes?

M. Guilbeault [ - ]

Fondamentalement, je pense que le plus grand mérite de cette journée, mis à part le fait que les gens pourront profiter d’un jour férié, c’est d’apprendre et de nous rappeler. Le fait d’avoir ce symbole, cette journée nationale, permettra à des gens de partout au pays de prendre conscience de ce chapitre de notre histoire et de le démystifier. Vous avez raison de dire que le Québec a ses propres mythes sur ces questions, et il faudra s’y attaquer.

On ne peut pas faire l’autruche et prétendre que c’est partout au pays, mais pas chez nous, au Québec. J’ai été très heureux de voir le premier ministre Legault signer l’entente avec les autres premiers ministres provinciaux et territoriaux ainsi qu’avec le premier ministre.

Je ne nie pas le fait que nous devons tous cheminer sur cette question. Le gouvernement fédéral a une responsabilité beaucoup plus importante que bien d’autres acteurs en ce qui a trait à cette question. Par ailleurs, il faut quand même se rappeler que plusieurs des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation s’adressent également aux provinces et aux territoires, qui ont aussi un rôle à jouer. Sans l’ombre d’un doute, le gouvernement fédéral a des responsabilités, mais les provinces et les territoires en ont tout autant.

La sénatrice Martin [ - ]

Merci, monsieur le ministre, et merci à mes collègues des nombreuses questions qu’ils ont posées. Moi aussi, j’appuie ce projet de loi et son objectif. J’ai bien écouté vos réponses, monsieur le ministre.

D’abord, j’ai en main les renseignements provenant des séances d’information de l’année dernière concernant le projet de loi C-5. Les fonctionnaires qui avaient informé les députés et les sénateurs avaient parlé des coûts directs qu’entraînerait pour le gouvernement du Canada l’ajout d’une journée de congé pour les employés sous réglementation fédérale. Ces coûts se chiffraient à 300 millions de dollars et à 400 millions de dollars par année de façon récurrente. En outre, Derrick Hynes, le directeur général de l’association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale, l’ETCOF, a estimé que le coût pour les employeurs sous réglementation fédérale avoisinerait les 3,6 milliards de dollars.

J’essaie de comprendre l’écart dans les chiffres qu’on nous donne aujourd’hui. Je crois que le fonctionnaire a dit qu’on parlait plutôt de 100 millions de dollars, mais dans les documents d’information que j’ai en main, on parle du double. Pourriez-vous préciser quel sera le coût?

M. Diotte [ - ]

Oui. Le chiffre que vous avez concerne les employeurs sous réglementation fédérale, ce qui concerne la fonction publique fédérale, les sociétés d’État et le secteur privé. Les chiffres que j’ai donnés en réponse à votre question concernent le coût pour le gouvernement fédéral en ce qui a trait à la fonction publique fédérale. Comme je l’ai dit, ce coût atteindrait 165,9 millions de dollars par année de façon récurrente.

Quant aux chiffres que vous avez obtenus de l’ETCOF, si je ne m’abuse, et qui représentent à peu près le double du montant que je viens de donner, rien n’indique qu’ils aient changé, mais ce n’est pas le genre de données que nous avons en main. Il faudrait s’informer pour les obtenir. Je pense que ce serait le Programme du travail qui pourrait nous les donner.

La sénatrice Martin [ - ]

Je crois qu’on peut dire qu’il s’agit de beaucoup d’argent pour les contribuables canadiens. Il est très important de faire correctement les choses, surtout pour cette première journée, puisqu’elle servira de précédent aux futures journées nationales.

En tant qu’ancienne éducatrice, je connais le genre de coordination qui est nécessaire ne serait-ce que pour une seule école. J’essaie de m’imaginer la coordination de cette journée pour tout le pays. Le 30 septembre arrivera dans quelques mois à peine.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si l’on s’attend à ce que les entreprises et les ministères fédéraux organisent leurs propres événements? Vous avez parlé de certaines initiatives qui ont été mises sur pied, mais pouvez-nous nous dire jusqu’à quel point elles ont déjà été préparées? Peut-être y a-t-il une présentation ou avez-vous eu des rencontres.

Vous avez dit que la lettre de mandat de chacun des ministères contenait quelque chose à cet égard. Il faudrait donc une coordination interministérielle. En seriez-vous à la tête? Quelles rencontres ont déjà eu lieu pour préparer la célébration du 30 septembre? Il faut de quatre à six mois pour planifier un mariage. Il s’agit d’une journée nationale de grande importance. J’essaie de comprendre ce qui a déjà été préparé jusqu’à maintenant.

M. Guilbeault [ - ]

Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Je répète que nous convenons tous qu’il s’agit d’un des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Je ne m’attends pas à ce que tout soit parfait cette année. Ce sera une première. Pas plus tard que la semaine dernière, nous en étions encore à espérer que le projet de loi C-5 se concrétise. Nous sommes maintenant plus certains que ce sera le cas. Nous allons évidemment mettre les bouchées doubles afin que cette journée soit la plus réussie possible cette année.

Il est important de se rappeler que notre objectif est vraiment d’être là pour soutenir les organismes, les communautés et les nations autochtones. Il n’est pas question que le gouvernement fédéral se lance dans toutes sortes de projets en faisant cavalier seul. Nous voulons être des partenaires, soutenir ces organismes et travailler avec eux. C’est l’une des demandes que nous avons entendues très clairement dans le cadre des consultations. Les Autochtones veulent que ce dossier soit dirigé par des Autochtones.

Bien sûr, vous avez raison : nous devons faire en sorte que les fonctionnaires fédéraux y participent, sans oublier les ministres et les ministères. Je n’ai pas dit que le projet de loi C-5 faisait partie de la lettre de mandat de tous les ministres. C’est plutôt la réconciliation qui se trouve dans toutes les lettres de mandat.

Douglas Wolfe, directeur principal, Direction de la politique stratégique, de l’analyse et de l’information sur les milieux de travail, Programme du travail, Emploi et Développement social Canada [ - ]

Les estimations que je vais donner ont été faites par le Programme du travail. Nous estimons que pour les employeurs assujettis à la réglementation fédérale, les coûts seraient d’environ 223 millions de dollars annuellement. Merci.

La sénatrice Martin [ - ]

Monsieur le ministre, je crois comprendre que ces projets seront dirigés par des organisations de premier plan, mais elles auront des limites, et nous vivons dans un très grand pays. Vous disiez que, dans certaines écoles au Québec, pas toutes peut-être, ce genre de choses est déjà organisé. Je sais qu’en Colombie-Britannique, il y a déjà beaucoup de travail de fait. Les enseignants sont très actifs.

Je voudrais attirer votre attention sur une organisation qui pourrait être un partenaire important pour le gouvernement. Il s’agit d’une organisation nouvellement créée. C’est un groupe national d’éducateurs en études sociales appelé le Réseau des éducateurs en sciences sociales du Canada. Il y en a dans toutes les provinces et les territoires, car l’éducation relève de leur compétence. Il s’agit d’enseignants qui ont formé des associations et ont des réseaux intégrés à toutes les écoles. J’espère que vous êtes au courant et que vous travaillez avec ce genre de partenaires, en particulier parce que l’éducation est de compétence provinciale et qu’elle demande beaucoup de coordination. Ce que je voulais dire, c’est que, bien sûr, ce sont les communautés autochtones qui en prendront la direction, mais le gouvernement fédéral doit apporter son soutien sous toutes sortes de formes. Je voulais savoir ce qui a été fait jusqu’à ce jour, car en matière d’éducation, il ne suffit pas de claquer des doigts et voilà. Cela doit être très bien coordonné.

M. Guilbeault [ - ]

Merci, madame la sénatrice. Comme je l’ai dit plus tôt, nous nous efforçons d’appuyer les organismes qui collaborent déjà avec des commissions scolaires dans l’ensemble du Canada. En ce qui concerne l’intégration officielle dans les différents programmes scolaires provinciaux et territoriaux, il faudra évidemment travailler avec les provinces et les territoires pour y parvenir. Il ne revient pas au gouvernement fédéral de le faire; cela ne relève pas de la compétence fédérale. Partout au pays, je pense que nous constatons maintenant une prise de conscience qui n’existait pas nécessairement il y a quelques semaines ainsi qu’une volonté d’agir. Je travaillerai sur ce dossier avec mes homologues fédéraux, provinciaux et territoriaux au cours des semaines et des mois à venir.

La sénatrice Martin [ - ]

Je comprends que la tâche est complexe et qu’elle prendra du temps, mais la prise de conscience et la volonté sont distinctes du plan qui est en place. J’aimerais juste satisfaire ma curiosité au sujet des préparatifs.

Cela dit, monsieur le ministre, le 30 septembre est un jeudi. Ensuite, il y a évidemment la fin de semaine qui suit. Est-ce que toutes les initiatives dont vous parlez auront lieu ce jeudi-là?

M. Guilbeault [ - ]

C’est ce qu’on vise.

La sénatrice Martin [ - ]

Enfin, la lettre de mandat de votre collègue la ministre du Travail, indique qu’elle doit déposer un projet de loi pour créer un nouveau jour férié fédéral, soit le Jour de la famille. Je connais les chiffres pour ce jour férié national. Le gouvernement instaurera-t-il deux nouveaux jours fériés pour les fonctionnaires fédéraux et les personnes qui travaillent dans des entreprises sous réglementation fédérale? Prévoit-on aussi un deuxième jour de la famille?

M. Guilbeault [ - ]

Je ne sais pas si un représentant du ministère de ma collègue pourrait répondre à la question. Dans la négative, nous pouvons certainement vous fournir une réponse par écrit, madame la sénatrice.

M. Wolfe [ - ]

Je peux répondre à la question, si vous le voulez. Oui, le jour de la famille fédéral fait certainement partie de la lettre de mandat de la ministre du Travail, et on prévoit toujours l’instaurer en temps et lieu.

La présidente [ - ]

Nous passons maintenant à la prochaine période de 10 minutes. La sénatrice Pate partagera son temps de parole avec la sénatrice McPhedran.

Je cède mon temps de parole à la sénatrice McCallum.

La sénatrice McCallum [ - ]

Je vous remercie, sénatrice Pate. Je ne l’ai appris qu’hier soir. Avec cette nouvelle qui s’ajoute à la découverte des corps, j’en perds mes mots. Les Premières Nations de Kamloops ont lancé, en 2012, un recours collectif auquel 105 Premières Nations participent à ce jour. Il s’agit de la première poursuite portant sur les conséquences de la séparation des communautés et la suppression des cultures et des langues. Le gouvernement fédéral nie toute responsabilité juridique et soutient que la perte de la langue et de la culture était une conséquence inéluctable de la doctrine chrétienne. Le gouvernement admet que les écoles avaient pour objectif l’assimilation des Autochtones, mais il refuse toute responsabilité pour l’acculturation et l’assimilation linguistique. Le procès devrait commencer en septembre 2022. Pourriez-vous nous dire comment vous avez tenu compte de cet enjeu dans une optique de réconciliation? Merci.

M. Guilbeault [ - ]

Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Ce dossier ne fait pas partie de mon portefeuille, de toute évidence. Je peux toutefois dire que le gouvernement fédéral reconnaît sa responsabilité. Le premier ministre a souvent répété que, selon nous, chaque enfant devrait être indemnisé équitablement, et c’est à cela que nous travaillons. Je ne sais pas si quelqu’un pourrait vous fournir plus de détails. Un représentant de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada ou de Services aux Autochtones serait peut-être mieux placé que moi pour répondre à votre question de manière détaillée. Une personne de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada était avec nous plus tôt; je ne sais pas si elle est encore présente.

Mme McCarthy [ - ]

Oui, nous pourrons fournir une réponse écrite à ce sujet après la rencontre.

La sénatrice McCallum [ - ]

Je vous remercie.

La sénatrice McPhedran [ - ]

Je vais raccourcir ma question en espérant que la sénatrice Pate ait suffisamment de temps. Monsieur le ministre, je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui. Cela montre à quel point le projet de loi est important pour l’âme collective du pays, tout comme la publication aujourd’hui du Plan d’action national pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones disparues et assassinées. Il marque, comme l’a dit la ministre Bennett, le début d’un processus transformateur.

Ma question porte sur le long processus de mise en œuvre des 94 appels à l’action, mais en particulier sur la journée qui a été désignée et le projet de loi. Il y a un écart entre ce que le gouvernement affirme avoir accompli et ce que CBC/Radio-Canada a relevé. Nous savons cependant que le projet de loi désigne enfin la journée, mais, monsieur le ministre, cela fait trois ans que le premier ministre a annoncé une journée nationale, en 2015. De surcroît, un an auparavant, une députée du NPD, Mme Jolibois, avait présenté un projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-369.

Le projet de loi C-5 a franchi l’étape de l’étude en comité en novembre dernier et rien n’a été fait pendant près de six mois, puis il y a eu d’autres retards, ce qui fait que nous en sommes saisis aujourd’hui seulement. Monsieur le ministre, aidez-nous à comprendre les raisons de ces retards.

M. Guilbeault [ - ]

Je vous remercie pour votre question, monsieur le sénateur.

Comme vous l’avez si judicieusement fait remarquer, j’ai fait référence à Georgina Jolibois et à son travail lors de la législature précédente dans ce dossier, où le projet de loi est mort au Feuilleton alors qu’il était parvenu au Sénat. Je suis très heureux de constater que les choses semblent se passer différemment cette fois-ci. En toute honnêteté, dès que cela m’a été possible, j’ai présenté ce projet de loi en utilisant la version précédente, comme l’avait fait Mme Jolibois la dernière fois.

En toute honnêteté, j’avoue qu’il a été difficile de franchir les étapes à la Chambre des communes. Je travaille sur un autre projet de loi qui est bloqué à l’étape de l’étude par le comité. Nous n’avançons pas parce que les membres d’un parti en particulier ne veulent pas que ce projet de loi aboutisse. Le gouvernement est minoritaire. Dans ce contexte, il est plus difficile pour un projet de loi de franchir les étapes dans l’autre endroit.

Cela dit, je suis très heureux que la Chambre des communes ait adopté à l’unanimité le projet de loi C-5 à l’étape de la troisième lecture la semaine dernière. Nous n’avons pas pu le faire plus vite. Cependant, le voilà devant vous. Encore une fois, je suis très heureux que le Sénat ait décidé de l’adopter rapidement afin d’éviter qu’encore une fois, il ne meure au Feuilleton pendant son étude par le Sénat.

Merci à vous tous. Je vais passer directement aux questions. En 2009, lorsque la Commission de vérité et réconciliation a réclamé des ressources pour la recherche des sépultures anonymes, comme celles qui viennent d’être découvertes, sa demande a été refusée. Le gouvernement a prévu des ressources dans le budget de 2019 et je constate que l’on vient juste d’annoncer que ces ressources seront distribuées.

Quels autres processus sont en place pour que les enquêtes soient menées de manière à ne pas imposer aux communautés et aux peuples autochtones la responsabilité de mener des enquêtes dans des endroits qui pourraient fort bien être des scènes de crimes?

Deuxièmement, le gouvernement divulguera-t-il tous les documents du gouvernement et de l’Église afin de faciliter les recherches qui sont en cours pour retrouver les enfants disparus ou assassinés? Merci.

M. Guilbeault [ - ]

Merci, sénatrice. Pour ne pas perdre de temps, je vais céder la parole à ma collègue de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada. Je n’ai pas les informations que vous demandez.

Mme McCarthy [ - ]

Merci beaucoup, madame la présidente et monsieur le ministre.

Oui, vous avez raison, des fonds ont été affectés à la mise en œuvre des appels à l’action 72 à 76 concernant l’identité des enfants et l’emplacement des sépultures. Un montant total de 33,8 millions de dollars y a été affecté pour les trois prochaines années.

Au cours de l’été et de l’automne derniers, nous avons mené de vastes consultations à distance à l’échelle nationale, et plus de 200 organismes autochtones invités ainsi que plus de 140 participants y ont pris part. Nous avons tenu 15 séances pendant lesquelles nous avons entendu à maintes reprises que les communautés veulent que le gouvernement fédéral les aide à mettre en œuvre ces appels à l’action en veillant à ce que les initiatives soient menées par les communautés et axées sur les survivants, et en offrant les outils, les ressources et l’expertise que les communautés leur demanderont pour soutenir les survivants et leurs familles.

Nous pourrions peut-être obtenir une réponse par écrit pour avoir d’autres détails sur les raisons pour lesquelles les initiatives doivent être menées par les communautés. Je comprends l’idée de concevoir des approches axées sur les survivants, mais habituellement, les enquêtes sur les lieux d’un crime relèvent aussi de l’État.

Par ailleurs, j’aimerais avoir une réponse à la question concernant la publication de documents. Si le temps ne nous le permet pas, une réponse par écrit serait fort utile. Merci beaucoup.

M. Guilbeault [ - ]

Nous pouvons certainement fournir une réponse par écrit. Toutefois, pour répondre à votre première question, où vous me demandiez pourquoi nous faisons cela, je vous dirais que c’est ce que les communautés nous ont demandé. Pour ce qui est de la deuxième question, nous devrons fournir la réponse par écrit. Merci, madame la sénatrice.

Le sénateur Klyne [ - ]

Monsieur le ministre, merci d’être ici avec nous aujourd’hui. En établissant une journée nationale de la vérité et de la réconciliation, le projet de loi C-5 répond à l’appel à l’action 80 de la Commission de vérité et réconciliation. Pour expliquer l’importance de cette mesure, la commission a écrit :

Les survivants ont partagé leurs souvenirs avec le Canada et le monde entier pour que la vérité ne soit plus niée. [...] Ils veulent que les Canadiens sachent, se souviennent, se soucient et changent.

L’établissement d’une journée nationale pourra dorénavant contribuer à la diffusion de l’histoire du Canada comme récit collectif national, ce qui procurera à tous les Canadiens une meilleure chance d’apprendre la vérité, qui est le fondement de toute réconciliation. Cet exercice s’avère particulièrement important pour les Canadiens à qui l’on a enseigné mensonges et racisme au cours de leurs années formatrices. À cet égard, le projet de loi C-5 offre à tous l’occasion de s’instruire.

Ironie du sort, il se pourrait bien que les enfants soient la clé de la réconciliation et du changement.

Les jeunes ont le cœur et l’esprit ouverts non seulement à l’apprentissage de la véritable histoire de la tragédie infligée par les générations précédentes, mais également à la richesse des histoires et des cultures des nations autochtones, qui remontent à des milliers d’années avant la colonisation.

Forts de cette vérité, les jeunes autochtones peuvent apprendre leur langue et renouer avec leurs cérémonies, ce qui leur insuffle un sentiment d’appartenance, une fierté et une conscience du legs familial. Ils sentent qu’ils triomphent de l’injustice et qu’ils ont leur place dans le monde d’aujourd’hui.

Les jeunes non autochtones peuvent également découvrir la richesse de l’histoire et des cultures de leurs voisins et trouver une source universelle d’inspiration dans ce qui sera, selon moi, un combat victorieux pour le respect des droits ancestraux des Autochtones au Canada.

Tout cela permettrait aux jeunes Canadiens s’unir pour créer la société demain, une société meilleure.

Pourriez-vous nous parler de l’importance de l’éducation et des programmes scolaires, de l’importance des commémorations publiques pour favoriser la compréhension et la fierté au sein de la fédération canadienne quant à la véritable nature de cette dernière et quant au fait qu’il s’agit d’une nation formée de nombreuses nations?

M. Guilbeault [ - ]

Monsieur le sénateur, c’est une question très importante. Je crois que seule l’éducation nous permettra d’arriver à la réconciliation. Il est impossible d’adopter une loi contre le racisme; ce serait peut-être plus facile si nous pouvions le faire, mais c’est impossible. La solution passe par l’éducation et je suis d’accord avec vous, ce sont les enfants qui nous amèneront jusqu’à la réconciliation si on leur enseigne la véritable histoire du Canada sans essayer de cacher des choses, même si elles font partie d’un pan douloureux et difficile à accepter de notre histoire. Je crois que cela fera d’eux de meilleurs citoyens mieux renseignés qui seront mieux outillés que nous l’étions, voire mieux outillés que nous le sommes présentement, pour travailler à l’atteinte de la réconciliation.

Le sénateur Klyne [ - ]

Monsieur le ministre, de nombreux éléments font que l’histoire mise en lumière par la découverte faite à Kamloops est une tragédie déchirante. La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation nous permettra de commémorer les divers éléments de cette tragédie.

Elle sera également l’occasion de célébrer les héros canadiens qui se sont illustrés lors de ce chapitre sombre. Je parle des survivants. Leur courage et leur résilience ont permis de faire ressortir la vérité, malgré toutes les épreuves et la souffrance qu’ils ont vécues. Les survivants ont obtenu une victoire juridique grâce à la convention de règlement issue de la Commission de vérité et réconciliation, et leur témoignage a mis le Canada face à la vérité. Comme l’indique le rapport de la commission, « leur victoire mérite d’être célébrée. »

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire comment, d’après vous, la journée nationale nous aidera à célébrer le courage des survivants qui ont raconté leur histoire et le legs qu’ils auront laissé en tant que héros de l’histoire du Canada?

M. Guilbeault [ - ]

Dans mes observations, j’ai parlé à quelques reprises de Phyllis Webstad, une survivante qui a lancé le mouvement populaire de la Journée du chandail orange. Mme Webstad est un bel exemple des héros dont vous parlez.

Il y a beaucoup de héros de ce genre au Canada, et la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation peut nous servir d’outil pour découvrir qui ils sont ainsi que pour célébrer et souligner le leadership dont ils ont fait preuve et le travail qu’ils ont accompli au fil des ans et, dans bien des cas, au fil des décennies.

Le sénateur Klyne [ - ]

Merci.

La sénatrice Omidvar [ - ]

Je vous remercie d’être avec nous aujourd’hui, monsieur le ministre. Comme vous le savez probablement fort bien, il n’y a que deux segments de la population canadienne qui connaissent une croissance : la population autochtone et la population immigrante du Canada. Pourtant, l’espace qui les sépare, dans tous les sens du terme, est immense.

Comment votre ministère collaborera-t-il avec le ministère de l’Immigration et les milliers de communautés d’immigrants au pays pour fournir des programmes de sensibilisation et d’éducation appropriés afin que les nouveaux Canadiens fassent aussi partie de la démarche de réconciliation?

M. Guilbeault [ - ]

Merci. Vous avez clairement raison. Il s’agit d’un élément important de notre démarche de réconciliation, sur lequel nous devons travailler. Il est vrai que, dans bien des cas, les nouveaux immigrants ne connaissent pas le passé du Canada. C’est certainement quelque chose que nous devons améliorer.

Comme je l’ai mentionné tout à l’heure, absolument tous les ministres, notamment mon collègue le ministre Mendicino et moi, ont la responsabilité de faire avancer la réconciliation avec les Autochtones. Nous travaillerons de concert pour faire en sorte que les nouveaux immigrants découvrent le passé du Canada, y compris certaines des périodes troubles concernant notre relation avec les peuples autochtones.

La sénatrice Omidvar [ - ]

Je vous remercie de votre réponse, mais je pense qu’il s’agit toujours d’une réponse essentiellement idéaliste. Je vous dirai que les communautés d’immigrants en savent très peu sur l’histoire autochtone du Canada et que les problèmes liés à l’établissement qui surviennent au cours des premières années l’emportent sur toute autre considération, à moins que le gouvernement n’ait l’intention délibérée d’instiller l’éducation dans les cours de langue, les programmes de citoyenneté et j’en passe.

Je vous laisse avec une préoccupation au sujet de la cohésion sociale. Vous êtes le ministre du Patrimoine; vous êtes responsable de la cohésion sociale. Vous devez faire tout ce qui est en votre pouvoir pour rapprocher ces deux communautés.

M. Guilbeault [ - ]

Merci, madame la sénatrice. Le gouvernement a clairement manifesté son intention lorsqu’il a présenté le projet de loi et fait en sorte de créer cette journée et de fournir des fonds aux organismes dans l’ensemble du pays à cette fin.

Je conviens toutefois avec vous que nous avons beaucoup de chemin à faire. Il y a tellement de choses à faire. Les points que vous avez soulevés sont très importants. Pour que la réconciliation soit un succès, nous devrons aborder ces points avec toute l’énergie et la détermination qu’ils méritent.

La sénatrice Omidvar [ - ]

Merci.

La présidente [ - ]

Honorables sénateurs, le ministre est avec nous depuis maintenant 95 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis maintenant obligée d’interrompre les délibérations.

Monsieur le ministre, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joint à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi. Je tiens également à remercier vos fonctionnaires.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que les témoins ont été entendus?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président [ - ]

Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

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